Libye: le drapeau vert ne flottera plus sur Tripoli

Abdul Hakim Al Hassadi, de Kaboul à Benghazi, ancien membre du groupe islamique combattant libyen (GIGL) en Afghanistan, désormais chargé à Benghazi de l’encadrement des jeunes rebelles libyens au sein de la coalition anti Kadhafi (2).

I – Le colonel Kadhafi ne pavoisera plus le 1 er septembre

Le drapeau vert ne flottera plus sur la place verte de Tripoli, haut lieu de la symbolique révolutionnaire libyenne, rebaptisé «place des martyrs», terme ultime d’un règne calamiteux de 42 ans qui a muté le plus prometteur des dirigeants arabes de la relève nassérienne en un des principaux fossoyeurs de la cause nationale arabe, le cauchemar absolu de plusieurs générations de militants politiques.

Pas plus que Kadhafi, son opposition, sous perfusion permanente, n’a lieu de pavoiser non plus, tant les divergences sont profondes entre ses diverses factions et son crédit obéré par ses piètres performances militaires et la pesante tutelle atlantiste qui s’y greffe avec la caution des pétromonarchies rétrogrades du Golfe.

La satisfaction légitime de la chute d’un dictateur ne saurait occulter le gâchis stratégique provoqué par l’effondrement d’un pays à la jonction du Machreq et du Maghreb et son placement sous la coupe de l’OTAN, le plus implacable adversaire des aspirations nationales du Monde arabe.

Acte stratégique majeur comparable par son ampleur à l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, le changement de régime politique en Libye, sous les coups de butoirs des occidentaux, paraît destiné au premier chef à neutraliser les effets positifs du «printemps arabe» en ce qu’il accrédite l’alliance atlantique comme le gendarme absolu des revendications démocratiques des peuples arabes.

Quarante deux ans après leur expulsion de la base américaine de Wheelus AirField-Okba Ben Nafeh (Tripoli) et de la base anglaise d’Al Adem-Abdel Nasser (Benghazi), les Anglo saxons ont repris pied en Libye pour en faire leur plateforme opérationnelle majeure de la contre révolution arabe, la zone de sous-traitance par excellence de la lutte contre l’immigration clandestine à destination de l’Europe occidentale, le siège occulte de l’Africa Command pour la mise sous observation du Maghreb et la lutte contre l’AQMI au Sahel.

Dans la pure tradition coloniale, le coup de Libye viserait d’une manière sous jacente à canaliser le flux protestataire arabe dans un sens conforme aux intérêts atlantistes et à le dévier du Golfe ravitailleur des économies occidentales. Sinon comment expliquer ce curieux phénomène d’une révolution arabe qui enflamme la rive méditerranéenne du Monde arabe (Egypte, Tunisie, Libye, Syrie), mais se congèle dès lors qu’elle aborde les riches rivages des pétromonarchies du Golfe, pourtant l’un des foyers de la régression sociale mondiale, le siège de la plus forte concentration militaire occidentale hors Otan?

Non moins paradoxale la conséquence des interventions occidentales en terre arabe, qui propulse, par effet d’aubaine, les Chiites, pourtant bête noire de l’Occident et de leur principal allié saoudien, au rang de principaux bénéficiaires, en terme de satisfaction morale, de l’élimination de leurs principaux tortionnaires, l’Irakien Saddam Hussein, en 2003, et Le Libyen, Mouammar Kadhafi en 2011, responsable de la disparition du chef spirituelle de la communauté chiite libanaise, l’Imam Moussa Sadr.

Pitoyable destin identiquement tragique que ces pantins des Occidentaux, l‘irakien, mercenaire des Rois du pétrole, qui fixera pour leur compte pendant dix ans la révolution chiite iranienne, avant d’être pulvérisé par ses commanditaires sunnites avec le puissant appui de l’Otan, le libyen, volatilisé par la même coalition près d‘une une décennie plus tard, après avoir offert aux anglo saxons tout un pan de la coopération nucléaire interarabe.

