Les nouvelles routes de la soie redessinent l’économie eurasienne

Il s’agit des tracés terrestre et maritime des nouvelles « routes de la soie » que la République Populaire entend promouvoir dans les années à venir et qui vont s’ajouter à des routes existantes (comme celle plus au Nord du Transsibérien) ou en cours de réalisation ou de renforcement.

Il n’a été publié par l’agence officielle XINHUA que la version en chinois de ce document.

(L’échelle de la carte et la qualité du document peuvent expliquer certaines incertitudes sur le nom des villes desservies. Les lecteurs voudront bien nous en excuser)

Son analyse est très riche d’enseignements géopolitiques.

Cette carte a été présentée par Li Keqiang, premier ministre chinois à l’occasion du sommet Asie-Europe qui s’est tenu la semaine dernière à Milan.

 

1- Route terrestre :

Elle part de Xi’an, capitale de la province du Shaanxi, et principal point d’arrivée de la route de la soie historique. Xi’an est aujourd’hui une ville moderne, importante – l’agglomération compte plus de 7 millions d’habitants. Symbole du grand mouvement de l’industrie chinoise vers l’Ouest, qui fait suite au développement côtier des trois décennies précédentes, Xi’an va abriter une sorte de cité technologique d’avenir appelée Xi’an Xi’an Fen Dong.

La route continue vers l’Ouest via Lanzhou et Urumqi. Elle quitte la Chine, passe par le Kazakhstan et traverse ensuite la riche vallée du Fergana qui abrite les capitales de trois républiques d’Asie Centrale ex-soviétiques : Bichkek, Tachkent et Douchanbe. Concrétisation sur le plan économique des liens solides établis depuis 2001 à travers l’organisation de coopération de Shanghai dont font partie ces trois républiques.

Elle évite l’Afghanistan sans en être bien éloignée en attendant probablement une stabilisation de la situation. Elle évite également pour l’instant de passer par la Pakistan et l’Inde sachant qu’elle ne veut favoriser aucun de ces deux pays et qu’elle estime sage d’attendre que les relations entre eux se soient améliorées pour ajouter de nouvelles branches de la route vers le Sud vers Islamabad et la Cachemire.

Le trajet se poursuit vers le nord de l’Iran via Téhéran ou à proximité de cette ville ce qui concrétise l’intensité croissante des échanges économiques entre les deux pays et constitue un immense pied de nez aux sanctions occidentales.

Prochaine étape : Istanbul. Bien que pilier oriental de l’Otan, la Turquie essaie d’avoir un rôle régional important. Elle le fait dans un désordre apparent, avec beaucoup d’agressivité, tentant de s’imposer, sans succès jusqu’à présent, comme un pôle dominant du monde musulman, mais si elle veut confirmer sa place de nouveau pays émergent elle ne peut que développer ses relations économiques avec l’Est de l’Eurasie.

De là la route remonte vers le Nord en direction de Moscou. Il faut donc commencer par traverser la Bulgarie, la Roumanie Une nouvelle fois la Chine considère comme secondaire l’engagement « otanesque » de ces deux nouveaux venus dans l’UE et sait que les gouvernements et les populations de ces pays parmi les plus pauvres de l’Union ont intérêt à intensifier leurs liens avec des pays extérieurs à l’Union, en développement rapide et avec des capacités d’investissement importantes.

Pour parvenir à Moscou, reste à traverser l’Ukraine, une Ukraine où, qu’elle soit l’issue politique de la crise actuelle (partage, fédération…) un besoin immense de reconstruction va apparaître que l’UE ne sera pas en mesure de satisfaire. La Russie et la Chine y prendront donc inévitablement une place importante.

De Moscou la nouvelle route de la soie gagne la zone actuellement la plus riche de l’UE : l’Allemagne et le Benelux. La France est négligée et paye ainsi le prix de son alignement forcené sur la politique de Washington et de son soutien affiché à la politique belliciste du Japon.

2- Route maritime :

Partant des ports du centre et du sud-ouest de la Chine, elle dessert le Vietnam, l’Indonésie avec une escale sur l’île de Java, la plus peuplée et la plus riche de l’archipel, la Malaisie via le grand port de Kelang, puis le Sri Lanka et le Bangladesh. Elle approche ainsi le sous-continent indien par le Sud et l’Est évitant comme pour le trajet terrestre de desservir l’est de l’Inde tant que celle-ci, qui reste très courtisée par les Etats-Unis, n’a pas affiché plus clairement ses choix stratégiques.

L’étape suivante, au Kenya (probablement à Mombasa) est, outre une manifestation supplémentaire de l’intérêt de la Chine pour l’Afrique, un clin d’oeil à l’histoire. En effet c’est au Kenya qu’à plusieurs reprises le fameux amiral chinois Zheng He à la tête de la plus grande flotte de commerce de l’époque est venu faire escale pour montrer le savoir faire chinois et l’état très avancé de son économie, la plus développée du monde à l’époque.

L’amiral Zheng He a effectué 7 voyages entre 1405 et 1433. Les attaques des mandchous contraignirent l’Empereur à mettre un terme à ces expéditions fastueuses.

De là la route se poursuit vers l’Europe, emprunte le Canal de Suez sans marquer pour l’instant de l’intérêt pour les vastes zones logistiques et de perfectionnement actif (le « perfectionnement actif » est une notion économico-douanière qui consiste à faire assembler sous douane avant réexportation des produits industriels à partir d’éléments importés) que le nouveau gouvernement égyptien prévoit en complément du doublement du canal dont les travaux doivent commencer en 2015.

La prochaine escale est au Pirée, le port d’Athènes, déjà contrôlé par des capitaux chinois et le point d’arrivée, clin d’oeil cette fois à Marco Polo, est à Venise. De quoi susciter l’intérêt du nouveau gouvernement italien qui doit faire face à une baisse dramatique d’activité économique du pays qui est aujourd’hui en état de déflation.

Et c’est en Italie que la route terrestre et le route maritime se rejoignent. La France attendra !



Articles Par : Comaguer

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