Les Frères musulmans et le plan de protection d’Israël

Ce n’est plus un secret, les événements qui secouent la région du Moyen-Orient ont pour but de protéger Israël des graves répercussions de la défaite du projet américain en Irak. Et tout ce que fait l’alliance occidentale, conduite par les États-Unis, dans la cadre dudit « Printemps arabe », s’inscrit dans ce cadre. (silviacattori.net)

Ce n’est plus un secret, les événements qui secouent la région du Moyen-Orient ont pour but de protéger Israël des graves répercussions de la défaite du projet américain en Irak. Et tout ce que fait l’alliance occidentale, conduite par les États-Unis, dans la cadre dudit « Printemps arabe », s’inscrit dans ce cadre.

Le deal conclu entre les États-Unis et la Confrérie des Frères musulmans a été dévoilé au Caire par le secrétaire d’État adjoint américain pour les Affaires du Proche-Orient, Jeffrey Feltman, qui n’a fait que confirmer ce que les observateurs avaient déjà deviné en analysant les déclarations des chefs du mouvement islamiste dans plusieurs pays arabes et musulmans.

Sont venus ensuite s’inscrire dans ce même cadre les déclarations du président du Conseil national syrien d’Istanbul, Burhan Ghalioun, qui a fait tomber le masque en affirmant que l’opposition s’emploierait, si elle accède au pouvoir, à rompre les liens avec l’Iran et les mouvements de résistance libanais et palestinien. M. Ghalioun a rejeté la lutte armée pour libérer le Golan occupé, qui doit se faire, selon lui, à travers la négociation.

Mais il y a plus grave encore : les dirigeants des Frères musulmans syriens ont révélé leurs vraies intentions en affirmant que s’ils prenaient le pouvoir, ils enverraient l’armée syrienne au Liban pour combattre le Hezbollah. C’est-à-dire qu’ils se porteraient volontaires pour la mission qu’Israël avait échoué à accomplir en 2006, malgré le soutien d’une trentaine de pays arabes et occidentaux.

Ces prises de positions de mouvements et de personnalités qui prétendent représenter « la légitimité populaire » s’inscrivent parfaitement dans le cadre des politiques américaines dont le but principal est de protéger l’État hébreu.

Et ce n’est pas un hasard. Cela confirme ce que nous écrivons dans ce bulletin depuis plus de sept mois. D’ailleurs, les centres de recherches occidentaux sont de plus en plus nombreux à le signaler et l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, l’a clairement dit lors d’une conférence donnée à Beyrouth la semaine dernière : « Les États-Unis soutiennent les Frères musulmans », avait-il dit.

Cela explique en grande partie la méfiance du patriarche maronite Mgr Béchara Raï à l’égard du « Printemps arabe », qui risque de se solder, selon lui, par un morcellement du Proche-Orient en entités confessionnelles, ce qui servirait les intérêts d’Israël, et fait planer de sérieuses menaces sur la présence des chrétiens et des autres minorités religieuses dans cette région.

Le blanc seing à l’arrivée des islamistes au pouvoir en Tunisie, en Libye et, maintenant, en Égypte, devrait convaincre ceux qui doutent encore des réelles intentions de l’Occident, mené par les États-Unis.

La tentative de détruire l’État national syrien et de morceler le pays constitue l’une des principales pièces de ce puzzle que l’Occident tente de rassembler. C’est pour cela qu’il ferme les yeux sur les crimes commis en Syrie par les groupes armés extrémistes, auxquels il accole maintenant l’étiquette de « déserteurs », moins répugnante aux yeux de l’opinion publiques occidentale que salafistes ou extrémistes musulmans.

Dominée par les États-Unis, inconsciente des répercussions qu’elle risque de subir, l’Europe déroule le tapis rouge à cette mouvance islamiste, considérée il y a peu comme un grave danger.