42 ans est un délai amplement suffisant pour assurer une transition en douceur du pouvoir, pas nécessairement au sein de la coterie familiale et épargner ainsi à son pays une fin si catastrophique. La Libye n’est pas la propriété de la famille Kadhafi, ni celle de Nicolas Sarkozy, ni l’Irak celle de la famille Saddam Hussein, pas plus que l’Egypte n’est celle de la famille Moubarak, la Syrie aux Assad, le Liban aux Hariri, le Congo aux Kabila, le Gabon aux Bongo, le Sénégal aux Wade…voire les lieux saints de l’Islam, la propriété de la dynastie wahhabite. La règle s’applique à tous sans exception, démocratiquement. Elle ne saurait souffrir des exceptions au bénéfice des dynasties pro occidentales.

Au terme d’un travail de sape de six mois, l’estocade finale tant attendue a finalement eu lieu à dix jours de la date symbolique du 1er septembre, jour anniversaire du coup d’état antimonarchique du Colonel Kadhafi. Tapi dans ses derniers retranchements, la caserne de Bab Al Aziyah, à Tripoli, capitale d’un pays démantelé, en proie à la guerre civile, celui qui passe pour être l’un des plus détestés dirigeants arabes s’est cramponné à son pouvoir, tenant tête à l’Otan, dans le secret espoir de lui infliger une contre performance à l’effet de bonifier quelque peu sa sortie de l’histoire.

Face à une opposition hétéroclite, sans vigueur, captive du courant islamiste (3), discréditée par ses soutiens pro israéliens et l’intervention destructrice de l’Otan contre les infrastructures du pays, l’homme caressait le fol espoir de mettre particulièrement en difficulté les principaux parrains de l’équipée atlantiste, Nicolas Sarkozy, le dirigeant français le plus détesté du Monde arabe, à égalité avec le socialiste Guy Mollet, l’homme de Suez, ainsi que l‘intellectuel médiatique, Bernard Henri Levy, le fer de lance de la stratégie médiatique israélienne sur le théâtre européen.

En dépit d’important moyens mis en œuvre par les grandes puissances militaires occidentales (Etats-Unis, Royaume Uni, France), Kadhafi est demeuré en selle plus que de besoin, au point d’infliger un camouflet à Nicolas Sarkozy, lui faisant rater son effet d’annonce, le 14 juillet, le scalp de Kadhafi que le président français se proposait d’offrir à l‘opinion internationale, le jour de la fête nationale française, en guise de signal de lancement de la campagne visant à la reconduction de son mandat. Echouant à nouveau à le dégommer avant la date butoir du début du Ramadan, le 2 Août.

II- Le ralliement du Commandant Abdel Salam Jalloud à la rébellion (4)

Mais le ralliement le 19 Août, quatre jours avant l’offensive finale, du commandant Abdel Salam Jalloud, longtemps numéro 2 du régime, a porté le coup de grâce au régime Kadhafi entraînant sa débandade. Intervenant cinq mois après celles d’anciens membres du groupe des officiers libres, Abdel Moneim al Honi et de Abdel Fattah Younès, assassiné en juillet, à la tête de l’état major rebelle, de même que celle du propre cousin de Mouammar Kadhafi, Ahmad Kadhaf Eddem, elle a signé l’isolement fatal du régime.

Tombé en disgrâce en 1993, dans la foulée de l’attentat de Lockerbie et de l’embargo de l’ONU contre la Libye, le commandant Jalloud avait pris des distances avec son mentor dont il désapprouvait le virage pro-occidental prôné par le fils cadet de Kadhafi, Seif El Islam.

Nullement associé aux turpitudes ultérieures du régime, proche des nassériens et des islamistes, il pourrait donner davantage de visibilité à une coalition hétéroclite sans relief, la doter d’une figure charismatique autrement plus consistante que le terne Abdel Jalil, lui conférer une crédibilité plus substantielle que le saltimbanque médiatique Bernard Henri Lévy et faire office éventuellement de chef fédérateur autrement plus acceptable par l’opinion arabe.

