Malgré l’hypocrisie occidentale, l’Iran héritière de Darius peut-elle réussir ?

 «L’Iran vient de récupérer un jardin dont l’entrée lui avait été interdite pendant plusieurs années. Le lieu étant en friche, il faut à présent biner, planter et arroser avant d’en récolter les fruits.»

Métaphore pédagogique de Hassan Rohani pour expliquer aux citoyens iraniens d’être patients et de travailler sans relâche.

 

Il est pour le moins étonnant de voir comment les médias aux ordres, un jour ont pour instruction de diaboliser l’Iran, un autre de lui trouver des vertus. L’exercice étant difficile, ils font preuve d’imagination en essayant de dresser les uns contre les autres à l’intérieur du sérail iranien. En l’occurrence leur bête noire -désignée ad vitam aeternam par ceux qui tirent les ficelles de l’Ordre mondial-, le docteur en résistance des matériaux actuel professeur à l’université de Téhéran et précédemment président de la République iranienne pendant les deux mandats réglementaires. Son crime? Avoir déclaré que le régime sioniste en Israël devrait disparaitre. On sait le sort qui a été fait à cette phrase. Dans une précédente contribution j’avais parlé de la Kabbale et de l’erreur voulue de la traduction, erreur au demeurant reconnue, bien après une fois que le mal a été fait, à savoir diaboliser l’Iran.

Le grand écart des politiques et des médias occidentaux

Comment justifier l’a-plat-ventrisme qui fait courir les Occidentaux en Iran pour cause de contrats avec la rhétorique qui veut que l’Iran -puissance spatiale qui construit ses sous-marins, ses drones, ses avions et disposent d’universités performantes- c’est le goulag? On sait que les pays occidentaux ont voulu imposer à l’Iran de ne pas avoir un programme nucléaire. De négociation en négociation, les pays occidentaux acceptent finalement le droit de l’Iran à développer son industrie nucléaire et à pouvoir enrichir l’uranium sous le contrôle strict de l’AIEA. Malgré cela, certains pays, sans doute sous la pression d’Israël ont durci les obligations tant qu’ils ont pu, jusqu’au moment où, pour d’autres raisons, les Etats-Unis ont sifflé la fin de la récréation. L’Accord fut signé et brusquement commence alors le retour en grâce permis par les pays européens qui ne savent pas que la plus grande partie des marchés du fait de la levée des sanctions c’est l’Oncle Sam qui va en hériter. Comme à leur habitude, les pays européens Grande-Bretagne, France, Italie et Allemagne vont avoir des miettes. Il n’empêche que c’est la ruée vers le pays des mollahs et là encore on essaye de dissocier les citoyens (les jeunes) du pouvoir des mollahs, jusqu’à trouver même quelques sympathies à Rohani que l’on dit se battre contre les autres. Mais le coeur n’y est pas! Les médias occidentaux comprennent que tout est truqué et qu’en définitive seuls les contrats comptent.

La tournée européenne de Rohani

«L’Italie est notre porte vers l’Europe» a récemment déclaré l’ambassadeur iranien à Rome. Rohani sera accompagné d’une délégation de 120 entrepreneurs six ministres pour une série d’entretiens avec les chefs d’entreprise italiens mais également avec le président du Conseil Matteo Renzi, le président de la République Sergio Matterella et le pape François. Dès la signature des accords de Vienne sur le dossier nucléaire iranien le 14 juillet dernier, les missions de chefs d’entreprise italiens à Téhéran se sont multipliées. La lutte s’annonce néanmoins rude face à la Chine devenue premier partenaire commercial de la République islamiste après le départ des Occidentaux, mais surtout face aux appétits des entreprises américaines, françaises et allemandes.(…) Un marché pour 80 millions de potentiels consommateurs dans un pays qui a connu une croissance annuelle de 5% en moyenne de 2000 à 2010 et qui devrait être de 6% cette année. Les espoirs sont grands dans les domaines du pétrole, de l’énergie, des infrastructures, de l’ameublement, de la mode, de l’agroalimentaire ou encore de l’automobile. Les échanges commerciaux entre l’Italie et l’Iran représentaient 7,2 milliards d’euros qui se sont effondrés à 1,6 milliard en 2014. Avec leur levée, Téhéran récupèrera 29,4 milliards d’euros de ses avoirs bloqués dans les banques internationales. (1)

Dans un entretien au Monde, le président iranien, Hassan Rohani, a rejeté sur l’Arabie saoudite la responsabilité de la crise avec l’Iran.

