Obama prolonge indéfiniment la guerre des Etats-Unis en Afghanistan

Le président Barack Obama a officiellement annulé jeudi sa précédente proposition de retirer la force militaire d’occupation américaine en Afghanistan et a adopté un plan, dicté par le Pentagone, de maintenir, probablement au-delà de la durée de son mandat, les 10.000 soldats encore sur place.

« Comme vous le savez très bien » a déclaré M. Obama dans son discours de jeudi, s’adressant au peuple américain, « Je ne soutiens pas l’idée d’une guerre sans fin ».

L ‘« idée », à savoir la rhétorique bidon d’espoir et de changement, est devenue depuis longtemps une plaisanterie éculée. Porte-parole servile de l’appareil militaire et de renseignement qui domine l’Etat américain, Obama a assuré que la guerre ‘sans fin’ et en pleine expansion est une indéniable réalité.

Il a cyniquement abandonné son argument précédent selon lequel le maintien indéfini de troupes américaines en Afghanistan, au coût actuel d’environ $35 milliards par an, n’était ni financièrement ni politiquement justifiable. Alors que son administration ne peut trouver d’argent pour l’emploi, l’éducation, les soins de santé ou d’autres besoins sociaux vitaux, les ressources à la disposition de la machine de guerre des Etats-Unis sont toujours illimitées.

La décision de bouleverser le calendrier du retrait des troupes américaines d’Afghanistan vient un peu plus d’un an après qu’Obama a ordonné le retour de milliers de soldats en Irak et lancé une guerre aérienne dans ce pays et en Syrie.

Le motif immédiat derrière l’abandon par Obama de la réduction des effectifs militaires en Afghanistan est le même que celui du retour des troupes américaines en Irak: l’effondrement spectaculaire des forces de sécurité du gouvernement fantoche, formées et armées par le Pentagone; pour ce qui est des forces afghanes au coût de $65 milliards.

L’armée irakienne a fui pratiquement sans résistance face à l’offensive de l’Etat Islamique (EI), une force beaucoup plus petite et lui ont remis Mossoul, deuxième ville du pays. Une quasi répétition de cet épisode s’est produite à la fin septembre à Kunduz, centre stratégique du nord de l’Afghanistan, où l’armée et la police afghanes se sont liquéfiées devant une force de plusieurs centaines de talibans seulement. Dans les deux cas, les forces de sécurité du gouvernement fantoche ont abandonné des tonnes d’armes et de matériel militaire américains.

Dans les deux pays, plus d’une décennie de guerre et la dépense de billions de dollars n’ont produit pour l’impérialisme américain qu’une débâcle et pour des millions d’Irakiens et d’Afghans la mort et la destruction.

Pour les Afghans, ce carnage dure depuis la guerre fomentée par la CIA pour évincer un gouvernement pro-soviétique à Kaboul, il y a 35 ans. Washington a ensuite utilisé les forces moudjahiddines qui devaient devenir Al-Qaïda comme une force par procuration. On estime que depuis deux millions d’Afghans ont perdu la vie, tandis que des millions d’autres ont été transformés en réfugiés.

Le carnage n’a fait qu’augmenter dans la récente période; l’agence des Nations-Unies pour l’Afghanistan rapporte le nombre de victimes le plus élevé depuis qu’elle a commencé à les compter. Le nombre de civils tués pendant la première moitié de cette année par les forces de sécurité afghanes soutenues par Washington a augmenté de 85 pour cent par rapport à la même période en 2014.

Les atrocités commises par les forces afghanes, les avions de guerre et les unités des forces spéciales américaines se poursuivent sans relâche et sont généralement ignorées par la presse.

Un incident qui a fait la une des journaux dans le monde, celui du bombardement barbare de l’hôpital de Médecins sans frontières (MSF) à Kunduz a tué 22 patients et membres du personnel médical, a révélé le caractère criminel de la guerre américaine.