Natif de Sebha, Jalloud appartient à la tribu Meghara, la principale tribu du Fezzan et de la région occidentale de Libye, l’une des trois principales tribus, avec les Kadhafa et les Warfalla, qui ont dirigé le pays pendant vingt quatre ans (1969-1993), à travers les comités révolutionnaires et les services de sécurité.

En 42 ans de pouvoir erratique, ultra répressif sur le plan interne et particulièrement nocif pour le camp arabe, l’homme ne mérite aucune indulgence. Mais ses adversaires, non plus, qui ont confié leur sort, non à leur combat et à leurs sacrifices, mais à une intervention occidentale, dans la pire tradition des schémas coloniaux avec l’appui des Jordaniens et des Qatariotes, toujours prompts à aller au devant des désirs de leurs maîtres occidentaux.

Le président du Comité national de transition, Moustapha Abdel Jalil, ancien ministre de la justice, n’est autre que l’ancien chef de la juridiction qui a condamné à mort les sept infirmières bulgares dans l’affaire de la contamination des enfants libyens de Sida.

Personnage sans relief et sans autorité, il parait discrédité et éclipsé par le rôle assumé par Bernard Henry Lévy, qui se vit comme le véritable ministre des affaires étrangères de l’opposition libyenne.

Il en est de même du nouveau chef d’état major de l’armée rebelle, le Général Khalifa Belkassem Haftar, dont la réputation pâtie de son long séjour aux Etats-Unis où il s’était réfugié il y a 22 ans après le désastre libyen dans la guerre du Tchad (1988).

Le spectre d’Al Qaïda

L’exacerbation des divergences entre Libéraux et islamistes au sein de la coalition rebelle a conduit le chef de la rébellion Abdel Jalil à dissoudre, le 8 Août, son gouvernement dans la foulée de l’assassinat du général Abdel Fattah Younès, le commandant en chef rebelle, ancien ministre de l’intérieur de Kadhafi, rallié à l’opposition. Le propre fils du général assassiné a accusé le pouvoir rebelle de l’avoir livré aux islamistes pour cette besogne, alors que, de leur côté, dix sept chefs de bataillons de l’armée rebelle ont exigé la démission du ministre de la défense, Jalal Ad Dighili, et du ministre de l’intérieur, Ahmad Hassan Darrat, en signe de protestation contre cet assassinat dont ils rendent les deux ministres responsables par leur négligence (5).

Plus inquiétantes pour la rébellion sont les réticences de la brigade «Abou Obeida al Jarrah», fer de lance des milices islamiques, de participer aux combats aux côtés des troupes de l’Otan, un camouflet supplémentaire pour le président de la coalition et de ses parrains occidentaux.

Croquemitaine brandi à temps et contretemps, Al Qaïda aurait opéré une percée dans la zone à l’occasion de l’insurrection en Libye. Un personnage clé du mouvement islamique, Abdel Hakim Bel Hajj Al Khoueildy, s’est intronisé gouverneur militaire de Tripoli dès la prise de la capitale. Plus connu des services américains sous le nom d’Abou Abdallah Al Sadeq, Al Khoueildy est le propre Emir du Groupe islamique combattant (GIC) libyen, formation ultra radicale qui disposait de deux camps d’entraînement en Afghanistan. Arrêté par la CIA en 2003, il a été enfermé par le régime de Kadhafi puis relâché après avoir officiellement renoncé à la guerre sainte en Libye.

Indice d’une vive inquiétude quant à la capacité de l’opposition à faire front à l’infiltration des islamistes dans les rouages du nouveau pouvoir, l’Algérie a subordonné la normalisation de ses relations avec le CNT à une neutralisation des groupes d’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique) opérant en Libye sous couvert de l’insurrection libyenne. Un scénario cauchemardesque pour les Occidentaux qui pourraient, en fin de course, avoir roulé involontairement pour le compte des islamistes contre lesquels ils ont pourtant déclenché une «guerre mondiale contre le terrorisme», il y a dix ans, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

L’entrée en action du porte-avions George Herbert Walter Bush sr (CVN-77), la plus importante base aéronavale mobile au monde, en substitution au porte-avions français Charles de Gaulle, en appui aux opérations sol des commandos occidentaux et aux parachutages d’armes, a considérablement accentué la pression sur Mouammar Kadhafi et modifié la donne.

