Marcelo Bielsa et la sélection chilienne : un regard rétrospectif

L’entraîneur argentin a marqué le football chilien en dirigeant la sélection nationale de 2007 à 2011, suscitant l’admiration unanime des supporters.

Marcelo Bielsa a occupé pendant près de quatre ans le poste de sélectionneur de l’équipe du Chili, redonnant un souffle nouveau au football national et jetant les bases d’un jeu offensif et généreux augurant des futurs succès. Même s’il n’a remporté aucun titre à la tête de la Roja, il a marqué à jamais les supporters de la patrie de Pablo Neruda, ainsi que le reste de la société chilienne. En effet, l’entraîneur argentin a laissé un héritage bien plus important que la conquête ponctuelle de trophées : il a semé un sentiment de dignité retrouvée.

Le football chilien avant Marcelo Bielsa

Marcelo Bielsa a pris les rênes de la sélection chilienne en août 2007 avec l’objectif de changer les mentalités des joueurs, de les fédérer autour d’un style de jeu et d’obtenir une qualification pour la Coupe du Monde 2010. Le natif de Rosario a trouvé une équipe nationale en piètre état, qui n’avait plus participé à une phase finale de Coupe du monde depuis 1998, ne réussissant pas à se qualifier pour les tournois de Corée du Sud/Japon en 2002 et d’Allemagne en 2006. Au niveau continental, le Chili avait été éliminé dès le premier tour de la Copa América de 2004, terminant dernier du groupe C composé du Brésil, du Paraguay et du Costa Rica, sans aucune victoire à la clé. Lors de l’édition de 2007, le Chili s’était qualifié au second tour en finissant meilleur troisième mais subissait une sévère défaite 6-1 face au Brésil. Le football chilien traversait une crise profonde et la tâche s’annonçait pour le moins ardue pour le technicien argentin[1].

Matchs amicaux

Le premier match dirigé par Marcelo Bielsa a eu lieu le 7 septembre 2007 à Santiago contre la Suisse et s’est soldé par une défaite 2-1[2]. A cette occasion, le technicien argentin a largement renouvelé l’effectif en intégrant sept nouveaux titulaires après le dernier match perdu contre le Brésil deux mois plus tôt. Ainsi, Cristián Alvarez, Miguel Riffo, Arturo Vidal, Mauricio Isla, Matías Fernández, Alexis Sánchez et Eduardo Rubio intégrèrent le onze titulaire et ont rejoint Claudio Bravo, Ismael Fuentes, Manuel Iturra et Humberto Suazo, rescapés de la Copa América 2007. Ce match a marqué les débuts du jeune Alexis Sánchez qui a inscrit son premier but, et qui est devenu dix ans plus tard le meilleur buteur de la sélection chilienne de l’histoire.

Quatre jours plus tard, le 11 septembre 2007, le Chili a signé sa première victoire en battant l’Autriche 2-0 à l’extérieur[3]. Au total, entre septembre 2007 et janvier 2001, sous la direction du technicien argentin, le Chili jouera 27 matchs amicaux pour un bilan de 16 victoires, 4 matchs nuls et 7 défaites, marquant 32 buts et en encaissant 15.

La Coupe du monde 2010

L’ambition de Marcelo Bielsa était de redonner confiance au football national et d’obtenir la qualification pour la Coupe du monde 2010 après douze ans d’absence. Le deuxième objectif était de remporter au moins un match lors de la phase finale. Il convient de rappeler que la dernière victoire de La Roja en Coupe du monde remontait au 10 juin 1962, en quart de finale contre l’Union soviétique (2-1), soit près d’un demi-siècle plus tôt. En effet, lors des participations au Mondial de 1966 en Angleterre, de 1974 en Allemagne, de 1982 en Espagne et de 1998 en France, le Chili n’avait pas réussi à gagner un seul match.

Lors des éliminatoires pour le Mondial, le Chili de Marcelo Bielsa a joué un total de 18 matchs. Il a remporté 10 victoires pour 3 matchs nuls et 5 défaites et obtenu ainsi la deuxième place qualificative, à seulement un petit point du Brésil qui a terminé en tête de l’Amérique du Sud, et devant des grandes nations du football telles que l’Argentine, l’Uruguay ou la Colombie. La Roja a marqué un total de 32 buts et en a encaissé 22, soit une différence de but de +10. A titre de comparaison, le Brésil, qui a été l’équipe la plus prolifique du groupe, a marqué 33 buts.

