Les médias britanniques sont en train de nous conditionner pour une attaque contre l’Iran
Brusquement, les Anglais ressentent l’invasion insinuante d’une idée : celle de l’attaque contre l’Iran. Sur Radio 4 cette semaine, l’éditorialiste politique de la BBC Nick Robinson réunissait une table ronde flamboyante de 45 minutes sur le thème : « Comment réagiraient les Britanniques si les USA et l’Israël se décidaient à bombarder l’Iran ». L’émission de mercredi dernier a été rediffusée, et classée dans la rubrique : « que se passerait-il si… »
Le lendemain matin, Anatole Kaletsky, du Times, pondait un papier sur les projets de Blair conjointement avec USA, Israël et Arabie Saoudite, pour écraser l’Iran. Hier c’est le Spectator qui a fait un pas de plus. En couverture, il déclare qu’Israël projette des frappes nucléaires afin de stopper l’industrie atomique iranienne. Il ne s’agit plus de savoir si mais quand Israël va lâcher ses missiles et bombardiers, nous dit-on.
De quoi s’agit-il ? Les faits, pour autant que nous le sachions, basés sur les enquêtes et les sources primaires, sont les suivants : Les Israéliens, selon le think tank (laboratoire d’idées) stratégique de l’université de Tel-Aviv, ont déclaré le mois dernier que la seule façon d’empêcher l’Iran de se doter d’armement nucléaire opérationnel était une frappe militaire. Il ne reste que quatre ou cinq mois pour passer à l’acte, et si les USA n’aident pas Israël pour ce faire, Israël s’en chargera tout seul. Le vice-président Dick Cheney est acquis à cette idée, et il est en train d’essayer de convaincre George Bush.
Les militaires US ont dessiné leurs plans d’attaque, selon les sources de renseignement britanniques. Mais les chefs des trois forces armées ont recommandé à Bush de n’en rien faire. « Les USA n’ont pas d’agents de renseignement fiables sur le terrain en Iran », m’a dit récemment un haut gradé britannique à la retraite.
Popeye Turbo, c’est le nom des missiles de croisière à tête nucléaire que les Israéliens peuvent lancer à partir des sous-marins Dolphin fournis par l’Allemagne, comme ils l’ont fait, « à titre d’essai » en 2000.
Comme je l’ai indiqué le 1er novembre, l’État-major britannique a demandé aux services de renseignement leur avis sur les projets israéliens d’attaques contre les sites nucléaires iraniens. Leur rapport a estimé que cela causerait des centaines de milliers de pertes en vies humaines.
Les Israéliens et leurs partisans qui continuent à défendre leur projet argument qu’ils ont bien réussi à torpiller les projets d’armement nucléaire de Saddam avec leur bombardement préventif de la centrale d’Osirak dans la banlieue de Bagdad en 1981. En fait, selon l’un des spécialistes du nucléaire de Saddam, Jafar Dia Jafar, le raid a surtout servi à encourager Saddam à accélérer la mise en place de son programme, plus qu’à y mettre un terme.
Tony Blair aussi croit à l’action. Il a demandé publiquement à Dubai le mois dernier : « Quand est-ce que vous allez faire quelque chose pour contrer les projets iraniens ? » Et personne, ni Blair ni les invités de Radio 4 ne s’est posé la question des conséquences d’une attaque conte l’Iran.
En fait, toute frappe éventuelle couperait le passage du pétrole dans le Golfe, ce qui entraînerait une récession mondiale. L’Iran peut parfaitement attaquer les gisements de gaz et les installations en bout de chaîne, bloquant de la sorte environ un tiers de l’approvisionnement mondial en gaz. En retour, cela pourrait provoquer un conflit global, et faire de la Russie la superpuissance en matière d’énergie.
Le panel de Nick Robinson n’était nullement ému par le désastre qu’ils envisageaient, ce qui ne nous étonne pas de la part de trois des intervenants, Stephan Wall et Jeremy Greenstock qui était jadis au Foreign Office, outre l’ancien secrétaire conservateur aux Affaires étrangères Malcolm Rifkind, dont les efforts pour faire la paix dans les Balkans sous John Major menèrent à un virage lugubre depuis des positions modérées.
Les deux autres étaient Reuel Marc Gerecht, l’un des faucons les plus sains d’esprit de l’American Enterprise Institute, qui était le seul à remettre en question la faisabilité d’une frappe usraélienne sur l’Iran, et GeorgePascoe-Watson.
Qui est George Pascoe ? C’est le nouvel éditorialiste du Sun. Que faisait-il donc dans le symposium « hypothétique » de Robinson sur la Troisième Guerre Mondiale ? Sa contribution principale a été de dire qu’une attaque contre l’Iran serait « un scoop, une nouveauté colossale que tout journaliste adorerait pouvoir couvrir ». Sa présence semblait sortir tout droit du manuel de Alaistair Campbell (conseiller de Tony Blair, NdR) sur la doctrine du « spin » (la diversion systématique).
Nos mentors politiques et patrons de la BBC sont en train de mijoter quelque chose. Dieu fasse que je me trompe, mais je crains bien que ce ne soit pas le cas. Commencez à dérouler vos banderoles, amis contestataires, et préparez-vous à quelques manifs.
Original: http://www.thefirstpost.co.uk/index.php?menuID=1&subID=1019&p=1
Traduit de l’anglais par Maria Poumier et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.