Transportant 90 aéronefs, six mille membres d’équipage, propulsé par deux réacteurs nucléaires, le porte-avions dispose d’un rayon d’action illimité. De la classe du Nimitz, le George HS Bush, est l’un des dix porte avions géants de la marine américaine. Ce bâtiment, l’un des plus modernes au monde, construit en 1998, est équipé de 14 radars de détection et de surveillance, d’un système de brouillage électronique, de deux batteries de missiles surface-air Sea Sparow MK 57 Mod3, de deux batteries de missiles surface-air RIM-116 Rollin Air Frame Missile, de quatre canons anti missiles de 20mm Phalanx.

Bien qu’ils s’en défendent afin de ne pas minorer le rôle de l’opposition, le forcing militaire des Américains (6), couplé avec les transferts d’hommes et d’armes via le Qatar, l’encadrement au sol et les tâches opérationnelles des forces spéciales britanniques et françaises sont parvenus à couper les voies d’accès et de ravitaillement pétrolier vers Tripoli, parachevant l’étranglement de la capitale, déblayant la voie à l’assaut final.

Motivations électoralistes ou volonté de grandeur personnelle? L’activisme déployé par Nicolas Sarkozy en Libye, sans commune mesure au regard de l’effort de guerre américain, paraît répondre au souci de la France de reprendre la main après la déconfiture de la diplomatie française à la faveur du printemps arabe, ainsi qu’à une volonté de détourner l’attention, afin d’éviter que l’opinion se polarise sur une situation intérieure difficile et lui offrir, en quelque sorte, un dérivatif sur le théâtre extérieur.

Si le vote de la résolution 1973, qui a permis le déclenchement des opérations en Libye, a constitué pour la diplomatie française un véritable succès, l’engagement libyen, point d’orgue d’une vingtaine d’intervention humanitaire en Afrique en vingt ans (7), a révélé les limites du droit d’ingérence. Par leur incapacités à résoudre les problèmes structurels du continent africain, cinquante ans après la décolonisation, les ingérences françaises en Afrique et dans le monde arabe, ont dilapidé l’héritage gaulliste et le «soft power» y afférent. L’aventure libyenne a ainsi étalé au grand jour l’incompétence française et son impuissance.

La résurrection de l’héritier présomptif du Clan, Seif El Islam, dont la livraison à la justice internationale avait été prématurément annoncée, de même que l’échappée du fils ainé Mohamad, alors que les ministres français des affaires étrangères Alain Juppé et de la défense Gérard Longuet, claironnaient la victoire, le 22 Août, ainsi que la traque de Kadhafi à travers les dédales de Tripoli et les bourgades de Libye, ont ajouté une touche complémentaire de ridicule aux duettistes français, amplifié par le camouflet infligé par l’Union africaine aux Occidentaux, excédée par leurs interventions incessantes dans les affaires africaines, de reconnaître leur pupille, le Conseil national de Transition.

III- Alibi humanitaire pour équipées impériales.

En vingt ans, dix neuf interventions occidentales ont eu l’Afrique pour théâtre. L’ingérence humanitaire, tant vantée par le transfuge socialiste Bernard Kouchner, inventeur de la formule, apparait ainsi comme le meilleur des alibis pour des équipées impériales. Une véritable industrie (Charity Business), un bon spectacle visant à faire oublier les maux profonds dont souffrent près d’un milliard de personnes à travers le monde, de même que les sociétés nationales des belligérants occidentaux.

