La Nouvelle-Zélande regroupe depuis des siècles deux cultures à l’identité forte mais au traitement médiatique inégal. En effet, la presse semble refléter les disparités que l’on peut trouver dans la société entre Néo-zélandais issus de la colonisation britannique et le peuple maori. 

Depuis la signature du Traité de Waitangi en 1840, où l’empire britannique fait de la Nouvelle-Zélande l’une de ses colonies, le pays connait un biculturalisme fort. La scission entre Maoris et Pakeha (Néo-zélandais non Maoris) se ressent encore aujourd’hui, y compris dans les médias. Malgré les efforts pour intégrer le peuple au sein des préoccupations médiatiques, les stéréotypes et le manque de traitement persistent. La Nouvelle-Zélande a mis en place une politique de reconnaissance qui valorise le peuple et la culture maoris, mais le chemin semble encore long.

Les médias entretiennent une relation complexe avec les Maoris qui, à première vue, n’étaient pas forcément familiers avec ce mode de communication venue tout droit de l’occident. La tradition orale maorie a été supplantée par l’écrit lors de la colonisation. Aujourd’hui, l’accès aux nouveaux médias concerne principalement les Pakehas qui en ont une utilisation plus régulière. Néanmoins, les Maoris ont réussi à s’impliquer avec succès dans la puissance de ce nouvel outil. Dans son mémoire de septembre 1999, ITAG (Groupe consultatif sur la technologie de l’information) mentionnait déjà le fait qu’il existe un répertoire d’informations maories sur Internet qui ne cesse de croître. Cependant, selon la même étude, la majorité des internautes qui s’intéressaient à ces questions étaient des universitaires non maoris impliqués à des fins de recherche. Cependant le peuple maori est en pleine transition sur la manière de communiquer, ce qui permet de compléter le contenu des médias mainstream qui parfois manquent de connaissance vis-à-vis de cette partie de la population.

journalisme maori
Le traitement médiatique des médias mainstream 

Le racisme envers les Maoris reste indéniablement présent en Nouvelle-Zélande, comme le soulignait il y a peu le réalisateur Taika Waititi. Les médias mainstream participent en partie à créer des stéréotypes sur le peuple maori déjà en marge de la société. Les clichés qui en ressortent en général concernent la feignantise, la pauvreté mais aussi l’agressivité, la relation avec la drogue et la violence. On pouvait par exemple lire « Dix délinquants à haut risque de Rotorua ciblés dans un nouveau programme basé sur les Maoris » le 13 avril chez NZ Herald ou encore  « le taux de jeunes fumeurs n’a jamais été aussi bas, sauf chez les Maoris où il reste deux fois plus élevé » le 27 mars, toujours chez NZ Herald.

On remarque cependant que les mainstream tentent de mettre de plus en plus en avant les Maoris, malgré quelques maladresses. On notera, toujours chez NZ Herald que le traitement médiatique s’empare peu à peu des conditions des Maoris comme par exemple « une cliente déclare qu’elle n’a pas été autorisée à essayer une bague à cause de son ethnie » ou encore « Northcote Notebook de Simon Wilson : les jeunes hommes maoris en avant ». Le problème semble être le manque de compréhension et le manque de représentativité du peuple maori. Les lecteurs ont donc tendance à généraliser le peu d’information qu’ils reçoivent. Afin de leur donner une autre image, une presse spécialisée et mettant en avant les maoris a émergé.

 Les médias maoris

Avec les années et pour palier à ce manque de représentation, les médias maoris ont commencé à faire leur apparition. Les questions sont abordées avec un point de vue propre à la culture pacifique. Les publications maories sont spécifiquement ciblées, et même si les tirages ne sont peut-être pas aussi importants que ceux du grand public, ils circulent bien dans les familles maories avec un taux de transmission exceptionnellement élevé.

Parmi les compagnies spécialisées, on retrouve Mana Maori Media Ltd et Mana Productions Ltd, sociétés privées dirigées par Derek Tini Fox. Lancées en 1989, elles répondent à un manque d’engagement des médias traditionnels et d’expertise dans la fourniture d’une couverture adéquate des activités, des intérêts, de l’éducation et des affaires maories.

mana media maori

Le but principal de ce média est de donner facilement accès à une source spécialisée et impliquée dans l’actualité maorie. A travers la radio, la télévision et le web, le groupe tente aussi de toucher une cible plus large et ainsi ouvrir la culture maorie à toute la Nouvelle-Zélande. Mana Maori Media Ltd fourni notamment des programmes pour Radio New Zealand. En 2010, le groupe a réussi à obtenir le contrat pour produire le magazine Kokiri au nom de Te Puni Kokiri. Mana a géré la production de ce magazine de 48 pages pendant deux ans et demi, avec un tirage de 25 000 exemplaires par numéro. D’autres médias maoris existent également tels que Pīpīwharauroa (Gisborne), Te Karaka (Christchurch), SPASIFIK, Auckland ou encore Maori Television lancé en 2004.

Les médias néo-zélandais représentent donc bien le biculturalisme présent en Nouvelle-Zélande et la complexité qui s’en dégage. Il s’agit alors de diversifier le paysage ainsi que le traitement médiatiques pour offrir aux Maoris une plus large représentation, qui se détache peu à peu des stéréotypes.

Maé Castellet

La réponse des USA, du Royaume-Uni et de la France au briefing de mardi de l’OIAC, à La Haye, a été perverse, pour dire le moins. La Russie avait présenté 17 témoins de Douma, qui ont déclaré qu’il n’y avait pas eu d’attaque chimique – le prétexte à des frappes illégales contre la Syrie par trois États occidentaux.

Les témoins, des victimes et les médecins qui les avaient soignés, ont donné des explications qui confirmaient le reportage ramené de Douma, la semaine dernière, par le journaliste d’investigation britannique Robert Fisk [Lien en français] – un reportage, faut-il noter, qui a presque entièrement été occulté par les médias occidentaux. Selon leurs témoignages à l’OIAC, les victimes montrées dans la vidéo de l’attaque alléguée souffraient d’hypoxie due à l’inhalation de fumée et de poussières après un bombardement, et non de gaz.

La première chose étrange à noter est que les USA, le Royaume-Uni et la France ont boycotté la rencontre, dénoncé la Russie pour avoir présenté les témoins et appelé l’événement « une mascarade obscène » et du « théâtre ». Cela suggère que ce trio, qui se comporte comme les trois singes chinois, pensent que ces témoignages vont disparaître s’ils les ignorent. Ils n’ont aucun intérêt à écouter des témoins, sauf s’ils s’accordent avec la version occidentale utilisée pour justifier les frappes de missiles en Syrie. [Leur boycott de l’événement et leur a priori, avant même qu’ils les aient entendus, contre les témoins prouve également qu’ils savaient d’avance ce que ces gens allaient dire, et pour cause… NdT]

Le témoignage des gens présents au moment des faits est sûrement déterminant pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Les USA, le Royaume-Uni et la France sont sûrement obligés d’écouter les témoins d’abord, et ensuite seulement de tenter de les discréditer s’ils pensent que leur histoire n’est pas plausible ou qu’il ont été intimidés. Les preuves ne peuvent pas être évaluées ou réfutées si elles ne font pas l’objet du moindre examen.

La deuxième est que les médias se font l’écho de ce mépris déplacé envers les éléments de preuve. Eux aussi semblent avoir jugé d’avance de la crédibilité des témoins avant mêmes d’entendre ce qu’ils avaient à dire (tout comme dans le cas de Fisk). De façon symptomatique, le Guardian a décrit ces témoins comme des « témoins supposés » , ce qui n’est pas une formulation encourageante quant à son degré d’impartialité dans cette affaire.

Remarquons que, quand le Guardian se réfère à des témoins qui soutiennent la version des USA-Royaume-Uni-France, souvent des gens qui vivent sous la coupe de djihadistes violents, le journal ne les désigne pas comme des « témoins supposés » ou comme des gens intimidés. Pourquoi est-ce que, pour le Guardian, quelques-uns des témoins ne font qu’affirmer être des témoins, alors que d’autres sont des vrais témoins ? La réponse semble dépendre de l’accord du témoignage avec la version officielle occidentale. Il y a un mot pour cela, et ce n’est pas « journalisme ».

Le troisième problème et le plus important, toutefois, est qu’aucun des membres du trio de pays occidentaux ne nie que ces « témoins supposés » aient été présents à Douma, et quelques-uns d’entre eux figurent dans la vidéo. La ligne adoptée par le Guardian et d’autres est que « La véracité des déclarations des témoins triés par les Russes sera remise en question, puisque leur capacité à parler librement est limitée. »

Ainsi, la question n’est pas de savoir s’ils étaient présents au moment des faits, mais si ils sont forcés de raconter une histoire qui contredit la version officielle, et du même coup la raison douteuse de l’attaque contre la Syrie.

Mais cela nous laisse une autre difficulté. Personne, par exemple, ne semble douter que Hassan Diab, un garçon qui a témoigné à l’audience, soit bien le garçon montré dans la vidéo, qui avait censément été gazé avec un agent innervant trois semaines plus tôt. Comment expliquer qu’aujourd’hui, il resplendisse de santé ? Ce n’est pas comme si les gouvernements américain, britannique et français n’avaient pas eu le temps de procéder à leur propre enquête. Son père et lui disent la même chose depuis au moins une semaine à la télévision russe, qu’il n’y a pas eu d’attaque chimique à Douma.

Au lieu de quoi, nous avons des révisions qui s’ajoutent aux révisions dans une histoire qui nous avait été présentée comme si limpide qu’elle justifiait un acte d’agression militaire par les USA, le Royaume-Uni et la France contre la Syrie, sans autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU – en d’autres termes, un crime de guerre de premier ordre.

Il est utile de noter le bref reportage de la BBC. Il a suggéré que Diab était là, que c’est le garçon de la vidéo, mais que ce n’était pas l’une des victimes de l’attaque chimique. Il implique qu’il y avait deux types de victimes dans la vidéo de Douma : ceux qui étaient victimes de l’attaque chimique, et à côté, des victimes d’hypoxie.

Ce qui représente un sérieux rétropédalage par rapport à la première version.

Il est concevable, je suppose, qu’il y ait eu une attaque chimique contre ce voisinage de Douma, dans laquelle des gens comme Diab étaient certains d’avoir été gazés alors que ce n’était pas le cas, mais que d’autres à côté aient pu être réellement gazés. Il est également concevable que les effets de l’inhalation de fumée et de poussières et de gaz chimiques soient si similaires que les Casques blancs ont filmé les « mauvaises victimes », montrant des victimes comme Diab qui n’avaient pas été gazées. Il est également possible, j’imagine, que Diab et sa famille soient forcés de mentir sous la pression des Russes, et de dire qu’il n’y a pas eu d’attaque chimique.

Mais même si chacun de ces scénarios est possible en lui-même, sont-ils plausibles ensemble ? [Et surtout, pourquoi les trois pays occidentaux, qui sont si sûrs de leur fait, n’ont-ils pas demandé à interroger eux-mêmes les témoins et, s’ils pensent que ces gens mentent sous pression russe, pourquoi n’ont-ils pas demandé à l’ONU de prendre des mesures pour à les mettre à l’abri de toute possibilité de coercition, par exemple en exigeant un statut de témoin protégé pour eux ? NdT]. Ceux d’entre nous qui avons préféré ne pas nous précipiter pour juger et attendre les preuves d’une réelle attaque chimique avons invariablement été traité de « complotistes ». Mais qui propose la théorie du complot la plus fantaisiste ici, ceux qui veulent des preuves, ou ceux qui créent une série élaborée de révisions pour tenter de maintenir la crédibilité de leur version originelle ?

S’il y a quelque chose de certain dans tout ceci, c’est que la vidéo censée représenter la preuve formelle d’une attaque chimique s’est avérée n’être rien de tel.

Jonathan Cook

Paru sur le blog de l’auteur sous le titre The west closes its ears to Douma testimony

Traduction Entelekeheia

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Cet article a été mis à jour le 30 avril 2018

Il est du devoir de chacun de participer à la protection de l’environnement. C’est un principe moral et éthique légué par nos parents que nous devons transmettre à nos enfants, car l’environnement sain est un bien commun vital et irremplaçable. Dans cette logique, à l’image des droits de l’homme, la communauté internationale a reconnu et classifié comme crime environnemental toute infraction majeure à la législation sur l’environnement.

Fin 2016, la Cour Pénale Internationale a élargi son champ d’action à la destruction appréhendée de l’environnement qui pourra être classée comme crime environnemental. C’est la fin de l’impunité pour les dirigeants d’entreprises, politiciens et responsables d’autorité complices de pollution qui pourront se trouver assignés en justice à La Haye aux côtés des criminels de guerre.

Contrairement à la France – qui est aussi très mal prise avec d’énormes quantités de déchets nucléaires [1]- , le gouvernement fédéral ne pourrait pas ajouter à son code pénal un décret sur les déchets nucléaires autoproduits canadiens afin d’être soumis, en tant que crime contre l’environnement, à la Cour Pénale Internationale de La Haye. En effet, le gouvernement canadien coupable d’écocide ne peut pas prendre l’initiative de donner à une agence internationale le droit de le poursuivre en justice.

En France, le concept de crime terroriste écologique introduit dans le code pénal à l’article 421-2 est défini notamment par l’introduction sur le sol ou dans le sous-sol des substances de nature à mettre en péril le santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel. Le décret n° 2004-612 du 24 juin 2014 a créé l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. C’est un service de police judiciaire qui a compétence nationale.

Ici au Canada, l’intégrité d’une partie du territoire national est menacée par une pollution radioactive appréhendée qui proviendrait d’une colossale décharge planifiée par les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) à Chalk River, pour y stocker plus d’un million de tonnes de déchets radioactifs… sur une hauteur de plusieurs étages sans aucune protection garantie au drainage.

Nous craignons que la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), généreuse pourvoyeuse de permis à polluer donne son aval pour ce projet. Surtout qu’elle vient d’accorder un permis de 10 ans aux LNC pour qu’ils poursuivent leurs activités nucléaires de revitalisation des laboratoires de Chalk River. Cela commencerait par l’ « Installation de gestion des déchets près de la surface » (IGDPS), pour pouvoir par la suite développer des nouveaux réacteurs modulaires qu’ils voudront éparpiller un peu partout et dont on ne sait rien sur la gestion de leurs déchets. Curieusement, ils ne semblent pas se préoccuper de la gestion sécuritaire des déchets de moyennes et grandes radioactivités.

L’émission Découverte [2]de Radio-Canada du 25 mars 2018 dernier démontre clairement le drame de l’héritage radioactif que les gouvernements canadiens successifs nous ont légué.

Aujourd’hui, le gouvernement canadien et ses filiales complices, Énergie atomique Canada limitée (EACL), les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) et la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) doivent assumer moralement et judiciairement leurs actes. Il faut redouter un désastre écologique majeur dû aux déchets nucléaires autoproduits canadiens qui seront entreposés dans leur futur tumulus radioactif à Chalk River [3](IGDPS), ainsi que par le confinement sous béton in situ du défunt réacteur NPD de Rolphton.

Le principe de précaution [4]doit primer sur toute considération économique, ce que les gouvernements  successifs ont balayé du revers de la main depuis 80 ans dans le cas du nucléaire.

Le rapport 1 – Inspection des centrales nucléaires – CCSN de la commissaire à l’environnement et au développement durabledéposé au Bureau du vérificateur général [5]à l’automne 2016 a fait des constatations alarmantes sur la crédibilité de la CCSN qui sont résumées dans le survol de l’audit [vi].

La CCSN, qui se prétend être un organisme de réglementation de confiance reconnu par le public, mais qui collabore avec l’industrie nucléaire pour son développement devrait être mise au ban…

Le gouvernement canadien aura-t-il la volonté et le courage de remplacer cette créature fédérale par un Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.Celui-ci devra être démocratique, indépendant, éthique, transparent et éco-responsable afin de faire respecter par nos gouvernants le droit à un environnement sécuritaire et à une bonne santé pour tous les citoyens ?

Philippe Giroul

Trois-Rivières, le 28 avril 2018.

 

Notes

[1]https://videos2.next-up.org/AREVA_Decharge_Solerieux.html

[2]https://www.youtube.com/watch?v=l31hrbRBUrA

[3]http://www.cnl.ca/fr/home/gerance-environnementale/nsdf/default.aspx

[4]https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_précaution

[5]http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_cesd_201610_01_f_41671.html

[6]http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/att__f_41721.html

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Photo extraite de note de presse du New York Post intitulée « Surprise: Trump and France’s Macron may wind up allies after all »

Texte mis à jour par l’auteur le 30 avril 2018

Lors d’une réunion organisée par la Russie au sein de l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques) à La Haye le 26 avril 2018, afin d’écouter le témoignage de plusieurs personnes sur la prétendue attaque chimique de Douma par les forces armées syriennes (voir noteparue dans Le Figaro), les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ainsi que 14 autres Etats Membres de l’OIAC (sur 192 Etats Membres, voir liste officielle) ont circulé une déclaration conjointe. Celle-ci dénonce l’initiative russe en des termes inusités (voir hyperlienofficiel et texte de ladite déclaration conjointe reproduit à la fin de cette note).

Comme on le sait, sur le dossier syrien, les Etats-Unis, France et le Royaume-Uni sont convaincus, même en l’absence de preuves ou d’enquête in situ, de la responsabilité directe des autorités syriennes concernant l’usage d’armes chimiques lors de l’incident de Douma. D’autres par contre, attendent d’abord de voir les résultats de l’enquête que l’OIAC doit mener sur le terrain. Cette bataille entre certitudes des uns et incertitude généralisée a provoqué de sérieux remous, comme nous le verrons dans les lignes qui suivent

17 Etats signataires sur 192

 

L’OIAC compte 192 Etats Membres, le seul Etat manquant à l’appel au plan mondial étant Israël (voir état officieldes signatures et ratifications de la Convention portant sur l’interdiction des armes chimiques). On notera qu’aucun Etat d’Afrique, ni d’Asie, ni d’Amérique Latine n’a accepté de souscrire la déclaration conjointe du 26 avril 2018, et qu’en Europe, seuls l’Allemagne, le Danemark, l’Italie, l’Islande et les Pays-Bas ainsi que la Bulgarie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et les trois Etats baltes ont accepté de le faire. L’Australie et le Canada complètent la liste des signataires.

La déclaration conjointe est précédée, tout du moins sur le site officiel de la diplomatie francaise, par un texte citant le délégué de la France à l’OIAC usant d’un ton et d’expressions assez rares dans des communiqués officiels. On le comprendra sûrement en la lisant, la France et ses alliés anglosaxons ne sont pas du tout d’accord avec la démarche entreprise par la Russie, et ont jugé utile et opportun de hausser le ton, quitte à innover en matière diplomatique.

Photo de la réunion tenue à La Haye sur l’incident de Douma le 26 avril 2018, extraite de l’article du journaliste Jonathan Cook, intitulé « The west closes its ears to Douma testimony », disponible ici

On se doit de remarquer que cette déclaration conjointe ne figure pas sur le site de la diplomatie allemande (voir site officiel) ni sur celui de la diplomatie danoise (voir site officiel), ni italienne (voir site officiel) ni canadienne (voir site officiel). Nous remercions par avance nos lecteurs connaisseurs de langues slaves de bien vouloir nous indiquer quels Etats d’Europe orientale ont procédé à sa diffusion, afin de mieux apprécier l’effort soutenu de divulgation mené par la France, notamment par rapport aux autres Etats signataires. On notera également que les références faites dans la presse de cette déclaration conjointe sont peu nombreuses.

Le contexte de cette déclaration conjointe

Rappelons que suite aux frappes aériennes menées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni le 13 avril dernier en Syrie, divers sites et analyses ont mis en doute la responsabilité directe de la Syrie dans l’incident de Douma, et dénoncé le véritable « fiasco » de cette opération du point de vue militaire; tandis que bon nombre de juristes ont conclu leurs analyses en réaffirmant l’illégalité de ces frappes au regard du droit international et des dispositions de la Charte des Nations Unies de 1945 concernant l’emploi de la force armée. La Russie pour sa part a dénoncé le fait d’accuser les autorités syriennes sans avoir la moindre preuve sur leur responsabilité directe concernant l’usage d’armes chimiques et a trouvé quelques éléments qui prouveraient que l’incident de Douma n’est qu’un montage.

Au plan du droit, on lit dans cette analysedes Professeurs Olivier Corten et Nabil Hajjami, intitulée « Les frappes des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France en Syrie : quelles justifications juridiques ?« , que :

« Cela dit, à force de multiplier les précédents dans lesquels on écarte purement et simplement le droit international au nom d’impératifs moraux ou politiques que l’on définit et interprète soi-même, la norme elle-même tend à s’estomper, si pas à disparaître.« 

Violer le droit international sous prétexte de le défendre : un pari dangereux

Dans le texte de la déclaration conjointe, on lit que pour les 17 Etats signataires : « Obstruction, propagande, désinformation sont autant de tentatives visant à porter atteinte au cadre multilatéral« . Il s’agit d’une phrase qui devrait faire sourire de nombreux spécialistes ayant dénoncé l’action unilatérale (menée par trois Etats qui sont Membres Permanents du Conseil de Sécurité) en violation des dispositions de la Charte des Nations Unies. Concernant cette dernière, il est bon de rappeler que suite aux attentats de Paris de 2013, la France avait présenté un projet de résolution au Conseil de Sécurité omettant toute référence à la Charte. Nous avions à cette occasion indiqué que :

« La France, à cet égard, avait surpris bien des observateurs en présentant, suite aux attentats de Paris, un projet de résolution au Conseil de Sécurité (voir le texte de la « blue version » diffusée aux membres du Conseil) sans aucune mention à la Charte des Nations Unies dans le dispositif du texte : une grande première pour la diplomatie française, qui mérite d’être soulignée« 

(voir notre note intitulée « Contre une invocation abusive de la légitime défense face au terrorisme« , publiée par Dommagescivils et disponible ici).

Du point de vue politique, il est clair que les trois Etats auteurs de la frappe du 13 avril, en s’associant de la sorte (sans attendre d’avoir des éléments de preuves vérifiés et vérifiables) ont perdu le peu de crédibilité qu’ils maintenaient encore au Moyen-Orient, et plus particulièrement la France. Sur la date choisie pour lancer leur raid tripartite du 13 avril, elle coïncide avec l’arrivée en Syrie de l équipe envoyée par l’OIAC pour enquêter l’incident de Douma.

Sur ce détail et quelques autres, nous renvoyons le lecteur à notre article sur les réactions officielles en Amérique Latine suite à ces frappes en Syrie, intitulé « Yo sospecho, tú sospechas, … nosotros bombardeamos »: a propósito del bombardeo realizado por Estados Unidos, Francia y Reino Unido en Siria y las reacciones oficiales suscitadas en América Latina » (texte en espagnol, disponible ici).

Frappes illégales en Syrie basées sur des rapports de services secrets

L’absence de preuves concernant la responsabilité de la Syrie lors des divers incidents dans lesquels l’usage de substances chimiques est allégué n’est plus un obstacle pour procéder à des frappes aériennes contre la Syrie. Ce constat s’était vérifié lors de la frappe nord-américaine d’avril 2017, réalisée de façon solitaire.

On notera que suite à ce bombardement réalisé par les Etats-Unis au mois d’avril 2017, un rapport des services secrets de la France (annoncé quelques jours avant le premier tour des élections présidentielles) avait rejoint les conclusions de leurs homologues nord-américains (nous renvoyons à un bref article de notre part, intitulé « Armes chimiques en Syrie: à propos du rapport des services de renseignements français« , disponible ici). L’annonce officielle de « preuves irréfutables contre la Syrie » par la France a été faite quelques jours avant le premier tour des élections, le 19 avril 2107 (voir déclarations du chef de la diplomatie contenues dans cette note de presseparue dans Le Parisien).

