Les États-Unis soutiennent les bombardements saoudiens au Yémen

L’ambassadeur saoudien aux États-Unis, Adair Al Jubeir, a annoncé le mercredi 25 mars depuis Washington que son pays avait lancé des frappes aériennes contre les positions rebelles houthistes à l’intérieur du Yémen en coordination avec les Emirats arabes unis, le Koweït, Bahreïn et Qatar. Il a dit que l’Arabie saoudite et d’autres pays de la coalition s’apprêtaient à « protéger et à défendre le gouvernement légitime » du président Rabbu Mansour Hadi.

Jubeir a déclaré que l’Arabie saoudite ferait « tout ce qu’il faut » pour maintenir Hadi au pouvoir.

Les frappes saoudiennes sont soutenues par l’administration Obama, qui a publié une déclaration indiquant que les Etats-Unis fournissaient « un soutien logistique et de renseignement. » Une offensive terrestre impliquant 150 000 troupes saoudiennes est également en cours de préparation.

Des frappes aériennes ont été signalées à l’aéroport de Sanaa et à la base militaire d’Al Dulaimi. Mohammed al-Bukhaiti, un membre du bureau politique houthiste d’Ansarullah, a averti que les frappes aériennes déclencheraient une « grande guerre » dans la péninsule arabique. « Les Yéménites sont un peuple libre et ils vont affronter les agresseurs. Je vous rappellerai que le gouvernement saoudien et les gouvernements du Golfe vont regretter cette agression », a déclaré Bukhaiti à Al Jazeera.

Selon des responsables américains, l’Arabie saoudite a également placé de l’artillerie lourde et d’autres équipements militaires à sa frontière avec le Yémen. Les autorités saoudiennes ont présenté leurs plans pour des frappes aériennes contre des cibles houthistes et un blocus naval des voies d’approvisionnement lors d’une réunion des princes et des ministres de la Défense des Etats du Golfe. Le ministre des Affaires étrangères de l’Arabie saoudite, le Prince Saud Al Faisal, a déclaré aux journalistes plus tôt dans la semaine que son pays était prêt à « prendre les mesures nécessaires dans cette crise pour protéger la région ».

La guerre civile au Yémen a, avec ces derniers évènements, pris ouvertement le caractère d’un conflit régional, impliquant à la fois l’Arabie Saoudite et l’Iran. La monarchie saoudienne sunnite appuie maintenant ouvertement Hadi comme le dirigeant légitime du pays, tandis que l’Iran à majorité chiite a appelé Hadi à céder le pouvoir et donne son soutien aux houthis qui appartiennent à la secte chiite zaydite de l’Islam.

Ces dernières années, l’Arabie saoudite, qui reçoit le soutien militaire des Etats-Unis, a fait des incursions militaires dans les pays voisins pour y réprimer des soulèvements populaires chiites. À la fin de 2009, l’armée saoudienne avait lancé des opérations contre les milices houthistes à l’intérieur du Yémen en coordination avec le gouvernement de l’ancien président et dictateur de longue date Ali Abdullah Saleh. La monarchie saoudienne a également envoyé des troupes à Bahreïn en Mars 2011 pour y réprimer les manifestations de la majorité chiite du pays contre la dictature du roi sunnite Hamad bin Issa bin Salman Al Khalifa.

Une lettre envoyée par Hadi au Conseil de sécurité des Nations Unies a demandé mardi 24 mars l’adoption d’une résolution soutenant « tous les moyens nécessaires, y compris une intervention militaire, pour protéger le Yémen et son peuple de l’agression houthiste continue. »

Assiégé, Hadi aurait quitté le Yémen le 25 mars au moment où les combattants rebelles houthistes, soutenus par des unités de l’armée fidèles à l’ancien président Saleh, ont saisi la base aérienne d’Al Anad dans la province de Lahj, ainsi que l’aéroport international d’Aden et le siège de la banque centrale.