D’ici 2020, soit moins de dix ans, le nombre d’enfant souffrant de malnutrition en Afrique dépassera les 40 millions. Chaque jour, 10.000 enfants meurent de malnutrition, et, 10 millions d’enfants décèdent chaque année avant l‘âge de 5 ans. En 2010, 925 millions d’individus souffraient de la faim, en baisse pour la première fois depuis quinze ans. La proportion d’affamés reste toutefois la plus forte en Afrique sub-saharienne, avec 30 % de la population qui souffre de la faim », précise la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Les deux tiers des 925 millions de personnes sous-alimentées se retrouvent également réparties en Asie et en Afrique, concentrées dans sept pays: le Bangladesh, la Chine, la République démocratique du Congo, l’Ethiopie, l’Inde, l’Indonésie et le Pakistan.

Le rapport PNUD 2007 estime à 800 milliards de dollars le budget nécessaire pour garantir accès à l’éducation et aux soins de base, eau potable et nourriture adéquate, à raison d’une dépense annuelle de 80 milliards de dollars sur dix ans. Une somme dérisoire par rapport aux budgets colossaux consacrés à la «guerre contre le terrorisme» et au financement des plans de soutien à l’industrie de la peur, alors que dans 190 états, près de 120 millions d’enfants de moins de 15 ans n’ont pas accès à l’école.

Excellent instrument d’ouverture du marché, l’exemple de la scientologie en Haïti en porte témoignage, l’humanitaire permet ainsi aux dirigeants du monde d’assurer un gardiennage des populations, un conditionnement à l’aide des populations les plus démunies, tout en donnant une bonne conscience à l’opinion publique des pays donateurs.

Parfait dérivatif aux problèmes internes des sociétés occidentales, il a donné aux pays occidentaux la possibilité de gommer les traces de leur prédation de l’économie libyenne (8) et à la France, l’occasion de mener un combat d’arrière garde, en se donnant l’illusion de la grandeur. Dans le cas d’espèce de la Libye, à l’heure du «printemps arabe», de faire étalage de son incompétence et de son impuissance afin de satisfaire la soif médiatique d’un couple politico mondain, le tandem Sarkozy BHL, dont l’intervention intempestive a, paradoxalement, retardé la véritable libération de la Libye de la dictature.

La progression militaire de l’opposition libyenne est intervenue durant la période des vacances estivales du roman enquêteur Bernard Henri Lévy, en villégiature dans le sud de la France, dans une démonstration significative du décalage du tempo révolutionnaire et de la civilisation des loisirs, en ce que les révolutions ne paraissent pas devoir s’accomplir au rythme de la farniente des RTT (réduction du temps de travail).

Menant un combat d’arrière garde en vue de préserver le pré carré français au Cameroun, Nicolas Sarkozy a programmé pour septembre, contre l’avis de son ministre des affaires étrangères Alain Juppé, une visite du président du Rwanda Paul Kagamé longtemps qualifié par la France de «génocidaire». Que pense de tout cela Bernard Henry Lévy, le pourfendeur médiatique des dictatures à travers le Monde? Qu’il est dur de vivre une imposture dévoilée.

L’éviction de Kadhafi devrait, paradoxalement, donner le signal, à tout le moins l’espérer, de la véritable guerre de libération de la Libye, au terme d’une léthargie dictatoriale de près d’un demi siècle; Une guerre de libération qui devrait veiller, selon le schéma des protestataires égyptiens et tunisiens, à combattre le néo-colonialisme sous couvert d’humanisme sous lequel avance l’Otan masqué afin de prévenir le retour de la Libye sous ses fourches caudines, afin de briser net les velléités d’une cohorte de branquignoles visant à l‘instauration d’un protectorat israélo-européen, dans le prolongement de l’enclave sud soudanaise, à l’interposition territoriale des deux révolutions victorieuses du «printemps arabe», la Tunisie et l’Egypte.

Références :

1- Pour aller plus loin Cf. «Kadhafi portrait total» par René Naba Editions Golias – Avril 2011
http://www.golias.fr/article4973.html

2- Pour information sur l’implication des islamistes libyens dans la rébellion anti Kadhafi, Cf. à ce propos «De l’Afghanistan à Benghazi : le voyage d’un ancien radical libyen
http://magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/features/awi/reportage/2011/07/15/reportage-01  magharebia.com, est le site web d’AFRICOM’S. « Le portail est sponsorisé par le United States Africa Command, le commandement militaire responsable du soutien et du renforcement des efforts américains pour promouvoir la stabilité, la coopération et la prospérité dans cette région du globe», dixit le texte de présentation.

