Négociations sur le climat : l’après-Bush a commencé

4 ième rapport du GIEC

La Tour Eiffel (Reuters)

La Tour Eiffel (Reuters)

La publication du 4ème rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), le 2 février à Paris, a bénéficié d’une couverture médiatique exceptionnelle, à la hauteur des inquiétudes populaires face aux effets de plus en plus évidents du réchauffement de la planète. Le nouveau document, sans surprises, se situe dans le sillage du rapport précédent, remis en 2001. Il est néanmoins important, car il confirme et renforce les constats dressés à l’époque. Confrontés à la quasi-certitude que la combustion des combustibles fossiles (et les changements d’affectation des sols) constituent la cause principale des changements climatiques, les sceptiques et négationnistes de tout poil n’ont plus de marge de manœuvre. Du coup, le débat se déplace du terrain scientifique vers le terrain social et politique : quelles stratégies d’atténuation et d’adaptation mettre en œuvre ? à quel rythme ? avec quels moyens ? qui va décider ? qui va payer ? un nouvel accord international pourra-t-il prendre le relais du Protocole de Kyoto ? Ces questions-là nous concernent tous, il ne faut pas les laisser aux « experts ».

Le texte dévoilé le 2 février est en fait la contribution d’une des sections du GIEC, le « Groupe de Travail 1 », à un rapport plus large, qui comptera en tout trois volets (comme lors des exercices précédents). Il est le produit de la collaboration de 650 spécialistes, originaires de toutes les régions du monde (1). Le « résumé à l’intention des décideurs » – seul texte disponible actuellement, il faudra patienter plusieurs semaines pour obtenir le rapport intégral – a été adopté au terme d’une semaine de réunion par les scientifiques impliqués et les représentants officiels de 113 Etats, en présence d’observateurs du monde des affaires ainsi que des ONG environnementales.

Réchauffement « anthropique » : de « probable » à « très probable »

Les conclusions des experts ne sont pas neuves, mais elles sont formulées avec plus de netteté qu’il y a six ans. Le 3ème rapport estimait « probable » (plus de 66% de chance) que les changements climatiques observés au cours de la seconde moitié du 20e siècle soient dus majoritairement à « l’activité humaine ». Obtenue en 2001 au prix de discussions acharnées avec les représentants de certains gouvernements, cette petite phrase se voit non seulement confirmée mais considérablement renforcée aujourd’hui par le recours à l’expression « très probable » (qui signifie de 90 à 99% de chance, selon l’échelle de probabilité adoptée par le GIEC pour ses travaux).

Il en va de même pour les comparaisons entre le réchauffement actuel et d’autres épisodes de réchauffement dans le passé. Le 3ème rapport considérait comme « probable » que le phénomène observé depuis quelques décennies dépasse ce qui a pu se produire au cours des 1000 années antérieures. Le nouveau rapport porte l’intervalle à 1300 ans et considère comme « très probable » que le phénomène actuel soit sans précédent au cours de cette période. Ceci clôt les débats enflammés menés à partir de certaines reconstitutions controversées du climat du Moyen-Age, selon lesquelles il faisait plus chaud en Europe au 14e siècle qu’aujourd’hui. Bref, plus rien ne peut dévier l’attention du constat central : la preuve du caractère « anthropique » du changement climatique réside dans l’effet mesurable des quantités de gaz à effet de serre déversées dans l’atmosphère depuis deux siècles, c’est-à-dire depuis le début du développement capitaliste basé sur les combustibles fossiles (2).
 

Températures, niveau des mers, cyclones : les menaces se précisent  

En ce qui concerne les futurs effets possibles du réchauffement, il ressort des travaux du GIEC que le sérieux des menaces se précise et s’accroît, même si des incertitudes assez importantes demeurent. Les trois principaux aspects abordés par les projections concernent les températures, le niveau des mers, ainsi que la violence des tempêtes et des cyclones. Parcourons-les rapidement. 

