Nouvelle « ruée vers l’or » : La Californie, poule aux œufs d’or d’Israël

Le soutien financier des entreprises de la Silicon Valley à l’économie d’Israël

En août dernier, quelques milliers de protestataires ont bloqué le terminal le plus affairé du port d’Oakland en Californie afin d’empêcher l’accostage d’un bateau israélien. Après quelques échauffourées avec la police, ils ont pu déclarer victoire : le cargo de la Zim Lines s’est éloigné et les dockers n’ont pas eu à le décharger. Un des militants a expliqué que le but de cette opération était de « stopper le flux de capital». Bloquer ce bâtiment qui effectue la traversée quatre fois par mois en provenance d’Israël était peut-être de faible importance, mais un coup terrible pour l’économie israélienne.

Pendant vingt ans, l’industrie technologique de la Californie a pourvu en milliards de dollars le développement de l’industrie high-tech d’Israël, devenue à cette époque son secteur clé. Le flux de capital vers Israël est digital : fonds et droits de propriété intellectuelle. Et ce flux provient principalement de décisions d’un nombre réduit de petites entreprises ainsi que d’une douzaine seulement de grandes entreprises. Il n’engendre de plus aucun mouvement social.

Le soutien financier des entreprises de la Silicon Valley à l’économie d’Israël est conséquent : en 2001, au cours de la première année de la deuxième Intifada, Sequoia Capital Partners, dont le siège social est à Mende Park, a collecté 150 millions de dollars pour l’investissement dans les sociétés de technologie d’Israël, et ce, pour la deuxième fois. Séquoia en est, en 2013, à son cinquième fond avec 215 millions de dollars. Depuis 1999, Séquoia a injecté dans les industries électronique et informatique quelque 789 millions de dollars. Une part importante de cet argent levé par Séquoia avait été allouée par des investisseurs californiens, dont des sociétés exemptés d’impôts comme le Trust J.P. Getty et la Fondation Gordon and Betty Moore. 

Accel Venture Partners, un des géants de la Silicon Valley, a mis sur pied son premier système d’investissement pour Israël en 2001. Joseph Shoendorf d’ Accel a confié à Haaretz qu’en 2007, Accel y avait investi plus de 200 millions dans 20 entreprises et a précisé que ces investissements ne concernent pas les applications et gadgets ordinaires si populaires parmi les consommateurs lambda de Bray Area en Californie même si Israël en produit beaucoup.

Shoendord ajoute : « la sécurité dans le monde va se détériorer, et en conséquence l’ingéniosité va croître. Les armées du monde cherchent des solutions à un problème et cela encourage à trouver des réponses technologiques ». En mars dernier, Accel a réussi à rassembler la somme de 475 millions de dollars pour un fond qui alimentera les industries high-tech israéliennes (startups, compagnies de télécommunications, fabricants de puces, etc…).

Un certain volume des fonds californiens a été dirigé vers des industries militaires et de cyber sécurité. La société israélienne toujours sur pied de guerre et d’occupation crée un environnement propice aux entreprises de haute technologie qui se voient en défenseurs de la sécurité de l’Etat juif.

L’industrie technologique américaine regorge aussi de sociétés d’armement et de surveillance et d’entreprises tournées vers la consommation ou de marque comme Google, Microsoft et Cisco qui produisent des équipements informatiques militarisés pour une utilisation « domestique » et étrangère. La contribution de Hewlett Packard à la création du système biométrique de pistage israélien pour contrôler les déplacements de Palestiniens est très connue. Cette société est aussi en charge de la maintenance des serveurs du Ministère de la Défense israélien, comme le faisait avant elle, IBM .Ce n’est pas tant la nature des technologies vendues et les possibilités qu’elles offrent à l’Etat juif et à ses organisations militaires qui font des liens économiques entre la Californie et Israël, des liens forts mais, plutôt la valeur réelle des leurs transactions.

Selon l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques), Israël a reçu en investissement direct des Etats-Unis 1,846 milliards en 2012, selon des statistiques les plus récentes existantes. Cela représente les 2/3 de l’aide totale militaire américaine à Israël pour la même année. La place des investisseurs US dans l’économie israélienne est de taille, principalement au travers des valeurs mobilières qu’ils possèdent dans les grandes sociétés israéliennes. En 2012, ils y possédaient des investissements de 19, 7 milliards plus que le double de l’ensemble des pays européens. Et des multinationales enregistrées aux Iles Caïman, paradis fiscal où des milliers d’investisseurs américains ont établi des fonds offshore, possèdent quelque 8, 6 milliards de dollars dans l’économie israélienne. Par exemple, Séquoia Capital Partners a ramassé 215 millions en août dernier pour les investir dans leur totalité en Israël, le fond étant enregistré aux Iles Caïman !!