Durant les éliminatoires, le Chili a notamment battu l’Argentine pour la première fois de son histoire lors d’un match mythique à Santiago. La Roja a remporté d’importantes victoires à l’extérieur contre le Paraguay à Asunción, le Pérou à Lima et la Colombie à Medellín. Cette brillante qualification, marquée par la production d’un jeu offensif spectaculaire et engagé qui a enchanté les amateurs de football, a valu à Marcelo Bielsa d’être élu meilleur entraîneur d’Amérique en 2009[4].

Dunga, alors sélectionneur du Brésil et capitaine emblématique de l’équipe qui a remporté la coupe du monde 1994, a été marqué par le jeu généreux développé par le Chili sous la houlette du technicien argentin. Il a fait part de ses impressions : « C’est un grand entraîneur avec de très bonnes idées. Il est compétent et a de la qualité. Grâce à lui, le Chili a fait de bons matchs. Ils sont très bien préparés pour ce Mondial[5] ».

Lors du Mondial 2010, le Chili est tombé dans le groupe H, en compagnie de l’Espagne, de la Suisse et du Honduras. La Roja a remporté ses deux premiers matchs contre Le Honduras et la Suisse sur le score de 1-0. Elle s’est ensuite inclinée de justesse 1-2 face à l’Espagne, futur vainqueur de la compétition. Ainsi, en l’espace d’une semaine, la sélection dirigée par Marcelo Bielsa a remporté davantage de victoires en coupe du monde qu’en quatre participations depuis 1966. Qualifié en huitièmes de finale, le Chili s’est incliné face au Brésil 3-0[6].

Le jeu offensif proposé par Marcelo Bielsa a impressionné les observateurs du sport le plus populaire de la planète. Une légende du football a particulièrement été impressionnée : Johan Cruyff. Le meilleur joueur néerlandais de l’histoire, qui a remporté trois Ligues des champions et trois Ballons d’Or, qui a révolutionné le jeu du FC Barcelone, référence actuelle du football offensif, a tenu des propos élogieux au sujet de La Roja : « La plus belle sélection que j’ai vue est celle du Chili. Offrir quelque chose de plus aux supporters a toujours été l’une de nos qualités [Pays-Bas], mais je dois admettre que le Chili a pris la relève. L’équipe a déjà montré beaucoup de qualités et elle a très bien compris que même si les possibilités d’un sacre sont faibles, elle a la possibilité de faire en sorte que le public prenne du plaisir à la voir jouer[7] ».

Bilan

Sous l’ère de Marcelo Bielsa, le Chili a joué 51 matchs, pour 28 victoires, 8 matchs nuls et 15 défaites, soit 55% de victoires, avec un total de 69 buts marqués pour 49 encaissés. A titre de comparaison, Nelson Acosta, qui a dirigé La Roja pendant 99 matchs de 1996 à 2001 puis de 2005 à 2007, après un intérim en 1993, a une moyenne de 40% de victoires. Seul Jorge Sampaoli, qui a été sélectionneur de 2012 à 2016, présente une moyenne supérieure à celle du natif de Rosario avec 61% de victoires[8].

Le travail de Marcelo Bielsa à la tête de la sélection nationale a permis aux joueurs chiliens de s’exporter en Europe. Plusieurs d’entre eux jouent désormais dans les plus grands clubs du Vieux continent. Ainsi, l’attaquant Alexis Sánchez a été recruté au lendemain du Mondial 2010 par le FC Barcelone et joue désormais à Arsenal. Le milieu de terrain Arturo Vidal a intégré la Juventus de Turin en 2011 et joue désormais pour le Bayern Munich. Le défenseur Gary Medel a été acheté par le FC Séville en 2011 et est aujourd’hui un élément-clé de l’Inter de Milan.

Lorsque Marcelo Bielsa a quitté le Chili en 2011, la sélection nationale disposait d’une identité de jeu et était respectée à travers le monde. Le natif de Rosario a jeté les bases d’un nouveau football vaillant, offensif et généreux. Il a professionnalisé le sport phare du pays. La Roja suscite désormais la fierté du peuple chilien, heureux de voir qu’il est possible de réaliser des exploits contre les grandes nations du football et d’affronter l’adversité avec travail, discipline, honneur et conviction. C’est ce qui explique l’immense popularité du technicien argentin.