En  2001, les experts du GIEC situaient la hausse de la température moyenne de surface d’ici 2100 dans une fourchette de 1,4 à 5,8 degrés Celsius, selon les scénarios (3). Ils estiment aujourd’hui « probable » que la hausse sera comprise dans une fourchette de 1,1 à 2,9°C pour le scénario le plus bénin, et dans une fourchette de 2,4 à 6,4°C pour le scénario le plus négatif. Le réchauffement pourrait donc aller jusqu’à 6,4° dans le pire des cas. En soi, cela constitue un signal très alarmant. Pour rappel, le différentiel de température entre notre époque et la dernière glaciation n’est que de 4,5°C environ. L’enjeu est d’une importance telle que ce signal ne peut être minimisé sous prétexte qu’il ne s’agit que de la valeur supérieure d’une fourchette assez large… 

Pour ce qui est de la montée du niveau des océans, le troisième rapport la situait entre 8 et 88 cm. Le document présenté à Paris, pour sa part, resserre la fourchette: de 18 à 59 cm. Soulagement ? Non, car le rapport de 2001 incluait l’estimation très incertaine des effets des processus dynamiques liés à la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique (les ruptures suivies de glissement de gigantesques masses de glace dans l’océan sont un des cauchemars des climatologues). Cet aspect a été écarté du document présenté la semaine dernière. Comparer les nouveaux chiffres aux anciens équivaut donc à  comparer des pommes et des poires. Or, l’incertitude en question ne peut réserver que de mauvaises surprises, pas de bonnes. Comme le dit le rapport, « Les processus dynamiques liés à la fonte des glaces, non inclus dans les modèles actuels mais suggérés par de récentes observations, pourraient accroître la vulnérabilité des calottes glaciaires au réchauffement, augmentant la montée future du niveau des mers ». 

Quant aux phénomènes météorologiques extrêmes, le rapport précédent estimait « ne pas disposer de preuves suffisantes » pour affirmer le lien entre le réchauffement provoqué par l’homme et la violence croissante des tempêtes et des cyclones. Dans le texte actuel, par contre, ce lien est considéré comme « plus probable que son absence ». Par ailleurs, le rapport acte le fait que les modèles du climat ne permettent pas encore de rendre vraiment compte des phénomènes observés : « L’augmentation apparente de la proportion de tempêtes très intenses depuis 1970 dans certaines régions est beaucoup plus large que ce qui était simulé par les modèles actuels pour cette période ». Sur ce point, comme sur de nombreux autres, la science du changement climatique a encore bien du pain sur la planche.
 

Des diagnostics robustes

Conformément à sa mission, le Groupe de travail 1 n’avance aucune solution : il se borne aux constats scientifiques. Mais ces constats serviront de base à toute la politique climatique qui devrait prendre le relais du Protocole de Kyoto, après 2012. C’est dire qu’ils sont d’une importance politique majeure. Cette importance est encore rehaussée par le fait que le « résumé à l’intention des décideurs » est soumis au vote des représentants officiels des gouvernements, qui l’ont discuté phrase par phrase avant d’en endosser le contenu. Il n’est donc pas question de mettre ce texte de côté comme une simple contribution au débat : c’est un document qui engage, et par rapport auquel les responsables politiques devront rendre des comptes. 

La procédure complètement originale qui préside à l’adoption de ces « résumés à l’intention des décideurs » explique les pressions exercées sur les auteurs (lire l’encadré) et pourrait faire naître le soupçon d’une science officielle, destinée à intoxiquer ou à manipuler l’opinion. On ne peut nier qu’il y ait des risques, mais ils résident davantage dans l’utilisation des conclusions scientifiques du « Groupe de Travail 1 » que dans ces conclusions elles-mêmes (la situation est très différente dans les rapports du GT3, sur l’atténuation, où ce sont les sciences sociales qui sont sollicitées, pas les sciences exactes). D’ailleurs, le GIEC existe depuis suffisamment longtemps que pour permettre une vérification empirique de ses projections. Et cette vérification est assez concluante : sur la période 1990-2006, l’évolution de la concentration atmosphérique en gaz carbonique a suivi presque exactement les projections, tandis que celle des températures s’inscrivait dans la partie haute de la fourchette. Il est vrai que la hausse du niveau des mers, par contre, a été sensiblement supérieure aux projections (3,3mm/an au lieu de 2mm selon les modèles) (4), mais ce domaine est aussi un des plus incertains, notamment en ce qui concerne le comportement dynamique des glaciers, évoqué plus haut. D’une manière générale, les diagnostics du GIEC portant sur la science du climat doivent être considérés comme robustes. 