Selon le Wall Street Journal, Hadi a fui Aden sur un bateau avec l’aide d’un cortège de responsables diplomatiques saoudiens pour échapper à un assaut houthiste imminent. Des informations relatant le départ de Hadi ont été démenties par le chef de la sécurité nationale yéménite, le général Ali Al Ahmadi, qui a dit à Reuters, « Il est ici, il est ici, il est ici. Je suis maintenant avec lui dans le palais. Il est à Aden ».

Jusqu’à leur évacuation le 23 mars, les soldats des forces spéciales américaines et européennes avaient utilisé la base aérienne d’Al Anad pour coordonner les opérations militaires et lancer des frappes de drones contre des membres d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP) dans le sud et l’est du Yémen.

Les Houthis ont saisi la base alors qu’ils avançaient vers le sud en direction de la ville portuaire d’Aden, où Hadi avait fui après avoir échappé à la détention à domicile à Sanaa en février. Le président avait été contraint d’annoncer sa démission et la dissolution du gouvernement après que les Houthis ont pris le contrôle du palais présidentiel en janvier.

Les rebelles houthistes, qui avaient pris le contrôle de la capitale Sanaa en septembre 2014, ont commencé leur avance au sud la semaine dernière après que des combats ont éclaté à Aden entre des forces loyales à Saleh et à Hadi pour le contrôle de l’aéroport international.

L’avance de mercredi a mis l’enceinte, où Hadi avait rassemblé des forces encore fidèles dans une tentative de reprendre le contrôle du pays, à la portée des frappes des Houthis. Des avions de chasse de l’armée de l’air yéménite fidèle à Saleh ont mitraillé l’enceinte pendant plusieurs jours.

La perte de la base aérienne d’Al Anad en plein effondrement du régime fantoche américain dirigé par Hadi est la dernière débâcle en date de la politique étrangère impérialiste américaine après l’Irak, la Syrie et la Libye. L’intervention désastreuse de l’impérialisme américain au Yémen a exacerbé, jusqu’à explosion, les tensions sectaires qui couvaient depuis longtemps, et a ainsi déstabilisé complètement ce pays arabe profondément appauvri.

Al Anad était l’un des sites clés utilisés par l’armée américaine et la CIA pour lancer des frappes de drones à l’intérieur du Yémen. Selon les estimations du Bureau of Investigative Journalism, la guerre des drones, qui a commencé sous la direction du président américain Barack Obama en 2009, avec l’assentiment du président d’alors Saleh, a tué plus de mille personnes. Les frappes de drones, massivement impopulaires, ont également été soutenues par Hadi qui est arrivé au pouvoir en 2012, après l’éviction de Saleh suite à des manifestations de masse.

Après que les rebelles houthistes ont pris le contrôle de Sanaa, le Pentagone a travaillé à établir des relations avec eux afin de continuer des frappes de drones contre des militants présumés d’Al-Qaïda (AQAP). La dernière frappe signalée s’est produite le 1er mars dans la province de Bayda, tuant trois personnes. C’était dans une zone où les militants houthistes avaient combattu des membres de l’AQAP.

Le Pentagone, admet qu’il a perdu la trace d’armes et de matériel pour une valeur de plus de $500 millions durant les combats en cours. Des responsables militaires américains ont dit récemment lors d’audiences à huis clos au Congrès, qu’ils ne savaient absolument pas si ce matériel était tombé dans les mains de combattants houthistes ou encore de militants d’Al-Qaïda. « Nous devons présumer que cela [armes et matériel] est entièrement compromis et a disparu, » a dit un assistant parlementaire au Washington Post.

Parmi le matériel fourni au gouvernement yéménite par les Etats-Unis depuis 2007 et qui a maintenant été perdu, se trouvent 200 fusils M-4, plus d’un million de munitions, 160 Humvees, et quatre hélicoptères Huey II. Une quantité inconnue d’armes et de matériel fourni par la CIA et le Pentagone par le biais de programmes secrets a également été perdue.

 Niles Williamson

 

Article original, WSWS, publié le 26 mars 2015



Articles Par : Niles Williamson

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