Arrigo Sacchi, considéré comme étant le meilleur entraîneur italien de l’histoire, qui a remporté tous les titres possibles à la tête du Milan AC et qui a été finaliste de la Coupe du monde 1994 avec l’Italie, a bien compris que l’héritage de Marcelo Bielsa dépassait le cadre du football. « Au Chili, il est considéré comme un demi-dieu, non seulement pour les résultats qu’il a obtenus, mais également pour la façon dont ils ont été atteints », note-t-il, saluant la philosophie du technicien argentin[9].

Le travail de Marcelo Bielsa a structuré une équipe qui remporte quelques années plus tard la Copa América à deux reprises (2015, 2016). Pep Guardiola, actuel entraîneur de Manchester City et référence mondiale du football offensif, rappelle l’importance de l’action de l’Argentin : « Tout cela n’aurait pas été possible sans Bielsa. Il y a toujours quelqu’un qui édifie les fondations pour construire la cathédrale[10] ».

Témoignages des joueurs

Les joueurs ayant évolué sous les ordres de Marcelo Bielsa ont unanimement exprimé leur gratitude à son égard et l’ont tous cité comme référence. Au-delà des résultats sportifs et du style de jeu proposé, l’entraîneur argentin a su changer les mentalités et convaincre les footballeurs de leurs capacités à obtenir les meilleurs résultats. Cette transformation a rejailli sur l’ensemble de la société chilienne.

Mauricio Isla, qui évolue aux postes de défenseur et de milieu, n’a pas oublié l’importance de Marcelo Bielsa dans sa carrière et celle de ses coéquipiers. « Cet entraîneur sort le meilleur de chaque joueur qu’il soit jeune ou vieux. Au Chili, il l’avait déjà accompli. Il a bâti une équipe jeune et l’a fait fructifier. Ensuite, Jorge Sampaoli a suivi son chemin avec le même jeu. On est arrivé à maturité pour remporter la Copa América », souligne-t-il. Isla rappelle également que le monde du football a découvert le Chili grâce au natif de Rosario : « Si beaucoup de joueurs chiliens jouent en Europe, tout a commencé avec Bielsa[11] ». Il se souvient également de son exigence : « Au début, tu as envie de te rebeller. Mais dès que tu réalises tes progrès, tu commences à l’aimer[12] ». A titre personnel, la rencontre avec l’Argentin a été décisive : « Marcelo Bielsa est le meilleur entraîneur que j’ai connu. Grâce à lui, je suis international. Je lui dois ma mentalité. C’est quelqu’un qui inculque la culture du travail[13] ».

Gary Medel, pilier de la sélection en défense, a également été marqué par le coach argentin. Il souligne son apport : « Marcelo Bielsa a changé la mentalité du footballeur chilien. Il nous a fait penser positivement, avec l’idée de jouer pour gagner, d’aller chercher les matchs. Il n’a pas été un entraîneur fondamental seulement pour moi, mais pour tout le football chilien[14] ».

Gonzalo Fierro, milieu offensif, partage cet avis. Pour lui, l’Argentin reste sa référence : « Mon meilleur entraîneur a été Marcelo Bielsa. Quand il est arrivé au Chili, il a changé la mentalité. Le joueur chilien a pris une autre ampleur[15] ».

Le défenseur Waldo Ponce insiste sur le travail psychologique effectué par Marcelo Bielsa qui a permis à tous les joueurs de se débarrasser de leur complexe d’infériorité. Il tient le propos suivant : « La différence fondamentale entre l’avant et l’après-Bielsa, c’est le changement de mentalité du footballeur chilien. Il a déclenché un truc qui fait que maintenant on ne se dit plus : ‘On ne peut pas’. Avec lui, on s’est rendu compte qu’on pouvait battre le Brésil ou l’Argentine ou n’importe qui. Le message principal, c’est : ‘Pourquoi le Chili ne pourrait pas ? Bien sûr que le Chili peut !’. Au niveau du foot, mais sans doute aussi de manière générale, le Chilien a toujours eu un complexe d’infériorité par rapport au Brésil ou à l’Argentine. Avant, c’était très commun pour un joueur chilien, ou pour les supporters aussi, de se dire avant un match contre l’Argentine : ‘Pourvu qu’on n’en prenne pas six, mais si on perd sans être ridicules, c’est bien.’ Tout a changé avec Marcelo Bielsa[16] ».