En guise de conclusion

On se souvient qu’en septembre 2013, la France a failli déclarer la guerre à la Syrie. Le volte-face du Président Barack Obama avait obligé à revoir le dispositif militaire de la France prévu (voir note de presseintitulée « L’été où la France a presque fait la guerre en Syrie« ). On lit dans la note précitée que: « Mercredi 4 septembre, le jour du débat prévu à l’Assemblée nationale, François Hollande convoque ses principaux ministres et collaborateurs pour un conseil restreint, à 11 h 30, à l’Elysée. « Le président insiste sur la nécessité d’apporter des informations d’origine françaises pour valider un argumentaire en quatre points, raconte un témoin : c’est une attaque chimique, massive, contre des civils, orchestrée par le régime de Bachar Al-Assad ».

La déclaration conjointe du 26 avril 2018 semble confirmer que, presque cinq ans plus tard, la France maintient toujours la même stratégie en Syrie et qu’elle a trouvé un partenaire aux Etats-Unis disposé à l’accompagner, rapports des services secrets aidant. Toute tentative afin de démontrer autre chose que la responsabilité directe des autorités syriennes, est malvenue et doit être combattue: le concours d’autres Etats est plus que bienvenu pour y parvenir.

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La dynamique géopolitique de la nouvelle guerre froide a fait de la France − et pas du Royaume-Uni ni de l’Allemagne − le nouveau « partenaire particulier » des USA en Europe ; et ce en raison de l’influence beaucoup plus large dont Paris dispose sur son hémisphère et de son rôle clé dans le système d’alliance asiatique de Washington.

C’en est fini de l’époque où le Royaume-Uni ou l’Allemagne pouvaient être vus comme premier relais américain en Europe : la France a pris la place d’allié principal de Washington sur le continent. Le Royaume-Uni reste englué dans son chaos politique post-Brexit et est entré dans une période où il va rester tourné résolument vers lui-même, le temps de recalibrer sa politique étrangère vis-à-vis de l’UE et du Commonwealth anglais. Ce changement a rendu le pays moins intéressant que jamais en tant que partenaire stratégique et a forcé les USA à lui trouver rapidement un remplaçant. Quant à l’Allemagne, elle rêvait de cette place pendant les années Obama, mais a perdu tout son éclat depuis l’élection de Trump, en raison des différences idéologiques et économiques entre les deux grandes puissances. Le pays est en outre intimement lié à la Russie, de par le réseau européen d’oléoducs déjà en place et de par ceux qui sont en projet sous la mer Baltique et la mer Noire, ce qui le rend « peu fiable stratégiquement » dans les calculs à long terme des décideurs politiques américains.

L’heure est donc venue pour les USA de remplacer leurs « partenariats privilégiés », maritime avec le Royaume-Uni et continental avec l’Allemagne, et la France remplit parfaitement le rôle pour chacun d’eux en raison de sa position géostratégique hybride de relais entre terre et mer pour l’ouest de l’Eurasie.

Emmanuel Macron, président français, en visite aux USA

La France constitue une puissance continentale, de par l’influence dont elle dispose sur l’Europe du sud (en particulier les pays « PIGS »), et une puissance maritime en raison de son riche héritage colonial en Afrique et pour partie en Asie (principalement au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est). On peut, de fait, voir la France comme superpuissance africaine, malgré son absence de territoire, simplement par sa force financière et militaire au travers des deux systèmes de Francs africains et de la mission anti-terroriste « Opération Barkhane » sur le Sahel ; sans parler de son réseau de bases militaires et de ses tendances historiques à intervenir à son gré sur le continent. Les États-Unis n’ont pas de meilleur allié en Afrique que la France, et les deux grandes puissances coopèrent étroitement dans la gestion hégémonique des affaires du continent, tout en essayant de « contenir » la Chine. En plus de cela, on peut imaginer que les deux pays pourraient entrer également en coopération avec le « Couloir de croissance Asie-Afrique » indo-japonais [« Asia-Africa Growth Corridor » (AAGC), NdT], et même y faire entrer les Émirats arabes unis au vu de leur influence grandissante sur la Corne de l’Afrique.

Ce point de vue de notre analyse nous amène à considérer l’importance pour les USA des facettes asiatiques de la stratégie française. Paris fait tout ce qu’elle peut pour regagner une influence perdue depuis longtemps sur le Moyen-Orient, comme l’illustrent l’implication de Macron dans l’affaire Hariri et la participation enthousiaste de la France aux dernières frappes contre la Syrie. Avant cela, la France avait ouvert une base militaire aux Émirats arabes unis en 2009, et s’est également mise depuis lors, à entretenir des liens étroits avec l’allié saoudien, membre du Conseil de coopération du Golfe. Les composantes de la politique moyen-orientale de Paris vers le levantin et vers le golfe donnent à la France la perception d’un poids important régional, que le pays a tâché d’exploiter en exerçant son influence sur l’Iran. Des cinq États moyen-orientaux cités ici, les Émirats arabes unis restent le plus important pour la France, car l’influence transrégionale de cette « petite Sparte » sur la péninsule et les zones voisines de la Corne de l’Afrique fait la paire avec le rôle de mentor qu’a pris le prince de la couronne d’Abou Dabi sur son homologue saoudien, ce qui en fait l’une des puissances ascendantes les plus remarquables au niveau mondial.

Les ÉAU se sont également fortement rapprochés de l’Inde ces dernières années, à l’instar de la France, ce qui permet d’évoquer une complémentarité stratégique trilatérale, parfaitement alignée sur les intérêts américains de haut niveau. Les émirats hébergent une diaspora indienne conséquente, qui apporte au pays une main-d’œuvre bon marché, et Abou Dabi vient de réorienter un partenariat historique du Pakistan vers l’Inde, après le refus d’Islamabad de prendre part à la guerre au Yémen. L’Inde a joué un rôle important dans ce conflit, apportant une assistance médicale aux combattants blessés de la « coalition » et Modi, son premier ministre favorable aux USA, a même rendu visite au pays et a déclaré l’intention de New Delhi de porter les partenariats à un niveau plus élevé. Il apparaît donc comme évident que l’allié américain et français que constituent les Émirats serait un ajout logique à l’AAGC indo-japonais ; ses intentions d’investir massivement sur le continent sont déclarées, une fois qu’il aura établi sa puissance sur la corne de l’Afrique.

La France ajoute à la collaboration économique entre EAU et Inde son propre partenariat militaire avec cette dernière, et les deux grandes puissances sont en train d’envisager plusieurs accords mutuels d’armement. En lien avec cela, Paris et New Delhi sont récemment tombées d’accord pour établir un pacte militaire semblable au LEMOA [pacte militaire logistique signé mi-2016 entre les USA et l’Inde après plus de 10 ans de négociations, NdT], permettant à chacun des deux pays d’utiliser les bases militaires de l’autre, apportant donc en théorie à l’Inde la possibilité d’accéder aux installations françaises n’importe où en Afrique et particulièrement sur la base navale essentielle de Djibouti. La convergence des intérêts français, émiratis et indiens autour du goulet de passage maritime de Bab-el-Mandeb, nœud des échanges commerciaux entre l’UE et la Chine, pourrait devenir une force très importante dans la nouvelle guerre froide, et constitue le déploiement d’un système d’alliance aligné sur les intérêts américains que ni le Royaume-Uni, ni l’Allemagne ne pourraient assurer. C’est pour ces raisons stratégiques étendues et profondes, mettant en jeu l’Afrique, le Moyen Orient et l’Asie du sud, que la France se transforme rapidement en « partenaire particulier »  des USA en Europe, et l’un de ses alliés les plus importants au monde.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais :

France Is America’s New “Special Partner” in Europe, Washington’s Chief Ally on the Continent, le 20 avril 2018

Cet article a été publié initialement par Oriental Review

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Propos recueillis à Tunis par Maurice Lemoine.

Présidente du Conseil national électoral (CNE) vénézuélien, Tibisay Lucena avait prévu de réaliser une tournée internationale dans divers pays européens – avec son passage obligé par Bruxelles –, puis africains, pour y exposer la nature des « garanties » offertes par le système électoral aux Vénézuéliens en général et à l’opposition en particulier, dans la perspective de l’élection présidentielle du 20 mai prochain. Pour sa partie européenne, cette tournée n‘a pas eu lieu. Ce changement de programme est dû au président américain Donald Trump, comparé par l’ex-patron du FBI James Comey à un « chef mafieux » [1], et au « clan » qui lui obéit au doigt à l’œil : les dirigeants des pays de l’Union européenne, en commençant par le locataire de l’Elysée Emmanuel Macron. C’est donc à Tunis que nous avons rencontré Tibisay Lucena, pour y connaître son point de vue sur une situation que nous résumerons ici succinctement afin de contextualiser ses propos.

Depuis début janvier 2016, le Tribunal suprême de justice (TSJ) a déclaré l’Assemblée nationale (AN), contrôlée par l’opposition, en « desacato » (situation d’outrage) pour avoir fait prêter serment à trois députés qui auraient été élus frauduleusement. Cette situation a eu pour effet d’écarter l’Assemblée du jeu institutionnel et d’entretenir une tension d’autant plus vive entre les différents pouvoirs de l’Etat (exécutif, législatif et judiciaire) que cette assemblée avait publiquement annoncé son intention de « sortir » le président légitime Nicolás Maduro du pouvoir (théoriquement en six mois).

D’avril à juillet 2017, une vague de violence insurrectionnelle promue par la coalition rassemblée au sein de la Table d’unité démocratique (MUD) a provoqué la mort de cent vingt-cinq personnes et fait plus de mille blessés (opposants, non opposants et membres des forces de l’ordre). Durant toute cette période particulièrement dramatique, les principaux dirigeants de la MUD – Henrique Capriles (battu à la présidentielle de 2013 par Maduro) et Julio Borges pour Primero Justicia (PJ), Leopoldo López (condamné pour « incitation à la violence » en 2014 et assigné à résidence) ainsi que Freddy Guevara pour Voluntad Popular (VP), Henry Ramos Allup au nom d’Action démocratique (AD), l’ex-maire de Caracas Antonio Ledezma (Alianza Bravo Pueblo ; ABP), María Corina Machado (Soy Venezuela), etc. –, appuyés par Washington, n’ont cessé de réclamer des « élections anticipées ».

Le 1er mai 2017, pour tenter de sortir de cette crise, le président Maduro a appelé tous les Vénézuéliens à élire une Assemblée nationale constituante (ANC). Plutôt que d’y présenter des candidats, dont nombre auraient été élus, l’opposition a décidé de la boycotter. C’est donc, le 30 juillet, avec 8,1 millions de voix pour 19,5 millions d’inscrits, soit 41,5 % de l’électorat, que les 545 constituants, chavistes ou proches du chavisme, ont été élus. Ce scrutin a été marqué par de multiples actes de violence, les ultras ayant décidé de l’empêcher par tous les moyens. Dans les bastions de l’opposition, des citoyens ont été menacés d’agressions physiques et même de mort s’ils participaient. Pour garantir le droit de chacun à s’exprimer, le CNE dut transférer certains bureaux de vote dans des lieux où pouvait être assurée leur sécurité. On déplora néanmoins quinze morts au terme de cette journée.

Pour contestée qu’elle soit, cette consultation et l’installation de l’ANC a ramené le calme et a permis – curieuse dictature ! – l’organisation de deux autres de ces scrutins tant réclamés. Le 15 octobre, du fait d’un effondrement de la droite dû à l’incohérence de ses dirigeants, le chavisme a remporté dix-huit des vingt-trois gouvernorats en jeu. Le gouverneur d’opposition élu dans l’Etat de Zulia ayant refusé de prêter serment devant l’ANC, il a été destitué et, au terme d’une nouvelle élection, le chavisme l’a emporté.

Lors des municipales du 10 décembre, pour lesquelles, cette fois, trois des principales formations de la MUD – Voluntad Popular, Acción Democrática et Primero Justicia – appelèrent au boycott, sans parvenir à faire l’unanimité, près de cinq milles candidats de soixante-douze formations politiques, en majorité locales et d’opposition, se sont présentés. Bénéficiant de cette atomisation de la droite et de l’extrême droite, des maires chavistes ont été élus dans 305 des 355 « municipos » du pays (47,32 % de participation). Ce qui, en même temps, signifie que des opposants ont également été proclamés vainqueurs par le CNE.

En parallèle à tous ces événements, de septembre 2017 à février 2018, le thème de l’élection présidentielle a été au cœur du dialogue entrepris par gouvernement et opposition en République dominicaine, sous les auspices du président de ce pays Danilo Medina, et avec comme principal médiateur l’ex-chef du gouvernement espagnol Luis Rodríguez Zapatero. Le 6 février, les deux parties se sont accordés sur un texte dont on pouvait attendre une sortie de crise espérée par la majorité des Vénézuéliens. Alors que la cérémonie protocolaire était prête, l’opposition, en la personne de Julio Borges, refusa finalement de signer, sous la pression de Washington et Bogotá. Dans une lettre rendue publique le 11 février, le médiateur Zapatero exprima sa « surprise  », façon subtile d’éviter le mot « indignation ». Pourtant nuancée, cette prise de position lui valut de se faire « assassiner » par les médias, en particulier espagnols, emmenés par le quotidien El País, totalement acquis au renversement de Maduro.

La MUD en tant que telle a explosé et s’est de plus vu interdire la participation à l’élection présidentielle, certains des partis composant la coalition n’ayant pas respecté la loi électorale. Ce qu’elle conteste énergiquement. Comme lors des municipales de 2017, les trois plus importantes formations de la droite – Voluntad Popular, Acción Democrática et Primero Justicia – appellent au boycott du scrutin. Ce qui ne signifie pas que l’opposition en sera absente, loin de là.

Outre le président sortant, quatre candidats se présentent. Si (et malgré tout le respect qu’on leur doit) on peut considérer que le pasteur évangélique Javier Bertucci (Movimiento Esperanza para el Cambio), le chef d’entreprise Luis Alejandro Ratti (candidat indépendant) et l’ingénieur Reinaldo Quijada (Unidad Política Popular 89 ; UPP89) sont des acteurs de second rang, il n’en va pas de même s’agissant du principal adversaire de Maduro, Henri Falcón.

Souvent présenté à dessein comme un « chaviste dissident » – c’est-à-dire un « sous-marin » du pouvoir –, cet ancien militaire a effectivement été élu à l’Assemblée constituante de 1999 puis à la mairie de Barquisimeto en 2000 dans l’orbite de Hugo Chávez et de son Mouvement pour la Ve République (MVR), transformé ultérieurement en Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV). Toutefois, devenu gouverneur de l’Etat de Lara, il a rompu avec le chavisme en 2012 en fondant son parti Avanzada progresista (Avancée progressiste ; AP) avant de basculer définitivement et sans équivoque en devenant chef de campagne du candidat de la MUD à l’élection présidentielle de 2013, Henrique Capriles Radonski. Outre AP, deux partis traditionnels l’appuient dans la perspective du 20 mai : le Mouvement pour le socialisme (MAS) [2] et le parti social-chrétien Copei. Il ne s’agit donc pas d’un candidat au rabais [3].

A la phase de stupéfaction douloureuse qui a suivi la période de violence de 2017, Maduro n’étant pas « tombé » !, a succédé l’exaspération des alliés et commanditaires étrangers de l’opposition. L’échec de cette dernière et son effondrement politique les a contraints à monter ouvertement en première ligne. Dès le 25 août, le gouvernement des Etats-Unis a ajouté aux sanctions individuelles déjà prises contre de hauts fonctionnaires – dont Tibisay Lucena, pour avoir organisé l’élection de l’ANC – de nouvelles mesures visant à restreindre l’accès de Caracas aux capitaux étrangers, dont il a un crucial besoin.

Dans sa tentative de déstabilisation de la « révolution bolivarienne », Washington peut compter sur la complicité active de ses vassaux néo-libéraux réunis au sein de l’informel Groupe de Lima – Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Guyana, Honduras, Mexique, Panamá, Paraguay, Pérou et Sainte-Lucie – et de l’ineffable secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro.

D’ores et déjà, un certain nombre de ces pays, dont la Colombie de Juan Manuel Santos, où sont chaque jour assassinés des dirigeants de mouvements sociaux, ont précisé qu’ils ne reconnaîtront pas le résultat de l’élection du 20 mai.

Dans son souci de se montrer plus servile que les plus serviles, le Panamá a su faire preuve d’une créativité flamboyante : le 29 mars, son ministère de l’économie et des finances a publié une liste de cinquante-cinq Vénézuéliens, parmi lesquels le président Maduro, le procureur général Tarek William Saab et, bien sûr, Tibisay Lucena, considérés « à haut risque » en matière de « blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et financement de la prolifération d’armes de destruction massive ». L’ex-animateur de télé-réalité Donald Trump a immédiatement félicité le gouvernement du président Juan Carlos Varela et a incité « d’autres pays, dans l’hémisphère, à imiter les mesures du Panamá  ».

Toujours à la pointe de la démocratie, l’Union européenne a elle aussi annoncé qu’elle ne reconnaîtra pas les résultats de la prochaine élection. Le 22 janvier, elle a formalisé sa liste de « sanctionnés », y incluant, entre autres, le ministre de l’Intérieur Néstor Reverol (responsable de la répression) et Tibisay Lucena (pour avoir organisé des élections) ! Le 8 février, par 480 voix « pour » (dont les sociaux-démocrates), 51 « contre » et 70 « abstentions », elle a élargi ses sanctions, y incluant, cette fois le président Maduro.

A Paris, la prestigieuse ville lumière, l’Elysée a brillé de mille feux pour recevoir, début avril, une délégation de l’« opposition unie » (sic !) vénézuélienne composée d’Antonio Ledezma, Julio Borges et Carlos Vecchio, et prendre note de leurs projets : « Avec les dictatures, on ne dialogue pas et on ne participe pas aux élections ». Très favorablement impressionné par la hauteur du propos, leur hôte Emmanuel Macron a précisé que « la France se tient prête, aux côtés de ses partenaires européens, à adopter de nouvelles mesures si les autorités vénézuéliennes ne permettent pas la tenue d’élections démocratiques ».

La visite de Tibisay Lucena aurait bien entendu permis de prendre connaissance des garanties offertes par le gouvernement vénézuélien, mais, l’Elysée ne recevant que de hauts défenseurs des droits humains – Donald Trump (14 juillet 2017), l’égyptien Abdel Fattah al Sissi, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, le turc Recep Tayyip Erdogan, etc. –, la présidente du CNE y est, comme dans l’ensemble de l’Union européenne, considérée « persona non grata » (ce qu’elle a appris par la presse, n’ayant jamais été officiellement notifiée).

Pour la petite histoire – « histoire sordide » serait une expression plus appropriée –, lorsqu’elle a appris l’impossibilité d’effectuer cette tournée en Europe pour y rencontrer intellectuels, journalistes, ONG et membres de la classe politique, Tibisay Lucena a décidé de se rendre en Suisse pour que les mêmes puissent éventuellement venir l’écouter et l’interroger. Par la même occasion, elle comptait organiser à Genève une réunion avec le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. De façon quasi-immédiate, la Confédération helvétique, annonçant suivre l’UE en imposant des « sanctions au Venezuela », lui a interdit l’entrée de son territoire. Suite « à cette mesure insolite », a-t-elle expliqué, il a été décidé de maintenir la tournée en Afrique, en commençant par la Tunisie.

C’est ainsi que le 16 avril, à Carthage, à proximité de Tunis, elle a pu exposer ses arguments en présence de plusieurs ambassadeurs et, entre autres, de Hamma Hammami, leader du Front populaire tunisien (gauche laïque). Elle a également été accueillie à bras ouverts par la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, prix Nobel de la paix 2015 pour son succès dans la mission qui a abouti à la tenue des élections présidentielles et législatives ainsi qu’à la ratification de la nouvelle Constitution en 2014.

Considérant odieuse la « loi du silence » imposée au Venezuela par les puissances « impériales » et leurs alliés, et au nom du « droit à l’information » des citoyens, nous en avons profité pour l’interviewer.

* * *

ML – Dans quelles conditions va se dérouler l’élection présidentielle du 20 mai ?

TL – « C’est la vingt-troisième élection que nous organisons. Mais c’est un scrutin très particulier, organisé sous de féroces attaques de différentes natures – économique, financière, médiatique, politiques – contre la tenue du processus électoral lui-même, les autorités et l’institution qui doit les organiser. Cette élection, à laquelle tous les Vénézuéliens étaient appelés à participer, serait soi-disant illégale parce que convoquée par l’Assemblée nationale constituante. Pendant les quatre mois de violence de 2017, l’opposition a réclamé au CNE des élections anticipées. Curieusement, depuis que l’ANC nous a demandé de les organiser, ils prétendent que ce serait inconstitutionnel ! »

Mais l’élection de cette ANC a elle-même été jugée illégale par l’opposition et les pays qui la soutiennent.

« L’élection de l’ANC s’est faite dans des conditions légitimes et parfaitement constitutionnelles. Ceux qui prétendent le contraire ne connaissent pas, ou font semblant de ne pas connaître la Constitution. Son article 348 établit la procédure et indique explicitement que, parmi les entités autorisées à convoquer une ANC, figure le président de la République [4]. Une polémique a éclaté sur le fait qu’il aurait fallu consulter le peuple par référendum pour approuver ou désapprouver sa convocation et, sur la base de cet argument, elle a été prétendue “illégitime”. Toutefois, l’unique organismes de l’Etat qui peut interpréter la Constitution, c’est le Tribunal suprême de justice, lequel a établi la constitutionnalité de cette convocation. Par ailleurs, le « Journal des débats » – un document officiel dans lequel sont consignées les délibérations qui ont eu lieu, au sein de l’ANC de l’époque, pour élaborer la Constitution de 1999 – rend compte d’une discussion sur le fait de savoir s’il est nécessaire d’organiser un tel référendum avant la convocation d’une nouvelle ANC : après un débat qui se déroule sur deux jours, la réponse est “non”. Il s’agit-là d’un document public que tout un chacun peut consulter. »

Pour être la présidente de l’organisme qui a organisé ce scrutin, vous êtes néanmoins sanctionnée par les Etats-Unis, le Canada et l’Union européenne, sans parler de la Suisse et du Panamá…

« C’est une grosse pression. Les élections au Venezuela sont toujours très agitées, mouvementées, mais, au niveau national, la situation demeure gérable. Le problème c’est quand des nations étrangères tentent d’intervenir dans le processus électoral. Les sanctions sont une intimidation, une manœuvre destinée à disqualifier l’organe électoral, le système électoral et, au bout du compte, les résultats de l’élection. »

Ces sanctions ont-elles des conséquences pratiques pour le CNE ?

« Oui, car certains de nos fournisseurs ont des relations, aux Etats-Unis, avec des banques américaines ou même internationales. Le simple fait d’être lié commercialement avec un organisme d’Etat vénézuélien les expose à ce que leurs comptes soient fermés. C’est arrivé à deux d’entre eux, dont l’un nous vendait une chose aussi simple que des toners [5] : leurs comptes bancaires ont été fermés. »

Dans un tel contexte, vous sentez-vous personnellement ou collectivement menacés ?

