L’«interception» d’un avion-espion montre à quel point les États-Unis cherchent la confrontation en mer de Chine méridionale

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Selon des allégations non fondées par le Pentagone, «au moins deux» avions tactiques chinois J-11 ont effectué une interception «imprudente» d’un avion de surveillance des États-Unis EP-3 pendant qu’il effectuait une «mission de routine dans l’espace aérien international» au-dessus de la mer de Chine méridionale le 17 mai.

Les allégations sont venues au milieu d’une série de demandes incendiaires faites par le Pentagone, les commandants militaires américains de haut rang et des responsables de la Maison-Blanche pour un «élément déclencheur» pour une confrontation avec la Chine, supposément pour contrer ses activités d’expansion dans les eaux territoriales contestées de la mer.

Un doute considérable entoure les dernières accusations américaines. Le Pentagone a refusé de rendre publiques des photographies de l’incident, invoquant des préoccupations de sécurité nationale. Même l’emplacement n’a pas été précisé. Il a seulement été dit qu’il était à l’est de l’île d’Hainan en Chine et au sud de Hong Kong.

Ces assertions sont néanmoins alarmantes. Un responsable du Pentagone a allégué le 18 mai que les jets chinois sont venus jusqu’à quinze mètres de l’avion américain. Un responsable militaire a déclaré à l’agence de nouvelles Associated Press que le pilote américain a été contraint de descendre d’environ 60 mètres pour éviter une collision.

Aucune explication n’a été fournie pour expliquer ce que faisait cet avion d’espionnage au large de la côte de la Chine. Les avions EP-3 sont généralement déployés pour intercepter des communications électroniques, hébergeant un système électronique intégré de reconnaissance en vol (ARIES). Si la Chine envoyait un aéronef semblable près de la côte américaine, les États-Unis réagiraient certainement de la manière la plus menaçante.

La description du Pentagone de la réaction chinoise comme «imprudente» montre avec quelle rapidité un tel incident pourrait devenir le point de départ d’une attaque militaire américaine sur la Chine. L’accusation a laissé entendre que les avions de la Chine avaient enfreint les protocoles signés avec Washington au cours des dernières années, apparemment pour empêcher les conflits militaires de provoquer des explosions.

L’incident est survenu juste une semaine après que la Chine, pour la première fois, a ordonné le décollage immédiat des avions de combat au moment où un contre-torpilleur américain avait navigué de façon provocatrice dans la zone de douze milles nautiques autour d’un récif sous contrôle chinois dans la mer de Chine méridionale. Cette réaction de Pékin a marqué une escalade des tensions sino-américaines, signalant que la Chine était prête à réagir militairement à ces incursions américaines.

Des navires de guerre américains ont maintenant pénétré dans les eaux revendiquées par les Chinois trois fois depuis octobre dernier, sous le prétexte de défendre la «liberté de navigation» dans cette mer stratégique, qui abrite l’une des plus grandes routes commerciales du monde, et dont la Chine dépend fortement pour ses importations et exportations.

Dans les jours menant à l’affrontement du 17 mai, des généraux américains ont fait des déclarations belliqueuses accusant la Chine de bouleverser la stabilité régionale en construisant des installations sur des îlots contestés. Ils se sont engagés à intensifier les opérations américaines dans la mer de Chine méridionale, se plaignant que Pékin développait sa puissance coercitive, tout en évitant prudemment un conflit avec les États-Unis.

Sans nommer la Chine, le général Robert Neller, le commandant du Corps des marines, a déclaré à un groupe de discussion lors d’une exposition Mer-Air-Espace de la «Navy League» le 16 mai: «Certaines nations profitent de la situation ou font des choses en évitant de provoquer un conflit… Elles sont très subtiles et très calculées.» Les États-Unis, nous «exerçons nos droits souverains en vertu du droit international de transit des mers» et nous «voyons où cela nous mène». Neller a ajouté: «… Espérons que cela crée la stabilité et non l’instabilité.»

Le haut responsable de la Garde côtière des États-Unis, l’amiral Paul Zukunft, était plus explicite. Il a dit que la décision imminente de la Cour permanente des Nations Unies d’arbitrage de La Haye sur une contestation judiciaire venant des Philippines, et soutenue par les États-Unis, au sujet des revendications chinoises dans la mer de Chine méridionale pourrait servir d’«élément déclencheur».

On prévoit que le tribunal va déclarer l’occupation chinoise de certains îlots et récifs «illégale» en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS). Tel que les remarques de Zukunft indiquent, le gouvernement américain va exploiter une telle conclusion pour justifier des opérations militaires encore plus agressives, y compris à partir de bases aux Philippines.