«La réaction de l’Arabie saoudite n’a pas été proportionnée (…). Cela fait penser à quelqu’un qui a commis une faute et qui perturbe le jeu pour pouvoir échapper à sa responsabilité.»

Il a expliqué que c’était à Riyadh de faire le premier pas: «Le pays qui a interrompu les relations [diplomatiques] doit prendre l’initiative de les rétablir et remédier à cette situation. Nous n’avions rien à compenser: ce que nous avons fait, nous l’avons fait; et ce que nous avions à faire, nous l’avons fait. Nous avons trouvé les agresseurs de l’ambassade, ils seront jugés. S’agissant de la rupture des relations, il revient à l’Arabie saoudite d’y remédier.» (2)

Rejetant la doxa occidentale qui veut que l’Iran est un paria de la communauté internationale (entendons par les trois pays occidentaux du Conseil de sécurité et l’Allemagne), il répond d’une voix calme:

«L’Iran n’a jamais été un paria, avant comme après l’accord nucléaire. En 2013, mon initiative pour un monde sans violence et sans extrémisme a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies. A cette occasion, je m’étais entretenu avec un grand nombre de leaders européens: ils étaient tous contre les sanctions et j’ai eu le sentiment que rares étaient les pays qui souhaitaient isoler l’Iran. L’Iran a quelque peu souffert de cette situation sur le plan économique, mais désormais nous sommes dans une situation plus favorable. Il y a un nombre important de différends accumulés ces 37 dernières années avec les Etats-Unis, il est très difficile de tous les résoudre en un laps de temps aussi court. J’ai dit lors de mon entretien [avec le président Barack Obama] que nous souhaitions atténuer la tension… L’Iran n’a jamais déclaré la guerre à quiconque dans la région. Par contre, des pays de la région n’ont pas hésité à lui déclarer la guerre, tels que l’Irak à l’époque, armé par l’Occident. D’importantes minorités chiites ont également été maltraitées, voire massacrées dans de nombreux pays. Et l’Iran a été ostracisé alors qu’il adoptait vis-à-vis des taliban, d’Al Qaîda et de Daesh des positions bien plus en accord avec les intérêts occidentaux que l’Arabie saoudite ou le Qatar.» (2)

Par la force des choses les pays occidentaux acceptent de plus en plus l’idée que Bachar restera parce qu’il n’y a pas d’autre solution. Depuis l’intervention russe et iranienne, des centaines de localités syriennes ont été libérées de l’emprise djihadiste. L’Iran est le pays le plus «stable» de la zone et aucune sortie de crise ne sera possible sans lui. A l’heure où les monarchies du Golfe voient monter les contestations et les répressions.

Le pétrole et le gaz: objet de convoitise

La Commission européenne va entreprendre une mission technique d’évaluation en février prochain pour discuter avec l’Iran d’un renforcement de sa coopération sur le plan énergétique. «La priorité est évidemment de réduire la dépendance des 28 au gaz et au pétrole russes», indiquait un collaborateur de Miguel Arias Cañete. Dix jours à peine après la levée des sanctions, l’Iran sort donc de son isolement pour se tourner vers l’Europe. C’est à Rome que Hassan Rohani a débuté le 25 janvier sa tournée européenne et son grand retour sur la scène économique internationale, avant de se rendre à Paris, non sans un crochet remarqué au Vatican. «Le marché iranien s’offre aux investisseurs italiens et européens pour leur permettre de s’implanter ensuite dans toute la région», commentait le président iranien.(3)