Le débat sur la science est épuisé, le débat social et politique s’accélère  

On peut résumer de façon imagée la situation au lendemain de la conférence de Paris en disant que la vérité climatique (presque) toute nue est – enfin – sortie du puits. Les manœuvres de ceux qui voulaient la dissimuler ou la défigurer ont échoué (mais ils auront gagné un temps précieux aux dépens de la majorité de l’humanité, notamment des victimes potentielles, ce qui n’est évidemment pas négligeable !). A part quelques irréductibles, au demeurant très isolés et fort peu crédibles, plus personne ne peut nier la réalité d’un réchauffement planétaire provoqué principalement par l’activité humaine (plus exactement : par le mode actuel, capitaliste, de cette activité). La polémique climatique, du coup, glisse de façon décisive du terrain scientifique vers le terrain social et politique. Il ne fait guère de doute que ce glissement va s’accentuer dans les mois qui viennent.  

Une des premières conséquences de la nouvelle situation sera fort probablement de précipiter le basculement de la classe dominante américaine sur la question du climat. Ce basculement se prépare depuis quelques années déjà. Contrairement à l’image simpliste véhiculée par certains médias européens, il ne consiste pas principalement dans l’abandon du  « négationnisme climatique » (que même Bush ne professe plus depuis 2003) mais dans le ralliement à l’idée de réductions obligatoires des émissions (5). Pour l’administration et les lobbies qui la soutiennent, ces réductions obligatoires provoqueraient délocalisations, pertes d’emplois et autres « conséquences non désirées ». Les représentants US à Paris ne se sont pas privés de répéter cette antienne, parfois de façon grossièrement caricaturale. Estimant que les réductions obligatoires nécessaires au sauvetage du climat seraient énormes et que de telles mesures n’avaient jamais été testées à une aussi large échelle dans une économie réelle, le Secrétaire à l’Energie, Samuel Bodman, a déclaré que « L’économie US n’est pas quelque chose avec quoi on peut faire des expériences » (6). Et le climat de la planète, M. Bodman ? Et le sort des 200 millions de gens qui risquent de devoir déménager par suite de la montée du niveau des océans ? Sont-ce des « choses » avec lesquelles l’économie US peut se permettre de « faire des expériences » ?   

La monstruosité éthique de la politique climatique de Bush est évidente pour toute personne sensée. Mais le patronat nord-américain a une autre raison de s’inquiéter : il est de plus en plus conscient du fait que l’absence de régulation contraignante à long terme risque de lui faire rater le coche du marché des nouvelles technologies énergétiques. Selon un sondage récent, 80% des patrons du secteur de la production d’électricité sont convaincus que le contingentement légal des émissions s’imposera inévitablement dans les dix ans qui viennent. L’immobilisme de la Maison Blanche est vu comme un handicap par ces industriels. Une dizaine de grandes entreprises (dont Alcoa, Caterpillar et DuPont) ont écrit au congrès pour lui demander de mettre sur pied un système de réduction avec échange de droits (« cap and trade system », dans le jargon) (7). Cette prise de conscience se traduit évidemment dans les deux grands partis traditionnels. Alors que le président Clinton n’avait même pas osé soumettre Kyoto à la ratification du Congrès, tant l’opposition était forte, il y a aujourd’hui plus de six propositions de loi en faveur de réductions obligatoires des émissions (8). Les deux principaux candidats à l’investiture pour les élections présidentielles (le républicain John McCain et la démocrate Hillary Clinton) sont tous deux favorables à une régulation par la loi. En Californie, les élus démocrates collaborent à la politique de réduction obligatoire des émissions, impulsée par le gouverneur républicain Arnold Schwarzenegger (9). Etc, etc. 