3- L’exil forcé du commandant Abdel Salam Jalloud au Maghreb. Absent de la vie politique libyenne depuis 1993, soit depuis 18 ans, le Commandant Jalloud s’est exilé un moment au Maghreb.
Le retrait de la vie politique libyenne de ce fougueux pan arabiste a sanctionné un divorce intellectuel et un déchirement affectif du trépignant compagnon de route de Kadhafi avec son mentor.
Effrayé par le sort infligé à Saddam Hussein en 1990, dans la foulée de son invasion du Koweït, Kadhafi, sur les conseils de son fils Seif Al Islam, a entrepris de se rapprocher des Occidentaux pour finir par leur dévoiler tout un pan de la coopération nucléaire interarabe. Partisan de la fermeté, le Commandant Jalloud s’est opposé aux concessions diplomatiques à l’égard des Etats-Unis et des pays occidentaux en vue de la levée de l’embargo, estimant que les sanctions internationales visaient à déstabiliser le régime en vue de son remplacement et cela quelles que soient les bonnes dispositions manifestées par Tripoli dans l’affaire de Lockerbie: l’attentat contre un avion de la Panam le 28 décembre 1991 au dessus de l’Ecosse qui a entraîné la mort de 287 personnes.

En quarantaine politique, le Commandant Jalloud s’est alors laissé gagner par la fièvre islamiste, ne cachant pas sa vive admiration pour Sayyed Qotob, Aboul Ala Al Mawdoudy et Ibn Taymina, trois inspirateurs du phénomène islamiste dont les ouvrages constituent ses livres de chevet. Il tentait, à travers ses lectures, de concilier ses tendances révolutionnaires et sa nouvelle inclinaison islamiste, en puisant inspiration auprès du penseur égyptien Mohamad Ahmad Khalaf, théoricien de la gauche islamique. Si l’alliance avec les Warfallas, la tribu la plus importante de Libye, dans l’est du pays, avait déjà connu quelques sérieux accrocs lors des évènements de 1993, elle a définitivement lâché fin février le colonel Kadhafi par la voix de la plus haute autorité tribale de la tribu de béni Walid, capitale historique des Warfallas. La tribu des Kadhafa, basée au sud de Syrte et présente à Sebha) demeure loyale au dirigeant libyen, mais sa cohésion a été mise à mal à plusieurs reprises, d’abord lors de l’assassinat par le régime de Hassan Ichkel, en 1985, de mère Warfalla, mais de père Kadhafa et d’une lignée beaucoup plus haute que celle de Kadhafi, originaire du clan des Ghous.

4- L’opposition libyenne: trois personnalités ont émergé durant le conflit: Mahmoud Djibril, Premier ministre du CNT; Moustapha al-Sagisli: ancien dirigeant des jeunes (chabab), numéro deux du ministère de l’Intérieur du gouvernement provisoire, qui s’est distingué pour avoir négocié la reddition du général Younes, Ali Tarhouni, ministre du Pétrole et des Finances de la rébellion, ainsi que l’avocat Abdel-Hafiz Ghoga, porte-parole, vice-président du CNT. Neuf mouvements se revendiquent de l’opposition libyenne, fragmentée, diasporique, longtemps en exil en Europe et aux Etats-Unis dont trois anciens membres du Conseil de la Révolution, l’instance collégiale de direction de la Libye, Le Commandant Abdel Salam Jalloud, Abdel Moneim al-Honi, qui a démissionné de son poste d’ambassadeur de Libye auprès de la ligue arabe et Mohamad Al-Magrif, président du Front National de Salut. A ces trois personnalités s’ajoutent, cinq formations sans compter les organisations islamistes: 1-l’Alliance Nationale de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mansour Al-Kikhya, dirigée depuis la disparition de son fondateur au Caire, 1994, par Achour Ben Khial, 2-Le Conseil National du Salut: Ahmad al-Makki, 3- l’Armée nationale libyenne: Abdallah al-Chikri, 4-Groupement de la révolte d’octobre 1993: Mohamad Abchir, 5-Organisation nationale libyenne: Bachir al-Rabti.