L’explication toujours changeante donnée par le Pentagone pour ce crime de guerre a été démasquée jeudi par une information d’AP montrant que l’hôpital avait été délibérément attaqué pour essayer apparemment de tuer un seul homme, un agent présumé du renseignement pakistanais, censé coordonner les actions des talibans. À cette fin, un hélicoptère de combat AC-130 a été envoyé pour effectuer, en l’espace d’une heure, cinq séries de mitraillage séparées contre cet hôpital bien identifié, incinérant des patients dans leurs lits et massacrant médecins et infirmières.

Obama n’a fait aucune mention de cette atrocité dans son discours de jeudi, bien que la décision qu’il a annoncée conduira à de nombreux massacres de ce type. Sa seule référence à Kunduz fut celle d’une supposée victoire contre les talibans, où « les forces afghanes soutenues par la coalition ont pu les repousser ».

La justification d’Obama pour la poursuite de l’occupation américaine de l’Afghanistan était criblée de mensonges et de déformations grotesques.

Plus de 14 ans après les attentats du 11 septembre, il a continué de les utiliser, principalement dans le cadre de la « guerre mondiale contre le terrorisme », inaugurée par son prédécesseur en prétexte de l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan. « Je ne vais pas permettre que l’Afghanistan soit utilisé comme refuge pour que les terroristes attaquent à nouveau notre nation », a-t-il dit.

En plus du fait qu’il reste beaucoup de questions sans réponse sur ce qui s’est passé le 11 septembre, l’affirmation que les États-Unis sont engagés dans une quelconque guerre mondiale contre le terrorisme d’Al Qaïda est ridicule étant donné que l’armée américaine a utilisé des combattants liés à Al-Qaïda comme forces terrestres par procuration pour les guerres de changement de régime soutenues par les USA, tant en Libye qu’en Syrie.

Le président américain a fait l’éloge du gouvernement afghan, un « allié stable et engagé », le produit du « premier transfert démocratique du pouvoir» dans l’histoire du pays. La réalité est que le régime fantoche à deux têtes d’Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah a été imposé sur les instructions de la Maison-Blanche et se compose d’une bande de criminels de guerre et de kleptocrates sans base populaire et pratiquement sans aucune autorité en dehors de la capitale Kaboul.

Obama a affirmé que « la majorité du peuple afghan partag[eait] ses objectifs ». Où sont les preuves? Qu’un mouvement comme les talibans puisse croître, comme c’est le cas, ne peut que signifier qu’il n’y a pas de soutien populaire à l’occupation américaine. Pendant ce temps des millions d’Afghans fuient le pays; l’année dernière ils ont constitué 44 pour cent des migrants et des réfugiés sans papiers enregistrés dans le monde entier.

Quatorze ans après l’invasion américaine et la dépense d’un billion de dollars, les conditions de vie des Afghans restent épouvantables; on estime que 60 pour cent de la population active est au chômage et que plus de 40 pour cent vivent dans une pauvreté abjecte.

C’est quand il a décrit les plans américains du maintien de quatre bases militaires américaines en Afghanistan qu’Obama a été le plus proche de la vérité; la base de Kaboul, la base aérienne de Bagram, celle de Jalalabad dans l’est et celle de Kandahar au sud. Ces bases, a-t-il dit, constituerait « un élément clé du réseau des partenariats du contre-terrorisme dont nous avons besoin de l’Asie méridionale à l’Afrique … ».

Les objectifs prédateurs de l’impérialisme américain en Afghanistan demeurent aujourd’hui ce qu’ils étaient il y a 14 ans: faire avancer les intérêts de la classe dirigeante américaine en projetant la puissance militaire américaine dans le bassin riche en énergie de la Caspienne, et contre ses principaux rivaux mondiaux et régionaux: l’Iran à l’ouest, la Chine à l’est et la Russie au nord.

L’annulation des plans de retrait d’Afghanistan coïncide avec une éruption de plus en plus dangereuse du militarisme américain où Washington lance des menaces provocatrices contre la Russie et la Chine, deux puissances nucléaires. Non seulement les guerres de l’impérialisme américain demeurent « sans fin » mais elles gagnent de l’ampleur et conduisent la planète au bord d’un nouveau cataclysme mondial.

Bill Van Auken

Article paru en anglais, WSWS,  le 16 octobre 2015



Articles Par : Bill Van Auken

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