Le milieu offensif Jean Beauséjour a été marqué par l’érudition de Marcelo Bielsa. Il en garde un souvenir impérissable : « Pour moi, Bielsa, et je partage ce sentiment avec beaucoup d’anciens coéquipiers, nous qui avons eu la chance de l’avoir comme entraîneur, a changé notre façon de voir le football. Il nous a ouvert l’esprit, c’est comme la Matrice. Dans le pire des cas, tu joues aussi mal qu’avant, mais tu sais pourquoi tu joues mal. Avant, je jouais comme un moineau. Bielsa ouvre une autre dimension, une autre vision du football. Je sens que les années passées avec lui, pour moi, c’est comme si j’avais fait une thèse, un Master, un MBA en football[17] ».

La star Alexis Sánchez, devenu l’un des meilleurs attaquants au monde, est sur la même longueur d’onde. Il exprime sa reconnaissance à l’égard de l’entraîneur argentin : « Marcelo Bielsa a eu une très grande influence sur moi. Grâce à lui, j’ai appris à comprendre le football[18] ».

Marco Estrada, milieu de terrain, souligne l’importance du natif de Rosario dans l’histoire du sport national : « Tous les entraîneurs t’apportent quelque chose de positif, un enseignement. Il n’y en a pas un pire qu’un autre. Mais le meilleur de tous a été Marcelo Bielsa. Tous diront que c’est le meilleur et il l’est pour moi et, je crois, pour la majorité du football chilien. Avec lui, il y a eu un avant et un après dans le football chilien[19] ».

Le gardien Claudio Bravo, vétéran de l’équipe, qui détient le record actuel de sélections, se souvient de la rigueur de son entraîneur et de sa capacité à sublimer le groupe : « Marcelo Bielsa a été l’entraîneur le plus exigeant que j’ai eu, celui qui arrivait à tirer le meilleur de chaque joueur[20] ». Il a été également marqué par sa personnalité : « C’est une personne difficile à cerner mais comme entraîneur c’est l’un des meilleurs au monde[21] ».

Le défenseur Ismael Fuentes a été impressionné par les connaissances footballistiques de son coach. Il exprime son point de vue à son sujet : « Pour moi, c’est le meilleur. Il a marqué ma carrière. Parfois, on a tendance à être suffisant et on croit tout savoir sur le football et quand on rencontre une personne comme lui, avec ses capacités, on se rend compte que l’on ne sait rien et l’on continue d’apprendre et de s’améliorer[22]. […] A chaque entraînement, il nous donnait les meilleures armes et les meilleurs outils pour affronter au prochain match[23] ».

Le défenseur Pablo Contreras a déploré le départ de Marcelo Bielsa de la sélection chilienne en 2011. « Je le regrette profondément pour les joueurs, pour les supporters. Je suis un grand admirateur du travail qu’a effectué Marcelo Bielsa durant ce processus. […] C’est une perte importante pour le football chilien[24] ».

L’attaquant Humberto Suazo, qui a terminé meilleur buteur des éliminatoires pour le Mondial 2010, souligne également l’importance de l’Argentin pour le football de son pays : « Marcelo Bielsa vivait pour le football. Il savait ce qui manquait au football chilien et c’est la raison pour laquelle il a accepté ce défi si important. On a joué les qualifications pour 2010 à très haut niveau. On a travaillé différemment avec une équipe très dynamique […]. Je lui en serai toujours reconnaissant[25] ».

Après la victoire en Copa América en 2015 sous les ordres de Sampaoli, Jorge Valvivia, titulaire incontournable de l’équipe, a tenu à rendre hommage à Marcelo Bielsa. Il se souvient de l’arrivée de technicien de Rosario et de son rôle dans le redressement de l’équipe nationale : « Bielsa arrive à une période où le Chili est au fond du trou, avec beaucoup de difficultés pour gagner des matchs. Il donne une philosophie à la sélection qui a perduré au fil du temps. Celui qui est à l’origine de tout cela, c’est Bielsa. […] Il nous a beaucoup marqués. Il nous a donné la philosophie et Sampaoli nous a menés à la gloire[26] ».

Mark González, milieu de terrain, partage cet avis : « Marcelo Bielsa est arrivé à changer le style des joueurs. Ce que nous faisons aujourd’hui n’a rien à avoir avec notre production du passé. Nous avions un système bien structuré et, le plus important, c’est que nous avons montré aux gens que nous étions une grande équipe qui jouait toujours pour gagner. Marcelo Bielsa est un technicien unique. C’est un perfectionniste ». González a également été marqué par les qualités humaines de l’Argentin: « Il est très respectueux, très bon, et donne toujours la confiance nécessaire pour que l’on s’approche de lui. Pour ce qui est du travail, il est très strict, très discipliné[27] ».

