L’Ukraine dérive-t-elle vers la guerre civile et une confrontation des grandes puissances?

Les gens demandent des solutions, mais aucune solution n’est possible dans un monde désinformé. Presque partout les populations sont insatisfaites, mais elles sont peu nombreuses à comprendre ce qui se passe réellement. Avant de trouver des solutions, les gens doivent savoir la vérité sur les problèmes. Pour les rares personnes enclines à servir de messagers, il s’agit d’une tâche ingrate.

L’hypothèse selon laquelle l’être humain est rationnel est fausse. Les humains sont des créatures émotionnelles, pas des M. Spock de Star Trek. Les humains ont le cerveau lavé par l’enculturation et l’endoctrinement. Les patriotes répondent avec hostilité à toute critique de leurs gouvernements, de leur pays, de leurs espoirs et de leurs illusions. Leurs émotions étouffent les faits, lorsque ces derniers les atteignent. Les aspirations et les fantasmes l’emportent sur la vérité. La plupart des gens veulent qu’on leur dise ce qu’ils ont envie d’entendre. En conséquence, ils sont toujours crédules, leurs illusions et leur aveuglement en font des victimes faciles de la propagande. Cela est vrai à tous les niveaux de la société, même chez les leaders.

Voilà ce dont nous sommes témoins aujourd’hui dans l’ouest de l’Ukraine où un mélange d’étudiant ridicules, des pions dans la marche de Washington vers l’hégémonie mondiale, avec des manifestants  payés pour manifester et des éléments fascistes parmi les ultranationalistes bouleversent l’Ukraine et risquent de déclencher une guerre mondiale mortelle.

Bien des manifestants sont des chômeurs qui font là de l’argent facile. Ce sont les stupides idéalistes qui détruisent l’indépendance de leur pays. Victoria Nuland, la secrétaire d’État adjoint néoconservatrice, aspirant à l’hégémonie mondiale des États-Unis, a dit aux Ukrainiens le 13 décembre dernier ce qui les attendait, mais les manifestants, dans leur délire, ne l’ont pas entendue.

Dans un discours de 8 minutes et 46 secondes au National Press Club, parrainé par la fondation US-Ukraine, Chevron et le groupe de lobbyisme Ukraine in Washington, Nuland s’est vantée que Washington avait dépensé 5 milliards de dollars pour fomenter l’agitation visant à amener l’Ukraine dans l’UE. Une fois capturée par l’UE, l’Ukraine serait « aidée » par l’Occident à travers le FMI. Nuland a bien sûr présenté le FMI comme le sauveur de l’Ukraine et non pas comme la main de fer de l’Occident qui anéantira ce qui reste de son économie chancelante.

Le public de Nuland était constitué de ceux qui s’enrichiront avec le pillage et leurs liens avec un gouvernement ukrainien nommé par Washington. Il suffit de regarder le très grand signe Chevron devant lequel Nuland parle et vous comprendrez de quoi il s’agit : http://www.sott.net/article/273602-US-Assistant-Secretary-of-State-Victoria-Nuland-says-Washington-has-spent-5-billion-trying-to-subvert-Ukraine

Le discours de Nuland n’a pas alerté les manifestants ukrainiens, déterminés à détruire l’indépendance de l’Ukraine et à placer leur pays dans les mains du FMI afin qu’il puisse être pillé comme la Lettonie, la Grèce et tous les pays qui ont eu un programme d’ajustement structurel du FMI. Tout l’argent payé aux manifestants par les États-Unis et l’UE sera bientôt remboursé au centuple lorsque l’Ukraine sera « ajustée » par le pillage occidental.

Dans son bref discours, l’agitatrice néoconservatrice Nuland a prétendu que les manifestants pour lesquels Washington avait dépensé 5 milliards de dollars, protestaient « pacifiquement et avec beaucoup de retenue » contre un gouvernement brutal.

D’après RT, bien plus de crédible que le département d’État étasunien (rappelez-vous du discours du secrétaire d’État Colin Powell à l’ONU, organisant l’invasion de l’Irak avec ses « preuves » d’armes de destruction massive irakiennes une manœuvre que Powell a plus tard désavouée et qualifiée de désinformation du régime Bush), les émeutiers ukrainiens ont saisi 1500 armes à feu, 100 000 munitions, 3 mitrailleuses et des grenades d’une armurerie militaire.

