Les mensonges et l’hypocrisie des Etats-Unis à propos de Gaza

« Environ 300 vies innocentes ont été prises, des hommes, des femmes, des enfants, même des bébés, qui n’avaient rien à voir avec la crise en Ukraine. Leur mort représente un scandale aux proportions indicibles. » Déclaration du président Barack Obama sur le crash en Ukraine.

« La guerre c’est rude, et je l’ai dit publiquement, et je l’ai redit. Nous défendons le droit d’Israël de faire ce qu’il fait… » – Réponse donnée par le secrétaire d’Etat John Kerry à une question posée sur le massacre de plusieurs centaines de civils à Gaza.

« Et de même que la société a évolué jusqu’ici dans des oppositions de classes, la morale a été constamment une morale de classe… » – Friedrich Engels, Anti-Dühring.

Au cours de la semaine passée, les gouvernements et les médias occidentaux ont bombardé l’opinion publique mondiale d’hypocrisie et de mensonges à un tel degré qu’on ne trouve que peu de précédents dans l’histoire.

C’est ce qui saute aux yeux lorsqu’on compare la réaction à la mort des 298 passagers et membres de l’équipage dans le crash de l’avion de ligne malaisien en Ukraine à la réponse donnée au meurtre d’un nombre deux fois plus important de personnes dans l’attaque incessante menée par l’armée israélienne à Gaza.

Dans le cas du crash de l’avion en Ukraine, la Russie et les forces anti-Kiev luttant en Ukraine orientale ont été inculpées de meurtre de masse sans que l’ombre d’une preuve n’ait été fournie. Telle est la position adoptée par le gouvernement Obama – reprise par une presse en phase avec la version officielle – pratiquement depuis le premier article publié sur l’écrasement du Boeing 777 le 17 juillet.

Dans sa déclaration initiale faite à la Maison Blanche, Obama avait décrit les morts survenus lors du crash comme « déchirantes », les avait qualifié de « perte terrible » et de « scandale aux proportions indicibles. » Les médias ont emboîté le pas en établissant les profils de victimes et en publiant des articles sur les manifestations de deuil aux quatre coins du monde.

Quelles qu’en soient les causes, la mort de 298 personnes innocentes est une terrible tragédie. Mais quel contraste par rapport à la réaction d’une insensibilité effarante qu’ont eue Washington et les médias à l’égard du massacre de Gaza, financé par les Etats-Unis, et dont le bilan est sur le point d’atteindre le chiffre de 700 morts palestiniens. L’écrasante majorité d’entre eux sont des civils sans défense dont l’identité, pour beaucoup d’entre elles, n’est pas enregistrée; la douleur de leurs proches est elle, généralement ignorée.

Interviewé dans l’émission d’informations « This Week » de la chaîne de télévision ABC, le secrétaire d’Etat américain Kerry a rejeté les accusations selon lesquelles la tuerie de masse à Gaza était un massacre et un crime de guerre en déclarant de façon méprisante, « C’est une rhétorique que j’ai entendue maintes et maintes fois. » Il a ajouté, « la guerre, c’est moche et des choses terribles vont se produire forcément. »

Ainsi, le même gouvernement qui se lamente au sujet des morts du vol MH17 en proférant les accusations les plus provocatrices de responsabilité morale contre la Russie est pleinement complice des morts à Gaza. Il donne à l’Etat sanguinaire qui est directement responsable – Israël – non seulement son aval politique mais encore un blanc-seing pour continuer le massacre.

Au moment où ces événements terribles se produisent, ni Washington ni les médias occidentaux n’interrompent un instant leurs campagnes de propagande pour recadrer les contradictions grotesques que renferment leurs réponses disparates face à ces deux drames humains.

Dans le code juridique il existe la règle des « mains sales » qui dit que toute personne recherchant un recours en justice doit être innocente de tout tort par rapport à l’objet du recours en question. Si jamais une telle doctrine est applicable au domaine de la politique mondiale, alors elle est applicable au gouvernement américain.

De tous les gouvernements du monde, Washington est celui qui a le moins le droit de sermonner qui que ce soit en fait de morale. Non seulement le gouvernement Obama est directement complice du bombardement et de la destruction sans relâche des maisons, des hôpitaux, des mosquées et des êtres humains à Gaza, mais le gouvernement américain a encore exécuté lui-même au cours de ces dernières décennies au Moyen-Orient des opérations militaires qui ont coûté la vie à un nombre de personnes allant de 500.000 à un million, la grande majorité d’innocents civils.

Compte tenu du bilan des Etats-Unis et de l’Ukraine, le principal partenaire de Washington pour accuser Moscou de la catastrophe de l’avion malaisien, il y a de bonnes raisons pour retourner les soupçons contre ceux qui accusent.

Tout d’abord, ces deux gouvernements sont capables d’abattre des avions de ligne civils. L’incident précédent le plus récent a eu lieu en octobre 2001 lorsque l’armée ukrainienne a tiré un missile sur un avion de la compagnie Siberia Airlines à destination d’Israël, tuant ses 78 occupants.