Fabián Orellana, milieu offensif, souligne à son tour le rôle de Marcelo Bielsa dans la progression du sport dans son pays et son influence au niveau personnel : « C’est un entraîneur érudit et qui a fait beaucoup de bien au football chilien. C’est le meilleur entraîneur que j’ai eu et il sera difficile d’en avoir un meilleur que lui. Il a été comme un père pour moi. Il t’aide beaucoup à grandir comme footballeur. Il t’apprend, échange avec toi, te corrige et te félicite quand les choses sont bien faites[28] ».

Pour sa part, Gonzalo Jara préfère souligner le respect conquis par le Chili de Marcelo Bielsa à travers le monde et la fierté retrouvée : « Ce processus a été l’un des meilleurs. Au-delà de notre style de jeu, tout le monde respecte le Chili, que l’on joue à domicile ou à l’extérieur. Nous avons tous progressé, tant au niveau individuel que collectif[29] ».

De son côté, Rodrigo Millar, milieu de terrain, se souvient de Marcelo Bielsa avec émotion et gratitude. « L’entraîneur qui m’a le plus marqué est Marcelo Bielsa », déclare-t-il en 2014, plusieurs années après le départ de son mentor[30]. Il en explique les raisons : « Il tire le maximum de ses joueurs. Avec lui, j’ai vraiment progressé tactiquement et techniquement. Il t’apprend des choses qu’ignorent d’autres entraîneurs. Pour moi, il fait partie des meilleurs entraîneurs au monde, cela ne fait aucun doute. Avoir travaillé avec lui est un grand privilège. Si tu demandes à mes coéquipiers de la sélection, ils te diront la même chose. Il a beaucoup aidé le football chilien […]. Je n’avais jamais connu un entraîneur aussi perfectionniste ». Il souligne son rôle dans la métamorphose du Chili : « À partir de l’arrivée de Bielsa, le Chili est devenu une sélection respectée dans le monde. S’il avait continué, ça aurait fonctionné ». Il revient sur son départ et exprime ses regrets : « Ce fut une grande perte pour le football chilien, une vraie régression. Si Bielsa était resté, je crois, par exemple, qu’on aurait pu prétendre au sacre lors de la Copa América 2011[31] ».

Suite au triomphe continental de 2015 avec la victoire en Copa América, le milieu de terrain Charles Aranguiz a tenu à associer Marcelo Bielsa au succès. Il a gardé en mémoire le prestige conquis par le Chili du natif de Rosario sur la scène internationale : « Le football chilien a gagné une plus grande réputation avec le travail de Marcelo Bielsa. Il nous a donné du caractère. Aujourd’hui, nous sommes respectés au niveau international[32] ».

Marcelo Díaz, milieu de terrain, partage également cette opinion. Selon lui, « Marcelo Bielsa a changé le football chilien de façon indéniable. Sa façon d’être et son style de jeu ont séduit, mais, surtout, il a changé la mentalité du footballeur chilien. Avant, le footballeur chilien était un peu plus médiocre. Si l’on jouait contre l’Espagne, le Brésil ou l’Allemagne, on entrait sur le terrain avec l’idée que l’on allait perdre. Aujourd’hui, nous n’avons plus peur de personne, parque nous savons qu’en jouant en équipe, nous pouvons faire mal à n’importe qui. On joue désormais sans complexes[33] ».

L’attaquant Esteban Paredes partage l’avis unanime au sujet de son ancien coach et souligne son apport au niveau personnel : « J’ai beaucoup appris quand j’ai intégré la sélection avec Marcelo Bielsa. Il m’a beaucoup apporté, des mouvements que j’ignorais et que je n’imaginais même pas et cela m’a aidé à grandir comme joueur. Je lui en suis encore reconnaissant aujourd’hui[34] ».

Le gardien Luis Marín exprime à son tour sa gratitude et garde un souvenir ému de l’Argentin : « De tous les entraîneurs que j’ai eus, Marcelo Bielsa a été le meilleur. Ce n’est pas une relation affective, mais il t’apprend beaucoup et si l’on sait en profiter, on en ressort enrichi en tant que personne et en tant que professionnel[35] ».