La police ukrainienne, formée pour respecter les droits de la personne, a permis à la violence de dégénérer. Quelques policiers ont été brûlés par les cocktails Molotov. Le dernier reportage fait état de 108 policiers touchés par balle. Certains sont décédés et 63 sont dans un état critique. (http://rt.com/news/ukraine-kiev-firearms-weapons-police-934/) Ces victimes sont le produit des « manifestants pacifiques agissant avec beaucoup de retenue ». Le 20 février, le gouvernement ukrainien élu et indépendant a réagi à l’usage d’armes à feu par les émeutiers en autorisant la police à faire usage d’armes à feu en cas de légitime défense.

Les Ukrainiens occidentaux russophobes méritent peut-être le FMI et peut-être que l’UE mérite les nationalistes extrémistes qui tentent de renverser le gouvernement ukrainien. Une fois que les Ukrainiens auront fait l’expérience du pillage par l’Occident, ils seront à genoux à supplier la Russie de les sauver. La seule certitude est qu’il est peu probable que la partie russe de l’Ukraine demeure dans l’Ukraine.

À l’ère soviétique, des parties de la Russie, comme la Crimée, ont été intégrées dans la République socialiste soviétique d’Ukraine, possiblement pour augmenter la population russe en Ukraine. Autrement dit, une grande partie de l’Ukraine actuelle, soit les provinces de l’est et du sud, est constituée de territoires traditionnellement russes qui ne font pas historiquement partie de l’Ukraine.

L’Ukraine a eu droit à un peu d’indépendance depuis le IVe siècle. Elle a fait partie de la Russie pendant 200 ans avant que cette dernière ne lui accorde l’indépendance au début des années 1990. Le problème avec l’indépendance est qu’une bonne part de l’Ukraine n’est pas ukrainienne, elle est russe.

Comme je l’ai déjà dit, la Russie perçoit comme une « menace stratégique » l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, à l’OTAN et la présence de bases militaires étatsuniennes aux frontières russes. Il est peu probable que le gouvernement russe et les territoires russes en Ukraine accepteront le plan de Washington pour ce pays. Quelles que soient ses intentions, les déclarations provocatrices du secrétaire d’État John Kerry font monter la tension et fomentent la guerre. La grande majorité des Étasuniens et des populations occidentales n’ont aucune idée de ce qui se passe réellement, car tout ce qu’ils entendent de la « presse libre » n’est que propagande néoconservatrice.

Les mensonges de Washington sont en train non seulement de détruire les libertés civiles ici et ailleurs, mais sonnent dangereusement l’alarme en Russie en ce qui concerne la sécurité du pays. Si Washington parvient à renverser le gouvernement ukrainien, les provinces de l’est et du sud vont sûrement se séparer. Si la sécession se transforme en guerre civile au lieu d’un divorce pacifique, la Russie ne pourra pas rester là à ne rien faire. Comme les va t’en guerre de Washington soutiendront l’Ukraine occidentale, les deux puissances nucléaires seront jetées dans un conflit militaire.

Les gouvernements ukrainien et russe ont permis à cette dangereuse situation de se développer, en permettant naïvement que des milliards de dollars US coulent à flots dans leurs pays durant des années, afin de créer une 5e colonne sous couvert d’organisations éducatives et des droits humains, mais dont le but véritable consiste à déstabiliser les deux pays. Les Ukrainiens et les Russes ont fait confiance à l’Occident et la perspective d’une guerre civile élargie en est la conséquence.

Article original en anglais : Is Ukraine Drifting Toward Civil War And Great Power Confrontation?, publié le 20 février 2014

Traduction : Mondialisation.ca

 



Articles Par : Dr. Paul Craig Roberts

A propos :

Paul Craig Roberts, former Assistant Secretary of the US Treasury and Associate Editor of the Wall Street Journal, has held numerous university appointments. He is a frequent contributor to Global Research. Dr. Roberts can be reached at http://paulcraigroberts.org

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