En même temps, que ce soit au niveau des Etats fédérés ou au niveau fédéral, aucun des schémas de réduction d’émissions qui se discutent aux USA n’est à la hauteur du défi climatique. Alors que les quantités de gaz à effet de serre émises devraient être divisées par quatre (au moins) d’ici 2050, ces schémas, qui portent jusqu’à 2020 ou au-delà, sont inférieurs aux (mini) engagements de Kyoto pour la période 2008-2012. Il ne faut donc se faire aucune illusion : le basculement climatique de la classe dominante américaine ne sera pas synonyme de sauvetage du climat… Mais il ne sera pas sans conséquences pour autant : il nous fera entrer de plain pied dans une conjoncture sensiblement nouvelle, où l’urgence climatique sous-tendra le remodelage capitaliste d’un large éventail de politiques : énergétique, fiscale, sociale, de transport, de recherche, agricole, d’aménagement du territoire, etc. Ce remodelage a déjà commencé et l’enjeu, pour la puissance dominante américaine, est d’en assurer le leadership mondial. La politique climatique de Bush sera abandonnée avant tout parce qu’elle ne permet plus de relever ce défi, et pas pour une autre raison. 

Pour qu’un nouvel accord international puisse être mis en œuvre à partir de 2012, les négociations doivent aboutir au plus tard en 2010. George W. Bush restera aux affaires jusqu’en 2008. Les délais sont donc très brefs. Mais la conversion de la classe dominante US aux réductions contraignantes pourrait permettre une réconciliation rapide entre les USA et l’Union Européenne autour d’une nouvelle politique climatique. De part et d’autre de l’Atlantique, les points d’accord sont en effet nombreux : instauration d’un prix mondial du carbone, transformation des contraintes en opportunités par l’extension sans limite des mécanismes permettant l’acquisition de droits d’émissions dans les pays en développement (par le biais d’investissements propres, de la protection des forêts ou de plantations d’arbres), relance du nucléaire, main basse sur les réserves de biomasse du Sud comme nouvelle ressource énergétique, renforcement de la domination sur les pays en développement, instrumentalisation de la menace climatique dans le cadre d’une nouvelle offensive visant à déstabiliser les systèmes de protection sociale,… 

Le rapport Stern représente une première tentative de formuler cette politique nouvelle, beaucoup plus ambitieuse et globale que Kyoto… mais encore plus libérale (10). Pour rappel, ce rapport est bâti sur une contradiction flagrante, qui permet de douter fortement de son efficacité : d’une part, le réchauffement y est qualifié comme « l’échec le plus grand et le plus large du marché jamais vu jusqu’à présent », d’autre part le sauvetage du climat passerait par plus de marché, plus de croissance, plus de mondialisation néolibérale. C’est fondamentalement illogique. Que dirait-on d’un médecin qui prescrirait à un fumeur présentant une tumeur au poumon de fumer deux paquets de cigarettes par jour, au lieu d’un ? On dirait que c’est un charlatan et un assassin. Nicholas Stern et les autres experts néolibéraux de l’atténuation du changement climatique sont semblables à ce médecin hypothétique. Ils se drapent dans la science du climat pour faire croire que leurs propositions sont au-dessus de tout soupçon. Mais leur soi-disant « expertise » n’est que le masque des intérêts de classe qu’ils défendent : ceux des multinationales, qui voient dans la vente des technologies vertes et dans le commerce du carbone une nouvelle frontière pour la folle accumulation capitaliste. Le débat sur les moyens de sauver le climat ne peut pas être laissé entre les mains de ces gens-là. 

  Notes

(1)   Fondé par les Nations Unies et l’Organisation Météorologique Mondiale, le GIEC est composé de trois groupes de travail : « base scientifique physique »,  « impacts, adaptation et vulnérabilité », « atténuation du changement climatique ». Ces groupes remettent tous les quatre ans des contributions au rapport global. Le rapport du GT2 sera présenté à Bruxelles en avril, celui du GT3 à Bangkok en mai. Les documents sont accessibles en ligne sur http://www.ipcc.ch/

(2)   Pour plus d’explications sur ces débats, consulter par exemple le site Real Climate http://www.realclimate.org/

(3)   Les scénarios du GIEC concrétisent différentes hypothèses de développement économique et social (plus ou moins de croissance, plus ou moins de mondialisation, etc.), et pas différentes hypothèses de politique d’atténuation des émissions.