Mellanox Technologies Ltd. dont le siège est à Yokneam a reçu 64 millions de dollars de la Silicone Valley et d’autres investisseurs parmi lesquels Séquoia Venture, US Venture Partners and Bessemer Venture Partners ainsi que les géants IBM et Inter . D’une entreprise de petite taille, en 2002, Mellanox est devenue un géant transnational de la technologie d’une valeur actuelle de 1, 8 milliards de dollars. C’est le fournisseur principal d’Hewlett PackardIBM et Intel pour le matériel informatique. Mellanox se situe au cœur de la Silicone Wadi d’Israël (wadi en arabe veut dire rivière, mais en hébreu signifie « vallée »).Avant 1948, Yokneam ou Qira en arabe était un village palestinien qui a été « dépeuplé » et occupé par les forces israéliennes et, plus tard, colonisé et transformé pour être une ville des plus affluentes.

De nombreuses entreprises de la Silicon Valley se sont établies en Israël et plus particulièrement à Herzliya Pituach , quartier résidentiel de l’élite de cette ville. Bessemer Venture Partners a ses bureaux sur la marina des yachts de Marinalli et Séquoia Venture Partners possède un bureau à Ramat Yam dans l’une des hautes tours qui donne sur la Méditerranée.

Les liens entretenus entre la Silicon Valley et Israël sont loin d’être apolitiques car nombre des investisseurs US et hauts dirigeants d’entreprises sont des partisans indéfectibles des causes israéliennes. Ils ont fondé de nombreuses organisations de charité pour renforcer les liens politiques et économiques entre la Californie et Israël. La Chambre de Commerce israélo-californienne a été créée avec des financements de la Silicone Valley, dont Paypal, Silicon Valley Bank et Morrison Foerster. Les dirigeants de ces compagnies siègent au conseil d’administration et on y trouve aussi le consul général d’Israël et le Directeur de la Silicon Valley Bank d’où leurs relations avec le lobby pro-israélien. Un de ses membres, Zvi Alon, dirige une fondation familiale à partir de chez lui. Il a accordé une donation à la Chambre de 9,900 dollars en 2011 et une autre de 36 000 dollars Aux Amis des Forces Armées Israéliennes. On pense qu’il a créé un journal en ligne Israël 21 « qui est la source d’informations les plus diverses et sûres sur l’Israël du 21 siècle ». Installé face au consulat d’Israël à San Francisco, Israël 21 fait la promotion des sociétés de technologie israéliennes et des articles récents publiés par le groupe incluent « les 20 technologies supérieures nées du conflit » et une description du « penseur non-conformiste » derrière le système de défense « Iron Dome » (le Dome de Fer). Un film récent compare Tel Aviv à un épicentre de startups similaire à San Francisco….

Tout ce qui précède ne procède pas d’un seul effort privé. En mars 2014 Gerry Brown, gouverneur de Californie, a signé un Mémorandum avec Benjamin Netanyahou sur une consolidation des liens économiques entre Israël et la Californie permettant à Israël d’avoir un accès facilité aux infrastructures technologiques de la Californie, dans un lieu prestigieux qui est le Musée de l’Histoire de l’Informatique de Mountain View. Au cours de cette même visiteNetanyahou s’est rendu au siège social d’Apple, Cupertino, où il y a discuté avec les chefs de cette entreprise. La présence du premier ministre israélien visait à battre en brèche le mouvement de solidarité en faveur des Palestiniens, à savoir la campagne de boycott et de sanctions qui a flambé dans les campus, les universités et autres institutions publiques de Californie.

Netanyiahou a remercié G.Brown pour sa campagne de désinvestissement en Iran : en 2012, la Californie avait virtuellement interdit aux compagnies d’assurance de posséder des avoirs iraniens et demandé que les fonds de pension se retirent. En conséquence, le fonds de pension des enseignants, CALSTRA, doit consulter l’AIPAC – American Israel Public Affairs Committee – (lobby pro-israélien américain – ndlr) pour ses investissements. Sachons aussi que les fonds de pension CalPERS et CalSTRS, des fonctionnaires offrent des bénéfices considérables à Israël, ce sont des investisseurs d’importance pour l’économie israélienne.

 

Le Mémorandum émanait du bureau de Bob Blumenfield, membre de l’assemblée de Californie, qui est aussi l’auteur de plusieurs lois pour des sanctions contre l’Iran et est conseillé municipal actuellement de Los Angeles. Partisan irréductible d’Israël, il a dernièrement organisé un rassemblement avec des élus, dont le maire Eric Garcetti au cours duquel il a déclaré : « Nous nous tenons aux côtés d’Israël contre le régime du Hamas qui terrorise les Israéliens du ciel et maintenant de dessous la terre ». Ce à quoi Garcetti a répondu : « Israël est notre allié le plus solide dans une région tumultueuse »….

La Chambre de commerce israélo-californienne doit organiser en octobre un sommet international d’affaires au campus de Microsoft où innovation et investissement seront les sujets prioritaires de l’agenda. On comprend alors l’anxiété des militants du mouvement de solidarité avec la Palestine…..

Darwin Bond Graham

 

Image : carte de la Silicon Valley

 

Version originale parue dans Counterpunch (20/8/14) :

Israel’s Most Important Source of Capital: California

et dans Washington Report d’octobre 2014 (Other voices)

Traduction et Synthèse : Xavière Jardez, franceirakactualite.com

 

Darwin Bond Graham est sociologue et journaliste d’investigation. 



Articles Par : Darwin Bond Graham

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