De leur côté, les Etats-Unis sont responsables de la perte d’un nombre de vies parmi les plus importantes dans un incident de ce genre. En 1988, le Vincennes, un navire de guerre américain, après être entré dans les eaux territoriales iraniennes, a abattu un Airbus de la compagnie iranienne, tuant tous les 209 passagers à son bord. Non seulement Washington n’a jamais présenté des excuses pour cette atrocité, mais le capitaine du navire qui a lancé les missiles a obtenu une médaille.

Il convient de noter qu’aucun de ces précédents historiques accablants ne figurent dans la couverture médiatique de la catastrophe de la Malaysian Airlines.

Les Etats-Unis et le régime à Kiev ont inculpé Moscou et diabolisé le président russe Vladimir Poutine lui faisant porter l’entière responsabilité du crash de l’avion malaisien au motif que la Russie aurait armé les insurgés anti-Kiev en Ukraine orientale en les entraînant à l’utilisation des armements de défense antiaériennes qui auraient été utilisés pour abattre l’avion.

A ce jour, ces accusations sont exclusivement fondées sur des enregistrements et des vidéos postées sur YouTube par l’agence de renseignement ukrainienne dont les précédentes accusations viscéralement antirusses ont été prouvées être des mensonges.

Mais surtout, la substance politique de l’accusation contre Poutine – qu’il est responsable de la catastrophe pour n’avoir pas été en mesure d’étouffer le soulèvement en Ukraine orientale – est bien plus pertinente pour les actions de Washington même. Après tout, le gouvernement Obama a appuyé politiquement, financé et armé les insurgés islamistes en Syrie, attisant une guerre civile qui a produit un drame humain d’une ampleur bien plus grande. Cette guerre a causé la mort de plus de 100.000 Syriens et a laissé tout un pays en ruines. Washington a mené une guerre identique en vue d’un changement de régime en Libye, avec l’appui des bombardements de l’OTAN, qui a tué 50.000 Libyens et eu des conséquences tout aussi désastreuses.

Ces mêmes critères de moralité ne sont pas non plus appliqués aux Etats-Unis, qui versent tous les ans des milliards de dollars d’aide militaire à Israël, lorsqu’il s’agit du meurtre de masse de Palestiniens perpétré par Israël.

En Ukraine même, les Etats-Unis et l’Allemagne sont les principaux responsables de la crise actuelle, ayant orchestré et soutenu un coup d’Etat à Kiev à la tête duquel se trouvaient des fascistes et qui a mené, en février dernier, au renversement d’un gouvernement élu et mis en branle l’ensemble du sanglant processus.

Washington, alors comme maintenant, a poursuivi une politique provocatrice visant à éliminer la Russie en tant qu’obstacle à sa quête d’hégémonie eurasiatique et mondiale. Quels que soient les faits qui viendront à être connus au sujet de l’avion malaisien, il est tout à fait clair que l’objectif principal des Etats-Unis, de l’Allemagne et de leurs alliés est d’exploiter ce drame dans le but de faire progresser leurs agendas militaristes et impérialistes en Europe de l’Est et ailleurs.

Si la Russie soulève des faits contradictoires et des questions concernant les accusations non fondées relatives à la catastrophe aérienne, alors elle est décriée universellement pour « propagande » et « théories de complot » et les médias russes sont tournés en ridicule pour faire circuler les mensonges du gouvernement. Comparé à la machine de propagande des médias à la botte de la grande entreprise occidentale qui répètent et amplifient sans sourciller les affirmations les plus scandaleuses et les accusations totalement infondées émanant de Washington et de ses alliés, le Kremlin fait toutefois figure de novice.

L’histoire récente a maintes fois prouvé que rien de ce qui est dit par Washington et ses responsables ne doit être pris pour argent comptant. Aucun autre gouvernement du monde n’est mêlé à autant de mensonges flagrants que celui des Etats-Unis. Sa crédibilité est au plus bas aux Etats-Unis mêmes où l’expérience amère faite avec une guerre catastrophique lancée sur la base de mensonges au sujet d’« armes de destruction massive » est gravée dans la conscience de la population laborieuse américaine.

Les cris d’indignation de Washington au sujet des pertes de vie ou des violations alléguées des droits de l’homme et de la démocratie dans l’un ou l’autre pays sont toujours imprégnés d’hypocrisie. Ses appels bidon à la moralité en ce qui concerne la catastrophe du vol MH17 en Ukraine tout en appuyant dans le même temps le massacre immoral d’innocents à Gaza, ne fait que confirmer que l’analyse faite il y 137 ans par Friedrich Engels reste tout aussi vraie aujourd’hui.

La morale est « toujours une morale de classe », écrivait Engels. Elle « a soit justifié la domination et les intérêts de la classe régnante, ou… elle a représenté la révolte contre cette domination et les intérêts futurs des opprimés. »

Bill Van Auken

Article original, WSWS, paru le 23 juillet 2014



Articles Par : Bill Van Auken

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