« A titre personnel, pour l’instant, je ne reçois pas de menaces, mais, en 2016, une vague de violences s’est déchainée contre les autorités électorales, contre moi, contre mes collègues assesseures. Nous avons été exposées à la raillerie publique ; des tweet de certains leaders nous ont stigmatisé de façon menaçante, nous ont insulté. Ça ne nous a pas empêché de remplir notre mission. En 2017, avec l’Assemblée nationale constituante, cela a été différent. Après quatre mois de manifestations, c’est une élection que des forces antidémocratiques et les diatribes médiatiques ont prétendu empêcher. Durant les dix jours précédant le scrutin du 30 juillet, une violence féroce s’est déchaînée contre le CNE et ses employés. Une centaine d’entre eux ont été attaqués, menacés de mort, frappés, séquestrés dans certains cas, pour les empêcher d’installer les machines de vote. Certains ont été intimidés à leur domicile, leur porte étant signalée d’un X tracé à la peinture. D’autres ont vu leur voiture personnelle incendiée. Des bombes incendiaires ont été lancées dans des bureaux de vote, plus de deux cents machines ont été détruites, plusieurs de nos sièges régionaux ont été attaqués. Mais, ce qui a été réellement impressionnant, c’est la manière dont ces fonctionnaires électoraux ont résisté à l’intimidation et ont exposé leur vie pour que les gens puissent voter. »

Trois jours après l’élection de l’ANC, Antonio Mugica, le directeur de l’entreprise Smartmatic, qui fournit les machines à voter électroniques et l’assistance technique, a affirmé depuis Londres que les résultats avaient été manipulés et que la différence entre le chiffre annoncé par le CNE et celui donné par le système était d’au moins un million d’électeurs. De son côté, l’agence de presse britannique Reuters, citant des documents internes du CNE, rapporta que seulement 3 720 465 personnes avaient voté à 17h30 et qu’il était donc improbable, le scrutin se terminant à 19 heures, que le nombre de voix ait doublé, pour atteindre le chiffre de 8 089 320, pendant ce court laps de temps.

« Ils ont sorti leurs communiqués sur la base d’une fiction. Il y a en effet fiction quand ils affirment deux choses fondamentales : qu’ils ont les chiffres de participation et qu’ils sont différents de ce que dit le CNE. Smartmatic, l’entreprise qui fournit des services et un support technique au CNE, n’a pas accès à la base de données. De plus, elle a participé à tous les audits préalables, qui comprennent la certification du logiciel de la machine et du système de totalisation. D’autre part, nous n’avons pas mis en place, dans les centres électoraux, un système d’information donnant la participation au cours de la journée. Ce qui veut dire qu’il n’existait aucun chiffre de cette participation, ni à 15h30, ni à 17h30, ni à 20 heures. On n’a annoncé les chiffres que quand on a eu la transmission des votes, au terme du scrutin. Et cette transmission est scientifiquement vérifiable car on a effectué un audit, le jour suivant, qui démontre clairement à quelle heure elle a débuté. A 17h30, on commençait à voter dans des « municipios » de l’Etat de Mérida qui n’avaient pas pu le faire jusque-là à cause des violences organisées par l’opposition. Il n’y avait ni transmission de chiffres à ce moment, ni chiffres de participation. »

Au terme des élections municipales de décembre 2017, des dénonciations ont fait état de ce que, à la sortie de certains bureaux de vote, les « Carnets de la patrie » [6] des électeurs étaient demandés et scannés par des militants du PSUV.

« Ça ne viole en rien le secret du vote. Celui-ci est secret et l’unique document autorisé pour voter est la carte d’identité. Ni photocopie, ni passeport, ni Carnet de la patrie ne permettent de le faire. Les machines électroniques garantissent le secret. Il n’y a pas moyen, par exemple, d’associer l’empreinte digitale avec le vote. Tout est blindé et garanti. Maintenant, toutes les organisations politiques, d’opposition ou de la majorité, ont, à l’extérieur, à deux cents mètres des centres électoraux, un stand, point d’assistance destiné à leurs assesseurs, électeurs et militants. Nous [le CNE], on garantit qu’ils ne soient pas à proximité immédiate. Quelques-uns tentent de ne pas respecter la loi et on les en empêche, c’est un peu comme un jeu du chat et de la souris. Mais ça concerne tous les partis. Ces stands sont également des points de contrôle de leurs militants, et les mécanismes qu’ils utilisent sont variés. Mais on ne peut pas prétendre, de quelque manière que ce soit, que cela a une influence sur le vote. C’est comme une pensée magique : tu présentes ton Carnet de la patrie à la sortie et on va savoir pour qui tu as voté ! C’est impossible. On cherche à tromper les gens. »

Comme on l’en accuse, le CNE a-t-il inhabilité les partis d’opposition pour favoriser le pouvoir ?

« Lorsqu’un parti ne se présente pas à une élection, il doit se revalider devant le CNE en vertu de la loi de 1964, appliquée antérieurement en plusieurs circonstances, et qui a été complétée et élargie, il y a deux ans, par le Tribunal suprême de justice. Pour ce faire, il lui faut obtenir les signatures de 0,5 % du registre électoral dans au moins douze Etats sur vingt-quatre, c’est-à-dire la moitié. Dans un Etat comme Amazonas, très peu peuplé, cela peut représenter 500 signatures, dans d’autres 1200, à Caracas 8000, dans le Zulia un peu plus. L’an dernier, après l’élection de l’Assemblée nationale constituante, qu’ils ont boycotté, certains se sont soumis à cette procédure, mais, comme ils n’ont pas participé au dernier scrutin [les municipales du 10 décembre 2017], ils doivent à nouveau se soumettre à cette nécessité. Voluntad Popular a choisi de s’y refuser, donc demeure légalement exclu pour un an. Si ses dirigeants ne font absolument rien, au terme d’une année le parti n’existera plus juridiquement. Action démocratique, en revanche, s’est re-légitimée. Primero Justicia n’a, à ce jour, pas obtenu le nombre requis de signatures. »

Dans le cadre du dialogue organisé en République dominicaine entre le pouvoir et l’opposition, les conditions d’une éventuelle élection présidentielle ont-elles été évoquées ?

« Sous les auspices du président dominicain Danilo Medina, opposition et gouvernement ont négocié pendant des mois pour élaborer un document appelé “l’Accord de République dominicaine”. Dans ce texte, six points concernaient le thème des élections. Au moment de signer, ces partis politiques d’opposition se sont retirés [le 6 février 2018]. Néanmoins, le président Maduro a ratifié cet accord. Il y a eu alors une discussion avec un autre secteur de l’opposition et le candidat Henri Falcón ainsi que les forces politiques qui l’accompagnent se sont entendus avec le gouvernement et ont signé avec le CNE ce qu’on appelle “l’Accord de Caracas”. A la demande de Falcón, de nouvelles requêtes ont été prises en compte, s’ajoutant à ce qui avait été négocié en République dominicaine. Et le CNE respecte rigoureusement ce qui a été accordé. »

Cela signifie-t-il que Falcón ne participait pas au dialogue en République dominicaine ?

« Au début, il y a participé, mais, je ne sais pour quelle raison, l’opposition l’a exclu au bout d’un certain temps. N’étaient plus présents à la table que Primero Justicia, Un Nuevo Tiempo, Action démocratique [7]. C’est quand ils se sont retirés que Falcón a repris le dialogue avec le gouvernement. »

Le 2 avril, à Caita, dans l’Etat de Vargas, la caravane du candidat de Falcón a été attaquée. Le 12 avril, sans en mentionner la provenance, il a dénoncé avoir reçu des pressions et des menaces en raison de sa participation à l’élection…

« Henri Falcón a effectivement déclaré qu’il y a eu des problèmes dans le cadre de sa campagne. L’Exécutif lui a répondu et a ordonné d’enquêter avec diligence pour appréhender les personnes qui se sont livrées à des actes de violence. De son côté, le CNE organise pour tous les candidats des réunions de coordination avec la sécurité de l’Etat pour que leur campagne se déroule en toute sécurité. » [Suite aux incidents du 2 avril, dix-sept suspects ont été arrêtés].

Quelle réflexion vous inspire cette interdiction d’expliquer votre position en Europe ?

« Au Venezuela, on vit intensément la démocratie et je me demande quels sont ces gouvernements qui aujourd’hui me sanctionnent, qui sanctionnent nos autorités électorales, et qui par ailleurs ont mené quatre pays à la destruction [Afghanistan, Irak, Libye, Syrie] en moins de vingt-cinq ans, au nom de la démocratie et de la liberté. Ils imposent des sanctions et font pression sur des pays et des peuples au nom des droits humains. Néanmoins, face à d’autres parties du monde, où sont massivement violés ces droits humains, ils ne posent aucune question. Ils ne se préoccupent que des droits de l’Homme au Venezuela, où ils sont garantis. Nous, les autorités électorales, ils nous ont sanctionné pour blanchiment de capital, terrorisme et vente d’armes de destruction massive ! Alors, je dis : gouvernements insensés que ceux qui nous sanctionnent pour ça et qui confondent les actes de dignité et de souveraineté avec des actes de terrorisme ! Gouvernements insensés qui, en nous sanctionnant en tant qu’autorité électorale, confondent l’émission de votes avec l’émission d’armes de destruction massive ! »

Le 19 avril, au siège du CNE, l’audit du software des machines à voter a été mené à bien en présence des représentants des partis soutenant un candidat à la présidentielle ou participant à l’élection des Conseils législatifs d’EtatsAvanzada Progresista (AP), Partido Socialista Unido de Venezuela (PSUV), Movimiento al Socialismo (MAS), Unidad Política Popular 89 (UPP89), Organización Renovadora Auténtica (ORA), Movimiento Electoral del Pueblo (MEP), Partido Comunista de Venezuela (PCV), Movimiento Ecológico de Venezuela (Movev), Comité de Organización Política Electoral Independiente (Copei), Patria Para Todos (PPT) – et de l’ex-magistrat du Conseil national équatorien Alfredo Arévalo, membre du Conseil des experts électoraux d’Amérique latine (Ceela). Tous ont validé cet audit retransmis en direct sur Internet (www.cne.gob.ve).

Campagne de haine 2016 contre le Conseil national électoral

Nous présentons des captures d’écran notamment issues de tweet de Henrique Capriles.





»» http://www.medelu.org/Ils-confondent-votes-et-arme-de

[1] Mensonges et vérités, une loyauté à toute épreuve, Flammarion, Paris, 2018.

[2] Authentiquement de gauche dans les années 1970 et 1980, le MAS s’est fracturé après l’élection de Hugo Chávez en 1998. Le mot « socialisme » figurant dans l’acronyme de ce parti passé dans l’opposition ne doit pas tromper ; il a autant de valeur que le « socialiste » du PS de François Hollande, Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis.

[3] Le même jour que la présidentielle auront lieu les élections des Conseils législatifs d’Etats. En matière de participation à ces scrutins, il existe dix-neuf organisations politiques nationales, dont dix-sept ont des candidats.

[4] Article 348 – L’initiative de la convocation de l’Assemblée Nationale Constituante pourra être prise par le Président ou la Présidente de la République en Conseil des Ministres, l’Assemblée Nationale avec l’accord des deux tiers de ses membres, les Conseils Municipaux réunis en conseil municipal avec l’accord de deux tiers de leurs membres ou de 15 % des électeurs inscrits sur les listes électorales.

[5] Encre pulvérulente utilisée en particulier dans les photocopieurs.

[6] Ce nouveau document d’identité créé le 20 janvier 2017 permet de connaître le statut socio-économique des citoyens et favorise l’accès des familles nécessiteuses à l’aide sociale. Fin décembre 2017, 16,5 millions de Vénézuéliens en disposaient. L’opposition voit dans ce document un « mécanisme de contrôle » de la population.

[7] Et, jusqu’au 27 janvier 2018, Voluntad Popular (VP).

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«Je m’interroge comment un fils de moudjahid peut obtenir un document pour acheter une voiture alors qu’un fils de paysan en est privé, ceci est injuste et crée un déséquilibre.» «Il faut que tous les Algériens soient traités sur un même pied d’égalité et je ne suis pas pour le fait de donner aux fils des moudjahidine des privilèges.»  (Colonel Bencherif, interview El Khabar)

La résilience pendant 132 ans du peuple algérien a fini par vaincre un colonialisme qui fit feu de tout bois pour garder «son Algérie».La victoire fut celle du peuple entier, étant entendu que l’Armée de Libération nationale issue de l’Algérie profonde, paya aussi le prix fort. Il n’est pas question dans ce plaidoyer d’opposer le peuple dans ses différentes composantes, au combat admirable des moudjahidine qui il faut bien le dire, ne furent pas cités à l’honneur, englués dans un récit qui dès le départ a été récupéré à d’autres desseins et pis encore, il a constitué le fonds de commerce de ceux qui ont fait la révolution par procuration.

Je veux parler de la composante appelée «famille révolutionnaire» dont on ne sait pas a priori ce qu’elle recouvre entre les organisations des enfants de moudjahidine qui exploitent le sacerdoce de leurs parents, et les organisations de fils de chouhada qui sont toujours à émarger au râtelier de la République plus d’un demi-siècle après l’indépendance, n’ayant rien apporté par eux-mêmes, sinon brouiller le message de notre fidélité entière et sans faille envers tous ceux qui ont pris les armes pour l’indépendance du pays, payant de ce fait un lourd tribut, certains en sont morts pieusement, d’autres portent encore les séquelles psychologiques et physiques au quotidien.. Cette contribution est un hommage à leur abnégation à travers le récit de la glorieuse bataille d’El Mouadjène du 28 avril au 3 mai 1958.

La prise de conscience pour la cause de la révolution

A titre d’exemple et sans être exhaustif, je rapporte quelques témoignages du général Khaled Nezzar dans son ouvrage: «Recueil des mémoires» paru aux éditions Chihab. Il décrit son parcours dans l’Algérie profonde, dans un petit village, Seriana, dans cet Aurès majestueux de l’Algérie profonde, de conquête du savoir distillé par le pouvoir colonial à doses homéopathiques. Il arrive à force d’efforts à réussir au baccalauréat première partie inscrit en philosophie. S’inscrire ensuite pour continuer à évoluer en devenant surveillant à l’Ecole d’enfants de troupe de Koléa. Après avoir fait ses classes, il sera envoyé dans une école militaire où il sort avec le grade de sous-lieutenant. C’était l’époque de la grève des étudiants de 1956, le jeune Nezzar déjà au fait de la révolution commence à manifester des positions de proximité avec elle, ce qui le rendirent suspect auprès des autorités françaises. Arrêté le 14 septembre 1957, pour tentative de désertion, il déserte effectivement à sa sortie de prison, prend contact avec le FLN, en Allemagne il rencontre Mouloud Kacem. Il rejoindra Tunis avec une dizaine d’autres officiers algériens de l’armée française, pour se mettre au service de la révolution et de l’Armée de Libération nationale.

Khaled Nezzar décrit ensuite son parcours: «A Tunis, deux volontaires sont demandés par la Wilaya III. Je donne, tout de suite, mon accord suivi de Benmessabih lui aussi ex-officier de l’armée française et originaire de Mascara. Les affectations nous sont notifiées par Maître Arezki Bouzida, nous sommes ensuite conduits à Ghardimaou, où nous recevons notre paquetage…Après cela nous regagnons le camp d’El-Mina où étaient cantonnés les djounoud de la wilaya III de la base de l’Est. Le commandement des unités de la Wilaya III était assuré par Hidouche, mort au combat en juin 1959 dans l’orangeraie de Annaba, près de Sidi Salem. Après quelques jours passés là, nous embarquons dans des véhicules civils en direction du camp de Zitoun, lui aussi proche de la frontière algérienne. Là je rencontre le commandant Bensalem dit Si Abderahmane, que Dieu ait son âme, originaire de Souk Ahras. Il était calme et généreux et ne se séparait jamais de sa canne. Ex sergent chef de l’armée française, déserteur en 1956, il est devenu ensuite colonel, commandant la base de l’Est (…) Le commandant Bensalem jouera un rôle primordial, notamment dans l’acheminement des hommes et des armes au profit des wilayas de l’intérieur.» (1)

«Le lendemain de notre arrivée nous nous dirigeons vers la Ligne Morice où le commandant Bensalem chargé de notre passage, était déjà parti en élément précurseur. Le franchissement des barbelés se faisait, un par un par une nuit très noire. Un passage était creusé sous le premier réseau électrifié qu’il fallait emprunter en rampant et en s’aplatissant au maximum dans la flaque d’eau qui inondait les lieux. Tout à coup un cri déchirait la nuit et une odeur de cheveux brûlés se dégageait. Un djoundi venait d’être électrocuté. Si Abderahmane, à l’aide de sa canne dégagea le corps pour libérer le passage. Un instant après un second djoundi connut le même sort…» (1)

La bataille  épique d’El Mouadjène

L’ALN eut à livrer de nombreuses batailles, où il eut souvent le dessus, mais où il perdit beaucoup de ses valeureux face une armée qui s’approvisionner  au magasin de l’OTAN sans compter, en chars  hélicoptères avions de combats  canons et  munitions dont les fameuses mines semées  dans les glacis des barrages  Maginot puis Challes, qui firent beaucoup de dégat en ce sens qu’ils asphyxiaient en armes  Les maquis

Khaled Nezzar décrit ensuite la réalité de la guerre, sans fioriture, sans embellissement, mais avec une plume sans concession, reconnaissant la supériorité de l’adversaire, mais témoignant aussi des actes de bravoure des moudjahidine dans une guerre largement dissymétrique. A la lecture, et à la relecture, tant les témoignages sont denses, on s’aperçoit de la force et de la bravoure de chacun dont l’objectif est de se battre pour une Algérie libre et indépendante.

Khaled Nezzar rapporte d’une façon détaillée la bataille qui eut lieu du 28 avril au 3 mai 1958. Ecoutons-le:

«(…) Cette opération de franchissement aurait mobilisé mille à mille trois cents moudjahidine et a eu lien en plusieurs points de la ligne Morice (…) Depuis le 28 avril, jusqu’au 3 mai, un bataillon de l’ALN renforcé de deux katibas a livré des combats inouïs pour rompre un encerclement aux portes de Souk Ahras. Ce fut une bataille marquante de notre lutte armée. Son ampleur a justifié que le général Vanuxem commandant le Nord Constantinois s’y implique personnellement. L’armée française a cherché l’anéantissement total des unités de l’ALN ayant franchi le barrage par un dispositif de bouclage très dense, par le déploiement des forces de destruction, par engagement des troupes de parachutistes de choc appuyées par des moyens de feux aériens et d’artillerie considérables. Le nombre de morts près de 600 du côté de l’ALN et quasiment l’absence de prisonniers atteste de la détermination des djounoud et de leur foi dans la cause de l’indépendance. Rendons un vibrant hommage à ceux qui sont tombés courageusement et saluons haut et fort leur exemple de sacrifice.» (1)

Patrick Charles Renaud, auteur d’un ouvrage en tant qu’appelé de l’armée française, cinquante ans après la fin des combats et l’indépendance, décrit les «événements» d’Algérie et écrit qu’en les plongeant malgré eux dans un conflit aux contours mal définis, les gouvernements français de l’époque ont laissé les soldats du contingent face à leur conscience (2).

Khaled Nezzar le cite pour décrire du côté français la bataille d’El Mouadjène dite la bataille de Souk Ahras:

«(…) Le 28 avril 1958 au moment où le 4e failak quitte la Tunisie, ses chefs, son armement, ses effectifs, les grandes lignes de son itinéraire et sa mission sont connus. Il devra franchir le barrage en bloc au sud de Souk Ahras. Ce sont près de 4000 hommes que l’ALN s’apprête à déverser sur l’Algérie. La plus grande bataille de la guerre d’Algérie va s’engager…Pour faire face à cette offensive sans précédent de l’ALN, deux régiments de parachutistes sont rameutés. Les chasseurs du 4e RCP et les légionnaires du 1er REP, viennent épauler leurs camarades du 9e RCP durement éprouvés qui livrent un combat corps-à-corps excessivement meurtrier. En fin de journée le bilan est sévère pour les forces françaises: 20 tués dont trois officiers du 9e RCP. 18 disparus présumés tués, 33 blessés. Les «rebelles» eux ne déplorent que 30 tués et la perte de quelques armes.» (1).

Plus loin, l’auteur cité par Khaled Nezzar ajoute:

«Les moyens aériens mis en oeuvre par l’armée de l’air et la marine les 29 et 30 avril furent colossaux, huit Mistral, 14 Corsair, deux P47, 7 B26, 3 Broussard 44 T6 et un C44 qui a eu pour mission de balancer des lucioles durant la nuit (…) 18 Bananes et des Piper dont la plupart ont été touchés… L’aviation intervient massivement notamment par bombardement au napalm. Seuls deux Mistral sont touchés.» (2)

Il n’est pas possible de rapporter par le menu, toutes les épopées de ceux qui bravaient au quotidien les barrages électrifiés des lignes Morice et Challe, truffés de mines, et «assistés» par l’artillerie et l’aviation, ils devinrent de moins en moins perméables. Il fallait ravitailler en hommes et en matériels les wilayas de l’intérieur et les djounoud responsables de ces traversées payèrent un lourd tribut. Khaled Nezzar rapporte dans ses mémoires l’exploit surhumain d’un combattant, Seraï Ahmed: «Je garde en mémoire Seraï Ahmed dit «Lasnami». qui vivait pratiquement dans le no man’s land de l’«interligne» (..) Jamais nom de guerre fut mieux porté. Le courage de Lasnami était de pur granit. Durant le combat «Lasnami» était imperturbable telle une statue (…) Petit de taille, mais vif comme un feu follet, Lasnami était sans pareil dans l’art de la feinte, de l’esquive du coup porté vif et fort. Lorsqu’un jour l’ennemi déploie son immense machine pour encercler, acculer et anéantir, Lasnami démontre qu’il a le don d’ubiquité. Djebel Es-Khira est le théâtre de cet exploit de Lasnami et de ses hommes. Dans la journée ils attaquent en plusieurs endroits différents, les forces françaises leur faisant croire qu’elles ont affaire à très forte partie et les obligent à ramasser leurs dispositifs… Lasnami traverse les barrages de la mort comme une simple route asphaltée. Peu avant sa dernière mission, il me confie: «Je ne me sens pas bien, mais j’ai l’ordre de participer à cette action et de suivre Si Abdelkader dans l’interligne… D’habitude je traverse le barrage sans appréhensions particulières, cette fois je ne suis pas à l’aise.» Prémonition? (…) Je le serre contre ma poitrine… Lasnami mourra le lendemain. Son pressentiment ne l’avait pas trompé.» (3)

Le peuple a payé le prix fort

 «Plus tard, l’Algérie indépendante et le rebelle que j’étais hier, accueilli à l’Ecole de guerre de Paris, j’eus entre les mains un livre «Asnami reviendra» écrit par le général Etchevery, commandant l’Institut des Hautes Etudes militaires. Pendant la guerre d’Algérie, l’auteur était chef de secteur militaire de La Calle à l’époque où Lasnami faisait ses va-et-vient mortels dans cette même région. Connaissant probablement les exploits de Lasnami, le général Etchevery en avait fait un personnage de roman. Etchevery prônait une Algérie où tous les citoyens auraient bénéficié des mêmes droits. Vision généreuse, mais ô combien utopique. Je n’ai retenu de ces pages que l’hommage rendu à Lasnami par son adversaire d’hier» (4) (5)

C’est un fait que le peuple paya le prix fort. Cependant, le Front de Libération nationale savait qu’il ne pouvait pas vaincre frontalement une armée de 500 000 hommes avec aviation, chars, blindés, Alouettes, Bananes et napalm. Il lui fallait une stratégie, celle de la bataille de l’information en portant la lutte dans les instances internationales. Un livre remarquable de l’universitaire américain, Connelly explique comment la guerre 54-62 a été un moment fort des Nations unies» (6).

Toutes les manoeuvres ont été utilisées par la France pour briser la solidarité des Algériens contre l’occupant. On se souvient comment la guerre fut surtout une guerre de l’aviation fournie par l’Otan. Les avions qui furent le plus de dégâts sont les B27 américains, les hélicoptères Bananes, les hélicoptères Bell et Sykosky. La guerre fut terrible car elle fut asymétrique. La foi en l’indépendance ne suffisait pas, l’armée paya un lourd tribut. Tous les Algériens combattirent comme un seul homme et il faut parcourir l’ouvrage de Khaled Nezzar pour s’apercevoir que tous ses frères d’armes, quels que soient leurs parcours, étaient engagés jusqu’au sacrifice suprême, eux qui auraient pu continuer à servir dans l’armée française comme le firent certains et terminer des existences sans gloire après l’indépendance, en France en étant toujours considérés même gradés, comme des indigènes tel que le rapporte l’anecdote du colonel Bendaoud: «Arabe tu resteras Arabe même si tu t’appelles colonel Ben Daoud…» ou même bien plus tard du lieutenant Rahmani, sanctionné pour n’avoir pas voulu combattre contre ses «frères» tout en restant dans l’armée française.

