Nettoyage politique en Ukraine : des précisions
Photo : Des fascistes brûlent les drapeaux du parti communiste et du parti des régions.(source blog de Nicolas Maury)
Ce 22 juillet, le président de la Rada suprême (parlement) d’Ukraine, Alexandre Tourchinov, a fait voter la dissolution du groupe communiste. La raison invoquée est que ce groupe, fort de 33 membres au lendemain des élections de 2012, n’en compte plus aujourd’hui que 23. Il a obtenu les voix approbatrices de 232 députés, soit plus que le minimum requis de 226, sur les 350 membres que compte en principe l’assemblée. Il n’y a pas eu de vote contre, mais il y avait beaucoup d’absents, principalement des partis de l’Est – Parti des Régions (PR) et Parti Communiste (PCU). Les absents de ces partis ont d’ailleurs été punis par la suppression de leurs indemnités de ce 22 juillet.
Ces absences peuvent s’expliquer par le climat de violence que font régner les partis au pouvoir (minoritaires en 2012 mais renforcés par des transfuges du Parti des Régions qui ont permis le coup d’état du 22 février 2014) et principalement la formation néonazie « Svoboda ». Les svobodistes propagent depuis plus de vingt ans, d’abord dans leur région d’origine, la Galicie, et ensuite, depuis « l’insurrection de Maïdan », à Kiev et à l’Est, un climat de haine féroce envers les communistes, les Russes et les Ukrainiens russophones. Il a mis une sourdine à son virulent antisémitisme depuis que « le Maïdan » a reçu l’appui de l’Occident et de notables et oligarques juifs d’Ukraine.
Ce même 22 juillet, un député du Parti des Régions, Nikolaï Levchenko, qui avait accusé le pouvoir d’ « exterminer les civils à l’Est »,a été chassé de la salle à la demande du président Tourchinov et par les svobodistes, qui l’ont empêché de tenir une conférence de presse et l’ont jeté dans la rue. Les autres députés du PR l’ont suivi en signe de protestation. Une complicité de fait s’est établie entre le président jouant en principe « le modérateur » et les militants néonazis. Instaurant ainsi un climat d’intimidation pour en accuser ensuite les victimes d' »absentéisme ».
La veille, le 21 juillet, jour de l’adoption d’une loi de « mobilisation partielle » (militaire) par 232 députés, les svobodistes avaient exigé l’expulsion des communistes.
Ils se sont emparés et ont battu le président du PCU Petro Simonenko. Un détail qui n’est pas anecdotique : l’initiative de cette brutalité, au demeurant habituelle, revient au député bien connu de Lviv (Lwow) Youri Mikhal’chichine, idéologue authentiquement du parti social national rebaptisé « Svoboda », et leader galicien de l’Euromaïdan « révolutionnaire » de novembre 2013 au coup d’état de février 2014. Il avait fondé un éphémère « Institut Joseph Goebbels » à Lviv.
Titulaire de la médaille du jubilé de la Waffen SS « Galitchina » décernée le 29 avril 2013, cet influent dirigeant de « Svoboda » avait précédemment recommandé au parti de s’inspirer des modèles du fascisme italien et du national-socialisme allemand. Lors d’une cérémonie d’hommage à Stepan Bandera, en janvier 2011, il avait prédit que « l’armée banderiste traverserait le Dniepr et atteindrait Donetsk ». Ce qui est en train de s’accomplir sous la couverture officielle de « l’armée ukrainienne » noyautée par l’extrême-droite et conseillée par des instructeurs de la CIA.
Le président Tourchinov n’a pas dissimulé son projet politique « éradicateur » en déclarant : « J’espère qu’il n’y aura jamais plus de fraction communiste au parlement ».
Le vice-président Serguei Neverov a cependant déclaré que cette décision violait les droits des électeurs » (trois millions) du PC.
La Procurature générale d’Ukraine et la Sécurité d’état ont ouvert 308 instructions criminelles à l’encontre des communistes, accusés d’avoir participé à la sécession de la Crimée et aux menées séparatistes pro-russes, ce que le PCU dément. De fait, certaines sections du PCU se sont ralliées aux « républiques populaires » autoproclamées, et le parti semble déchiré entre les pressions contradictoires des nationalismes, ou plus précisément l’attachement à la souveraineté de l’Ukraine d’un côté, et de l’autre, les désirs de sécession ou de rattachement à la Russie de ceux qui, adeptes d’une solution fédéraliste et pacifique du conflit, constatent que c’est une
En même temps que se produit ce début d’épuration politique, la coalition du pouvoir a éclaté et le premier ministre (ultralibéral) Arseni Iatseniouk a démissionné. La perspective se dessine d’une dissolution du parlement et de nouvelles élections à l’automne. Et cela, alors que la guerre se poursuit à l’Est et que la terreur politique règne dans les autres régions sous contrôle du pouvoir libéral-fasciste de Kiev. Dans les régions touchées par la répression, les bombardements et la résistance armée « prorusse », une catastrophe humanitaire est en vue: 230.000 personnes auraient déjà fui, dont 130.000 se seraient réfugiées en Russie. Certains observateurs pensent que les nationalistes ukrainiens ne sont pas fâchés des départs vers la Russie des russophones et des Russes de Crimée, c’est autant d’adversaires en moins, et c’est une sorte de « nettoyage ethnique » de fait qui s’amorce. Par ailleurs, les commandos d’extrême-droite s’apprêtent à propager la guerre civile en Crimée.
Jean-Marie Chauvier