Accompagné de plusieurs ministres et d’une centaine d’acteurs économiques, Hassan Rohani souhaitait ainsi marquer la reprise des affaires et le dégel des relations diplomatiques. Un pari tenu en Italie. L’Italie tient d’ailleurs une bonne place dans la concurrence que se livrent certains Etats membres de l’UE pour rafler sa part du gâteau. Ses exportations vers l’Iran devraient presque tripler au cours de cinq prochaines années pour passer de 1,1 milliard en 2014 à 3 milliards en 2018, estime-t-on à Rome. La France n’a pas été en reste ces derniers mois et elle devrait elle aussi parvenir à placer ses pions sur le très convoité marché iranien. Arrivé le 27 janvier à Paris, Hassan Rohani devrait notamment confirmer la commande d’un minimum de 114 Airbus. Des contrats importants seront probablement signés aussi bien avec Peugeot qu’avec Renault, Son principal objectif: trouver des grandes firmes susceptibles d’investir massivement dans l’industrie du pétrole et du gaz ainsi que dans son secteur automobile, indiquent des sources iraniennes.

Les Iraniens sont patients, ils savent qu’on ne peut pas bousculer les choses
Même le très conservateur journal la Croix s’est mis de la partie et a zoomé sur le ressenti de quelques Iraniennes vivant à Paris. Ce qui lui importe est comment du point de vue religieux le pouvoir s’accommode avec le tourisme et comment les jeunes filles arrivent à raccourcir leur tchador profitant de l’ouverture imposée selon eux par l’Occident à L’Iran.

«Les touristes? Il y en a partout à Téhéran, qui n’est pourtant pas une ville particulièrement touristique», s’exclame Sepideh, jeune étudiante iranienne qui revient au moins deux fois par an dans son pays. «Les Téhéranais ont plus d’audace, ils ouvrent des galeries d’art, sont plus actifs», poursuit-elle. Un ressenti, des petites observations, qui montrent, selon les deux amies, que«l’atmosphère générale est à la détente, que les portes de l’Iran s’ouvrent à nouveau sur le monde», depuis la signature de l’accord sur le nucléaire. Un souffle printanier en quelque sorte. Autre signe significatif qui les fait sourire: la longueur des vêtements des femmes. Elle serait proportionnelle, selon elles, à l’espoir soulevé par la conclusion du dossier nucléaire. Et comme celui-ci est grand, les tissus raccourcissent, les foulards glissent sur des cheveux de plus en plus voyants! Et la police des moeurs a quasiment disparu des rues. (…) Hassan Rohani rassure (…) «On le surnomme ‘le cheikh’, le ‘roi de la diplomatie’», explique Milad Jokar. Une qualité qu’il a affinée alors qu’il a dirigé pendant huit ans le centre d’études stratégiques en Iran, une sorte de «think tank» où diplomates iraniens, anciens ambassadeurs, jeunes chercheurs, membres des services de renseignements, discutent de tous les sujets, relations internationales, stratégie, dialogue inter-religieux, sans tabou. Son équipe actuelle est largement composée de spécialistes issus de ce centre.» (4)

La visite de Rohani en France: Israël et son lobby en France dénoncent

Mercredi dernier, le président du Parlement israélien a vivement critiqué le fait que Hassan Rohani ait été accueilli le jour même de la Journée internationale du souvenir de l’Holocauste. Le témoignage de l’ambassadrice d’Israël en France, Aliza Bin-Noun, interrogée par Euronews, va dans le même sens. «C’est très négatif parce que, encore une fois, l’Iran est toujours impliqué dans le soutien au terrorisme au Moyen-Orient, par l’intermédiaire du Hezbollah ou du Hamas.» Au passage, Israël qui ne respecte aucune résolution de l’ONU qui traite les Palestiniens comme des sous-humains, qui développe un arsenal nucléaire important en un mot qui fait ce qu’elle veut indique aux Occidentaux qu’ils n’en ont pas fini avec l’Iran qu’il faut empêcher de développer des missiles balistiques.