Le prix payé  par les Algérien(e)s pendant cette  guerre de près de 2800 jours

Khaled Nezzar dans ses «Mémoires» rapporte les données suivantes: «Les chiffres officiels des pertes algériennes données par l’état-major français et rapportés par Redha Malek dans L’Algérie à Evian: «Au 23 octobre 1958,77000 Algériens sont morts au combat et 60 000 sont faits prisonniers. Au 10 novembre 1959.145.000 Algériens sont morts au combat et l’on compte 30% de plus de prisonniers. Cela signifie que les pertes algériennes ont doublé en moins d’un an. L’année 1959 aura fait à elle seule autant de victimes que les quatre années antérieures réunies. Toujours selon les mêmes sources, les victimes civiles auraient atteint 600.000. En ce qui concerne les camps de regroupement, Paul Delouvrier évalue leur population en mars 1959 à un million de personnes. En janvier 1960 Monseigneur Rodhain et le pasteur Baumont les chiffrent à 2 millions. Le nombre de détenus en France serait de 40 000 et 16 000 en Algérie (le nombre «relativement bas s’explique par les exécutions sommaires appliquées par l’Armée française aux Algériens pris les armes à la main ou raflés dans le bled» (7).

Sans faire dans la concurrence victimaire il y aurait probablement un million de morts, le prix le plus fort fut payé par les civils; il y eut plus de 2, 5 millions de déplacés à proximité des casernes dans de véritables camps de concentration, il faut se référer au rapport courageux de Michel Rocard inspecteur des finances à l’époque et qui, visitant l’horreur des camps, fit un rapport accablant qui fut étouffé. Il faut citer aussi, pour l’histoire, la torture, les 200 guillotinés, le rôle sinistre de Mitterrand à l’époque ministre de l’Intérieur.

Les essais atomiques et les mines qui nous gratifient de la mort en différé bien après la fin de la guerre. Mostefa Lacheraf, évaluant les 132 ans de colonisation, avance le chiffre de 6 millions de morts de différentes façons, notamment les famines. C’est assurément un crime contre l’humanité dans la durée, à une cadence de 45 000 morts par an soit encore 125 morts par jour soit encore cinq meurtres par heure pendant 132 ans.

Rien que pour la dernière période de la révolution, pendant 92 mois, soir près de 2800 jours en prenant comme valeur le chiffre admis de 1 million de morts dont 80% sont des civils, soit 10 800 mors par mois ou encore 300 morts/jour Voilà ce que fut en quelques chiffres l’un des aspects de «l’oeuvre positive de la colonisation».

Pr Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique  Alger

Le 26 Avril 2018   

 

Notes

1.Khaled Nezzar: Recueil des Mémoires du général Khaled Nezzar:1: Ma carrière militaire, pp.242-243. Editions Chihab. Alger 2017

2.Patrick-Charles Renaud: Guerre d’Algérie, une génération sacrifiée: 50 ans Editeur Grancher 25 janvier 2012

3.Khaled Nezzar Ibid p.141

4.Khaled Nezzar Ibid p.142

5.Jean-Paul Etchevery: Asnami reviendra. Editions France-empire 1975

6.Matthew Connelly: L’arme secrète du FLN, Comment De Gaulle a perdu la guerre d’Algérie. Paris, Payot 2014, Traduit de l’anglais par Françoise Bouillot

7.Khaled Nezzar Ibid p.220

 

Article de référence : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/291288-l-epopee-d-el-mouadjene.html

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Agent Orange au Vietnam : arme chimique illégale

avril 28th, 2018 by André Bouny

Cet article, encore d’actualité, a été publié initialement le 9 mars 2007. 43 ans après la fin de la guerre du Vietnam (le 30 avril 1975) le pays demeure contaminé par l’arme chimique Agent orange.


Tout d’abord, il est nécessaire de faire un effort mental suffisamment grand pour consentir à ce qu’il y ait des armes légales. A la suite de quoi, il faut accepter l’existence des lois et coutumes qui régissent la guerre. Et même si cela est au-dessus de nos forces, ainsi sont les règles de notre monde.

Une arme est illégale de deux manières : soit un traité particulier l’interdit, soit elle viole les lois et coutumes existantes qui régissent la guerre -on aperçoit ici la menace inhérente dans l’emploi du terme « coutumes » qui désigne les us antécédents et, par conséquent, tente d’endiguer un présent toujours tenté de violer les pratiques du passé.

Un avion arrosant avec l’agent orange.
source: http://cybersarges.tripod.com/aoimg/spraying17.jpg

Dans le cas ou un traité interdit une arme, elle est illégale pour les seuls pays qui l’ont signé et ratifié. Mais si cette arme est illégale au regard d’une loi existante, elle devient illégale pour l’ensemble des pays.

Les lois et coutumes existantes de la guerre comprennent tous les traités qui régissent les interventions militaires et l’emploi des armes ainsi que le Droit international coutumier. Ils constituent ainsi l’essentiel du Droit International Humanitaire. On peut citer les Conventions de La Haye de 1899, 1907, et 1954 ; Conventions de Genève 1864, Protocole de Genève de 1925, 1926 embryon des quatre conventions de 1949, ensuite viennent celles de 1951 et 1957, puis les deux protocoles additionnels de 1977 venus reconnaître les « progrès » techniques dévolus à l’armement durant la guerre du Viêt-nam -que n’ont pas signé les USA- complétés par un troisième protocole additionnel en 2005 ; Convention sur les armes biologique de 1972, dont le renforcement de novembre 2001 a échoué ; Convention sur les armes chimiques de 1993, etc., etc..

Affiche réalisée par Thuy Vy Do Huynh.
 » Plus de 45 ans aprés le début de la GUERRE CHIMIQUE au VIÊT NAM, des enfants crèvent la gueule ouverte ». André Bouny.

A l’époque de la rédaction des textes sur l’interdiction d’utiliser le poison comme arme de guerre, on ne connaissait pas les mots « herbicides » et « défoliants » qui peuvent, comme l’Agent Orange, contenir le pire des poisons. Les Grecs et les Romains de l’Antiquité avaient pour coutume de s’interdirent l’emploi du poison et des armes empoisonnées. En Inde, cinq cent ans av. J. C., les lois de Manu relatives au droit de la guerre interdisaient l’emploi de telles armes. Mille ans plus tard, les Sarrasins tiraient du Coran une conduite de la guerre prohibant l’empoisonnement.

En 1943 et 1944, les Etats-Unis d’Amérique avaient déjà étudié douze mille produits chimiques et en avaient sélectionné sept mille comme possibles armes de guerre… d’ailleurs, en 1945, un crime prémédité contre l’humanité est étudié en vue de détruire les rizières autour des grandes villes du Japon. Ces produits chimiques étaient les précurseurs des Agents chimiques utilisés au Viêt-nam.

L’Agent Orange contenant du poison tombe sous le coup du Protocole de Genève de 1925 que les USA n’ont pas signé. Curieusement, ils le signeront le 10 avril 1975, comme s’il s’agissait d’une culpabilité envers le forfait commit de fraîche date entre 1961 et 1971 au Viêt-nam. Certes, il ne peut y avoir d’effet rétroactif de la loi. Mais l’Agent Orange tombe aussi sous le coup de l’Article 23 de la Convention (IV) de La Haye de 1907, qui dit : « Outre les prohibitions établies par les conventions spéciales, il est interdit : a) d’employer du poison ou des armes empoisonnées  » signée par les USA le 18/10/1907 et ratifié le 27/11/1909. Si les arcanes de la procédure actuelle en terre américaine aboutissaient à l’impunité, le seul recourt contre l’utilisation de l’Agent Orange au Viêt-nam pourrait bien être l’arsenal des textes et normes du Droit International Humanitaire.

Le Droit International Humanitaire dégage quatre grandes règles en ce qui concerne les armes :

1) Les armes ne peuvent être utilisées que dans le champ « légal » des combats, défini comme cibles militaires de l’ennemi en guerre. Les armes ne doivent pas provoquer un effet négatif au-delà de ce champ « légal » de bataille : c’est la règle territoriale.

2) Les armes ne peuvent être utilisées que pendant la durée du conflit. Une arme qui est utilisée ou continue d’agir après la fin de la guerre viole cette réglementation : c’est la règle temporelle.

3) Les armes ne doivent pas être excessivement inhumaines. La Convention de La Haye de 1899 et de 1907 utilise les termes « souffrances inutiles » et « blessures superflues » : c’est la règle d’humanité.

4) Les armes ne doivent pas avoir un effet négatif démesuré sur l’environnement naturel : c’est la règle environnementale.

L’Agent Orange viole ces quatre règles.

1bis) L’Agent Orange est dispersé par voie aérienne et n’atteint pas seulement le champ des cibles « légales » mais aussi largement les lieux civils alentours  et même les pays voisins avec lesquels l’utilisateur n’est pas en guerre, sans oublier les infiltrations et les ruissellements qui transportent les molécules sur d’autres surfaces de terre, nappes, rivières, mers, et bouleversent les écosystèmes. Il ne peut pas être limité aux champs de bataille « légaux » et viole la règle territoriale.

2bis) L’Agent Orange reste dans les zones d’épandages et de stockages, ses molécules qui ont une vie durable et un potentiel pathogène et tératogène agissent sur les anciens combattants comme sur les civils bien après que la guerre soit terminée et même sur les enfants à naître sur plusieurs générations sans que l’on sache quand cela prendra fin. Il ne peut pas être extirpé quand la guerre est finie et continue d’agir après la fin des hostilités et viole la règle temporelle.

3bis) L’Agent Orange est inhumain à cause de la façon dont il tue –cancers, maladies multiples, malformations génétiques, absence de membres, bébés déformés et non viables, touchant des enfants qui n’ont jamais été des cibles militaires et qui sont nés après la fin de la guerre. Sa nature tératogène et l’atteinte possible du patrimoine génétique des générations futures font qu’il est possible de considérer l’utilisation de cette arme comme un génocide. Il est inhumain et viole la règle d’humanité.

4bis) L’Agent Orange cause des dommages considérables et irréversibles à l’environnement naturel comprenant la disparition des forêts de différentes natures, la contamination des sols et de l’eau, des terres agricoles dont l’exploitation sert à la subsistance des populations civiles, bien au-delà de la durée de vie de ces populations. Le nettoyage est une science inexacte, qui coûte très cher et dépasse les capacités de financement d’un pays pauvre. L’Agent Orange est une arme qui ne peut être utilisée sans causer des dommages excessifs à l’environnement naturel puisque c’est le premier de ses buts, il viole la règle environnementale.

L’Agent Orange est donc bien une arme, une arme chimique, une arme chimique illégale.

L’une des clauses les plus utiles du traité sur le Droit Humanitaire est la « clause Martens » de la Convention de La Haye de 1907 qui est reprise dans les traités suivants concernant le Droit Humanitaire. La clause Martens stipule que dans les situations où il n’existe pas de clause spécifique dans un traité (ce qui est le cas pour l’Agent Orange) la communauté internationale est néanmoins liée par « les règles de principes de la loi des nations, issues des usages établis parmi les peuples civilisés, par les lois humanitaires et ce que dicte la conscience publique. »

Selon le Droit international, il existe un certain nombre d’exigences pour remédier aux violations des Conventions de Genève et autres règles formant les lois et coutumes de la guerre. Une exigence minimum du devoir de réparer l’utilisation d’armements illégaux c’est la compensation des victimes. Cela peut comprendre les victimes civiles et militaires de guerre. Pour remédier au maximum à l’utilisation de l’Agent Orange, c’est un devoir de fournir tous les renseignements sur la fabrication de cette arme et de son épandage. En ce qui concerne les dommages environnementaux, les utilisateurs de l’Agent Orange sont obligés d’effectuer un nettoyage tangible des zones contaminées. Quand des terres et des ressources en eau ne peuvent être effectivement nettoyées, l’état qui a causé les dommages doit payer une indemnité d’un montant égal à la perte d’exploitation des terres et ressources du patrimoine national et du coût des poursuites juridiques. Le nettoyage environnemental pourrait atteindre des chiffres prodigieux.

En plus de la responsabilité pour les dommages causés aux victimes et à leur environnement, les utilisateurs de l’Agent Orange devraient être sanctionnés légalement selon les clauses des lois humanitaires existantes. Par exemple, la Convention de Genève exige des états membres signataires qu’ils aient des mécanismes légaux internes pour juger les personnes qui sont soupçonnées d’avoir commis des violations sérieuses du Droit Humanitaire. De plus, l’Article 146 stipule que tous les états signataires ont le devoir de rechercher les violateurs mis en cause et de les juger devant leurs propres tribunaux quelle que soit leur nationalité. L’Article 148 interdit à tout état de s’absoudre lui-même ou d’absoudre un autre état de la responsabilité de violations sérieuses. Les effets génocidaires sur les peuples bien après la fin des hostilités constituent une autre base pour considérer l’utilisation de l’Agent Orange comme un crime contre l’humanité.

André Bouny

 

De certains extraits du rapport de Karen Parker sur les armements à l’Uranium Appauvri transposés et développés à l’Agent Orange par André Bouny, père adoptif d’enfants vietnamiens, président du « Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange et au procès de New York » (CIS)

 

André Bouny est un écrivain et un peintre français connu pour son engagement pacifiste et pour son essai Agent Orange, Apocalypse Viêt Nam, un ouvrage exhaustif faisant autorité sur la guerre chimique menée par les États-Unis durant la guerre du Viêt Nam.

Il est également l’auteur de Cent ans au Viêt Nam, ouvrage finaliste du prix Boccace du recueil de nouvelles 2015.

Par ailleurs, André Bouny a publié plus d’une centaine d’articles repris de par le monde au sujet de la guerre chimique menée par les États-Unis d’Amérique au Viêt Nam, d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Membre de l’ACDN, il est engagé dans le désarmement nucléaire.

(Pour en savoir plus sur l’auteur, cliquez ICI)

 

Les déclarations des ministres de la Défense russe et pakistanais après leur rencontre à la Conférence de Moscou sur la sécurité internationale de cette année montrent que les relations militaires entre les deux grandes puissances sont sur la bonne voie et qu’elles les rapprochent du partenariat stratégique tant attendu.

La Russie et le Pakistan se sont engagés dans un rapprochement rapide et globalces deux dernières années qui met leurs relations sur la trajectoire d’un partenariat stratégique, avec les déclarations faites par leurs ministres de la Défense après leur rencontre à la Conférence de Moscou sur la sécurité (MCIS) montrant que leurs liens militaires en particulier sont définitivement sur la bonne voie.

TASS a rapporté que Sergueï Choigou avait ceci à dire en parlant avec son homologue pakistanais Khurram Dastgir Khan :

« Au cours des dernières années, des réunions bilatérales ont contribué à renforcer les contacts entre les forces armées russes et pakistanaises dans des domaines tels que les exercices conjoints de troupes terrestres et navales ainsi que le renforcement des liens entre les états-majors. Cette année, nos ministères de la Défense ont également un programme intense de décisions à prendre.

Nous soutenons la participation du Pakistan à l’Organisation de coopération de Shanghai en tant que membre à part entière. Nous espérons que l’interaction de l’OCS contribuera au développement et au renforcement des liens d’amitié entre nos ministères de la Défense.

Nous sommes reconnaissants à la partie pakistanaise pour sa participation régulière à la conférence de Moscou sur la sécurité internationale. D’année en année, le forum devient de plus en plus un lieu de dialogue ouvert et professionnel sur un large éventail de problèmes actuels.

J’ai eu des relations chaleureuses et fraternelles avec votre prédécesseur. Sur son invitation, j’ai visité le Pakistan pour la première fois. »

Russian Minister of Defence Serhei Shoigu speaking at the Moscow Conference for International Security in April 2018
Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choigou, s’exprimant à la Conférence de Moscou pour la sécurité internationale en avril 2018

Le même jour, M. Khan a pris la parole au même endroit et a déclaré publiquement ce qui suit au sujet des relations russo-pakistanaises :

« Je crois que les deux pays ont su transcender leur histoire pour prendre un nouveau départ…

C’est un début parce que, bien sûr, cette histoire de méfiance qui existe des deux côtés est encore là ; mais, pour de nombreuses raisons géostratégiques, les deux pays trouvent maintenant que c’est une voie plus optimale de coopérer l’un avec l’autre. (…)

Je tiens à souligner qu’il ne s’agit nullement d’une relation à somme nulle avec les États-Unis. C’est que le Pakistan a procédé à un recalibrage régional de ses politiques étrangères et de sécurité. »

Pakistani Defense Minister Khurram Dastgir Khan speaking at the Moscow Conference on International Security in April 2018
Le ministre pakistanais de la Défense, Khurram Dastgir Khan, s’exprimant lors de la conférence de Moscou sur la sécurité internationale en avril 2018

Sans aucun doute, les liens entre les deux rivaux de l’ère de la guerre froide se sont remarquablement dégelés au point de devenir des partenaires proches dans la nouvelle guerre froide, bien que le Pakistan déclare indirectement son appartenance à un nouveau mouvement des non-alignés (néo-MNA) en décrivant le redimensionnement de ses politiques en terme gagnant-gagnant à la lumière des événements récents. La « diplomatie militaire » de la Russie devrait jouer un rôle crucial en aidant Moscou et Islamabad à « équilibrer » la transition tumultueuse de l’unipolarité vers la multipolarité, et on s’attend à ce que la coopération entre leurs forces armées se poursuive avec le temps.

Il n’y a pas de meilleure chance pour que la Russie et le Pakistan concluent un partenariat militaire officiel, surtout après l’hostilité affichée du vice-président Pence envers le Pakistan à la fin de l’année dernière et les tweets agressifs du président Trump. Tous deux soulignent la détérioration inévitable du partenariat militaire américano-pakistanais autrefois si fort, alors que l’interaction positive entre les ministres de la Défense russe et pakistanais plus tôt cette semaine montre que les deux parties travaillent, en réponse, sur leur propre partenariat militaire multipolaire.

Il convient de rappeler que ce n’est dirigé contre aucun tiers tel que les États-Unis ou l’Inde mais que c’est conçu pour obtenir des résultats gagnant-gagnant qui favoriseront la paix et la stabilité régionales, pour lesquelles le « Saint Graal » du partenariat militaire russo-pakistanais serait finalisé − si Moscou vendait ses systèmes de missiles anti-aériens S-400 défensifs à Islamabad. Il est encore trop tôt pour parler de la probabilité que cela se produise mais ce serait néanmoins le couronnement de leur partenariat, si un tel développement se produisait ou même si des rapports crédibles émergeaient sur des discussions prospectives à ce sujet.

Curieusement, l’accord tant attendu sur les S-400 entre la Russie et l’Inde a encore été retardé et n’a pas été accepté au MCIS comme les médias l’avaient prédit à tort.Même si une source a confié à l’agence TASS que c’était seulement à cause d’un différend et que le contrat sera signé en octobre, on ne peut s’empêcher de se demander si l’intransigeance de New Delhi sur cette question est due à son indignation face à la proximité grandissante de Moscou avec Islamabad et à sa crainte de sanctions américaines. Après tout, l’Inde essaie de jouer la Russie contre les États-Unis afin d’obtenir les offres militaires les meilleures et les plus abordables possible. Donc un tel scénario de type Chanakya ne peut pas être exclu.

Indépendamment des liens historiques entre la Russie et l’Inde, Moscou va de l’avant en formant une association trilatérale multipolaire entre elle-même, Pékin et Islamabad afin de sauvegarder la sécurité dans le Heartland eurasien vulnérable, plus menacé que jamais par la guerre hybride, notamment avec l’introduction dangereuse de Daech sur le champ de bataille afghan. La grande vision stratégique est la formation d’un anneau d’or des grandes puissances multipolaires, dont le Pakistan est l’élément clé sur le plan géostratégique, ce qui explique l’une des motivations principales du partenariat militaire russo-pakistanais qui a été discuté plus tôt cette semaine à Moscou.

Les États-Unis et l’Inde tenteront probablement de se convaincre l’un l’autre que cette institution eurasienne émergente est dirigée contre eux, prédisant astucieusement que ce récit trompeur va amener leur homologue à s’engager encore plus dans leur partenariat stratégique planifié sur 100 ans en fournissant une « justification défensive » à leur propre population et au monde dans son ensemble. Le fait accompli selon le « scénario de la supériorité » des États-Unis est la division de la Grande Eurasie en deux blocs, celui du Cercle d’Or centré sur le Heartland et la « quintette » du Rimland controlé par l’OTAN, tout ce qui se trouve entre eux à l’Ouest et en Asie du Sud-Est tombant sous l’égide d’un mouvement néo-MNA profitant des avantages de la « connectivité compétitive ».

Il est peut-être déjà trop tard pour inverser cette tendance et on ne sait pas si l’Inde, État pivot, a un désir sincère de le faire. Mais en tout cas, le partenariat stratégique russo-pakistanais en cours et le renforcement des relations militaires entre les deux parties ont vu le jour en raison de leur rapprochement rapide au cours des dernières années. Ils formeront un axe de stabilité en Eurasie en ces temps turbulents, ces deux grandes puissances interagissant de façon intéressante pour leur plus grand bénéfice commun dans cette nouvelle guerre froide à l’inverse de la précédente et ancienne guerre froide.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais :

Russia-Pakistan Military Relations: On the Path to a Strategic Partnership

Oriental Review 5 avril 2018

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie  Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime  (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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Le discours du Président Xi Jinping au Forum de Boao, ponctué de métaphores chinoises et rédigé dans l’intention d’apaiser les craintes d’une guerre commerciale néfaste entre la Chine et les États-Unis, fut la prolongation logique de son célèbre discours au sommet de Davos l’an dernier, dans lequel il positionnait la Chine à l’avant-garde de la nouvelle mondialisation.

Au forum de Boao, le président Xi a insisté sur une « nouvelle phase d’ouverture » de l’économie chinoise ; il a aussi vivement critiqué « la mentalité de jeu à somme nulle, digne de la Guerre froide » et fait l’éloge de la longue marche chinoise vers le développement, depuis son accession à l’OMC jusqu’à son propre projet d’intégration eurasiatique commerciale au XXIe siècle, l’initiative « Une ceinture, Une route »ou Nouvelle route de la soie.

À court terme, l’économie chinoise devra suivre un des deux vecteurs suivants. Beijing pourrait choisir d’ouvrir son économie principalement aux grandes sociétés américaines, une stratégie qui serait à l’avantage de l’Occident et qui est l’« option B » de la Chine. Ou bien, au cours des sept prochaines années, Beijing pourrait lancer une autre initiative innovante visant à consolider son statut de centre mondial des hautes technologies. Il s’agit là de l’« option A », privilégiée par Beijing.

Il se trouve que cette option A est parfaitement intégrée à l’effort de développement d’inter-connectivité de la Nouvelle route de la soie : de l’est de la Chine jusqu’à l’Europe occidentale, en passant par l’Asie centrale, l’Asie du sud-est, l’Asie du sud-ouest et même les républiques du Caucase. À travers la Nouvelle route de la soie, la Chine se prépare à exporter non seulement des capitaux et sa façon de faire du commerce mais également des produits de haute technologie à haute valeur ajoutée.

Ceci nous amène à la question de la confrontation de ces deux options, qu’il convient d’étudier en détail et qui est au centre d’un débat houleux sur la possibilité d’une guerre commerciale aussi certaine que dangereuse : « Chine 2030 » versus « Made in China 2025 ».