Carlos Carmona rejoint son camarade de sélection et exprime le même avis : « Je remercie le football de m’avoir donné un entraîneur comme Marcelo Bielsa. J’ai eu de bons entraîneurs mais j’ai été impressionné par Bielsa car il a une grande méthode de travail. J’ai beaucoup appris avec lui[36] ».

Ivan Zamorano, légende du football chilien, résume bien l’héritage de Marcelo Bielsa dans des propos éloquents et exprime à son tour sa gratitude à son sujet : « L’arrivée de Bielsa a marqué un avant et un après dans le foot chilien. Bielsa a tout à fait changé la mentalité des footballeurs chiliens, il a créé le chemin de la génération actuelle, une génération gagnante. Aujourd’hui, 90% des éléments de l’équipe nationale chilienne jouent à l’étranger et ça, c’est surtout grâce à Bielsa, qui les a poussés à risquer, à oser. Les quatre ans de Bielsa à Santiago ont fait en sorte qu’aujourd’hui, l’image du foot chilien est très positive. C’est avec Sampaoli et Pizzi que le Chili a remporté ses premiers titres mais Bielsa a fait le premier pas, le plus compliqué[37] »

Conclusion

Marcelo Bielsa a marqué de son empreinte le football chilien et la société dans son ensemble. Il jeté les bases du renouveau sportif et a ouvert la voie aux futurs succès de la sélection nationale. Aujourd’hui, La Roja est une équipe respectée au niveau mondial. Alors qu’il n’a remporté aucun titre avec le Chili, il jouit d’une popularité hors norme auprès du peuple de Pablo Neruda, bien supérieure à celles de ses successeurs Jorge Sampaoli et Juan Antonio Pizzi qui ont pourtant conquis la Copa América. Aucune figure du monde du football ne bénéficie d’un tel prestige au Chili. Il est une raison à cela : au-delà de ses compétences unanimement reconnues, le natif de Rosario s’est engagé dans sa mission avec passion, a été fidèle à sa ligne de conduite et à ses principes et a insufflé un sentiment de dignité retrouvée auprès de tous les Chiliens.

Salim Lamrani 

 

 

Notes

[1] Soccer Way, « Copa América 2007 », 2007. http://us.soccerway.com/international/south-america/copa-america/2007-venezuela/s2019/final-stages/ (site consulté le 1er juillet 2017).

[2] Emol, « Chile cae 2-1 ante Suiza en el comienzo de la era Bielsa », 7 septembre 2007. http://www.emol.com/noticias/deportes/2007/09/07/274784/chile-cae-2-1-ante-suiza-en-el-comienzo-de-la-era-bielsa.html (site consulté le 29 juin 2017).

[3] Eurosport, « Autriche-Chili », 11 septembre 2007. http://www.eurosport.fr/football/international-friendlies/2007-2008/live-autriche-chili_mtc208716/live.shtml (site consulté le 30 juin 2007).

[4] Fifa, « Copa Mundial de la Fifa Sudáfrica 2010. Ronda de liga », 2010. http://es.fifa.com/worldcup/archive/southafrica2010/matches/preliminaries/southamerica/index.html#250491 (site consulté le 1er juillet 2017).

[5] TV Max, « Dunga elogia a Maradona, Bielsa y Eriksson », 19 juin 2010. http://www.tvmax-9.com/futbol_internacional/Dunga-elogia-Maradona-Bielsa-Erikssoon_0_2866213353.html (site consulté le 6 mars 2016).

[6] Soccer Way, « World Cup, final stages », 2010. http://us.soccerway.com/international/world/world-cup/2010-south-africa/s4770/final-stages/ (site consulté le 1er juillet 2017).

[7] El Gráfico, « Cruyff elogia al equipo de Bielsa », 28 juin 2010. http://www.elgrafico.com.ar/2010/06/28/C-2833-cruyff-elogia-al-equipo-de-bielsa.php (site consulté le 6 mars 2016).

[8] Seuls les sélectionneurs ayant dirigé l’équipe nationale à plus de 40 reprises ont été pris en compte.

[9] Gazzetta dello Sport, « Sacchi : Bielsa è un maestro, pero quiei 15 minuti…’”, 16 juin 2011. http://www.fcinternews.it/news/sacchi-bielsa-e-un-maestro-pero-quei-15-minuti-49785/ (site consulté le 8 mars 2016).

