L’offensive ukrainienne contre Donetsk augmente le risque de guerre avec la Russie

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Alors que des centaines de milliers de personnes fuient en Russie pour échapper à l’offensive sanglante du régime ukrainien contre les forces pro-russes Ukraine de l’Est, le risque d’une guerre totale entre l’Ukraine et la Russie susceptible d’impliquer les puissances occidentales s’accroît rapidement.

L’OTAN a accusé hier la Russie de préparer une invasion de l’Ukraine orientale afin d’écraser l’offensive ukrainienne. «Nous n’allons pas deviner ce que la Russie a en tête, mais nous pouvons observer ce que la Russie fait sur le terrain et c’est une source de grande inquiétude. La Russie a massé environ 20.000 soldats prêts au combat à la frontière orientale de l’Ukraine», a dit mercredi la porte-parole de l’OTAN, Oana Lungescu.

Moscou pourrait utiliser le «prétexte d’une mission humanitaire ou de maintien de la paix comme excuse pour envoyer des troupes en Ukraine orientale», a-t-elle ajouté.

Les remarques faites par l’OTAN ont été reprises hier par le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel qui a dit aux journalistes au siège du Commandement des forces des États-Unis en Europe, qui est basé à Stuttgart en Allemagne, que le risque d’une invasion russe de l’Ukraine était «une réalité, bien évidemment».

Les porte-parole du ministère russe de la Défense ont rejeté ces accusations en indiquant que l’OTAN avait déjà fait de semblables allégations non fondées selon lesquelles la Russie avait massé en début d’année des troupes le long de la frontière orientale de l’Ukraine: «C’est ce que nous entendons depuis trois mois déjà.»

Les responsables américains ont demandé que Moscou coupe toute aide aux forces pro-russes en Ukraine orientale, permettant au régime d’extrême droite qui est appuyé par l’Occident et qui est arrivé au pouvoir en février dernier grâce au coup d’État conduit par les fascistes à Kiev, de s’emparer de l’ensemble du pays.

«Pour régler la situation humanitaire, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur un fait fondamental: la Russie peut mettre fin à tout ça. La meilleure manière de mettre fin aux violences est que la Russie arrête le flux de combattants, d’armes et d’argent de Russie vers l’Ukraine orientale», a dit la représentante adjointe américaine à l’ONU, Rosemary Di Carlo.

«La Russie peut tout arrêter», a ajouté Di Carlo. «La violence prendra fin le jour où la Russie cessera d’envoyer de l’aide aux insurgés.»

Les remarques de Di Carlo révèlent la dynamique politique qui est à la base de l’intervention des puissances impérialistes occidentales en Ukraine. L’OTAN soutient un régime violent d’extrême droite qui mène une guerre contre la population ukrainienne afin de contraindre la Russie, dans une humiliante reculade, à publiquement désavouer un sentiment pro-russe en Ukraine orientale ou bien à envahir l’Ukraine de l’Est et déclencher une guerre terrestre en Europe. Cela montre combien réactionnaires et imprudentes sont les politiques des puissances occidentales, qui poussent la crise ukrainienne au bord de la guerre mondiale.

L’armée ukrainienne agit avec une énorme brutalité contre des régions d’Ukraine orientale qui sont contrôlées par les rebelles séparatistes. Mardi soir, la force aérienne a mené pour la première fois des bombardements aériens contre la ville de Donetsk, qui compte un million d’habitants. La ville est contrôlée par les séparatistes pro-russes. Aux dires des gens de la région, au moins deux civils ont été tués et l’administration de la ville a fait état de bombardements à l’artillerie lourde qui a ciblé les maisons.

Les enquêteurs russes ont rapporté des preuves d’usage par l’armée ukrainienne de bombes au phosphore. «Des échantillons du sol ont montré que l’armée a utilisé près de Slaviansk des bombes incendiaires interdites», a déclaré un porte-parole d’une agence chargée de l’enquête à Moscou. Les bombes au phosphore sont proscrites par la Convention de Genève de 1949.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU convoquée par la Russie, les représentants du pays ont accusé l’Ukraine d’utiliser contre des cibles civiles des bombes à fragmentation. «C’est une guerre bien réelle», a dit l’ambassadeur de la Russie à l’ONU, Vitaly Churkin. «En dépit d’accords internationaux, Kiev poursuit ses opérations militaires. Des quartiers résidentiels sont visés par des tirs et ils emploient même des bombes à fragmentation.»

Les actes de barbarie commis par l’armée ukrainienne vont de pair avec une répression féroce des opposants à la guerre partout en Ukraine. Les bandes fascistes du parti Svoboda, qui avait fait partie du gouvernement jusqu’à la fin du mois dernier, et le paramilitaire Secteur droit jouent un rôle crucial.