2030 ou 2025 ?

« China 2030 » a été publié en 2013 par la Banque mondiale en collaboration avec le ministère des Finances de la Chine et le Conseil d’État. Ce projet est bel et bien un produit de l’ère du président Hu Jintao, appelant à toutes les habituelles réformes d’économie de marché, avec un accent sur le « besoin » pour toute stratégie chinoise d’être « dirigée par quelques principes cardinaux : un marché ouvert ; le respect du principe d’équité ; une coopération mutuellement bénéfique ; une envergure inclusive mondiale et le développement durable ».

Mais le projet du président Xi Jiping est plus large que cela, il reprend un projet qui émane à l’origine du ministère du Commerce chinois qui fut d’abord nommé lors de sa présentation à Astana et à Jakarta, en 2013 « Une ceinture, Une route ». Un certain temps s’écoula avant que tout le monde comprenne que « Une ceinture, une route » n’était rien d’autre qu’un plan complet d’intégration pan-eurasiatique.

Puis, en 2015, Beijing présenta ce qui est de facto sa stratégie économique nationale : « Made in China 2025 ». Ce projet est lui aussi centré autour d’une Chine accélérant la cadence, mais cette fois dans un effort de réduction de sa dépendance aux technologies occidentales et de son rôle de chaîne de montage pour sociétés étrangères, en augmentant l’investissement national dans la recherche et le développement, en améliorant l’automatisation des usines chinoises et en développant des secteurs stratégiques tels que la robotique.

Nous arrivons déjà à l’objectif 2020 qui est de garantir une production industrielle locale faite à 70% de composants d’origine chinoise. Le succès de la marque Huawei, qui en a froissé plus d’un aux États-unis, la patrie d’Apple, est un petit exemple de ce qui nous attend dans le futur.

Cependant, « Made in China 2025 » est une stratégie encore plus ambitieuse, visant à catapulter l’Empire du milieu dans le tiercé de tête des industries de haute technologie avant 2049, soit pour le centenaire de la République populaire de Chine. C’est de cette manière que la Chine entend se sortir du « piège des revenus intermédiaires ».

Pour ce faire, Beijing a créé son propre projet national dont l’objectif est de transformer la Chine en superpuissance manufacturière de biens de haute technologie, exportant des trains à grande vitesse, des avions, des véhicules électriques, des robots, des technologies utilisant l’intelligence artificielle et le standard de téléphonie 5G qui seront au centre de « l’internet des objets ».
La Corée du Sud est évidemment un modèle économique précédent dont la Chine peut s’inspirer, notamment la modernisation graduelle des conglomérats « chaebol » qui a été supervisée par l’État. Une autre source d’inspiration majeure provient d’« Industrie 4.0 », l’initiative stratégique nationale allemande lancée en 2011 dans le but de consolider son avancée technologique dans le domaine de l’ingénierie mécanique.

L’Europe aux premières loges

Le fait que la Chine ne se contente pas d’un strapontin dans le domaine de la haute technologie dominé par une élite américaine annonce ce qui était encore récemment impensable pour cette élite : un basculement de l’économie mondiale de l’Ouest vers l’Est à l’horizon 2025.

Beijing n’a pas l’intention de reculer dans cette entreprise. La direction prise est clairement un éloignement d’un monde unipolaire vers un monde multipolaire, où un partenariat avec la Russie de Poutine joue un rôle central puisqu’ils coordonnent leurs efforts dans tous les domaines, depuis l’adossement du yuan et du rouble à l’or, en passant par le développement d’une alternative au mécanisme de paiement SWIFT, jusqu’au projet d’inter-connectivité économique le plus ambitieux dans l’histoire de l’humanité, reliant 60 pays et cultures au sein de la « Nouvelle route de la soie ». Destinée à être intégrée à l’Union économique eurasiatique (http://www.eaeunion.org/?lang=en) cette initiative est, dans les grandes lignes, un effort concerté d’intégration de politiques industrielles étatiques.

Comme le soutient cet éditorial du Global Times, une guerre commerciale sino-américaine ne résoudrait rien et n’atténuerait certainement pas la compétition entre les deux initiatives que sont « Chine 2030 » (ouverture aux entreprises américaines) et « Made in China 2025 » (recours presque exclusif aux technologies chinoises). Les grandes sociétés américaines sont dans une position délicate, ayant massivement investi en Chine, transféré beaucoup de leur technologie en Chine et utilisant eux-mêmes des technologies chinoises du fait de la mondialisation des mouvements de biens. Si jamais un mur était érigé empêchant les échanges entre l’Amérique et la Chine, l’Europe serait heureuse de prendre la place de l’Amérique.

Pendant ce temps, Beijing jouera la carte de l’apaisement, par exemple en ouvrant son secteur financier à l’investissement étranger, y compris l’annulation du maximum autorisé à l’investissement étranger dans les banques chinoises.

Note de bas de page

Yi Gang, le nouveau directeur de la Banque de Chine, a promis lors du Forum de Boao que Beijing autorisera une participation maximale de 51% des investisseurs étrangers dans les sociétés de courtage, le marché des contrats à terme et les sociétés de gestion de fonds et retira complètement ce plafond dans tous ces secteurs en 2021.

Faisant preuve de beaucoup de diplomatie, M. Yi a déclaré : « Je dirais qu’avec l’ouverture des industries financières et des services, les États-Unis obtiendront dans le futur un avantage comparatif dans le commerce des services. De telle façon que lorsque nous aurons un commerce de biens et un commerce de services, les deux s’équilibreront ».

Cela dit, il reste toujours l’option « dure » pour résoudre le déficit commercial américain. Dans une note de recherche, c’est justement la voie préconisée par des analystes de Goldman Sachs, sous la direction de l’économiste en chef Jan Hatzius, qui suggère : « Pour un pays avec un déficit commercial chronique comme les États-Unis, il est possible d’augmenter suffisamment les barrières commerciales protégeant son marché pour obtenir une réduction significative de son déficit commercial. Mais cela au prix d’une croissance affaiblie. Pour simplifier, la seule façon assurée de réduire sensiblement le déficit commercial dans un contexte de représailles tarifaires est la récession ».

Entre une guerre commerciale ou une récession, une seule chose est claire : la Chine ne fera l’économie d’aucun effort pour mettre en place sa stratégie vers la supériorité technologique « Made in China 2025 ».

Pepe Escobar

Article original en anglais : Why even a trade war won’t derail Made in China 2025, Asia Times, le 12 avril 2018.

Traduit par Laurent Schiaparelli, édité par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

 

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Le discours d’Emmanuel Macron lors d’une session conjointe du Congrès américain mercredi a été l’une des déclarations publiques les plus belligérantes jamais faites par un président français. Saluant les bombardements non provoqués de la Syrie le 14 avril par Washington, Londres et Paris en tant que modèle d’un nouvel ordre mondial au XXIe siècle, Macron a déclaré son soutien aux menaces de guerre américaine contre l’Iran, la Corée du Nord et au-delà.

L’allocution a clôturé la visite d’État de trois jours de Macron à Washington, au milieu de la crise la plus profonde de l’alliance transatlantique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La panique s’enflamme au sein des milieux dirigeants européens à propos des mesures américaines visant à augmenter les tarifs douaniers sur les marchandises européennes et chinoises, menaçant une spirale de représailles et une guerre commerciale mondiale, et des plans annoncés de Washington d’annuler le traité nucléaire iranien Moyen-Orient. Pourtant, Macron n’avait rien à proposer, sauf de plus en plus d’appels à une action militaire agressive, recouverte d’une grandiloquence creuse sur la défense de la démocratie.

«Nos deux nations sont enracinées dans le même sol, enraciné dans les mêmes idéaux des révolutions américaine et française», a déclaré Macron. «La force de nos liens est la source de nos idéaux communs. C’est ce qui nous a unis dans la lutte contre l’impérialisme pendant la Première Guerre mondiale, puis dans la lutte contre le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est ce qui nous a unis à l’époque de la menace stalinienne, et maintenant nous nous appuyons sur cette force pour lutter contre les groupes terroristes.»

La rhétorique de Macron sur Washington et Paris qui mènent une guerre éternelle pour la démocratie, qui prend la forme à notre époque d’une «guerre contre le terrorisme» contre les groupes islamistes, est un tissu de mensonges. Les rivalités commerciales entre les grandes sociétés américaines et européennes et les conflits entre les États-Unis et l’Europe sur la rupture des liens économiques de l’Europe avec l’Iran et la guerre au Moyen-Orient ne sont pas des conflits pour sauver la démocratie du terrorisme. Ce sont des conflits interimpérialistes enracinés, comme l’ont expliqué les grands marxistes du XXe siècle, dans les intérêts violemment opposés des classes dirigeantes capitalistes rivales qui sont toutes enracinées dans leur État national.

Macron a ensuite contredit sa présentation frauduleuse. Il a appelé Washington à abandonner ses menaces de guerre commerciale et à coordonner ses politiques de guerre plus étroitement avec l’Europe – non pour combattre le terrorisme, mais pour préserver le rôle dominant joué par les puissances impérialistes dans la politique mondiale contre leurs grands rivaux qu’il n’a pas nommés.

Il a dit: «Deux voies s’offrent à nous. Nous pouvons choisir l’isolationnisme, le retrait et le nationalisme. C’est une option. Cela peut être tentant pour nous comme un remède temporaire à nos peurs. Mais fermer la porte au monde n’arrêtera pas l’évolution du monde… D’autres puissances avec une stratégie et une ambition plus fortes rempliraient alors le vide que nous laisserions. D’autres puissances n’hésiteront pas une fois de plus à préconiser leur propre modèle pour façonner l’ordre mondial du XXIe siècle.»

Une meilleure démarche, Macron a affirmé, est de «construire un ordre du monde du XXIe siècle basé sur une nouvelle manière de faire du multilatéralisme». À titre d’exemple de ceci, il a dit: « En Syrie, nous travaillons très étroitement ensemble. Après que des armes prohibées aient été utilisées contre la population par le régime de Bachar al-Assad il y a deux semaines, les États-Unis et la France, avec le Royaume-Uni, ont détruit les installations chimiques et rétabli la crédibilité de la communauté internationale. Cette action était la preuve de ce multilatéralisme fort.»

Le fait que Macron qualifie le bombardement de la Syrie du 14 avril comme un modèle pour l’avenir constitue un avertissement pour les travailleurs et les jeunes à l’échelle internationale. Derrière la rhétorique vide sur la démocratie et la primauté du droit, les classes dirigeantes des centres impérialistes agissent sans pitié, avec un profond mépris du droit international, pour affirmer et maintenir leur position mondiale dominante contre leurs rivaux géostratégiques telles que la Chine et la Russie.

L’attaque du 14 avril était un crime de guerre. Selon les mensonges de l’OTAN, les forces du régime d’Assad auraient utilisé des armes chimiques dans la ville de Douma. Alors que Moscou présentait la preuve que l’attaque avait été orchestrée par la milice des Casques blancs soutenue par l’OTAN, Washington, Londres et Paris lançaient des frappes de missiles sur les bâtiments publics syriens ainsi rendant caduque l’investigation de l’ONU sur l’attaque chimique prétendue. Les éloges de Macron pour cette attaque soulignent que l’ordre du XXIe siècle qu’il prévoit serait basé sur la violence sans loi et sans fin par les puissances impérialistes.

Sur cette base, Macron a approuvé les menaces américaines contre des cibles à travers l’Eurasie. «La menace terroriste est encore plus dangereuse lorsqu’elle est combinée avec la menace de prolifération nucléaire», a-t-il déclaré. «La France soutient pleinement les États-Unis dans leurs efforts pour forcer Pyongyang, par des sanctions et des négociations, à dénucléariser la péninsule coréenne. Quant à l’Iran, notre objectif est clair: l’Iran ne possédera jamais d’armes nucléaires ; pas maintenant, pas dans 5 ans, pas dans 10 ans, jamais.»

Ayant déjà indiqué hier qu’il accepterait l’annulation du traité nucléaire iranien par Trump, ouvrant la voie à de nouvelles sanctions économiques et à une probable guerre américaine contre l’Iran, Macron a néanmoins émis la condition pathétique suivante: «Mais cette politique ne devrait jamais nous conduire à la guerre au Moyen-Orient. Nous devons assurer la stabilité et respecter la souveraineté des nations, y compris de l’Iran, qui représente une grande civilisation. Ne reproduisons pas les erreurs du passé dans la région.»

L’argument de Macron est une fraude hypocrite. D’une part, il a donné un chèque en blanc à Trump, qui a menacé la Corée du Nord avec «feu et violence comme le monde n’en a jamais vu» et soutient les menaces israéliennes d’une action militaire contre l’Iran; de l’autre, il a insisté sur le fait qu’il ne soutenait pas la guerre qui découle de telles politiques. Puis il a lancé un appel impuissant pour éviter de répéter les «erreurs du passé», c’est-à-dire les guerres impérialistes et les occupations militaires au Moyen-Orient au cours des 25 dernières années, sans dire ce qu’elles étaient.

Après la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991, les puissances impérialistes ont été libérées de tout véritable contrepoids militaire à leurs interventions néocoloniales au Moyen-Orient. Une série de guerres impérialistes sanglantes dans la région stratégique et riche en pétrole – de l’Irak à l’Afghanistan, à la Libye et à la Syrie – ont coûté des millions de vies et forcé des dizaines de millions de personnes à fuir leur foyer. Cependant, les intérêts de classe à l’origine de ces guerres étaient obscurcis par les mensonges impérialistes selon lesquels ils étaient motivés par la nécessité de combattre le terrorisme et de sauver la démocratie. Le grand mensonge des armes de destruction massive irakiennes a servi de modèle aux guerres néocoloniales qui ont suivi.

La crise géopolitique provoquée par ces décennies de guerre dégénère en une confrontation militaire entre les grandes puissances mondiales. Alors que les forces russes et iraniennes se battent en Syrie contre les «rebelles» soutenus par l’OTAN, la Chine cherche à se rapprocher de la Russie pour se protéger des menaces que brandissent les États-Unis dans les relations commerciales, en mer de Chine méridionale et contre la Corée du Nord, le danger que se déclenche une guerre directe entre les grandes puissances armées nucléaires s’accroît. Les frappes du 14 avril ont été incroyablement imprudentes précisément à cause du risque qu’elles provoquent un affrontement entre les forces russes et celles de l’OTAN.

L’attaque sur le niveau de vie des travailleurs nécessaire pour financer ces guerres provoque maintenant une riposte croissante dans la classe ouvrière. Des grèves de masse d’enseignants se poursuivent aux États-Unis alors que des cheminots font grève et que des étudiants universitaires occupent leurs salles de classe en France pour protester contre les réformes draconiennes de Macron, qu’il poursuit malgré une vaste opposition populaire.

Cette croissance des luttes de la classe ouvrière est elle-même un facteur majeur qui pousse les classes dirigeantes en France et aux États-Unis à intensifier leur agression militaire à l’étranger pour tenter de détourner les tensions sociales contre un «ennemi» étranger et créer des conditions d’utilisation de la violence de l’État et la censure pour écraser l’opposition au pays.

Alex Lantier

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 26 avril 2018

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Le business perpétuel de la guerre

avril 27th, 2018 by Leonid Savin

Peu avant son attaque contre la Syrie, les États-Unis ont déclassifié leur «Rapport sur les cadres juridiques et politiques guidant l’utilisation de la force militaire et des opérations de sécurité nationale par les États-Unis». Le mot « guerre » n’est jamais utilisé officiellement, comme vous pouvez le constater, parce que la procédure de déclaration de guerre est un processus plutôt compliqué.

Selon le rapport, « des forces US restent en Afghanistan pour empêcher la réapparition de zones de sécurité qui permettent aux terroristes de menacer les États-Unis ou leurs intérêts. » En ce qui concerne l’Irak et la Syrie, la situation est très similaire. Les forces armées américaines sont déployées « pour mener des opérations contre l’EIIL avec des forces terrestres indigènes ». Une formulation aussi évasive à l’égard du second groupe suggère qu’il s’agit d’une référence non seulement aux terroristes, mais aussi aux troupes gouvernementales syriennes. Cela est confirmé un peu plus loin dans le document, où il est dit que « les forces armées américaines participant à la campagne de défaite de l’EI en Syrie ont effectué un nombre limité de frappes contre le gouvernement syrien et les forces gouvernementales pro-syriennes. » Quant aux divisions kurdes, seuls les peshmergas irakiens sont mentionnés, bien qu’en Syrie, les Etats-Unis aient également fourni une assistance militaire aux unités kurdes du SDF.

Seul un contingent relativement petit de troupes américaines a été affecté au Yémen, où elles mènent des opérations contre les branches locales d’Al-Qaïda. En plus de participer à des opérations de combat, les États-Unis fournissent une assistance logistique à partir de l’Arabie Saoudite contre les rebelles Houthis.

En Somalie, les États-Unis mènent à la fois des frappes aériennes et des opérations terrestres, ce qui inclut la coopération avec la mission de l’Union africaine en Somalie. Les États-Unis ont désigné Al-Qaïda, l’EI et Al-Shabaab comme cibles militaires.

La Libye a surtout été la cible de frappes aériennes qui sont censées être coordonnées avec le gouvernement libyen de l’Accord national.

Le septième pays mentionné dans le document n’apparaît pas souvent dans les divers reportages sur les hostilités militaires. C’est le Niger, et la raison officielle de la présence de l’armée américaine est de former, d’assister et de conseiller le gouvernement local dans la lutte contre l’EI. De plus, il indique que  » les forces partenaires des Etats-Unis et du Niger ont répondu par la force armée en état de légitime défense « .

Général Wesley Clark

Général Wesley Clark

En 2007, le général Wesley Clark a déclaré dans une interview à la télévision qu’après l’attaque de New York en 2001, les États-Unis prévoyaient de mener sept guerres dans la région du Moyen-Orient pendant cinq ans. Le Pentagone commencerait par l’Irak et se dirigerait ensuite vers la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l’Iran.

Le fait est que tous ces pays, à l’exception de l’Iran, ont fait l’objet d’une agression directe ou indirecte et de pressions politiques de la part des États-Unis et de leurs satellites. Il y a des forces militaires américaines qui restent stationnées dans certains d’entre eux encore à ce jour.

En ce qui concerne le cadre juridique, qui est basé à la fois sur le droit local et sur le droit international, ce document indique qu’aucun changement ne s’applique à la présence et aux actions des forces armées américaines dans ce pays. Ce n’est qu’au Yémen que certaines restrictions sont en place. La section sur la capture et la détention des citoyens de divers pays qui sont pris dans les zones de conflit, ainsi que la tristement célèbre prison de Guantanamo, comprend une déclaration similaire. Malgré le fait que cette prison est même physiquement située dans une partie illégalement occupée de Cuba à Guantanamo Bay, Washington continue de soutenir que « les opérations de détention à Guantanamo Bay sont légales, sûres, humaines et conformes au droit américain et international ».

Guerre longue ou guerre perpétuelle ?

Pour comprendre la pratique américaine de la guerre, il faut se tourner vers les études systématiques qui ont été faites sur ce sujet, car ce rapport est une continuation logique de la recherche et développement stratégique menée par les institutions académiques et militaires américaines. En 2008, la RAND Corporation a publié une étude intitulée « Développer l’avenir de la guerre longue : motivations, perspectives et implications pour l’armée américaine ». Le document a été rédigé sur la base des prévisions les plus pessimistes, c’est-à-dire l’hypothèse que les Etats-Unis seront impliqués dans des conflits contre un monde musulman unifié qui cherchera à supplanter la domination occidentale jusqu’en 2020 au moins, ce qui rendra nécessaire l’identification des ambiguïtés et des acteurs de cette guerre, ainsi que de la façon dont elle pourrait se dérouler et élaborer des stratégies potentielles pour faire face à ce scénario.

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Les auteurs du rapport suggèrent que des méthodes telles que la capitalisation du conflit sunnite-chiite soient utilisées pour influencer les ennemis américains dans une future longue guerre. Par exemple, le renforcement des régimes traditionnels sunnites de la région est suggéré comme un moyen de contenir l’Iran et limiter son influence au Moyen-Orient et dans le golfe Persique.

Une autre proposition est que les États-Unis pourraient adapter leur stratégie pour se concentrer davantage sur le long terme, en s’appuyant moins sur l’agression forcée au Moyen-Orient. Selon cette option, le Département d’État, l’USAID, le Peace Corps, le ministère de l’Agriculture et le ministère de la Justice pourraient devenir les principaux acteurs de cette nouvelle stratégie américaine.

Il est révélateur que le terme « guerre longue » n’ait pas simplement été ajouté à la longue liste des nombreuses autres analyses théoriques, mais qu’il ait plutôt été transformé en un concept qui fait partie du langage courant de l’establishment actuel de Washington. Cela a été confirmé par le témoignage relativement récent présenté par Seth Jones le 27 avril 2017 devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre, le sous-comité sur le terrorisme, la non-prolifération et le commerce, intitulé «Gérer la longue guerre: la politique américaine envers l’Afghanistan et la région. «

Étant donné que l’Afghanistan est situé dans une importante région géopolitique – entre l’Iran et le Pakistan et relativement proche des États d’Asie centrale de l’ex-URSS – ce pays est condamné à faire l’objet d’une guerre américaine longue et peut-être perpétuelle.

Mais apparemment, le Pentagone se prépare à mener une guerre sans fin sur trois fronts – non seulement en Afghanistan, mais aussi contre la Chine et la Russie. C’est du moins ce que prétend le professeur Michael Klare, qui appelle cette évolution des événements «une invitation vers le désastre» et met en garde les responsables de Washington, leur demandant de réfléchir sérieusement avant de s’engager dans des stratégies impliquant l’usage de la force.

La guerre c’est du business

Le 16 avril 2018, on a appris que certains sénateurs américains rédigeaient un nouveau projet de loi sur l’autorisation de guerre. Ses auteurs sont les Sénateurs Bob Corker, R-Tenn. et Tim Kaine, D-Va. et ses co-sponsors sont les Sénateurs Chris Coons, D-Del, Jeff Flake, R-Ariz, Bill Nelson, D-Fla, et Todd Young, R-Ind. Le projet de loi réglementerait le pouvoir du président de mettre les forces armées américaines en service. Mais si l’on se donne la peine d’examiner même un peu tout le travail effectué par les entrepreneurs de la défense et les décisions politiques liées aux opérations de combat, on peut rapidement voir qu’il y a un lien précis entre les deux. Par conséquent, de telles restrictions peuvent non seulement être de nature politique, mais aussi viser des intérêts commerciaux. Les deux frappes de missiles américaines en Syrie (avril 2017 et avril 2018) ont utilisé des missiles Tomahawk, fabriqués par la société américaine Raytheon. En avril 2017, lorsque les États-Unis ont attaqué une base aérienne syrienne (tirant 59 missiles de croisière Tomahawk), Raytheon a bondi de 3%avant de réduire son gain de moitié, mais a clôturé au-dessus de sa moyenne mobile de 50 jours et un point d’achat de base plat de 152,68. Cela a remis les actions dans la fourchette d’achat. D’autres entrepreneurs du Pentagone, tels que Lockheed Martin, Northrop Grumman et Boeing, ont également progressé. Fait intéressant, après le 11 avril 2018, les actions de Raytheon ont commencé à grimper, passant de 219 $ par action à 228 $ le 17 avril. Et ce, malgré le fait que la plupart des Tomahawks n’aient pas atteint leur cible.

