#Metoo censure Brigitte Sy, signataire de la tribune du Monde contre la délation sexuelle

L‘annulation de la projection du film l‘Astragale de la réalisatrice Brigitte Sy, prévue début févier, et du débat l‘accompagnant est une nouvelle attaque de l‘establishment pro-#metoo/balancetonporc contre les signataires de la tribune parue dans le Monde et s‘opposant à la création d‘un climat de chasse aux sorcières sexuelle et culturelle.

La semaine dernière, Ciné 104, cinéma d’art et d’essai public de la ville de Pantin (Seine-Saint-Denis) signifiait à la cinéaste qu‘elle ne pourrait pas projeter son film ni débattre de ses vues suite à la décision d‘un collectif féministe local d‘annuler l‘événement et qui ne fut pas discutée avec elle.

Pour justifier sa décision, le collectif écrit: «Nous pensons que le moment n’est pas opportun pour débattre sereinement dans ce cadre avec une signataire de la tribune des 100 femmes». Reprenant l‘amalgame frauduleux de #metoo entre gestes déplacés ou avances persistantes non désirées et viol, il accuse les positions «tenues dans cette tribune» de «banaliser les violences faites aux femmes».

«Je n’ai pas le droit de parler et de venir débattre avec des femmes qui récusent le contenu de cette tribune. Intellectuellement, c’est du terrorisme,» s’est insurgée la cinéaste dans Libération. «Ce n’est pas tant la projection de l’Astragale…. Mais c’est le principe même de l’interdiction de venir débattre,» ajoute-t-elle. «Je ne pensais pas être privée un jour de parole, ni interdite de débat, ni de la projection de mon film, censurée en quelque sorte en raison de ma seule signature».

La pétition courageuse publiée dans le Monde du 9 janvier et signée par Sy et de nombreuses autres actrices, critiques, journalistes et femmes écrivains s‘opposait au mouvement #MeToo, à ses méthodes, à ses tentatives d’intimider et de détruire ses victimes masculines et leurs carrières. Elle soulignait le caractère profondément antidémocratique de cette campagne et sa répudiation de droits fondamentaux.

La tribune montrait aussi que #metoo et #balancetonporc, relayés massivement par les médias et devenus politique officielle en France n‘avait pas fait perdre la tête à tout le monde et exprimait la résistance d’une bonne partie de la population.

La censure prononcée contre Sy confirme la caractérisation par le World socialist Web Site de cette campagne comme réactionnaire et manipulée par l‘establishment politique international, pour installer un climat hystérique et répressif par des dénonciations fourre-tout de « harcèlement sexuel » et éliminer dans la foulée le droit à un procès équitable. En France, le gouvernement Macron n’a pas seulement encouragé ce type d’accusations, il veut aussi faire une loi et créer une police spéciale à ce sujet.

L‘attaque menée contre Sy montre qu’un des objectifs de #metoo est, à travers l‘attaque du « caractère » des artistes, la censure et l‘interdiction d’œuvres jugées non conformes ou gênantes par l‘élite dirigeante. Sous prétexte que l‘artiste n’a pas la bonne « moralité» on supprime ou censure son œuvre parce qu‘elle soulève des questions qu’on ne veut plus voir discutées.

En France, #Metoo s‘en était déjà pris à la Cinémathèque française exigeant qu‘elle annule sa rétrospective de l’œuvre de Roman Polanski, allant jusqu‘à réclamer son extradition aux Etats-Unis. Cette intimidation a échoué, mais la Cinémathèque a annulé une autre rétrospective, du cinéaste Jean-Claude Brisseau, prévue ce mois-ci. Plusieurs centaines de gens du cinéma et des lettres ont signé une pétition exprimant leur inquiétude: «Nous citoyens, nous alarmons de ce climat de censure et de voir une institution plier devant des pressions extérieures et cela dans une ambiance délétère propice à toutes les confusions.»

Le directeur de la Cinémathèque, Frédéric Bonnaud, avait insisté sur la gravité du fait qu‘on «en avait appelé aux pouvoirs publics» pour «interdire la rétrospective et la projection des films [de Polanski]», ajoutant «on appelle ensuite à couper les fonds et à la censure». Il avait posé la question si la soi-disant libération de la parole ne «s’accompagnait pas à un moment d’un véritable choc totalitaire, et d’un retour à l’ordre moral.»

La secrétaire d’État à l’égalité entre femmes et hommes Marlène Schiappa avait attaqué les rétrospectives Polanski et Brisseau au motif qu’elles «contribuaient à la culture du viol.» «Faut-il condamner une œuvre dont on se demande bien en quoi elle fait l’apologie du sexisme, du viol ou de la pédophilie? Faudra-t-il aussi brûler les œuvres de tous ceux dont la vie n’a pas toujours été un modèle de vertu?» avait alors demandé Wassim Béji, producteur du dernier film de Polanski.

Ce genre d‘intimidations et d‘attaques contre l’œuvre d‘artistes importants a lieu dans le monde entier. Aux États-Unis, on a tenté ces derniers jours de traîner dans la boue le cinéaste et humoriste Woody Allen et le dessinateur des Marvel Comics (Spiderman, Hulk) Stan Lee, âgé de 95 ans. Si c‘est aux USA que #metoo a commencé, impulsé par le Parti démocrate et le New York Times, il est vite devenu clair qu’il s’agit d’un phénomène international.

Cette campagne est du même acabit que celle contre les «fake news», qui accuse les informations non conformes aux médias traditionnels d’être des mensonges ou de la propagande russe, afin de justifier la censure d‘Internet par les Etats capitalistes en collaboration avec les géants d’Internet comme Google et Facebook. Une censure visant surtout les sites Internet critiquant la politique de contre-révolution sociale et les préparatifs de guerre des élites dirigeantes.

La décision du collectif de Pantin de déprogrammer le film de Sy et de refuser un débat public avec elle, répondant sans aucun doute aux vœux et pressions d‘éléments en lien étroit avec l‘Etat, sinon de l’État lui même, est hautement anti-démocratique. La seule chose que l’on reproche à Sy est d‘avoir pris publiquement position contre #metoo/#balancetonporc.

L‘accusation portée contre Sy et les signataires de la tribune du Monde que leurs positions «dépolitisent» le débat et qu‘elles «expriment un réel mépris de classe» est particulièrement ahurissante. Elle suggère que #MeToo – une campagne vindicative, menée sans aucun regard pour les dégâts culturels et sociaux produits, motivée essentiellement par l‘envie d’une fraction féminine des couches aisées lorgnant les postes lucratifs des hommes – aurait pour but de défendre les travailleuses sur leur lieu de travail. Une affirmation sans fondement avancée dès l’affaire Weinstein par les partis pseudo-de gauche comme le NPA et Lutte ouvrière.

S’il y a «dépolisitisation» du débat, c‘est que #metoo/#balancetonporc, avec l‘aide active du gouvernement Macron, cherche à détourner la discussion de ses attaques brutales contre les travailleurs et sa militarisation de l‘Europe. Qui du banquier Macron qui préside au licenciement de centaines de travailleuses, prépare l‘exclusion de milliers d‘autres de l’assurance-chômage et prépare la guerre en grand, ou de Polanski, est le plus hostile aux travailleuses?



Articles Par : Francis Dubois

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