L’état de guerre des USA : juillet 2017

Ceci est la situation de la guerre aux USA en juillet 2017.

La campagne de bombardements en Irak et en Syrie est aujourd’hui la plus étendue depuis les bombardements du Vietnam, du Cambodge et du Laos dans les années 1960-70, avec 84 000 bombes et missiles largués entre 2014 et la fin mai 2017. Ceci est presque le triple des 29 200 bombes larguées sur l’Irak au cours de la campagne « shock and awe » de 2003.

L’administration Obama a durci la campagne de bombardements en octobre dernier, au début de l’assaut conjoint des USA et des forces irakiennes à Mossoul, en larguant 12 290 bombes entre octobre et la fin janvier, quand Obama a quitté la présidence. L’administration Trump a encore durci la campagne, en larguant 14 965 bombes et missiles depuis le 1er février. Mai a vu les pires bombardements à ce jour, avec 4 374 bombes et missiles largués.

L’organisation basée au Royaume-Uni Airwars.org a compilé des rapports selon lesquels entre 12 000 et 18 000 civils ont été tués par presque trois ans de bombardements menés par les USA en Irak et en Syrie. Ces rapports peuvent ne représenter que le sommet de l’iceberg, et le vrai nombre des civils tués pourrait dépasser les 100 000, si nous nous fondons sur les quotas habituels entre les victimes rapportées et leur vrai nombre dans les zones de guerre précédentes.

Alors que les USA et leurs alliés se rapprochaient de Mossoul en Irak et de Raqqa en Syrie, et alors que les forces américaines occupent huit bases militaires en Syrie, Daech et ses alliés ont frappé à Manchester et à Londres ; occupé Marawi, une ville de 200 000 habitants aux Philippines ; et fait sauter un camion chargé de bombes à l’intérieur des fortifications de la « Zone verte » de Kaboul, en Afghanistan.

Ce qui a commencé en 2001 par un usage malavisé de force militaire pour punir un groupe de djihadistes précédemment soutenu par les USA en Afghanistan pour les crimes du 11 septembre s’est transformé en guerre mondiale asymétrique. Chacun des pays détruit ou déstabilisé par les actions militaires des USA est aujourd’hui devenu un bouillon de culture de terroristes. Il serait naïf de penser que cela n’empirera pas, aussi longtemps que les deux côtés continueront à justifier leur radicalisation comme des réponses à la violence de leurs ennemis, au lieu de tenter d’apaiser la violence et le chaos désormais mondiaux.

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Mossoul, après le passage/carnage des USA. Photo Laurent Van Der Stockt

Il y a, cette fois encore, 10 000 soldats américains en Afghanistan, contre 8 500 en avril dernier, avec des rapports selon lesquels 4 000 soldats de plus peuvent y être bientôt déployés. De centaines de milliers d’Afghans ont été tués au cours des 15 ans de guerre, mais les talibans contrôlent aujourd’hui plus de territoire qu’à n’importe quel moment depuis l’invasion des USA en 2001.

Les USA apportent une aide vitale à la guerre saoudienne contre le Yémen, en soutenant un blocus de ports yéménites, en fournissant des renseignements militaires et en ravitaillant en vol les avions saoudiens et leurs alliés qui bombardent le Yémen depuis 2015. Les rapports de l’ONU qui dénombrent 10 000 victimes civiles, ne représentent qu’une fraction du vrai nombre de personnes tuées, et des milliers de plus ont pu mourir de maladies et de faim.

Aujourd’hui, le Yémen subit une crise humanitaire majeure, et une épidémie de choléra s’est déclenchée à cause du manque d’eau potable et de médicaments causé par les bombardements et le blocus. Selon l’ONU, des millions de Yéménites pourraient mourir de faim et de maladies. Un projet de loi américain visant à limiter les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite a été rejeté par 53 votes (48 républicains et 5 démocrates) contre 47 en juin dernier.