5- Abdel Fattah Younès a été remplacé par un membre de sa tribu, le général Mahmoud Souleymane Al-Obeidi, ancien commandant de la garnison de Tobrouk de l’armée libyenne. La tribu Al-Obeidi avait en effet menacé de se livrer à des représailles si elle n’obtenait pas réparation morale de la perte de leur chef. Mais, le général Khalifa Haftar ne parait pas décidé à se laisser chapeauter par des anciens sbires du régime, même dissidents. Haftar suscite de lourdes suspicions au sein de l’opposition en raison de son passé militaire. Proche des services américains, il a dirigé depuis sa défection à la suite des revers de la guerre du Tchad, une organisation paramilitaire anti Kadhafi l’«Armée Nationale Libyenne».

6- Vingt Mille raids aériens, dont huit mille d’attaques par bombes et missiles ont été effectuées pour préparer l’assaut de Tripoli, raids menés par des chasseurs bombardiers et des hélicoptères de combat équipés de missile à guidage laser Hellfire, lancé à 8 Kms de l’objectif, utilisé aussi en Libye par les avions télécommandés étasuniens Predator/ Reaper. Les objectifs sont repérés par les avions radar Awacs, qui décollent de Trapani (côte sud-ouest de la Sicile), et par les Predator qui décollent d’Amendola (Foggia, province des Pouilles), en survolant la Libye 24h/24.

7- Cf. La France est une puissance coloniale:
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/08/10/la-france-puissance-coloniale1557888_3232
 html http://www.handicap-international.fr/  Dix neuf missions de maintien de la paix ont été mises en place par l’Onu en Afrique, depuis 1992, en Somalie, qui constituera un échec profond pour les Nations Unies. Voici, selon la chronologie, les missions de l’ONU en 19 ans. Somalie (1992-1993), Mozambique (1992-1994), Rwanda (1993-1996), (1993-1997), Angola (1995-1997), République centrafricaine (1998-2000), République démocratique du Congo (1999), Sierra Leone (1999-2005), Erythrée et Ethiopie (2000-2008), Côte d’Ivoire (2003), Burundi (2004-2006), Soudan (2005), Darfour (2007), République Centrafricaine et Tchad (2007-2010), Libye (2011).

8- CF. Goldman Sachs et les millions libyens, Le Monde 07/06/2011 par Sylvain Cypel. A propos des pertes du fonds souverain Libyan Investment Authority (LIA) dans ses placements auprès de la Société générale: Sur 1,8 milliard de dollars (1,27 milliard d’euros) confiés à la banque française, plus de la moitié se sont évaporés après avoir été investis par elle dans de très opaques produits financiers dits « structurés ». Créé en juin 2007 avec environ 40 milliards de dollars en liquidités et propriétés diverses, LIA détenait, avant le début de l’actuelle crise libyenne, environ 70 milliards d’avoirs, dont 53 en actifs financiers. Aux Etats-Unis, le fonds libyen s’est principalement tourné vers le meilleur d’entre les meilleurs: Goldman Sachs (GS). De janvier à juin 2008, il lui versa donc 1,3 milliard de dollars. En février 2010, il n’en restait que 25,1 millions. De la somme initialement apportée, 98 % avaient disparu. Certes, on connaît des entreprises – AIG, General Motors, Lehman Brothers, Fannie Mae et Freddie Mac, dont l’action, durant la crise financière, a chuté dans des proportions similaires. Mais, pour des placements d’un investissement souverain, il doit s’agir d’un record du monde toutes catégories.

-Bilan visuel du régime Kadhafi
http://dotsub.com/view/384a963a-59e6-4922-95eb-ee2b711f5f09



Articles Par : René Naba

A propos :

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de “L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres” (Golias), “Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français” (Harmattan), “Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), “Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David” (Bachari), “Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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