Libye : les djihadistes du Conseil national de transition (CNT)
Interviewé par le quotidien italien Il Sole 24 Ore, Abdel-Hakim al-Hasidi, un des chefs militaires de la rébellion anti-Kadhafi, a confirmé que des Libyens, « aujourd’hui sur la ligne de front à Adjabiya », ont fait partie d’un groupe « d’environ 25 » djihadistes recrutés, à partir de 2005, dans la région de Darnah, pour combattre en Irak aux côtés de la résistance irakienne. Ces combattants, dit-il, «sont des patriotes et de bons musulmans, pas des terroristes». Il a ajouté, sibyllin, que les «membres d’Al-Qaïda sont également de bons musulmans et se battent contre l’envahisseur ».
La présence de djihadistes libyens dans les rangs de l’Etat islamique d’Irak, est connue depuis la découverte par les Forces spéciales américaines, le 11 septembre 2007, de fichiers informatiques dans un campement bédouin près de Sindjar, non loin de la frontière syrienne. Sur plus de 600 djihadistes étrangers recensés, entrés en Irak entre août 2006 et août 2007, 137 étaient libyens, pour la plupart originaires des régions de Darnah et de Benghazi (1). Ils étaient proches du Groupe islamique combattant en Libye (GIGL – Al-Jama’a al-Islamiyyah al-Muqatilah bi-Libya), en guerre contre les troupes gouvernementales libyennes entre 1995 et 1996. Cette organisation était dirigée par Abou Laith al-Libi, mort fin janvier 2008, tué par un drone américain tiré sur une maison d’un village du Waziristan (zones tribales du Pakistan). Le Libyen, dont la tête était mise à prix cinq millions de dollars, était proche de Ayman Al-Zawahiri, idéologue musulman présenté comme le « n° 2 d’al-Qaida ».
Des missiles sol-air dans le Ténéré ?
Abdel-Hakim al-Hasidi qui commande actuellement la région de Darnah a précisé qu’il n’en est pas l’« Emir ». C’est un ancien d’Afghanistan, arrêté en 2002 à Peshawar, au Pakistan, incarcéré quelques mois à Islamabad, puis en Libye jusqu’en 2008.
Dans les milieux djihadistes, combattre ailleurs que dans son propre pays soulève des controverses. La résurgence du Groupe islamique combattant en Libye au sein du regroupement appelé Emirat islamique de Barqa, se distingue principalement de la branche locale d’Al-Qaïda par le fait qu’elle estime devoir lutter, prioritairement, contre le régime libyen. Son alliance tactique avec les dirigeants du Comité national de transition (CNT) ne durera pas. Il n’y a rien de commun, idéologiquement parlant, entre les anciens ministres kadhafistes de la Justice ou de l’Intérieur et ceux qu’ils ont durement réprimé.
Dès le 24 février dernier, Abdelmalek Droukdel, chef d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) a apporté son soutien à l’opposition anti-Kadhafi. Cela inquiète le président tchadien Idriss Deby car, selon lui, «les islamistes d’Al-Qaïda ont profité du pillage des arsenaux en zone rebelle pour s’approvisionner en armes, y compris en missiles sol-air, qui ont été par la suite exfiltrés dans leurs sanctuaires du Ténéré ». Il dit être certain, à 100%, de ces affirmations (2). On aimerait bien savoir ce que Nicolas Sarkozy pense de cette déclaration et si la guerre de Libye ouvre la voie au transfert de la composante navale Commandement militaire des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) de Naples à Benghazi.
(1) Al-Qaïda’s foreign fighters en Iraq – A first look at the Sinjar records
www.ctc.usma.edu/harmony/pdf/CTCForeignFighter.19.Dec07.pdf
(2) Interview de Idriss Deby – Jeune Afrique (28/3/11)