Il y a un mois, le président Petro Porochenko ratifiait une loi punissant de peines de prison fermes, allant de cinq à sept ans, les partisans de l’insurrection du bassin minier du Donbass, dont Donetsk est la capitale. Selon des rapports émanant de figures de l’opposition, cette loi est actuellement utilisée contre des grévistes dans le Nord et l’Est du pays. Une critique du gouvernement faite sur Facebook suffit souvent pour entraîner des poursuites pénales.

Selon le quotidien allemand Junge Welt, cinq policiers ont été licenciés le week-end dernier après avoir cherché à protéger un concert pop contre une attaque de nervis d’extrême droite dans la ville portuaire d’Odessa. En mai, Odessa avait été le théâtre d’un massacre fasciste de manifestants de l’opposition. La semaine passée, les nervis d’extrême droite ont pu opérer sans entraves. La police avait refusé d’ouvrir une enquête à leur sujet.

Des formes tout particulièrement brutales de coopération ont cours, dans les territoires conquis par les forces armées ukrainiennes, entre l’appareil d’État et les bandes fascistes.

Pravda Ukrainskaya, le site internet du journal pro-occidental, a rapporté que des unités de la garde nationale et le Secteur droit fasciste avaient enlevé un grand nombre de présumés collaborateurs. Des responsables de niveau intermédiaire disparaissent souvent pendant des semaines dans des caves secrètes. La garde nationale a annoncé sur son site internet que ses forces tireraient sur toutes les voitures qui ne s’arrêteraient pas aux postes de contrôle routiers.

La terreur qui est engagée contre la population fait partie d’une vaste campagne du gouvernement qui vise à stabiliser le régime de Kiev au moyen de mesures dictatoriales. Vendredi, Porochenko a déclaré vouloir organiser des élections le 12 octobre après que le parti fasciste Svoboda et le parti pro-occidental UDAR auront quitté le 24 juillet le gouvernement, laissant le premier ministre Arseni Iatseniouk en manque de majorité. S’il n’était pas en mesure de rassembler une nouvelle coalition d’ici le 24 août alors, conformément à la constitution, Porochenko pourrait dissoudre le parlement et organiser de nouvelles élections.

L’annonce de Porochenko de vouloir dissoudre le parlement était associée à des menaces féroces à l’adresse de ses adversaires politiques. «Je ne sais pas comment travailler avec un parlement où la majorité des gens représente une “cinquième colonne” contrôlée par l’étranger, des factions entières. Et ce danger ne fait que croître», a-t-il dit. Il a cité le fait que la moitié des députés avaient refusé de qualifier de terroristes les rebelles à l’Est.

Bien que de nombreux députés aient déjà été obligés de quitter le pays ou de changer de groupe parlementaire, les représentants du Parti des régions restent au parlement. Le gouvernement du Parti des régions qui est dirigé par l’ancien président Viktor Ianoukovitch avait été renversé en février par un coup d’État. Tout comme les membres du Parti communiste d’Ukraine, ils sont plutôt orientés vers Moscou et sont critiques à l’égard du nouveau régime.

Le fait de qualifier ces députés de «cinquième colonne» revient à les accuser de collaboration avec les insurgés à l’Est, ce qui les expose à des poursuites criminelles. Les partis d’opposition sont graduellement démantelés.

Il y a deux semaines, un député du Parti des régions, Nikolai Levchenko, a été exclu des séances du parlement après avoir critiqué les agissements du gouvernement dans le Donbass. Le dirigeant du Parti communiste, Petro Simonenko, a été physiquement agressé au parlement par des représentants de Svoboda.

En février, le bureau central du Parti communiste a été occupé par des milices fascistes pour être finalement détruit par un incendie en avril. Le mois dernier, le Parti communiste s’est vu refuser le droit de statut de groupe parlementaire et le ministère de la Justice a présenté une pétition pour interdire le parti qui avait obtenu plus de 13 pour cent des votes lors des dernières élections.

Dans ces conditions, les élections d’octobre visent à fournir un faux vernis de légitimité démocratique à la guerre et à la dure austérité sociale. Dans sa guerre contre le peuple ukrainien, Porochenko n’est pas seulement déterminé à poursuivre son offensive militaire contre l’Est, mais aussi à imposer des attaques généralisées contre les droits sociaux qui ont été planifiés par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire International (FMI) après le coup d’État en février.

La semaine dernière, le parlement à Kiev a voté une taxe à la guerre de 1,5 pour cent sur tous les revenus imposables, ainsi qu’une hausse considérable du taux général d’imposition.

«La guerre n’est pas une raison pour reporter les réformes», a dit Porochenko dans une interview télévisée. Il a quelques semaines, le Trésor avait annoncé vouloir réduire les subventions octroyées aux mines du pays et une augmentation déjà approuvée du salaire minimum (actuellement 45 cents l’heure) a été retirée comme ce fut le cas pour la proposition d’adapter les taux de retraite aux salaires.

Christoph Dreier

Article original, WSWS,paru le 7 août 2014



Articles Par : Christoph Dreier

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