[10] Soy Chile, « Guardiola : ‘Todo lo que ha pasado en Chile no hubiera sido posible sin Bielsa’ », 31 juillet 2015. http://www.soychile.cl/Santiago/Deportes/2015/07/31/337380/Pep-Guardiola-prendio-las-alarmas-Aun-no-decido-si-renuevo-en-el-Bayern.aspx (site consulté le 30 juin 2017).

[11] Le 10 Sport, « Mercato- OM : Isla revient sur le passage de Marcelo Bielsa », 27 mai 2016. https://le10sport.com/football/mercato/mercato-om-isla-revient-sur-le-passage-de-marcelo-bielsa-241221 (site consulté le 30 juin 2017).

[12] Le 10 Sport, « Mercato –OM : Une recrue estival avoue que Bielsa ne ‘faisait plus l’unanimité’ », 14 février 2016. http://www.le10sport.com/football/mercato/mercato-om-cette-recrue-estivale-qui-avoue-que-bielsa-ne-faisait-plus-l-unanimite-222750 (site consulté le 23 février 2016).

[13] Le Phocéen, « Nouveau mensonge de Labrune sur Bielsa ? », 14 février 2016. http://www.lephoceen.fr/infos-om/saison/nouveau-mensonge-de-labrune-sur-bielsa-144219 (site consulté le 30 juin 2017) : La Tercera, « Mauricio Isla : ‘Mi mentalidad se la debo a Bielsa’ », 8 août 2012. http://www.latercera.com/noticia/mauricio-isla-mi-mentalidad-se-la-debo-a-marcelo-bielsa/ (site consulté le 30 juin 2017).

[14] Arthur Jeanne, « Le Chili et l’héritage de Bielsa », 15 juin 2015. http://www.sofoot.com/le-chili-et-l-heritage-de-bielsa-202929.html (site consulté le 30 juin 2017).

[15] Gonzalo Fierro, « Loco Querido », Fox Sport Chile, 28 mars 2017. https://twitter.com/FOXSports_Chile/status/846763457756053505 (site consulté le 30 juin 2017).

[16] Arthur Jeanne, « Le Chili et l’héritage de Bielsa », op. cit.

[17] Arthur Jeanne, « Le Chili et l’héritage de Bielsa », op. cit.

[18] Infobae, « Alexis Sánchez : ‘Con Bielsa aprendí a entender el fútbol », 11 septembre 2013. http://www.infobae.com/2013/09/11/1508245-alexis-sanchez-con-bielsa-aprendi-entender-el-futbol/ (site consulté le 30 juin 2017).

[19] Publimetro, « Marco Estrada déjà en claro : ‘Dejé la selección por un tema futbolístico’ », 16 janvier 2015. https://www.publimetro.cl/cl/grafico-chile/futbol-chileno/2015/01/16/marco-estrada-deja-claro-deje-seleccion-tema-futbolistico.html (site consulté le 30 juin 2017).

[20] Marca, « Bravo : Bielsa ha sido el técnico más exigente que he tenido », 26 janvier 2016. http://www.marca.com/futbol/chile/2016/01/26/56a79afa268e3ecf408b456d.html (site consulté le 1er juillet 2017).

[21] El Hincha, « Claudio Bravo sobre Bielsa : ‘Como personal es difícil de descifrar pero como técnico uno de los mejores », 2011. http://www.elhincha.cl/noticias/claudio-bravo-sobre-bielsa-como-persona-es-dificil-de-descifrar-pero-como-tecnico-uno-de-los-mejores/ (site consulté le 1er juillet 2017).

[22] Prensa Fútbol, « Ismael Fuentes : ‘Marcelo Bielsa marcó mi carrera, es el mejor », 25 janvier 2016. http://www.prensafutbol.cl/94277-ismael-fuentes-marcelo-bielsa-marco-mi-carrera-es-el-mejor/ (site consulté le 1er janvier 2017).

[23], René Martínez, « Ismael Fuentes : ‘Me da rabia no poder entregarles las alegrías que se merecen’ », Diario El Día, 2 mars 2016. http://www.diarioeldia.cl/deportes/ismael-fuentes-me-da-rabia-no-poder-entregarles-alegrias-que-se-merecen (site consulté le 1er juillet 2017).

[24] El Mercurio, « Pablo Contreras quiere a Borghi en la selección », 8 février 2011. http://www.mercurioantofagasta.cl/prontus4_noticias/site/artic/20110208/pags/20110208191459.html (site consulté le 1er février 2017).