La tendance en Syrie : Le pouvoir sûr de lui, l’opposition dans la confusion

L’évolution des événements en Syrie ne peut être dissociée du contexte régional et international. Le pouvoir a accepté de signer le protocole élaboré par la Ligue arabe sur l’envoi d’observateurs, en totale coopération avec la Russie. D’ailleurs, des sources diplomatiques russes au Liban affirment que la Russie ne compte pas lâcher le régime syrien, et cet appui est pour Moscou une question stratégique. Ces assurances sont contraires aux prévisions de responsables de la coalition pro-occidentale du 14-Mars.

Face à l’appui russe à la Syrie, il devient difficile de renverser le régime militairement, en dépit des préparatifs effectués dans ce but en Turquie, au Liban et, dans une moindre mesure, en Jordanie. Par contre, les pressions sur la Syrie vont se poursuivre, surtout à l’approche de la fin du retrait américain d’Irak. Les Américains voudraient provoquer des troubles pour détourner l’attention générale de ce retrait et de l’atmosphère de défaite qui l’entoure. De plus, les troubles en Syrie sont destinés à remplacer l’attaque militaire contre l’Iran qui devient de plus en plus difficile dans ce climat de crise et avec les problèmes financiers qui agitent l’Europe et les États-Unis.

La situation en Syrie est donc appelée à rester instable, et même si le régime a finalement décidé de signer le protocole de la Ligue arabe, celle-ci trouvera sans doute d’autres angles pour maintenir les pressions. Toutefois, les sanctions de la Ligue arabe auraient renforcé le sentiment patriotique chez les Syriens, ce peuple ayant beaucoup de fierté nationale. De plus, les Frères musulmans ayant été pratiquement éradiqués du pays dans les années 80, ils n’ont pas eu le temps d’acquérir une grande assise populaire et ils se voient contraints à porter les armes et à commettre de véritables massacres pour marquer leur présence.

En parallèle, les déclarations du chef du Conseil national syrien d’Istanbul, Bourhan Ghalioun, contre l’Iran, le Hezbollah et le Hamas, ont choqué une grande partie de la population syrienne. Des rumeurs sur une rencontre qui se serait tenue en octobre à Washington entre des responsables de l’administration américaine, un représentant du CNS et un responsable israélien ont commencé à circuler. Selon ces rumeurs, le représentant du CNS aurait réclamé de l’aide financière, une reconnaissance diplomatique de la part de la communauté internationale et une intervention militaire contre son propre pays.

Sur le terrain, les actes de violence se poursuivent, ainsi que les manifestations contre et en faveur du régime. Mais celui-ci a réussi à embarrasser la Ligue arabe en se déclarant prêt à signer le protocole pour l’envoi d’observateurs. Le processus devrait prendre quelques jours, voire des semaines, alors que les développements dans l’ensemble de la région restent plus ou moins incontrôlables et que la situation demeure instable en Égypte, à Bahreïn et au Yémen.

Les États-Unis auraient discrètement sollicité l’ouverture d’un dialogue avec l’Iran, mais la République islamique aurait opposé un refus sans nuance à cette demande. Par contre, Téhéran aurait demandé l’ouverture d’un dialogue avec l’Arabie saoudite, laquelle a aussi rejeté la suggestion. C’est dire que pour l’instant, les canaux de négociations restent bloqués sur le double plan régional et international.

La situation interne en Syrie est solide, alors que le plan de créer une zone tampon à la frontière avec la Turquie bat de l’aile. Sans parler du fait que la Russie exerce à son tour des pressions sur la Turquie qui a, elle aussi, un tissu social fragilisé. Le Premier ministre turc Recep Tayyeb Erdogan lève le ton à l’égard de la Syrie car il cherche à cacher son incapacité à agir sur le terrain.

Déclarations de Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah

« Voici un message à tous ceux qui conspirent contre la Résistance et misent sur un changement. Nous n’envisagerons jamais d’abandonner nos armes. Jour après jour, la résistance recrute plus de combattants, forme de meilleurs combattants et les arme de plus en plus lourdement.