Plus près des USA, une conférence de l’U.S. Southern Command (commandement Sud des États-Unis, SOUTHCOM) a récemment accueilli les présidents du Guatemala, du Honduras et du Salvador à Miami. Ceci a signalé une militarisation accrue de la « Guerre contre la drogue » en Amérique Centrale et des efforts pour limiter l’immigration en provenance de ces pays, alors même qu’un rapport d’inspecteurs généraux des Départements d’État et de la Justice dénonce la responsabilité d’agents du Département d’État et de la DEA (Drug Enforcement administration, service de police fédérale US en charge de la lutte contre la drogue) dans l’assassinat de quatre civils innocents (un homme, deux femmes et un adolescente de quatorze ans) par tir de mitrailleuse d’un hélicoptère du Département d’État près d’Ahuas, au Honduras, en 2012.

Le rapport des inspecteurs généraux établit que les officiels de la DEA avaient menti de façon répétée au Congrès sur cet incident, en prétendant que ces Honduriens avaient été tués dans un fusillade avec des trafiquants de drogue, ce qui soulevait des doutes sérieux sur la responsabilité et les comptes à rendre des acteurs de terrain dans le cadre de l’escalade des opérations paramilitaires en Amérique Centrale.

Les manifestations de l’opposition de droite au Vénézuela deviennent de plus en plus violentes, avec 99 personnes tuées depuis avril, alors que les manifestations n’arrivent pas à engranger un soutien populaire suffisant pour renverser le gouvernement de gauche de Nicolas Maduro. Les USA soutiennent l’opposition et ont mené des efforts diplomatiques pour forcer le gouvernement à démissionner, ce qui laisse présager une escalade possible vers une guerre civile soutenue par les USA.

Pendant ce temps, en Colombie, des escadrons de la mort opèrent de nouveau dans les zones où les FARC ont déposé les armes, tuant et menaçant des gens pour les chasser de terres convoitées par des propriétaires terriens riches.

Sur notre monde de plus en plus déchiré par les guerres, planent de nouvelles menaces des USA d’actions militaires contre la Corée du nord et l’Iran, deux pays qui jouissent de défenses bien plus robustes que n’importe quel autre pays ciblé par les USA depuis la Guerre du Vietnam. L’escalade des tensions avec la Russie et la Chine engendrent d’encore plus grands risques, et même des risques existentiels, comme symbolisé par l’horloge de l’apocalypse du Bulletin of the Atomic Scientists [NdT : une publication en ligne qui réunit des journalistes scientifiques et des universitaires] dont les aiguilles se tiennent aujourd’hui à minuit moins deux minutes et demie.

Bien que les guerres de l’après 11 septembre aient probablement tué au moins 2 millions de personnes dans les pays attaqués, envahis ou déstabilisés par les USA, les forces américaines n’ont subi que des pertes historiquement très basses au cours de ces opérations. Le danger réel est que cela ait donné un faux sentiment d’assurance aux leaders politiques et militaires, et dans une certaine mesure à la population, quant au nombre véritable des victimes des USA [NdT : typiquement occultées ou très sous-estimées par les médias américains/occidentaux] et aux très sérieuses conséquences futures possibles des interventions américaines. Nous devons nous attendre à ce que les leaders des USA intensifient les guerres en cours, émettent de nouvelles menaces contre l’Iran et la Corée du Nord, et attisent les tensions avec la Russie et la Chine.

Ceci est la situation de la guerre aux USA en juillet 2017.

Nicolas J S Davies
Paru sur Counterpunch sous le titre The U.S. State of War: July 2017

Traduction Entelekheia
Photo de page d’accueil Laurent Van Der Stockt : Mossoul juste après les bombes américaines

NdT : L’auteur a oublié les actions militaires des USA en Somalie et la guerre des drones, également intensifiées sous Trump, ainsi qu’une prévision d’envoi de troupes américaines supplémentaires en Libye (selon CNN et le Washington Post en date du 10 juillet, non encore confirmé par d’autre sources).



Articles Par : Nicolas J. S. Davies

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