L’extinction de masse sur Terre accélère, des scientifiques parlent d’« anéantissement biologique »

Une étude publiée lundi dans les Actes de l’Académie nationale des sciences des États-Unis d’Amérique (PNAS) indique que l’activité humaine précipite l’anéantissement biologique et un événement d’extinction de masse.

Le document, examiné des pairs, intitulé « L’anéantissement biologique via la sixième extinction de masse en cours signalée par les pertes et les déclins des populations de vertébrés », soutient que la gravité de la crise de la biodiversité en cours est souvent sous-estimée en recherchant principalement les extinctions (la perte de tous les individus d’une espèce). L’étude se penche plus largement sur la diminution de la population d’espèces et soutient que « le sixième épisode d’extinction massive de la Terre a progressé davantage que la plupart des gens le pensent. »

L’étude a été coécrite par Gerardo Ceballos de l’Institut d’écologie à l’Université nationale autonome du Mexique à Mexico et par Paul R. Ehrlich et Rodolfo Dirzo, du Département de biologie de l’Université de Stanford aux États-Unis.

Les auteurs soutiennent que si le taux d’extinction est déjà alarmant, avec au moins deux espèces de vertébrés par an au cours du siècle dernier, cela ne révèle pas toute l’histoire. Même si des espèces ne sont pas encore éteintes, leurs effectifs et leur répartition géographique diminuent de manière spectaculaire, signalant une tendance accélérée vers une extinction à venir.

Des données historiques détaillées de 1900 à 2015 sont disponibles pour environ 200 mammifères, qui sont souvent des composantes majeures de leurs écosystèmes. La plupart de ces espèces clés sont en crise, même si elles ne sont pas éteintes : « Sur les 177 mammifères pour lesquels nous avons des données détaillées, tous ont perdu 30 pour cent ou plus de leur aire de répartition géographique et plus de 40 pour cent des espèces ont subi de sévères diminutions de leur population (jusqu’à 80 % de réduction de leur aire de répartition géographique). »

Gerardo Ceballos et al., 2017, « Biological annihilation via the ongoing sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines, » Proceedings of the National Academy of Sciences Online, www.pnas.org.

Puisque le déclin des effectifs présage l’extinction, l’étude conclut que la planète a déjà commencé sa sixième extinction de masse – la première depuis que les humains ont apparus.

La dernière extinction de masse était à la fin de la période du Crétacé, il y a environ 66 millions d’années, qui a vu la fin des dinosaures, ouvrant la voie à la domination des mammifères. L’extinction à la fin du Crétacé a été causée par un astéroïde qui a heurté la Terre, créant des effets atmosphériques similaires à un hiver nucléaire.

L’extinction de masse la plus catastrophique connue s’est produite à la fin de la période permienne (il y a 252 millions d’années) et est connue sous le nom de The Great Dying (la mère des extinctions). Environ 70 pour cent des espèces terrestres ont disparu lors de cet événement cataclysmique, qu’on pense avoir été causé par des éruptions volcaniques massives.

Le fait que la PNAS, l’une des revues scientifiques les plus prestigieuses du monde, ait publié un article sur la possibilité d’événements comme The Great Dying est un signe que la crise écologique est très avancée.

Le document d’environ cinq pages, sans compter les graphiques ou références, utilise le mot « annihilation » six fois, « catastrophique » deux fois et une variété de « décimation » trois fois. Ceballos a déclaré au journal l’Atlantic qu’un langage aussi franc était justifié. « Ce serait alarmiste si nous n’avions pas les données », a-t-il déclaré. « Maintenant, il serait irresponsable de notre part de ne pas utiliser un langage fort. J’aimerais dire que nous avons tort, mais malheureusement, c’est bien cela qui se passe ».

La percée faite par Ceballos, Ehrlich et Dirzo consiste en leur examen approfondi des populations, plutôt que de rester à l’échelon des espèces. Une population est un groupe d’individus séparés d’autres populations, habituellement par la géographie. Chaque espèce est constituée d’une ou plusieurs populations.

Si une espèce est en train de perdre plusieurs populations clés, mais que ses effectifs totaux ne se sont pas effondrés, elle ne sera souvent pas reconnue comme étant en crise. Cependant, si une espèce est réduite à des populations disparates et isolées et que son habitat global diminue, cela rend l’extinction plus probable.

En d’autres termes, la perte de chaque population d’une espèce est une étape majeure vers son extinction globale, sauf si des mesures sont prises pour rétablir la population et inverser la crise.

Étant donné que la plupart des études mettent l’accent sur l’extinction et non sur la perte de populations, elles sous-estiment l’ampleur de la crise. Non seulement le déclin des populations est un prélude à un nombre important d’extinctions, mais le rythme de la perte des populations s’accélère.

Gerardo Ceballos et al., 2017, « Biological annihilation via the ongoing sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines, » Proceedings of the National Academy of Sciences Online, www.pnas.org.

En outre, de nombreuses espèces avec des populations en déclin ne sont pas encore reconnues comme étant en voie de disparition. De tous les vertébrés terrestres à population en déclin, environ 70 pour cent ont été reconnus par l’Union internationale pour la conservation de la nature comme menacées (UICN). Cependant, moins de la moitié des espèces d’oiseaux en déclin sont reconnues comme menacées par l’UICN.

En raison de la complexité de l’environnement, l’élimination même d’une population ou d’une espèce apparemment mineure peut avoir un effet sévère sur d’autres espèces – si assez d’espèces disparaissent, elles peuvent endommager des écosystèmes entiers. La vie humaine telle que nous la connaissons repose sur un équilibre écologique de plus en plus tendu, et pourrait devenir impossible si la biodiversité est trop réduite. La perte de cet équilibre dynamique, une fois atteint un certain point, peut se transformer en un effondrement catastrophique et peut-être irréversible.

L’étude identifie « les causes immédiates des extinctions de populations » comme « la conversion de l’habitat, la perturbation du climat, la surexploitation, la toxification, les espèces invasives, la maladie et (potentiellement) la guerre nucléaire à grande échelle, tous liés les uns aux autres dans des modèles complexes et qui d’habitude renforcent mutuellement leurs effets. »

Ces facteurs sont tous causés ou fortement exacerbés par l’interaction non-planifiée et irrationnelle des êtres humains avec l’environnement, enracinée dans la subordination de toute vie sociale et économique au profit privé. Il convient de noter dans ce contexte la mention des conséquences environnementales potentielles d’une guerre nucléaire, qui pourrait être déclenchée par un certain nombre de conflits dans le monde causés par la division du monde en États-nations capitalistes concurrents.

Les auteurs identifient « les moteurs ultimes de ces causes immédiates de la destruction biotique » comme « la surpopulation humaine, liée à une croissance continue de la population, et de la surconsommation, en particulier par les riches ». Il n’est pas nécessaire de convenir que la croissance de la population elle-même est le problème pour reconnaître que l’activité humaine, sans planification scientifique, impose des tensions immenses à l’environnement.

Ceballos, Ehrlich et Dirzo concluent leur travail en prévenant que « Nous ne disposons que d’une petite fenêtre pour agir, deux ou trois décennies au maximum ». Leur article devrait servir de sonnette d’alarme du fait que le temps est compté pour que l’humanité établisse le socialisme, un système social où la vie est organisée scientifiquement autour des besoins humains, y compris la nécessité d’être en harmonie avec l’environnement naturel. Ce n’est que grâce à l’effort conscient de placer l’humanité sur une base rationnelle que l’effondrement écologique peut être évité.

Josh Varlin

Article paru en anglais, WSWS, le 12 juillet 2017



Articles Par : Josh Varlin

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