«Il y aura quelques éléments déclencheurs pendant l’année à venir et l’un d’entre eux sera la décision du tribunal des Nations Unies… à un moment où notre relation avec les Philippines devient sans cesse plus étroite», a déclaré Zukunft.

Ces commentaires reflètent la ligne d’un rapport annuel du Pentagone au Congrès américain sur les capacités militaires de la Chine. Publié le 13 mai, le document accuse la Chine d’avoir ajouté environ 13 km carrés de terres aux îlots «afin de les utiliser comme des bases civiles-militaires permanentes pour augmenter considérablement sa présence à long terme dans la mer de Chine méridionale».

Le rapport a affirmé que les prétendues «tactiques coercitives» de la Chine étaient conçues pour atteindre, sans le dépasser, «le seuil de provocation d’un conflit ouvert avec les États-Unis, ses alliés et partenaires ou d’autres dans la région Asie-Pacifique».

Le rapport a déclaré: «La Chine a démontré une volonté de tolérer des niveaux plus élevés de tension dans la poursuite de ses intérêts, en particulier dans la poursuite de ses revendications territoriales à l’est et en mer de Chine méridionale.»

Plus largement, le Pentagone a peint une image sensationnaliste d’une Chine à la quête de puissance mondiale par des moyens militaires. Le premier paragraphe du rapport a déclaré: «Les dirigeants chinois disent que la modernisation de l’Armée populaire de libération (APL) est essentielle pour atteindre le statut de grande puissance et ce que le président chinois Xi Jinping appelle le “Rêve chinois” de rajeunissement national…. La modernisation complète des forces armées de la République populaire de Chine (RPC) à long terme est entrée dans une nouvelle phase en 2015 au moment où la Chine a dévoilé de vastes réformes organisationnelles pour remanier l’ensemble de la structure militaire.»

Il a poursuivi: «Ces réformes visent à renforcer le contrôle du Parti communiste chinois (PCC) sur l’armée, renforcer la capacité de l’APL de mener des opérations conjointes et améliorer sa capacité à combattre des conflits régionaux de courte durée et à haute intensité à plus grande distance du continent chinois.»

Le rapport du Pentagone, qui a été approuvé par l’administration Obama, souligne que les États-Unis sont sur une trajectoire de collision militaire avec la Chine. Présentant le document, Abraham Danemark, secrétaire adjoint de la défense pour l’Asie orientale, a allégué que la Chine étend ses capacités dans tous les domaines: «La Chine continue d’investir dans des programmes et des armes militaires destinés à améliorer la projection de puissance et à imposer des interdictions de zone, ainsi que des opérations dans des domaines émergents tels que le cyberespace, l’espace et le spectre électromagnétique.»

En particulier, le rapport a noté des domaines dans lesquels la Chine pourrait commencer à rivaliser avec l’arsenal du Pentagone dans la prochaine décennie. La marine chinoise possède maintenant «le plus grand nombre de navires en Asie, avec plus de 300 des navires de surface, sous-marins, navires amphibies et patrouilleurs» et d’ici 2020 aurait «entre 69 et 78 sous-marins».

La Chine a également «la plus grande force de l’air en Asie et la troisième dans le monde, avec plus de 2.800 avions au total». Elle «réduit rapidement l’écart» vis-à-vis ses homologues occidentaux «à travers un large éventail d’aéronefs et de “commandement et contrôle” (C2), de brouilleurs radars, de guerre électronique (EW) et de liaisons des données.» La Chine est: «le seul pays autre que les États-Unis à avoir deux programmes de chasseurs furtifs concurrents».

Pékin a réagi avec colère en niant une intention agressive quelconque, tout en défendant avec véhémence son expansion militaire. Le porte-parole du ministère chinois de la Défense Yang Yujun a exprimé le «fort mécontentement» et la «ferme opposition» au rapport du Pentagone. «Des initiatives telles que l’approfondissement des réformes militaires et le renforcement militaire visent à maintenir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale de la Chine et garantissent son développement pacifique.»

En réalité, le régime du PCC défend les intérêts d’une oligarchie corrompue qui ont rétabli le capitalisme en Chine sur le dos de la classe ouvrière surexploitée. Il tente, comme l’élite dirigeante américaine, de faire monter la ferveur patriotique derrière un cours militariste qui menace les travailleurs en Chine, aux États-Unis et dans le monde avec le danger d’une guerre nucléaire catastrophique.

Mike Head

Article paru d’abord en anglais, WSWS,  le 20 mai 2016



Articles Par : Mike Head

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