Les JO rallument la flamme du terrorisme de l’information

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Ainsi, personne ne va se pencher (personne n’en a jamais eu l’intention) sur la question de la suspension du relais planétaire de la flamme olympique. Les rumeurs à ce sujet se sont répandues dans un espace global de l’information extrêmement pollué, alors que les participants de la 16e Assemblée générale de l’Association des Comités nationaux olympiques (ACNO) commençaient à affluer à Pékin. Mais ils y sont arrivés en poursuivant des objectifs bien différents. A la veille de cet événement, Jacques Rogge, président du Comité international olympique, a déclaré à Paris que le CIO n’avait pas l’intention de renoncer au relais de la flamme olympique, malgré que les manifestants antichinois aient essayé de l’entraver et d’éteindre la flamme (ce qu’ils ont fait à maintes reprises) à Londres et à Paris.

Ainsi, la flamme olympique poursuit la route qui l’amènera jusqu’à Pékin, où les XXIXes Jeux olympiques d’été se dérouleront comme prévu et, espérons-le, avec succès.

Mais on peut d’ores et déjà tirer des conclusions sur ce qui est permis et ce qui ne l’est pas dans notre monde, à une époque de changement des joueurs clés sur l’Olympe des grandes puissances.

Les gouvernements des grands Etats du monde actuel ne peuvent plus et ne veulent plus se faire la guerre les uns les autres, ni même lutter pour les places de demain sur l’Olympe: plus près ou plus loin de son sommet. C’est pourquoi le président américain George W. Bush ou encore le premier ministre britannique Gordon Brown ont, au jour d’aujourd’hui, l’intention de se rendre en août à Pékin pour assister à l’ouverture des Jeux olympiques (même si le président français Nicolas Sarkozy a déjà laissé entendre que le boycott de la cérémonie d’ouverture des Jeux était envisageable en fonction de la situation autour du Tibet).

Mais cela ne concerne que les gouvernements. En revanche, les organisations soi-disant non gouvernementales sapent considérablement les positions des puissances concurrentes. La guerre pour le monde de demain se présente comme suit: la plus puissante arme des prétendants au leadership mondial – comme par exemple la Chine – est l’économie. Puisqu’elle est maintenant mondialisée, une crise en Chine, mais même en Thaïlande, par exemple, peut toucher les Etats-Unis et l’Europe. L’information est l’arme préférée des puissances qui perdent le leadership mondial, ce que prouvent les tentatives de mettre des bâtons dans les roues à la Chine, organisatrice des Jeux olympiques, et de pousser Pékin à la faute.

D’ailleurs, de semblables phénomènes ont déjà eu lieu, par exemple, à la veille et au cours de la guerre en Yougoslavie en 1999, lorsque la liberté de la presse a, de façon inattendue, uniformisé le tableau informationnel: les terroristes du Kosovo, assassins et voleurs de terres, se sont avérés être des combattants pour la liberté, et les Serbes, l’exact opposé, etc. Voilà qui fut une bonne leçon pour tous ceux qui avaient alors foi dans la présentation honnête des faits et la libre concurrence des opinions.

L’arme informationnelle n’est pas moins sale et amorale que le terrorisme, parce que, dans les deux cas, on se sert de gens qui ne comprennent pas ce qu’ils font ni ce qui se produit effectivement. Que peut-on faire à une fragile Européenne ignare qui exige « la liberté pour le Tibet » et qui tente d’éteindre la flamme olympique? On ne peut tout de même pas la matraquer. Elle croit sincèrement que les autorités chinoises ne réagissent pas aux « souffrances du peuple tibétain ». C’est le résultat d’une propagande sale et stupide d’autres organisations non gouvernementales, propagande destinée à des ignorants qui sont enclins à le rester.

La civilisation euro-américaine a porté à la perfection cet art cynique de se servir des citoyens indignés qui fondent bénévolement des organisations non gouvernementales à leurs frais. S’ils ne soutiennent pas ceux qui « souffrent » dans telle ou telle région du monde, Européens ou Américains auront tout simplement l’impression que quelque chose leur manque. Leur noble énergie est habilement utilisée dans une « guerre alternative » contre les concurrents globaux. Parfois, c’est une guerre réelle, qui apporte la mort et cause des souffrances qui n’ont rien de virtuel. Il est temps d’élaborer une convention sur l’interdiction des guerres informationnelles, comme contre les mines antipersonnel.

Une question se pose: pourquoi les organisateurs de ces campagnes n’ont-ils pas peur? Le fait est qu’il y a dans le monde environ 170 « Tibets », c’est-à-dire des régions où il est possible de créer artificiellement un mouvement ethnique pour la séparation d’avec tel ou tel Etat. Une partie de ces « Tibets » se trouve même en Europe et aux Etats-Unis.

La réponse est très simple. Si la civilisation occidentale a fait des jeux informationnels un grand art, en revanche, pour la civilisation chinoise et plusieurs autres, l’information fait partie d’un rituel confucianiste ennuyeux supposant la prononciation de paroles justes au bon moment. Ces paroles prononcées à l’occasion de tel ou tel événement ennuient profondément les Occidentaux: « la clique du dalaï-lama », « l’exercice normal des rites religieux »… A quel siècle vivons-nous?

Les Chinois auraient pu créer il y a longtemps un réseau d’ONG dans le monde entier qui auraient fait savoir que Pékin ne perçoit pas d’impôts sur le Tibet, que la croissance économique y est de 12% depuis plusieurs années et que le niveau de vie y dépasse la moyenne de la Chine, ou encore que 200 supermarchés ruraux y sont en construction. Mais qui les entendra aujourd’hui? Pourtant, c’est la vérité, à la différence des propos sur un « génocide au Tibet ».

Enfin, il est inconcevable qu’un groupe d’organisations non gouvernementales chinoises créées à l’avance lance une campagne sous le mot d’ordre « Libérez le Texas, boycottez les Jeux olympiques aux Etats-Unis ». Et ce n’est pas qu’une telle provocation soit impossible à orchestrer, cela est bel et bien possible, et même, avec des désordres à Houston. Mais le fait est que les Chinois ne savent pas le faire.


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Articles Par : Dmitri Kossyrev

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