Dans le même ordre, 65 parlementaires toutes tendances confondues, mais allégeance unique à Israël demandent au président Hollande d’assujettir les contrats avec les Iraniens au respect des droits de l’homme. Ces édiles guidés par les mêmes têtes bien connues de l’allégeance inconditionnelle à Israël demandent à François Hollande de faire preuve de fermeté et de cohérence face à Hassan Rohani en l’informant que même dans la majorité ils ne sont pas d’accord: «Vous recevez à Paris le président de la République islamique d’Iran, M.Hassan Rohani. Parlementaires français issus de la majorité présidentielle et des rangs de l’opposition, nous souhaitons néanmoins attirer votre attention sur le bilan accablant du régime des mollahs en matière de respect des droits de l’homme.» (5)

Comprenant qu’il y a aussi des intérêts économiques «Téhéran vaut bien une messe» pour paraphraser Henri IV, ils lui indiquent la marche à suivre: «Il n’y a pas d’incompatibilité entre une diplomatie dite des intérêts et une diplomatie des valeurs car un pays qui ne défend pas ses valeurs fondatrices ne peut être crédible et donc respecté lorsqu’il défend ses intérêts.»

Vient ensuite le pleurnichement sur le hochet des droits de l’homme que l’on agite au nez des faibles. Font-ils de même s’agissant de l’Arabie saoudite où les exécutions sont plus importantes et où les droits de l’homme sont une vue de l’esprit? – Là pas touche, il y a des dizaines de milliards de dollars, notamment d’armement pour semer la mort- Le font-ils envers les Etats-Unis où la peine de mort est toujours en vigueur et où les droits des Noirs sont « problématisés »? Vient ensuite le vrai motif celui de défendre le sionisme israélien:

«…Elle ne peut pas davantage passer sous silence les déclarations ouvertement négationnistes des dirigeants iraniens alors que notre pays a fait de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une grande cause nationale. (…) Ces valeurs nous obligent. Notre pays ne peut les sacrifier sans se trahir car il porterait alors atteinte à la crédibilité de ses engagements internationaux et plus grave encore à son honneur.» (5)

Ces belles âmes ont-elles protesté quand le Premier ministre israélien est venu en France pour sa politique inhumaine vis-à-vis des Palestiniens pour la colonisation des territoires occupés. Il y a une semaine le gouvernement israélien a encore autorisé la construction de 200 logements en Cisjordanie sous le regard indifférent de l’Occident donneur de leçons sur les droits de l’homme à tout le monde sauf à Israël qui en revanche leur dicte la norme.

L’Iran avance, il en a les moyens scientifiques, il fait partie des ensembles asiatiques. Nul doute que ses relations privilégiés avec la Chine auquel il livre de grandes quantités de pétrole et avec la Russie feront qu’il rejoindra, à terme, les Bric’s. Le nouveau monde se met en place. Il n’est que de voir comment dans le cadre de la Route de la Soie projet chinois phare, un train va parcourir 10 400 km en 14 jours pour relier Pékin à Téhéran! Le rail permettra de promouvoir davantage la coopération entre la Chine et les pays au Moyen-Orient, contribuant ainsi à l’émergence d’un monde multipolaire exportateur net de la stabilité. Les pays occidentaux tard venus à l’échelle de l’Histoire, devant la civilisation perse, doivent se souvenir que c’est l’empereur perse Darius Hystape qui promulgua un décret permettant aux juifs de terminer la reconstruction du temple en 515 avant J.-C. il y a de cela 2531 ans.

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

 

1.http://www.lesechos.fr/monde/europe/021643534441-ca-se-passe-en-europe-hassan-rohani-se-rend-en-italie-chaos-automobile-a-bruxelles-1194903.php?2ed7QC00Qpg3DxmB.99

http://www.lemonde.fr/international/article/2016/01/29/hassan-rohani-la-lutte-contre-le-terrorisme-doit-etre-la-base-de-tout-en-syrie_4855748_3210.html#AiB3KR3mzt0e9ahG.99

3.http://www.lemoci.com/actualites/entreprises-secteurs/iran-union-europeenne-hassan-rohani-en-tournee-europeenne-pour-accelerer-les-investissements/

4.Agnès Rotivel, http://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Les-Iraniens-sont-patients-savent-peut-bousculer-choses-2016-01-28-1200735938? &PMID

 5.Visite du Président Rohani: lettre de 65 parlementaires à Hollande lefigaro.fr 28/01/2016

 

Article de référence :

http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_ professeur_chitour/234449-l-iran-heritiere-de-darius-peut-elle-reussir.html

 

 



Articles Par : Chems Eddine Chitour

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