Le Sénat américain

Le Sénat américain

On aurait pu penser que cela aurait permis à la société russe Rosoboronexport de mieux se positionner puisqu’elle fournit des systèmes d’armes à la Syrie (certains de ces systèmes empêchaient les Tomahawks d’atteindre leur cible), mais pas Raytheon dont les produits étaient virtuellement ratés. Cependant, le 16 avril, les sociétés russes ont souffert d’une mauvaise journée sur le marché boursier en raison des dernières sanctions américaines, les analystes financiers affirmant que Rosoboronexport, avec Rusal, a été le plus durement touché. Et ce malgré le fait que les produits militaires de Russie soient en forte demande sur le marché mondial des armes. En d’autres termes, il existe un autre type de mécanisme qui permet de manipuler les cours des titres et les taux de change. Et bien sûr, en 2015 Business Insider a signalé que le portefeuille de placements de Donald Trump comprenait des actions de Raytheon. À l’époque, un certain nombre de publications suggéraient que les intérêts financiers de Trump profitaient de la frappe de missiles de 2017. Si quelqu’un a un poids administratif et l’aide de sociétés de courtage, une campagne militaire pourrait être utilisée pour l’enrichissement personnel. Et tout cela pourrait être qualifié de «défense des intérêts nationaux» ou de «protection de la démocratie».

Le marché du pétrole a également réagi à l’attaque contre la Syrie. Le prix du pétrole brut a bondi. Les analystes ont expliqué cela comme un effet secondaire du danger potentiel que le conflit pourrait dégénérer, affectant ainsi l’ensemble du Moyen-Orient. Et cela pourrait compromettre les approvisionnements existants. Mais ces prix avaient changé avant que les États-Unis et la Grande-Bretagne lancent leur attaque de missile. Dès le 11 avril, le baril de Brent atteignait 71,96 dollars le baril, son plus haut niveau depuis décembre 2014. Si l’on suit la dynamique des prix du pétrole et le travail des compagnies pétrolières et des négociants sur le marché mondial, il est facile de voir qui a profité de cette hausse des prix.

Étant donné que le système politique américain est basé sur des « triangles de fer » – les intérêts croisés des sociétés, des représentants du gouvernement et des groupes d’intérêt -, il est peu probable qu’une décision vraiment sensée soit prise aux États-Unis en ce qui concerne l’utilisation de la force armée qui permettrait de résoudre les conflits par la diplomatie. Les intérêts du complexe militaro-industriel américain sont clairement plus impérieux que ceux des organisations spécialisées dans les négociations et les consultations. La guerre (ou, pour reprendre la rhétorique officielle : « opérations militaires à l’étranger ») sera longue, perpétuelle et lucrative pour les nombreux acteurs impliqués.

Leonid Savin

 

Article original en anglais  : Perpetual Business Of War, Oriental Review, le 26 avril 2018

Traduction : AvicRéseau International

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Le 15 avril, le premier ministre M. Trudeau a rencontré ses homologues de l’Alberta et de la Colombie-Britannique pour tenter de concilier l’inconciliable. Le premier ministre a tenu les propos suivants rapportés dans Le Devoir : « Il est clair que la polarisation autour de ce débat exige des mesures importantes… Je veux pouvoir…discuter de questions touchant l’intérêt national et de démontrer l’engagement du gouvernement fédéral pour réaliser ce projet. »[1]

Dans le projet d’expansion du réseau de Trans Mountain, on peut certes discerner l’intérêt de l’industrie pétrolière. On peut aussi voir l’intérêt des cinq grandes banques canadiennes qui donnent un appui financier aux pétroles extrêmes.[2] Outre certains secteurs de l’Alberta et ces deux lobbies, on peut sérieusement se poser la question de savoir si l’expansion de Trans Mountain est vraiment « d’intérêt national » pour les autres Canadiens.

Comme contradiction, le gouvernement de M. Trudeau affirme sur toutes les tribunes que la lutte contre le réchauffement climatique passe par l’expansion de l’industrie pétrolière. Peut-on m’expliquer clairement, logiquement et rationnellement comment le fait de produire plus de GES (gaz à effet de serre) permettra de réduire la production de GES? Après tout, le plan albertain permet d’augmenter (et non de réduire!!!) la production de GES de 70 mégatonnes à 100 mégatonnes de CO2! Alors si le Canada veut respecter les Accords de Paris comme M. Trudeau le proclame sur les tribunes internationales, toutes les régions du Canada devront se serrer la ceinture « GES » pour permettre au gouvernement albertain de produire plus de GES. Et moi qui croyais que tous devaient être traités également dans la grande famille canadienne!

Comme autre façon de malmener les Accords de Paris, notre cher M. Trudeau veut abuser du régime constitutionnel en exemptant un oléoduc lié aux sables bitumineux d’un examen environnemental provincial.[3] On se souviendra que le promoteur d’Énergie Est refusait de se soumettre aux règles du BAPE et aux lois du Québec, ce qui avait créé tout un imbroglio juridique avant avril 2016. Comme les règlements du Québec et de la Colombie-Britannique sont plus respectueux de l’environnement, M. Trudeau invoque la préséance des règles du fédéral et de l’ONÉ au nom de l’intérêt national. De cette manière, les promoteurs des sables bitumineux n’auront pas à parler des GES produits en amont et en aval du transport par pipeline! Et vive l’Accord de Paris!!!

Depuis son élection, M. Trudeau parle de réconciliation avec les Premières Nations. Pourtant, il s’apprête à leur passer Trans Mountain dans la gorge en piétinant leurs droits ancestraux. Mais, cela ne passera pas comme une lettre à la poste; certains promettent même une autre « crise d’Oka ».[4]

De plus, sur le plan strictement économique, les changements climatiques coûtent déjà très cher aux Canadiens. Pensons, entre autres, à l’incendie monstre de Fort McMurray en 2016, puis, en 2017, aux feux de forêts de la Colombie-Britannique et aux inondations au Québec. Sans oublier des phénomènes extrêmes comme les ouragans Irma, Maria et Harvey! Dans un discours en 2015, M. Mark Carney, directeur de la banque d’Angleterre (et ex directeur de la banque du Canada) a créé une onde de choc dans le monde de la finance lorsqu’il « a déclaré que cette lutte pourrait entraîner des pertes « potentielles énormes » pour les investisseurs exposés à ce secteur. »[5]

Pour démontrer sa détermination à aller de l’avant avec le projet Trans Mountain, M. Trudeau et Mme Notley sont prêts à investir de nos deniers publics au prétexte qu’on ne peut laisser une telle richesse dans le sol.[6] Ça, c’est en plus des 3,3 milliards de dollars annuellement en subventions et avantages fiscaux.[7] Comme le souligne un article du National Observer, les sables bitumineux souffrent d’importants défauts.[8] Ils sont loin des marchés, avec un taux de retour énergétique qui pousse les coûts de production à hauteur de 80 dollars le baril. De plus, la piètre qualité du bitume dilué WCS (Western Canadian Select) fait que son prix sur les marchés mondiaux est inférieur de 15 à 20 $/baril à celui d’un pétrole conventionnel comme le Brent. Investir dans le « dilbit », est-ce vraiment une bonne affaire?

En fait, le dilemme de l’intérêt national trudeauesque ressemble à celui d’un obèse qui, souffrant d’hypertension et de diabète, salive à la vue d’une tarte au sucre. Doit-il s’abstenir courageusement d’en manger selon le bon sens et les conseils de son médecin, ou succomber à la tentation de la bouffer quitte à en subir tous les effets secondaires désagréables qui le conduiront possiblement à sa perte?

Gérard Montpetit

 

 

 

Notes

1] https://www.ledevoir.com/politique/canada/525290/trudeau-revient-au-pays-pour-parler-oleoduc-avec-horgan-et-notley

2]https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/rainforestactionnetwork/pages/19540/attachments/original/1522211861/Banking_on_Climate_Change_2018_vWEB.pdf?1522211861

3] https://www.theglobeandmail.com/business/article-federal-climate-plan-to…

4] https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-if-ottawa-rams-through-trans-mountain-it-could-set-up-an-oka-like/

5] http://www.lesaffaires.com/blogues/francois-normand/-lere-de-la-fin-du-p…

6] https://www.theglobeandmail.com/canada/article-trudeau-promises-financia…

7] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/484802/les-subventions-ca…

8] https://www.nationalobserver.com/2018/03/07/opinion/fatal-flaw-albertas-oil-expansion

 

Gérard Montpetit : Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain

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La corruption profonde en Ukraine

avril 27th, 2018 by Caterina Miloslavskaya

Au milieu de cette année, la Banque nationale d’Ukraine espère obtenir du Fonds monétaire international (FMI) une tranche de l’aide financière. C’est la cinquième tranche dans le cadre du programme de financement élargi du FMI jusqu’en 2019 et, peut-être, la dernière à cause de quelques problèmes.

Premièrement, les Ukrainiens s’interrogent où va cet argent parce que l’économie du pays se trouve dans une situation catastrophique après quatre années d’euro-réformes: l’Ukraine paie des dettes, le taux d’inflation a augmenté tandis que des experts prévoient un défaut incontrôlable.

Deuxièmement, l’Ukraine n’est pas prête à satisfaire aux exigences du FMI. L’une des revendications majeures est la création d’une cour anticorruption qui sera la cause des problèmes pour l’autorité ukrainienne parce qu’elle n’est pas soumise au contrôle du Président. Dans ce cas, il n’est pas douteux que monsieur Porochenko soit la cible majeure de la cour.


Dans ce contexte, il est difficile à dire comment l’Ukraine pourra exister sans le programme du FMI si la corruption profonde est une pierre d’achoppement principale dans le développement du pays? À cause de  l’économie oligarchique, des entreprises ont la possibilité de gagner des superprofits. Mais l’argent va n’importe où, mais pas dans le budget de l’État ou dans l’investissement de l’économie ukrainienne. Donc il n’est pas surprenant que des fonctionnaires continuent de plus en plus à remplir leurs poches.

Il est dommage que des tentatives désespérées dans la lutte contre les extorqueurs et les concussionnaires en Ukraine restent sans résultat : il y a plus de paroles en l’air concernant la nécessité de réformer l’économie et de faire une sorte de redémarrage politique » que des actions concrètes de l’élite dirigeante.

Il apparaît ainsi que  l’Ukraine ait besoin de la détermination et de la volonté politique pour échapper aux schémas de corruption, car l’avenir du pays est à l’ordre du jour.

Caterina Miloslavskaya

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Si quelqu’un imagine détacher l’Italie de nos alliés historiques, que sont l’Occident et les pays de l’Otan, alors il me trouvera toujours en opposition. L’Italie, et le Movimento 5 Stelle surtout, n’a jamais dit vouloir s’éloigner de nos alliés historiques” : cette déclaration du candidat premier ministre Luigi Di Maio (à l’émissionOtto et mezzosur La7, le 16 avril), soulève une question de fond qui va au-delà du débat politique actuel. Quel est le bilan des soixante-dix années de lien de l’Italie avec ses “alliés historiques” ?

Vidéo originale en italien sous-titrée en français qui correspond à l’article de Manlio Dinucci :

Soixante-dix ans de sujétion USA/Otan

 

 

 

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Sélection d’articles :

La guerre commerciale de Trump contre la Chine poursuit un objectif plus profond

Par F. William Engdahl, 23 avril 2018

Les récentes mesures commerciales de Washington visent la Chine et non l’UE ou d’autres partenaires commerciaux. Toutefois, l’objectif n’est pas de réduire les exportations chinoises vers les États-Unis. L’objectif est de pousser à une ouverture fondamentale de l’économie chinoise aux réformes libérales du marché que cherche Washington …

Chaîne de télévision publique allemande: L’attaque chimique de Syrie était «très probablement une mise en scène»

Par Zero Hedge, le 23 avril 2018

Un correspondant chevronné de la chaîne de télé publique allemande d’État ZDF a sidéré son public au cours d’un reportage de terrain en Syrie, quand au cours du journal télévisé Heute, il a donné un compte-rendu honnête de ce qu’il avait découvert en enquêtant sur l’incident de Douma.

Vision stratégique des États-Unis vs vision stratégique de la Russie.

Par Pierre Van Grunderbeek, 23 avril 2018

Les relations diplomatiques entre les États-Unis et le Russie se sont dégradées au point que beaucoup d’experts estiment qu’elles sont pires que du temps de la guerre froide.

Soixante-dix ans de sujétion USA/Otan

Par Manlio Dinucci, 24 avril 2018

Si quelquun imagine détacher lItalie de nos alliés historiques, que sont lOccident et les pays de lOtan, alors il me trouvera toujours en opposition. LItalie, et le Movimento 5 Stelle surtout, na jamais dit vouloir s’éloigner de nos alliés historiques” …

La tragédie des cheminots : la signification profonde des grèves ferroviaires françaises

Par Diana Johnstone, 25 avril 2018

La série actuelle de grèves ferroviaires en France est présentée dans les médias comme une « agitation ouvrière « , un conflit entre le gouvernement et les dirigeants syndicaux, ou comme une nuisance temporaire pour les voyageurs causée par l’intérêt personnel d’une catégorie privilégiée de travailleurs

Entrevue – Grève cheminots, une tragédie française

Par Diana Johnstone et Robin Philpot, 25 avril 2018

La grèves des cheminots français est, selon la journaliste et auteure Diana Johnstone à Paris, loin d’être un simple conflit ouvrier du secteur public contre le gouvernement français. Il s’agit de la destruction d’un modèle de services publics bâti dans la foulée de la Seconde guerre mondiale et qui a fait l’envie des tous les pays du monde.

Syrie : La supercherie de Bruxelles

Par Nasser Kandil, 26 avril 2018

Au Liban, la conférence de Bruxelles II a été vendue comme un effort de soutien à l’État libanais dans le dossier des Syriens déplacés, mais elle n’a pas tardé à apparaître pour ce qu’elle est : une conférence entre les pays impliqués dans la guerre « sur » la Syrie et leurs institutions financières respectives.

Pourquoi l’Europe a peur des nouvelles routes de la soie

Par Pepe Escobar, 26 avril 2018

De nombreux pays de l’UE sont préoccupés par le trafic à sens unique le long des nouvelles routes commerciales que Pékin essaie de mettre en place en Europe.

 

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C’était tout d’abord comme une sorte de scandale mineur – si l’on considère le  » cycle de nouvelles post-vérité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 « . Sur les 28 ambassadeurs de l’UE à Pékin, 27, à l’exception de la Hongrie, ont signé un rapport interne critiquant les Nouvelles Routes de la Soie comme une menace non transparente au libre-échange, favorisant prétendument la concurrence déloyale des conglomérats chinois.

Le rapport a d’abord été divulgué par le célèbre journal économique allemand Handelsblatt. Les diplomates de l’UE à Bruxelles ont confirmé son existence à Asia Times. Ensuite, le ministère chinois des Affaires étrangères a calmé les turbulences, en disant que Bruxelles avait expliqué de quoi il s’agissait.

En fait, tout est une question de nuances. Quiconque connaît le dysfonctionnement de l’Eurocrate Bruxelles sait qu’il n’y a pas de politique commune de l’UE à l’égard de la Chine – ou même de la Russie.

Le rapport interne mentionne comment la Chine, via les Nouvelles Routes de la Soie, ou Belt and Road Initiative (BRI), poursuit des objectifs politiques nationaux tels que la réduction des capacités excédentaires, la création de nouveaux marchés d’exportation et la sauvegarde de l’accès aux matières premières.

C’est une logique chinoise évidente intégrée au BRI depuis le début – et Pékin ne l’a jamais nié. Après tout, le concept lui-même a d’abord flotté au sein du ministère du Commerce, bien avant les annonces officielles du président Xi Jinping à Astana et à Jakarta en 2013.

Les perceptions du BRI varient selon les diverses latitudes. Les pays d’Europe centrale et orientale sont pour la plupart enthousiastes, car le BRI est synonyme de projets d’infrastructure dont le besoin se fait cruellement sentir. Il en va de même pour la Grèce et l’Italie, comme l’a rapporté Asia Times. Les ports du Nord comme Hambourg et Rotterdam sont en fait configurés comme des terminaux BRI. L’Espagne est très intéressée par l’époque où le train de marchandises Yiwu-Madrid va passer au train à grande vitesse.

Pour l’essentiel, c’est aux entreprises de certains pays de l’UE de décider de leur degré d’intégration avec ce que Raymond Yeung, l’économiste en chef de l’ANZ pour la Chine élargie, décrit comme  » la plus grande expérience économique de l’histoire moderne « .

Regardez les ingénieurs chinois

Le cas de la France est emblématique. Le président Emmanuel Macron – maintenant en offensive géopolitique massive pour se couronner roi non officiel de l’Europe – a fait l’éloge du BRI lorsqu’il s’est rendu en Chine plus tôt cette année.

Mais la nuance, une fois de plus, s’applique : « Après tout, les anciennes Routes de la soie n’ont jamais été uniquement chinoises « , a dit Macron dans Xian au Daming Palace, la résidence de l’ancienne dynastie Tang Tang de l’Ancienne Route de la Soie pendant plus de deux siècles. « Ces routes », ajouta Macron, « ne peuvent pas être celles d’une nouvelle hégémonie, qui transformerait ceux qu’elles traversent en vassaux ».

Macron se préparait donc déjà à détourner les relations UE-Chine et à aller au-delà du grief numéro un de l’UE, à savoir comment les Chinois jouent le jeu du commerce extérieur/investissement.

Macron a poussé la bureaucratie de la Commission européenne à durcir les règles antidumping contre les importations d’acier chinois et à imposer un filtrage à l’échelle de l’UE des acquisitions dans des secteurs stratégiques, en particulier en provenance de Chine.

Parallèlement, pratiquement tous les pays de l’UE – et pas seulement la France – souhaitent un meilleur accès au marché chinois. Bien que Macron ait vanté un mantra optimiste – « l’Europe est de retour » – en termes de compétitivité de l’UE, cela masque à peine la peur primordiale européenne ; le fait que c’est peut-être la Chine qui devient trop compétitive.

Le BRI, pour Pékin, est une projection géopolitique mais surtout géo-économique – y compris la promotion de nouvelles normes et standards mondiaux qui peuvent ne pas être exactement ceux pratiqués par l’UE. Et cela nous amène au cœur de la question, non annoncé par le rapport interne qui a fait l’objet d’une fuite ; l’intersection entre BRI et Made in China : 2025.

Beijing vise à devenir un leader mondial de la haute technologie en moins de sept ans. Made in China : 2025 a identifié 10 secteurs – dont l’intelligence artificielle, la robotique, l’aérospatiale, les voitures vertes, le transport maritime et la construction navale – comme des priorités.

Le commerce bilatéral Chine-Allemagne, à 187 milliards d’euros l’an dernier, est bien plus important que les échanges Chine-France et Chine-Royaume-Uni, avec 70 milliards d’euros chacun. Et oui, Berlin est inquiet. Made in China : 2025 représente une « menace » importante pour les entreprises allemandes de qualité supérieure produisant des biens de fabrication haut de gamme.

Cette époque pourrait bien être révolue lorsque la Chine aura acheté des quantités phénoménales de machines allemandes – plus les inévitables BMW et Audi. La nouvelle normalité indique qu’une armée d’entreprises chinoises remonte la chaîne à valeur ajoutée à une vitesse fulgurante.

Comme l’a dit le PDG de Bauer Thomas Bauer à Reuters : « (La rivalité avec la Chine) ne sera pas un combat contre des copieurs. Ce sera contre des ingénieurs innovateurs. »

Naviguer dans l’économie bleue

Le rapport Blue China ; Navigating the Maritime Silk Road to Europe élargit utilement la portée du débat, en soulignant que le développement de la Route maritime de la soie peut être encore plus crucial que les corridors de connectivité terrestre.

Le rapport reconnaît que la Route de la soie maritime affecte déjà l’UE en termes de commerce maritime et de construction navale, et pose quelques questions sur la présence mondiale croissante de la marine de l’APL. Elle recommande que l’UE  » imite l’économie bleue de la Chine en tant que moteur de croissance et de richesse, et encourage l’innovation pour répondre aux politiques industrielles et de R&D bien financées de la Chine « .

L’ »économie bleue » est fortement présente dans Made in China : 2025 – surtout en termes d’innovation dans l’infrastructure portuaire et le transport maritime. Du point de vue de Pékin, il s’agit toujours de réduire les coûts du commerce maritime – mais cela dépendra toujours, bien sûr, de la poursuite de la hausse des prix du pétrole, comme le souhaitent l’OPEP et la Russie.

Dans l’état actuel des choses, la bureaucratie de l’UE doit avoir peur, sentant la possibilité d’être coincée entre la Chine de haute technologie et l’Amérique d’abord de Trump. Et cela ne tient même pas compte de l’inévitable conflit géostratégique entre le BRI et l’ »Indo-Pacifique libre et ouvert » qui doit être géré, en théorie, par les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie ; plus qu’un vaste projet d’intégration économique eurasienne, c’est une patrouille glamourisée de la mer de Chine méridionale.

Il y aura un sommet UE-Chine en juillet, puis un sommet Allemagne-Chine plus tard dans l’année. Des étincelles non transparentes vont voler.

Pepe Escobar

 

Source : Why Europe is afraid of the New Silk Roads, Asia Times, le 25 avril 2018.

Traduction : AvicRéseau International

Photo: Le président français Emmanuel Macron (à gauche) et le président chinois Xi Jinping lors d’une conférence de presse à Pékin le 9 janvier 2018. Photo: AFP / Ludovic Marin

Sommet intercoréen : Moon Jae-in au volant du rapprochement

avril 26th, 2018 by Stéphane Lagarde

Ce sont des petits pas pour l’homme et, espérons-le, un grand pas pour le rapprochement des deux Corées. Les caméras du monde entier seront tournées vers Panmunjeom ce vendredi 27 avril. Elles suivront tout particulièrement le chemin emprunté par les chefs d’États des deux pays, dans ce « village de la trêve » à la frontière de la péninsule divisée. Le moment est historique. Pour la première fois depuis la fin de la guerre de Corée, un « dirigeant suprême » du Nord va mettre les pieds au Sud. En attendant un véritable traité de paix, c’est aussi une répétition avant la future rencontre qui pourrait être organisée le mois prochain entre Donald Trump et Kim Jong-un. On sait ce qu’il y aura dans les assiettes. On attend maintenant de connaître le menu de ces discussions intercoréennes, pour savoir à qui profitera le sommet.

Ces 150 mètres marqueront forcément l’histoire. Kim Jong-un et Moon Jae-in les feront-ils à pied ou en voiture ? Combien de journalistes du Nord et du Sud suivront les deux chefs d’État sur ce trajet entre la ligne de démarcation et la table des négociations ? Les derniers préparatifs sont en cours. Les détails seront annoncés lors d’une conférence de presse organisée la veille de la rencontre ce jeudi. Une chose est sûre, rien n’est laissé au hasard dans le protocole de ce troisième sommet intercoréen organisé sur le sol de la République de Corée (Sud). Les deux précédents avaient eu lieu à Pyongyang en République populaire démocratique de Corée (Nord). Il n’y avait jamais eu de retour.

Nouilles froides de Pyongyang

La Maison Bleue (1) attend énormément de cette rencontre. La diplomatie sud-coréenne a mis les petits plats dans les grands. Kim Jong-un devrait avoir droit à un accueil digne de celui réservé à un chef d’Etat étranger, sans le reconnaitre officiellement. Depuis l’armistice de 1953 en effet, les deux Corées restent techniquement en guerre. Pour les plus optimistes, ce sommet est donc l’occasion de mettre un terme à 65 ans d’instabilité par la signature d’un véritable traité de paix. Et pour se parler, il faut d’abord s’écouter. Depuis lundi, les haut-parleurs de la propagande ont cessé de diffuser leurs messages côté sud. Un coup de peinture est également nécessaire. Les entreprises de décoration ont multiplié les allers-retours au cœur de cette zone dite « démilitarisée » (DMZ), et pourtant armée jusqu’aux dents. La très vintage « Maison de la Paix » a fait l’objet d’un léger lifting, rapporte l’agence Yonhap : peintures, nouveaux meubles et installations des connexions Internet. Moon Jae-in ira chercher le dirigeant nord-coréen sur la ligne de démarcation. Cérémonie d’accueil, puis direction la table des négociations, avant de passer à table tout court. Là aussi, rien n’est laissé au hasard. Rien de tel qu’une soupe de nouilles froides pour marquer le réchauffement diplomatique entre les deux Corées ! La spécialité nord-coréenne a été choisie par le président sud-coréen, affirme le Hankyoreh. Elle sera préparée par un cuisinier du restaurant Okryu, célèbre établissement gastronomique de Pyongyang, qui fera le déplacement avec ustensiles et ingrédients.