(4)   Selon une étude publiée dans Science, citée par Le Monde, 2/2/07

(5)   Voir notre article d’avril 2004 : « Protocole de Kyoto : petit pas compromis, effets pervers garantis » qui énumérait déjà une série de manifestations du débat en cours dans la classe dominante US (en ligne sur http://www.europe-solidaire.org)

(6)   International Herald Tribune, 2/2/07  

(7)   The Economist, 25/1/2007

(8)   International Herald Tribune, 2/2/07

(9)   L’Etat de Californie est notamment engagé dans des procédures judiciaires contre les fabricants d’automobiles (qui refusent l’obligation de réduire les émissions des véhicules, décidée par l’assemblée de l’Etat) mais aussi contre l’Agence fédérale de Protection de l’Environnement, l’EPA (à qui Schwarzenegger reproche de ne pas prendre de mesures de régulation suffisantes pour protéger le climat).

(10)                        Lire Daniel Tanuro, « Le rapport Stern ou la stratégie néolibérale face au changement climatique : qui va payer l’échec sans précédent du marché ? ». En ligne notamment sur  mondialisation.ca

La conférence de Paris sur le 4ème rapport du GIEC 


La conférence de Paris s’est achevée le 3 février 2007.

La conférence de Paris sur le 4ème rapport du GIEC a mis en lumière à quel point et par quelles méthodes, directes et indirectes, certains gouvernements et milieux d’affaire tentent de peser sur les scientifiques. Basé sur l’étude de plusieurs centaines de cas précis, un dossier constitué par une association américaine, l’Union of Concerned Scientists (UCS), révèle « les nombreux biais par lesquels la science du climat aux USA a été filtrée, expurgée et manipulée au cours des cinq dernières années», comme l’a dit la porte-parole de l’UCS lors d’une déposition devant un comité du Congrès[1]. Sharon Hays, chef de la délégation américaine à la conférence de Paris, a admis sans ambages que les fonctionnaires américains sur place avaient fait pression – avec succès – pour que le lien entre réchauffement et cyclones soit atténué dans le rapport [2]. L’American Enterprise Institute (AEI), un groupe de lobbying financé par le pétrolier ExxonMobil a offert 10.000 dollars par personne à des scientifiques et des économistes qui accepteraient d’écrire des articles dans le but de miner la crédibilité du 4éme rapport du GIEC [3]. Un climatologue s’est plaint des pressions exercées par les délégations américaine et chinoise, pour éviter que la conférence adopte des formules verrouillant les choix politiques ultérieurs [4].

Les scientifiques ne se sont pas nécessairement laissés faire. C’est ainsi que la climatologue américaine Susan Solomon a joué un rôle important dans l’adoption d’une formule forte décrivant le changement climatique comme « très probablement » dû à l’activité humaine[5]. D’un autre côté, il ne faut évidemment pas perdre de vue les facteurs idéologiques : même quand les auteurs jouissent d’une grande indépendance par rapport au pouvoir politique et aux lobbies économiques, leurs travaux, la manière dont ils les présentent à la société, les conclusions sociales qu’ils en tirent, etc. sont évidemment marqués par leur statut social, leurs positions politiques et leur vision du monde. Une critique sociale des travaux du GIEC est donc utile et nécessaire. Le concept de changement climatique « anthropique » mérite par exemple d’être critiqué, parce qu’il tend à escamoter la responsabilité spécifique du capitalisme[6]. La manière dont les rapports du Groupe de Travail 3 hissent la notion de cost-effectiveness au niveau d’une loi naturelle constitue un autre aspect fondamentalement contestable. Mais ces considérations idéologiques critiques ne rendent pas caducs les diagnostics strictement climatiques du GT1 du GIEC.

Daniel Tanuro est ingénieur agronome et écologiste, spécialiste du changement climatique, des alternatives énergétiques et des politiques environnementales de l’Union Européenne.

Notes

[1]  « Lawmakers hear of interference in global warming science », International Herald Tribune, 30/1/07. Voir aussi le site de l’UCS: http://www.ucsusa.org/

[2] International Herald Tribune, 1/2/07

[3] The Guardian, 2/2/07

[4] IHT, 1/2/07

[5] IHT, 1/2/07

[6] Voir à ce sujet « Le diable fait les casseroles mais pas les couvercles. Défense du climat et anticapitalisme ». En ligne sur mondialisation.ca.



Articles Par : Daniel Tanuro

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