Les États-Unis de chercher à détruire la Syrie pour compenser leur défaite en Irak. Les États-Unis ont essayé de se faire passer comme des défenseurs des droits de l’Homme et de la démocratie dans le monde arabe. Ces hypocrites sont connus pour avoir soutenu toutes les dictatures et les avoir reniées immédiatement après leur chute. Ca, c’est la marque de Satan.

L’opposition syrienne est soumise aux États-Unis et à Israël. Depuis le tout début, nous avons dit clairement que nous nous tenons au côté du régime syrien, un régime de résistance contre Israël. Elle veut détruire la Syrie. Le soi-disant Conseil national syrien, formé à Istanbul, et son leader Burhan Ghalioun tentent de présenter leurs lettres de créance aux États-Unis et à Israël. Les propos de certains selon lesquels les armes de la Résistance sont à l’origine du chaos, des remous, ou d’une certaine inquiétude sécuritaire au Liban, sont une duperie. Avez-vous jamais vu au Liban un problème sécuritaire ou une guerre civile pendant lesquels sont tirés des missiles Zelzal, Raad ou Khaybar. Les armes légères sont présentes aux mains de tous les Libanais. Si l’on veut la sécurité à l’intérieur, il faut réfléchir à résoudre le problème de ce type d’armes. »

Extraits d’une interview de Jeffrey Feltman, secrétaire d’État adjoint américain pour le Proche-Orient au quotidien proche du 14-Mars Al-Joumhouria, le 8 décembre

« Le meilleur moyen d’éviter une guerre civile en Syrie, c’est la démission de Bachar al-Assad maintenant. Il faut également que la mafia sécuritaire qui l’entoure cesse de tuer la population. Nous savons que l’avenir de la Syrie doit reposer sur l’autorité de la loi et de la démocratie. Je suis sûr que les Libanais approuveront les décisions de la Ligue arabe, de l’Union européenne et des États-Unis pour examiner et trouver des moyens pacifiques afin de mettre un terme à la barbarie en Syrie.

Nous souhaitons recourir au Conseil de sécurité si l’initiative arabe n’aboutit pas. Si Bachar al-Assad n’est pas responsable des violences comme il le prétend, pourquoi refuse-t-il ainsi que son entourage l’arrivée d’observateurs dans son pays pour découvrir qui est la partie qui en est responsable ?

Plus vite Assad démissionnera, mieux sera la situation. Le président Obama avait rappelé le 18 août qu’il est temps qu’Assad s’en aille et qu’on assiste à une transition pacifique et démocratique du pouvoir.

L’armée syrienne, à qui il a été demandé de quitter le territoire libanais, occupe aujourd’hui le territoire syrien. Le retour de l’ambassadeur Ford à Damas n’est pas un cadeau à Bachar al-Assad. C’est l’une des façons de montrer notre soutien au peuple syrien et d’obtenir des informations plus précises sur la situation en Syrie.

Ce qui se passe en Syrie ne doit pas s’étendre au Liban. Les responsables libanais ont expliqué que leur principal objectif est de protéger le Liban des événements en Syrie. Il appartient au chef du gouvernement et aux responsables libanais de trouver le moyen idéal de protéger le Liban. En même temps, nous pensons que le Liban doit également contribuer à trouver les moyens nécessaires pour faire cesser les violences (…)

Nous ne traitons pas avec le Hezbollah, une organisation qui ne suit pas les règles démocratiques même si elle a une grande assise populaire. Lorsque ces règles l’arrangent, le Hezbollah s’y soumet, mais dans le cas contraire, il a recours à la force et aux armes pour imposer sa volonté. La décision du Premier ministre Mikati de verser la contribution libanaise au budget du TSL n’a pas été prise pour les États-Unis ou un autre pays mais pour le Liban. Nous saluons cette décision qui prouvera à la communauté internationale que le Liban respecte ses engagements internationaux. »

New Orient News (Liban)
Rédacteur en chef : Pierre Khalaf (*)
Tendances de l’Orient No 61, 12 décembre 2011.

Pierre  Khalaf : Chercheur au Centre d’Etudes Stratégiques Arabes et Internationales de Beyrouth.



Articles Par : Pierre Khalaf

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