Détails d’une illustration de l'agence Yonhap expliquant le parcours supposé de Kim Jong-eun et Moon Jae-in pour le sommet intercoréen de vendredi à la frontière entre les deux Corées (Copie écran Daum News)

Détails d’une illustration de l’agence Yonhap expliquant le parcours supposé de Kim Jong-eun et Moon Jae-in pour le sommet intercoréen de vendredi à la frontière entre les deux Corées (Copie écran Daum News)

La paix dans les assiettes

Les nouilles froides – « mul naenmyeon » – sont originaires de Corée du Nord, mais largement appréciées dans toute la péninsule. Tous les plats sont d’ailleurs censés symboliser le rapprochement en cours, en évoquant le souvenir des « artisans de la paix » entre les deux pays. Au menu encore : des raviolis à la courbine et au concombre de mer venus de Gageodo, une île de la mer Jaune et lieu de naissance de Kim Dae-jung. L’ancien président et prix Nobel de la Paix s’était rendu à Pyongyang pour le premier sommet intercoréen en 2000. Dans les bols : du riz de Bongha, le village natal de Roh Moo-hyun. Cet ancien président sud-coréen, lui aussi disparu, avait également effectué le voyage de Pyongyang au moment du deuxième sommet intercoréen en 2007. Pour le barbecue, une viande de Chungcheongnam-do devrait être proposée aux convives. Il y aura vingt ans en juin prochain, 500 vaches venant de cette province de l’ouest de la Corée du Sud, franchissaient le 38ème parallèle. A la tête du troupeau, le fondateur du conglomérat sud-coréen Hyundai qui, par ce geste, entendait soulager la crise alimentaire au Nord. Le poulpe mariné a été pêché sur la côte de Tongyeong, ville sud-coréenne du Yun Isang. Le musicien a milité toute sa vie pour la réunification, jusqu’à être kidnappé par les services sud-coréens en Allemagne avant d’être accusé d’espionnage. Enfin, jujube sur le gâteau de riz : des galettes helvétiques à base de pommes de terre, saindoux et beurre viendront rappeler à Kim Jong-un sa jeunesse en Suisse. Et pour faire passer le rösti, différents alcool de riz.

D'origine nord-coréenne, cette soupe de nouilles froides fera partie des mets servis lors du repas de réception de Kim Jong-eun à l'occasion du sommet intercoréen ce vendredi 27 avril 2018 (Copie écran Journal Hankyoreh)

D’origine nord-coréenne, cette soupe de nouilles froides fera partie des mets servis lors du repas de réception de Kim Jong-eun à l’occasion du sommet intercoréen ce vendredi 27 avril 2018 (Copie écran Journal Hankyoreh)

Offensive diplomatique pour Séoul

*Politique de rapprochement menée par la Corée du Sud vis-à-vis du voisin nord-coréen entre 1998 et 2008. **Le 26 mars 2010, la corvette sud-coréenne Cheonan fait naufrage en mer Jaune emportant avec elle 46 des 104 marins à bord. Pour Séoul, c’est Pyongyang qui a torpillé le navire. Une accusation toujours démentie par la Corée du Nord. ***Attaque d’une île sud-coréenne située à portée de l’artillerie de l’armée populaire de Corée, le 23 novembre 2010

En dehors du protocole, y a-t-il un pilote dans l’avion du rapprochement entre les deux Corées ? Pour une partie de la presse sud-coréenne, il ne fait aucun doute que c’est Moon Jae-in qui est au volant du bus (« un jeon ja loon »), sinon de la réunification, du moins de cette réunion au sommet. La diplomatie sud-coréenne a sorti la grosse artillerie pour l’occasion. Des dépliants et des clés USB distribués aux journalistes étrangers rappellent l’engagement du chef de l’État sud-coréen au service d’un dialogue constructif avec le Nord.

Un site Internet dédié au sommet en remet une couche en soulignant les étapes de ce long chemin vers la paix. Séoul a joué les intermédiaires du rabibochage express entre Washington et Pyongyang ces dernières semaines. La diplomatie sud-coréenne entend poursuivre dans cette voie, tout en martelant qu’il s’agit cette fois, de construire des bases durables à ces nouvelles relations avec Pyongyang. La Corée du Sud se souvient que les avancées de la politique du « rayon de soleil (2) » des précédentes administrations démocrates, ont été suivies de sérieux coups de froid entre les deux pays : naufrage du Cheonan (3), bombardement de l’île de Yeongpyeong (4), crises des missiles et essais nucléaires à répétition.

Clé USB et dépliants distribués aux journalistes étranger à l'occasion du sommet intercoréen. (Crédits : S Lagarde / asialyst)

Clé USB et dépliants distribués aux journalistes étranger à l’occasion du sommet intercoréen. (Crédits : S Lagarde / asialyst)

L’annonce le week-end dernier d’un renoncement aux essais nucléaires par Pyongyang a été salué par la présidence sud-coréenne qui y voit un premier pas positif vers la future rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un. Le sommet intercoréen de ce vendredi pourrait ainsi être une sorte de cours particulier, de répétition pour le dirigeant nord-coréen avant la grande messe du mois de mai avec les Américains. Sachant que l’affichage d’un renoncement aux essais nucléaires, est aussi un message adressé à la communauté internationale. Une manière pour Pyongyang de dire que son programme de dissuasion est opérationnel et que de nouveaux tests ne sont plus nécessaires. La Corée du Nord est sans aucun doute la grande gagnante de ce retour à la table des négociations. Une rencontre avec Donald Trump constituerait une légitimation pour le régime. Son père et son grand-père en ont rêvé, Kim junior l’a fait ! Et c’est maintenant la bonne fenêtre, non pas pour tirer mais pour rengainer les missiles : les trois et quatre années de mandat qu’il reste aux présidents américain et sud-coréen étant nécessaires pour aller au bout d’un processus de dénucléarisation, si toutefois ce dernier est réellement enclenché. Pouvoir en parler est déjà une avancée, estime la diplomatie sud-coréenne. Jusqu’à présent, la simple évocation du programme nucléaire de Pyongyang coupait court à toute discussion. Kim Jong-un se serait également engagé à ne pas revenir sur sa demande de retrait des 28 000 soldats américains présents au sud du 38ème parallèle, pour ne pas risquer de bloquer son rendez-vous avec Donald Trump.

Clé USB et dépliants distribués aux journalistes étranger à l'occasion du sommet intercoréen. (Crédits : S Lagarde / asialyst)

Clé USB et dépliants distribués aux journalistes étranger à l’occasion du sommet intercoréen. (Crédits : S Lagarde / asialyst)

Dans l’attente de retombées économiques

Le sommet de vendredi et les événements de ces dernières semaines rappellent que le destin des deux Corées est intimement lié. Pyongyang est revenu sur le devant de la scène internationale à l’occasion de ce rapprochement. Séoul aussi, et peut-être même davantage. Le premier effet positif pour l’administration sud-coréenne se mesure d’abord en interne. Malgré le chômage en hausse, malgré une croissance qui ralentit et malgré le fait qu’une majorité des Sud-Coréens continuent de douter de la sincérité de Pyongyang, la côte de popularité de Moon Jae-in approche les 68 %. Inaudible pendant de longues années sur les questions touchant directement la péninsule, la Corée du Sud a repris toute sa place dans les négociations ; alors que Pékin et Tokyo s’inquiètent au contraire d’être mis de côté dans le processus (5). Séoul entend ainsi continuer à accompagner la reprise du dialogue entre Washington et Pyongyang. Deux hommes qui font partie de la garde rapprochée du président Moon (6) étaient présent à la réunion préparatoire de Pyongyang le 5 mars dernier. La présidence sud-coréenne espère qu’au moins l’un d’entre eux assistera au sommet entre les États-Unis et la Corée du Nord qui pourrait se tenir le mois prochain. Le lieu n’a pas encore été trouvé. Sur le plan logistique, la Corée du Nord ne dispose pas d’avion de type Air Force One, souligne une source diplomatique. La Mongolie pourrait être un terrain neutre, mais sur ce plan comme sur tout ce qui concerne cette éventuelle future rencontre, pour l’instant rien n’est encore arrêté.

Seo Hoon, le directeur des services de renseignements sud-coréens, et Chung Eui-yong, le conseiller à la sécurité intérieure au sein de la présidence sud-coréenne.

Seo Hoon, le directeur des services de renseignements sud-coréens, et Chung Eui-yong, le conseiller à la sécurité intérieure au sein de la présidence sud-coréenne.

L’équipe de Moon Jae-in attend beaucoup du sommet de vendredi, notamment en matière économique. « Tout est à refaire, mais les choses pourraient aller vite », affirme-t-on du côté sud-coréen. Depuis plusieurs semaines, les prix des terrains grimpent dans la province de Gyeonggido. Le ministère sud-coréen du Territoire a enregistré une progression des ventes de 54 % entre février et mars le long de la route de Tongil-ro qui mène au poste frontalier de Paju. C’est par là que passait les camions venus de Séoul, quand la zone industrielle de Kaesong travaillait encore.

Si les choses se passent bien ce vendredi sur la ligne de démarcation, si une rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un a bien lieu en mai, et surtout, si le processus de démantèlement de l’arsenal nucléaire nord-coréen est « complet, vérifiable et irréversible » (CVID), comme disent les diplomates, alors la valeur boursière des entreprises sud-coréennes pourrait s’envoler. Les tensions entre les Corées étant à l’origine, selon certains experts, d’une décote de 10 à 20 % des titres des grands groupes coréens sur les marchés financiers. Tout cela fait beaucoup de « si ». Et tout va très vite, comme souvent dans ces Balkans de l’Asie. Trop vite peut-être ? On a pourtant envie d’y croire. Même les plus sceptiques, habitués des chauds et froids de Pyongyang, auront probablement un frisson ce vendredi en voyant cheminer côte à côte les dirigeants d’une péninsule trop longtemps divisée.

Stéphane Lagarde

Notes

1. Chongwadae, le siège de la présidence sud-coréenne à Séoul.

2. Politique de rapprochement menée par la Corée du Sud vis-à-vis du voisin nord-coréen entre 1998 et 2008.

3. Le 26 mars 2010, la corvette sud-coréenne Cheonan fait naufrage en mer Jaune emportant avec elle 46 des 104 marins à bord. Pour Séoul, c’est Pyongyang qui a torpillé le navire. Une accusation toujours démentie par la Corée du Nord.

4. Attaque d’une île sud-coréenne située à portée de l’artillerie de l’armée populaire de Corée, le 23 novembre 2010

5. Kim Jong-un est venu fin mars rassurer les dirigeants chinois à bord de son train blindé. Pour les Japonais, la situation est plus délicate. La Corée du Nord a annoncé renoncer à tester ses missiles de moyenne et longue portée. Elle n’a rien dit concernant ses missiles à courte portée qui menace directement l’Archipel.

6. Seo Hoon, le directeur des services de renseignements sud-coréens, et Chung Eui-yong, le conseiller à la sécurité intérieure au sein de la présidence sud-coréenne.

 

Stéphane Lagarde est rédacteur en chef adjoint d’Asialyst. Grand reporter au Desk Asie de Radio France International, ancien correspondant à Pékin et Séoul, tombé dans la potion nord-est asiatique il y a une vingtaine d’années.

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Fin de l’ère des empires maritimes

avril 26th, 2018 by Dmitry Orlov

Au cours des 500 dernières années, les nations européennes − le Portugal, les Pays-Bas, l’Espagne, la Grande-Bretagne, la France et, brièvement, l’Allemagne − ont été capables de piller la planète en projetant leur puissance navale à l’étranger. Comme une grande partie de la population mondiale vit le long des côtes et que la plus grande partie de cette population commerce par voie maritime, les navires armés arrivés soudainement de nulle part ont pu mettre les populations locales à leur merci. Les armadas pouvaient piller, imposer un tribut, punir les désobéissants, puis utiliser ce pillage et ces rançons pour construire plus de navires, élargissant la portée de leurs empires navals. Cela a permis à une petite région avec peu de ressources naturelles et peu d’avantages concurrentiels au-delà d’une extrême pauvreté et d’une multitude de maladies transmissibles, de dominer le globe pendant un demi-millénaire.

Les héritiers ultimes de ce projet naval impérial sont les États-Unis, qui, avec la puissance aérienne additionnelle, leur flotte de porte-avions et leur vaste réseau de bases militaires à travers la planète, sont supposés pouvoir imposer la Pax Americana sur l’ensemble de la planète. Ou, plutôt, ont été en mesure de le faire − pendant la brève période entre l’effondrement de l’URSS et l’émergence de la Russie et de la Chine en tant que nouvelles puissances mondiales et leur développement de nouvelles technologies anti-navires et anti-aériens. Mais maintenant ce projet impérial touche à sa fin.

Avant l’effondrement soviétique, l’armée américaine n’osait pas menacer directement les pays auxquels l’URSS avait étendu sa protection. Néanmoins, en utilisant sa puissance navale pour dominer les voies maritimes qui transportaient du pétrole brut, et en exigeant que le pétrole soit échangé en dollars américains, les USA ont pu vivre au-dessus de leurs moyens en émettant des instruments de dette libellés en dollars et en forçant les pays du monde entier à y investir. Les Américains ont pu importer tout ce qu’ils voulaient en utilisant de l’argent emprunté tout en exportant de l’inflation, et en expropriant l’épargne des gens à travers le monde. Dans le processus, les États-Unis ont accumulé des niveaux absolument stupéfiants de dette nationale − au-delà de tout ce qui a été vu auparavant en termes absolus ou relatifs. Lorsque cette bombe de dette explosera finalement, elle va propager la dévastation économique bien au-delà des frontières américaines. Et elle explosera, une fois que la pompe à richesse qu’est le pétro-dollar, imposée au monde par la supériorité navale et aérienne américaine, cessera de fonctionner.

Une nouvelle technologie de missiles permet maintenant, à un coût très raisonnable, de vaincre un empire naval. Auparavant, pour mener une bataille navale, il fallait avoir des navires qui surpassaient ceux de l’ennemi en vitesse et en puissance de feu. L’Armada espagnole a été coulée par l’armada britannique. Plus récemment, cela a signifié que seuls les pays dont la puissance industrielle correspondait à celle des États-Unis pouvaient rêver de s’y opposer militairement. Mais cela a maintenant changé : les nouveaux missiles russes peuvent être lancés à des milliers de kilomètres, ne peuvent être arrêtés, et il en suffit d’un seul pour couler un destroyer et seulement deux pour couler un porte-avions. L’armada américaine peut maintenant être coulée sans avoir une contre-armada en opposition. La taille relative des économies américaine et russe ou des budgets de la défense devient sans importance : les Russes peuvent construire des missiles hypersoniques beaucoup plus rapidement et à moindre coût que les Américains seraient en mesure de construire plus de porte-avions.

Tout aussi important est le développement de nouvelles capacités de défense anti-aérienne en Russie : les systèmes S-300 et S-400, qui peuvent largement protéger l’espace aérien d’un pays. Partout où ces systèmes sont déployés, comme en Syrie, les forces américaines sont maintenant contraintes de rester hors de portée. Avec leur supériorité navale et aérienne qui s’évapore rapidement, tout ce que les États-Unis peuvent tenter militairement est d’utiliser de grandes forces terrestres − une option politiquement désagréable qui s’est avérée inefficace en Irak et en Afghanistan. Il y a aussi l’option nucléaire, et bien que leur arsenal nucléaire ne soit pas susceptible d’être neutralisé de sitôt, les armes nucléaires ne sont utiles qu’en tant que moyens de dissuasion. Leur valeur particulière est d’empêcher les guerres d’escalader au-delà d’un certain point, mais ce point d’inflexion ne concerne pas la neutralisation de leur domination navale et aérienne mondiale. Les armes nucléaires sont bien pires qu’inutiles pour augmenter un comportement agressif contre un adversaire doté aussi de l’arme nucléaire ; invariablement, ce serait un mouvement suicidaire. Ce à quoi les États-Unis sont maintenant confrontés est essentiellement un problème financier de dette irrécouvrable et une pompe à richesse défaillante, et il devrait être étonnamment évident que déclencher des explosions nucléaires partout dans le monde ne résoudra pas les problèmes d’un empire qui se délite.

Les événements qui signalent de vastes changements d’époque dans le monde semblent souvent mineurs lorsqu’ils sont considérés isolément. La traversée du Rubicon par Jules César n’était que la traversée d’une rivière ; les troupes soviétiques et américaines se rencontrant et fraternisant sur l’Elbe étaient, relativement parlant, un événement mineur, loin de l’échelle du siège de Leningrad, de la bataille de Stalingrad ou de la chute de Berlin. Pourtant, ils ont signalé un changement tectonique dans le paysage historique. Et peut-être que nous venons d’assister à quelque chose de similaire avec la récente et minuscule bataille de la Ghouta orientale en Syrie, où les États-Unis ont utilisé un simulacre d’armes chimiques comme prétexte pour lancer une attaque tout aussi symbolique sur certains aérodromes et bâtiments en Syrie. L’establishment de la politique étrangère des États-Unis a voulu montrer qu’il a toujours de l’importance et a un rôle à jouer, mais ce qui s’est réellement passé, c’est que la puissance navale et aérienne américaine a été mise presque totalement hors jeu.

Bien sûr, tout cela est une terrible nouvelle pour l’armée américaine et la politique étrangère de l’establishment, ainsi que pour les nombreux membres du Congrès américain dans les districts où le complexe militaro-industriel opère et là ou les bases militaires sont situées. De toute évidence, c’est aussi une mauvaise nouvelle pour le business de la défense, pour le personnel des bases militaires et pour beaucoup d’autres. C’est aussi une mauvaise nouvelle sur le plan économique, puisque les dépenses de défense sont à peu près le seul moyen efficace de relance économique dont le gouvernement américain est politiquement capable. Si vous vous en souvenez, les « emplois à la pelle » d’Obama n’ont rien fait pour prévenir la chute spectaculaire du taux d’activité, qui est un euphémisme pour ne pas parler du taux de chômage réel. Il y a aussi le merveilleux plan pour dépenser beaucoup d’argent avec le projet SpaceX d’Elon Musk (tout en continuant d’acheter des moteurs de fusée d’importance vitale aux Russes qui discutent actuellement de bloquer leur exportation vers les États-Unis en représailles aux sanctions américaines). En bref, enlevez le stimulus de la défense, et l’économie américaine fera un fort bruit d’éclatement suivi d’un bruit de sifflement diminuant graduellement.

Inutile de dire que tous ceux qui sont impliqués feront de leur mieux pour nier ou cacher le plus longtemps possible que la politique étrangère américaine et le complexe militaro-industriel sont maintenant neutralisés. Ma prédiction est que l’empire naval et aérien de l’Amérique n’échouera pas parce qu’il sera vaincu militairement, ni ne sera démantelé une fois que l’information de son inutilité se diffusera ; au lieu de cela, il sera forcé de réduire ses opérations pour cause de manque de fonds. Il y aura peut-être encore quelques grosses frictions avant qu’il n’abandonne, mais surtout ce que nous entendrons, c’est beaucoup de gémissements. C’est ainsi que l’URSS a trépassé ; c’est aussi comme ça que s’effacera l’Empire américain.

Dmitry Orlov

Article original en anglais : End of the Era of Naval Empires, Club Orlov, le 19 avril 2019.

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

Les cinq stades de l'effondrement

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Si l’on en croit les rapports non confirmés sur une éventuelle base russe dans la région sécessionniste du Somaliland, Moscou bande enfin ses muscles militaires au-delà de l’Eurasie et signale son désir de retourner en Afrique.

Le portail d’information des média alternatifs, généralement digne de confiance, South Front, a republié des déclarations qui circulaient depuis quelques jours sur une éventuelle base militaire russe dans la région sécessionniste du Somaliland, un développement qui a d’abord pris au dépourvu de nombreux observateurs. Mais il n’y a rien d’inexplicable si cela se confirme. Le rapport allègue que Moscou a entamé des pourparlers avec les autorités autoproclamées de Hargeisa pour construire une petite installation aérienne et navale polyvalente dans la ville frontalière de Zeila, à Djibouti, en échange de la reconnaissance officielle de « l’indépendance » de la région. Les EAU construisent déjà leur propre base à Berbera − bien qu’ils ne reconnaissent pas officiellement le Somaliland − mais l’État du Golfe est une puissance militaire montante avec beaucoup plus d’argent pour arroser le terrain que la Russie et n’est donc probablement pas soumis aux mêmes conditions que Moscou juste pour cette simple raison pécuniaire.

Somaliland map

Le contexte du Somaliland

Le Somaliland était une colonie britannique réunie avec ses frères somaliens en 1960, après quoi elle s’est séparée de cet état somalien « croupion » après le renversement du président Barre et la guerre civile multidimensionnelle qui a suivi et qui a englouti le pays. Le gouvernement de facto du Somaliland estime que la politique anti-insurrectionnelle de Barre à la fin de la guerre froide envers sa région a constitué ce qu’il a appelé le « génocide Isaaq » et l’a donc convaincu de faire sécession pour des raisons de sécurité. Quelle que soit la légitimité de cette démarche, le fait incontesté est que la position géostratégique du  Somaliland est restée fonctionnellement celle de l’indépendance et d’une posture en grande partie pacifique depuis lors, ce qui, selon Hargeisa, devrait renforcer sa revendication de reconnaissance internationale de son indépendance. Mogadiscio, cependant, maintient que la région devrait revenir sous son contrôle formel, avec la garantie que le nouveau système « fédéral » selon elle, empêchera les abus passés de se reproduire.

Importance géostratégique

Le Somaliland, tout comme le Sud-Yémen tout aussi méconnu mais également souverain, s’est rangé du côté des Émirats arabes unis dans la guerre du Yémen et héberge aujourd’hui un complexe militaire émirati à Berbera qu’Abou Dhabi envisage d’associer à ses installations existantes d’Aden et des iles Socotra pour en faire la « porte d’entrée » de Bab El Mandeb pour le commerce maritime UE-Chine. Ce processus se déroule parallèlement à l’extension de la guerre froide du Golfe à la Corne de l’Afrique et à la militarisation internationale de la mer Rouge, faisant de la région l’un des points chauds les plus exposés aux conflits dans le monde aujourd’hui. C’est dans ce contexte que la Russie pourrait envisager une base navale et aérienne au Somaliland à quelques kilomètres de celle des États-Unis à Djibouti, qui, si elle était construite, complèterait de manière stratégique celle de la Chine à l’ouest du Camp Lemonnier des Américains.

Le « pivot vers l’Afrique » de la Russie

Somaliland Foreign Minister Dr. Saad Ali Shire meets with Russian diplomat Yury Kourchakov
Le ministre des Affaires étrangères du Somaliland, Dr. Saad Ali Shire (centre droit) rencontre le diplomate russe Yury Kourchakov (centre) en 2017

La base possible de la Russie au Somaliland serait bien plus qu’un crachat à la face des Américains car elle ferait partie du projet de « pivot vers l’Afrique » de Moscou qui a été annoncé à la fin de l’année dernière, suite à l’aide militaire fournie à la République centrafricaine et l’offre par le Soudan de mettre à la disposition des Russes une installation militaire sur sa côte de la mer Rouge. En relation avec ces deux développements, il y a aussi eu des signes au début de cette année que tout pivot africain pourrait voir Moscou s’appuyer davantage sur les mercenairescomme force d’avant-garde pour stabiliser les pays déchirés par les conflits et créer les conditions pour équilibrer les intérêts intra-étatiques et les affaires internationales, à travers le continent par conséquence. Dans ce cas, la Russie pourrait potentiellement servir de médiateur entre le Somaliland et la Somalie proprement dite et ensuite « équilibrer » les relations entre eux et leur voisine beaucoup plus enclavée qu’est l’Éthiopie.