[25] A. Mayo, « La feliz crónica de Humbert Suazo », La Tercera. http://www.latercera.com/noticia/la-feliz-cronica-roja-de-humberto-suazo/ (site consulté le 1er juillet 2017).

[26] Oscar García Soto, « Jorge Valdicia : ‘Bielsa nos dio la filosofía, Sampaoli nos llevó a la gloria’ », Marca, 12 juillet 2015. http://www.marca.com/2015/07/12/futbol/futbol_internacional/chile/1436707250.html?cid=FCOPY33701 (site consulté le 1er juillet 2017).

[27] Nicolás Videla, « Mark González sobre Bielsa : ‘Es un técnico como ningún otro », Red Gol, 30 avril 2010. http://redgol.cl/2010/4/mark-gonzalez-sobre-bielsa-es-un-tecnico-c/ (site consulté le 1er juillet 2017).

[28] La Tercera, « Fabián Orellana : ‘Bielsa es como un padre para mí’ », 12 octubre 2009. http://www.latercera.com/noticia/fabian-orellana-bielsa-es-como-un-padre-para-mi/ (site consulté le 1er juillet 2017).

[29] ADN Radio, « Gonzalo Jara pidió que Marcelo Bielsa se quede después del Mundial », 3 mai 2010. http://www.adnradio.cl/noticias/deportes/gonzalo-jara-pidio-que-marcelo-bielsa-se-quede-despues-del-mundial/20100503/nota/1018743.aspx (site consulté le 1er juillet 2017).

[30] Emol, « Rodrigo Millar : ‘El técnico que más me ha marcado ha sido Marcelo Bielsa’ », 20 août 2014. http://www.emol.com/noticias/deportes/2014/08/20/676088/rodrigo-millar-el-tecnico-que-mas-me-ha-marcado-ha-sido-marcelo-bielsa.html (site consulté le 1er juillet 2017).

[31] Thomas Goubin, « Millar : ‘Bielsa fait partie des meilleurs entraîneurs au monde’ », So Foot, 4 mai 2014. http://www.sofoot.com/millar-bielsa-fait-partie-des-meilleurs-entraineurs-au-monde-183397.html (site consulté le 1er juillet 2017).

[32] 24 Horas, « Charles Aránguiz y el aporte de Bielsa: ‘Nos entregó carácter’ », 18 août 2015. http://www.24horas.cl/deportes/futbol-internacional/charles-aranguiz-y-el-aporte-de-bielsa-nos-entrego-caracter-1759593 (site consulté le 2 juillet 2017).

[33] Goal, « Díaz : ‘Bielsa cambió la mentalidad del futbolista chileno’ », 22 mai 2017. http://www.goal.com/es-co/news/5214/copa-confederaciones/2017/05/22/35760652/d%C3%ADaz-bielsa-cambi%C3%B3-la-mentalidad-del-futbolista-chileno (site consulté le 2 juillet 2017).

[34] Carolina Fernández, « Paredes : ‘Bielsa me enseño cosas que ni imaginaba ; me ayudó’ », AS, 11 mars 2016. http://chile.as.com/chile/2016/03/08/futbol/1457401332_216550.html (site consulté le 1er juillet 2017).

[35] Demid Herrera, « Marín sobre Bielsa : ‘Es el mejor con el que me ha tocado compartir’ », Ferplei, 10 novembre 2010. http://ferplei.com/2010/11/marin-sobre-bielsa-%E2%80%9Ces-el-mejor-con-el-que-me-ha-tocado-compartir%E2%80%9D/ (site consulté le 1er juillet 2017).

[36] Fox Sport, « Carmona : ‘Doy gracias al fútbol que me puso un técnico como Bielsa’”, 16 décembre 2016. https://www.foxsports.cl/news/285332-carmona-doy-gracias-al-futbol-que-me-puso-un-tecnico-como-bielsa (site consulté le 1er juillet 2017).

[37] Arnaud Carond, « LOSC : une nouvelle légende s’incline devant Marcelo Bielsa », But Football Club, 2017. http://www.butfootballclub.fr/ligue-1/lille/losc-une-nouvelle-legende-sincline-devant-marcelo-bielsa/ (site consulté le 1er juillet 2017).

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.

Contact : [email protected] ; [email protected]

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Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet. Contact : [email protected] ; [email protected] Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

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