L’Éthiopie et les Émirats arabes unis

À cet égard, il convient de rappeler aux observateurs les relations de longue dateentre la Russie et l’Éthiopie qui ont jeté les bases de leur rapprochement en coursaprès près de trois décennies de négligence après la fin de la guerre froide. L’Éthiopie est le premier partenaire de la Chine en Afrique et le chemin de fer Djibouti-Addis-Abeba (DAAR) récemment construit pour devenir le cœur d’un « CPEC africain ». Compte tenu du « surpeuplement » militaire dans la minuscule Djibouti et de la distance relativement longue entre Port Soudan et l’Éthiopie, la Russie aurait pu décider de construire une base au Somaliland comme « porte dérobée » pour l’Éthiopie, avec laquelle Hargeisa est alliée. En outre, le développement conjointpar l’Éthiopie d’un port à Berbera avec les Émirats arabes unis et les relations croissantes de la Russie avec ces deux grandes puissances émergentes indiquent des motivations économiques et stratégiques derrière la décision éventuelle de Moscou de construire une base poche de Zeila, pour « tuer plusieurs oiseaux d’une seule pierre » en renforçant les liens de la Russie avec les trois parties.

L’échiquier de la grande puissance du XIXesiècle

Néanmoins, tout mouvement dans cette direction serait sans aucun doute considéré comme une « trahison » de la Somalie par son ancien soutien pendant la Guerre froide, malgré la participation décisive de la Russie aux côtés de l’Éthiopie pendant la guerre Ogaden de 1978-79 et le fait d’avoir « vendu » Mogadiscio à Addis-Abeba lors d’un échange sans précédent d’alliés régionaux avec les États-Unis. Tout comme à l’époque, les calculs néo-réalistes seraient au cœur de cette décision, bien que cette fois-ci basés sur « l’équilibre » de « l’Échiquier des Grandes Puissances du XIXe siècle » devenu infiniment plus complexe avec l’émergence de l’Ordre mondial multipolaire que durant les « bons vieux jours » de la bipolarité. Comme preuve de cette politique en action dans un contexte africain, il suffit de regarder la nouvelle politique de la Russie à l’égard de la Libye qui considère maintenant le renversement de Kadhafi comme une « affaire interne » même si c’est elle qui a attiré l’attention de la communauté internationale sur les débuts de la Révolution colorée nommée « Printemps arabe » à l’échelle du théâtre du grand Moyen-Orient.

Réflexions finales

Les fondements de la politique étrangère russe contemporaine complètement non-idéologiques et axés sur les intérêts contrastent fortement avec le récit dogmatiquedes démagogues des médias alternatifs qui prétendent que Moscou ne peut que s’opposer par principe à des alliés des américains, c’est-à-dire que la Russie « ne contribuerait jamais » (délibérément ou non) à la « balkanisation » de la Somalie en construisant une base dans le Somaliland à côté de celle de la « petite Sparte » des États-Unis et à proximité d’un pays enclavé qui est son bras droit régional. Les temps ont certainement changé, prouvant que la Nouvelle Guerre froide n’a rien à voir avec la première version et que la Fédération de Russie d’aujourd’hui ne ressemble en rien à l’Union soviétique du passé en ce qui concerne ses « principes » de politique étrangère. Ce n’est pas nécessairement une « mauvaise » chose mais seulement un reflet de la réalité internationale dans laquelle la Russie est obligée de bouger si elle veut faire avancer ses intérêts face à une pression américaine asymétrique considérable et multidimensionnelle.

Andrew Korybko

Article original en anglais :

Russia’s “Pivot to Africa”? The Strategic Implications of a Possible Russian Base in Somaliland

Oriental Review le 6 avril 2018

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

 

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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Mardi, lors du deuxième jour de sa visite d’État de trois jours à Washington, le président français Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse conjointe avec le président américain Donald Trump pour discuter du contenu de leurs pourparlers sur le Moyen-Orient et le commerce mondial. Lors de la conférence de presse, Macron a cherché à s’adapter aux menaces de Trump pour mettre fin au traité nucléaire iranien de 2015 et a promis un soutien continu de la France aux guerres américaines au Moyen-Orient.

Paris rejoint Washington pour dire à l’Iran qu’il doit se conformer aux dictats américains au Moyen-Orient ou faire face au renouvellement des sanctions commerciales en place avant la signature du traité, et à la possibilité d’une attaque militaire. Malgré la débâcle de la guerre par procuration de sept ans de l’OTAN en Syrie, les États-Unis et la France, ancienne puissance coloniale en Syrie, ne peuvent accepter aucun renforcement de la position de l’Iran, principal soutien du régime syrien aux côtés de la Russie. Au lieu de cela, à peine dix jours après la frappe des missiles américains, britanniques et français sur la Syrie, ils ouvrent la voie à une nouvelle confrontation militaire avec la Syrie, l’Iran et une Russie dotée de l’arme nucléaire.

Cette initiative représente un changement significatif de la part de Macron, qui avait publiquement soutenu l’accord nucléaire iranien et, dans une interview avec Fox News avant sa visite, affirmé qu’il n’y avait pas de « Plan B » pour le remplacer. Cette prise de position avait reçu le soutien de gouvernements du monde entier. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov déclara lors d’une visite à Beijing que lui et ses homologues chinois s’opposeraient à toute tentative de mettre fin à l’accord.

Les principaux alliés des États-Unis se sont également opposés à une résiliation de l’accord. Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a souligné son « opinion fortement en faveur » du traité et son homologue allemand Heiko Maas a averti que son abandon aurait des conséquences dangereuses sur la situation militaire au Moyen-Orient. « Nous pensons qu’il est extrêmement important de respecter cet accord », a-t-il déclaré. « Si nous échouions ou si les États-Unis abandonnaient, nous n’aurions rien de comparable et nous craignons que la situation ne se détériore de manière significative, comme tout ce qui va avec ».

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a averti que s’il respectait scrupuleusement le traité existant, l’Iran le « déchiquetterait » si Washington se retirait. « C’est soit tout ou rien. Les dirigeants européens devraient encourager Trump non seulement à rester dans l’accord nucléaire, mais, plus important encore, à commencer à mettre en œuvre de bonne foi sa part du marché », écrit-il sur Twitter.

Mardi matin, quand Macron a réitéré son soutien au traité lors d’une séance photo avant ses entretiens privés avec Trump, le président américain a explosé, indiquant que cette position était inacceptable.

Macron a déclaré : « Ce que je viens de dire, c’est que l’accord avec l’Iran est une question importante. Nous discuterons de cela. Mais nous devons prendre cela comme une partie de l’image plus large, qui est la sécurité dans l’ensemble de la région. Et nous avons la situation syrienne, nous avons prochainement une élection en Irak, et nous avons la stabilité à préserver pour nos alliés dans la région. Et ce que nous voulons faire, c’est contenir la présence iranienne dans la région, et [l’accord nucléaire iranien] fait partie de cette vision plus large ».

Trump a répondu : « Il semble que, tout simplement, peu importe où vous allez, surtout au Moyen-Orient, partout où il y a des problèmes, au Yémen, en Syrie, il y a l’Iran derrière. Peu importe où vous êtes, il y a l’Iran qui est derrière. Et maintenant, malheureusement, la Russie s’implique de plus en plus. Mais l’Iran semble être derrière tout ce qui pose problème… Et l’accord avec l’Iran est un désastre. Ils testent des missiles. Et de quoi s’agit-il ? Vous regardez les missiles balistiques qu’ils testent ; quel genre d’accord est-ce où vous êtes autorisé à tester des missiles tous azimuts ? »

Après que Trump et Macron aient émergé de leurs entretiens privés cependant, le président français semble s’être aligné sur les positions de Trump.

Trump a commencé par saluer les frappes de missiles américaines, britanniques et françaises du 14 avril sur la Syrie, basées sur des allégations frauduleuses et infondées selon lesquelles le régime syrien avait utilisé des armes chimiques : « Président Macron, je vous remercie de votre leadership dans cet effort». « Les États-Unis et la France coopèrent également pour empêcher la prolifération des armes nucléaires. Nous sommes reconnaissants pour le partenariat clé de la France dans notre campagne de pression maximale sur le régime nord-coréen ».

Trump a également applaudi la répression que Macron impose aux immigrés en France, l’appelant une bataille contre « la migration incontrôlée » et ajoutant « Monsieur le Président, j’admire le leadership dont vous avez fait preuve en abordant cette question très honnêtement et directement, ce qui n’est pas toujours populaire ».

Macron a ensuite suggéré qu’il était prêt à accepter l’opposition de Trump à l’accord nucléaire iranien : « Je peux dire que nous avons eu une discussion très franche à ce sujet, seulement nous deux. Vous considérez que l’accord iranien, le Plan d’Action complet conjoint (JCPOA), celui négocié en 2015 avec l’Iran est un mauvais accord… Nous souhaitons donc désormais travailler sur un nouvel accord avec l’Iran ».

Il a résumé ce à quoi un nouveau traité avec l’Iran devait, selon lui, répondre : « Ce dont nous avons besoin… est de couvrir quatre sujets. Le premier est de bloquer toute activité nucléaire de l’Iran jusqu’en 2025. C’est possible grâce au JCPOA. Le second est de s’assurer qu’à long terme, il n’y a pas d’activité nucléaire iranienne. Le troisième sujet fondamental est d’arriver à mettre fin aux activités balistiques de l’Iran dans la région. Et le quatrième est de créer les conditions d’une solution — une solution politique pour contenir l’Iran dans la région — au Yémen, en Syrie, en Irak et au Liban ».

La position décrite par Macron constitue une menace irresponsable contre l’Iran, qui risque de provoquer un affrontement violent entre celui-ci et les puissances de l’OTAN. Elle revient à lancer un ultimatum à l’Iran qui, malgré la victoire de ses forces combattant aux côtés des forces d’Assad sur le terrain en Syrie, doit céder complètement aux termes américains et européens. Le régime iranien a déjà déclaré qu’il s’opposerait à des limites pour son programme de missiles balistiques.

Les présidents américain et français, ébranlés par leur défaite en Syrie, indiquent qu’ils ne reculeront devant rien pour écraser l’opposition à une hégémonie impérialiste sous conduite américaine au Moyen-Orient. Après un quart de siècle de guerre au Moyen-Orient suite à la dissolution stalinienne de l’Union soviétique, des millions de personnes ont été tuées ou déplacées dans les guerres d’Irak, d’Afghanistan, de Libye, de Syrie et du Yémen. Mais ce qui se prépare est une escalade encore plus grande, car les puissances de l’OTAN menacent l’Iran et, implicitement, son allié la Russie.

Interrogé par l’Agence France-Presse sur les raisons pour lesquelles il a soudainement changé sa position sur le traité nucléaire iranien après avoir déclaré à Fox News qu’il n’avait pas de « Plan B » prêt si le traité est abandonné, Macron a nié effrontément avoir employé le terme « Plan B » en relation avec le traité nucléaire avec l’Iran. « Je me réfère habituellement au fait qu’il n’y a pas de planète Plan B », a-t-il dit. « Il s’agissait du climat plutôt que de l’Iran ». Il a ensuite insisté pour dire que la décision finale sur le traité nucléaire iranien devait être prise par Washington.

« Maintenant, en ce qui concerne l’Iran », a-t-il déclaré, « j’ai toujours été cohérent, et vous pouvez revenir à ce que j’ai dit à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre. J’ai toujours dit qu’il y avait le JCPOA, mais que nous devions y ajouter trois piliers après 2025, dont la question balistique et l’influence régionale. Je ne sais pas ce que le président Trump décidera à propos du JCPOA et c’est sa responsabilité ».

Alex Lantier

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS le 25 avril 2018

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 »Le camp du droit »: entre imposture et perversion

avril 26th, 2018 by Mohamed El Bachir

Carte : Le projet du Grand Moyen-Orient

« …L’omission d’un principe mène à l’erreur; ainsi , il faut avoir la vue bien nette pour voir tous les principes et ensuite l’esprit juste pour na pas raisonner faussement sur des principes connus.» (Pascal: Pensées)

 Une métaphore pour introduire le sujet

Il était une fois un groupe de médecins dont la volonté de soigner était sans faille. Leur souhait de veiller à la bonne santé de la population n’avait d’équivalent que leur désir d’asseoir et de consolider leur domination. Un souhait et un désir aux conséquences contradictoires . Aussi, ils se sont entourés d’un serviteur, un communiquant, capable de déverser quotidiennement un flot de paroles où baigne le faux en prenant l’apparence du vrai. Le résultat est simple: point de contradiction! Tout est une question de gestion, à moderniser, bien sûr.

C’est ainsi que la lutte contre un nouveau fléau, la peste, n’empêcha nullement le groupe de médecins  de tisser des liens indéfectibles avec les éleveurs de rats. Mais pour faire oublier la cause , les médecins ont mis l’accent sur le désordre créé par le fléau. Et tout naturellement, le désir de domination  amena le groupe de médecins à accuser les éleveurs de lions…D’ours et même de gazelles d’être les responsables du désordre. Un désordre favorable à la propagation de la peste, affirmèrent les médecins.

Que les médecins me pardonnent cette modeste métaphore car elle ne s’adresse nullement à eux. 

La simulation contre la rationalité

Une première remarque s’impose, la France n’aurait pas bombardé la Syrie sans  l’intervention américaine. Une intervention sans lendemain qui signifie que les puissances occidentales ont perdu la main en Syrie et prépare une nouvelle stratégie sous commandement américain.  

En effet, il est évident, aujourd’hui, que les objectifs stratégiques des puissances occidentales, des monarchies du Golfe et de l’État d’Israël  ont été mis en échec au Moyen-Orient et ceci grâce à la résistance de l’armée syrienne soutenue par l’Iran, la résistance irakienne et libanaise dont le Hezbollah est le fer de lance. Sans omettre ‘’l’éleveur d’ours’’, un  acteur clef dans la victoire de l’armée syrienne. 

Mais quels sont les objectifs stratégiques de l’alliance contre nature, mais en apparence seulement?

Connus sous le sigle de «Nouvel Grand Moyen-Orient», les objectifs de la dite alliance ont été définis, en fait, en 1982 dans les bureaux du ministère israélien des Affaires étrangères  sous le titre ‘’ Stratégie de l’État d’Israël dans les années 80’’. 

Ci-dessous un succinct extrait de cette stratégie:

«…La Syrie va se diviser en plusieurs Etats suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat allaouite chiite ; la région d’Alep, un Etat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du Nord : les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s’étendra sur notre Golan peut-être, et en tout cas dans le Haourân…. Cet Etat garantira la paix et la sécurité dans la région, à long terme: c’est un objectif qui est dès à présent à notre portée…» (1)

Il s’agit dans cet extrait de la Syrie mais l’Irak, l’Egypte…Ne sont pas en reste.

Ni d’ailleurs le Maghreb. En effet, selon le journal libanais al-Akhbar,  l’Observatoire marocain contre la normalisation avec l’Etat D’Israël, a révélé qu’ un institut israélien s’est installé au Maroc pour « la formation de groupes militaires et paramilitaires dans plusieurs régions marocaines. Ils sont encadrés idéologiquement et intellectuellement via un ensemble d’outils, de symboles et de positions qui visent à adhérer aux thèses sionistes et à s’apprêter à les servir matériellement. »(2)

Et la Libye? Grâce à la France, le Royaume-Uni et les Monarchies du Golfe et avec la bénédiction de l’Empire, la Libye est passée d’un  »ordre dictatorial », assurant l’éducation et un minimum social  à l’ensemble de la population, à un  »désordre tribal », avec son marché d’esclaves, entretenu par des organisations intégristes et mafieuses. Que faut-il conclure?

En déclarant, «nous avons travaillé avec ceux qu’on pouvait utiliser pour nous débarrasser du communisme, parmi ces gens il y avait les frères musulmans nous les avons financés et les Etats-Unis d’Amérique les a financés aussi …Si nous remontions dans le temps on ferait la même chose nous utiliserions à nouveau ces personnes » (3), le prince héritier Mohamed Ben Salmane ne fait qu’affirmer que c’est ce que fait l’Arabie Saoudite actuellement contre ce que j’appellerai l’axe de la souveraineté face à l’impérialisme anglo-américain et sioniste. Un impérialisme dans lequel, l’État français se dilue en retrouvant sa nature coloniale. 

Et ce 24 avril 2018, en parlant de multilatéralisme devant le président américain, le président français simule une indépendance politique à laquelle D.Trump répond de manière cinglante: « Les gens connaissent ma position sur l’accord iranien, c’est un accord horrible » .(4)…Donc il faut un nouvel accord en intégrant les essais balistiques iranien concède le président français tout en faisant semblant de ne rien concéder. Et chacun, à sa manière, a accusé l’Iran  de mener une politique hégémonique dans la région y compris au Yémen. 

Mais rien sur les monarchies du Golfe et l’Etat d’Israël.

C’est ce qui nous ramène à ‘’l’utilisation présumée’’ de l’arme chimique par l’armée syrienne dans la Goutha orientale. Une Goutha en phase d’être reconquise. Sur ce point, un analphabète sourd et muet mais doué de raison se poserai une seule question: quel est l’ intérêt d’une armée, sur le point d’atteindre son objectif, d’utiliser une arme bannie par la communauté internationale?

C’est le sénateur républicain, l’étasunien Ron Paul qui répond au muet en rappelant  un précédent, le gazage présumée par l’armée syrienne de Khan Cheikhoun:« une mise en scène fabriquée de toute pièce.»  Et le sénateur ajoute, pour lui expliquer les tenants et aboutissants de la mise en scène,«avant l’attaque chimique tout se passait bien et le président D.Trump disait que c’est au peuple syrien de décider lui-même qui dirigera le pays…Je crois que certains n’ont pas apprécié cela et il fallait qu’il se passe quelque chose. »(5)

De telles mises en scène servent à émouvoir. Aux experts et spécialistes du langage de rendre transparent le  »rat  » dans cette mise en scène. Car émouvoir l’autre sert doublement: avoir un supplément d’âme tout en le dispensant d’être rationnel. 

Des précédents? En voici deux autres. 

1°) L’affaire des couveuses et des  »bébés morts sur le sol froid » (6). Nous sommes le 14 octobre 1990, la mise en scène a été conçue par un ancien conseiller en communication de Ronald Reagan. »L’actrice Sabah », fille de l’ambassadeur du Koweït, joue le rôle d’une infirmière visitant un hôpital au Koweït. 

Conséquence de la mise en scène: face à des barbares: détruire l’Irak est la seule solution. Ainsi toute position politique contraire est marginalisée.

2°) La fiole du Secrétaire d’État(7). Le 5 février 2003, au siège de l’ONU, le secrétaire d’Etat américain Colin Powell  brandit à la face de l’humanité une fiole, contenant un liquide…La suite est connue…Morceler l’Irak en armant des organisations intégristes, financées par les monarchies du Golfe.   

Détruire…Morceler, l’idéologue néo-conservateur K.Rove résume cet état de fait en des termes simples: «nous américains, nous sommes un Empire…Nous sommes les acteurs et les producteurs de l’Histoire.» (8) Et il ajoute: «à vous tous, ils ne vous reste qu’à étudier ce que nous créons.»

Mais étudier le chaos créé par l’Empire avec un «esprit juste», et non  un  »esprit serviteur ».

Le bon, la brute et le truand joué par un même acteur et sans déguisement

Lors de l’interview du 12 avril 2018, le Président E.Macron justifie le bombardement d’un Etat souverain, sans mandat international, en affirmant qu’il était « légitime » tout en ajoutant sans sourciller que « C’est la communauté internationale qui est intervenue. » (9)

Dorénavant, nul besoin de l’ONU, les Etats-Unis, l’Angleterre et la France sont les porteurs de la Loi.  Et s’ils bombardent  c’est «pour l’honneur de la communauté internationale.» (10)

Et tant pis pour le Droit international car, «regardons nos principes en face et demandons-nous où nous voulons aller: ces frappes ne règlent rien mais elles mettent fin à un système auquel nous nous étions habitués qui est que, en quelque sorte, le camp du droit serait devenu le camp du faible.» (10)

Une logorrhée présidentielle qui n’explique pas en quoi l’acte est porteur d’espoir pour le peuple syrien. Elle contient en elle l’affirmation et la négation d’une même idée. 

Quelle est la contribution française pour une  solution politique respectant la souveraineté  et l’intégrité territoriale de la Syrie? 

Une telle question est hors sujet car le ‘’camp du droit ‘’ passe à une nouvelle étape.  »Arabiser »  la guerre en Syrie, sunnisme aidant, en organisant une force militaire arabe d’intervention sous la tutelle de la monarchie wahhabite et sous commandement de l’Otan.  »Yéméniser » la Syrie, en quelque sorte. Reste à convaincre le président égyptien. C’était l’objet de la récente mission au Moyen-Orient de John Bolton, le nouveau conseiller à la sécurité nationale américaine.

 Atteindre l’Iran, telle est la nouvelle orientation stratégique du  »camp du droit », de l’ Etat d’Israël et de l’Arabie saoudite.

Et la Turquie? Le frère musulman, le président Erdogan, est prêt à s’allier avec le diable pour  empêcher l’avènement d’un Etat kurde et si possible, créer un petit sultanat ottoman sur les décombres éventuels du Moyen-Orient de Sykes-Picot. Une stratégie à géométrie variable!

Et le peuple palestinien?

Normalisation avec l’Etat d’Israël: traduction, oublier la Palestine

Je ne peux clore cet article sans souligner que le peuple palestinien était absent lors de l’interview du président E.Macron et de la conférence conjointe du 24 avril à Washington. Pourtant, le peuple palestinien, à travers la marche pacifique pour le retour, n’a fait que rappeler l’existence d’un droit au retour des réfugiés palestiniens, acté par la communauté internationale en 1948, (Résolution 194). Un droit au retour dont l’inspirateur, le Comte Folke de Bernadotte fut la première victime non palestinienne. Assassiné en 1948, par le groupe sioniste Stern, dirigé à l’époque par Yitzhak Shamir, devenu premier ministre de l’Etat d’Israël. Soixante-dix ans plus tard, plus de 40 morts et 300 blessés palestiniens pour ce même droit au retour. Un bilan qui a suscité un timide appel «à la retenue» de la part du  »camp du droit ».

Mais quel est le bilan politique depuis les accords d’Oslo, signés en 1993?

 Un peuple écartelé entre la Cisjordanie, devenue l’apartheid israélien et la bande de Gaza, une prison à ciel ouvert dont le gardien est l’Etat d’Israël…Suppléé par l’ Etat égyptien.

De cause nationale commune à tous les Etats arabes, la Palestine est devenue  une question subsidiaire. Une monnaie d’échange: une alliance entre le wahhabisme et le sionisme contre l’Iran en échange de l’oubli de la Palestine. (11)

Enfin pour conclure, une question: le peuple palestinien est-il en train de prendre conscience que son droit à exister, en tant que peuple souverain, passera par la reconstruction de son unité politique, débarrassée du fardeau d’Oslo?

Une existence qui s’inscrit dans le devenir de la résistance incarnée par l’Irak, la Syrie, la résistance libanaise et l’Iran…

                                                                                                                M. El Bachir

 

Notes

(1)http://www.renenaba.com/revue-detude-palestiniennes-n-14-fevrier-1982/

(2)https://french.almanar.com.lb/860781

(3)http://www.afrique-asie.fr/mbs-affirme-larabie-saoudite-et-les-etats-unis-ont-utilise-et-finance-les-freres-musulmans/

(4)https://www.lorientlejour.com/article/1112167/en-presence-de-macron-trump-fustige-laccord-sur-le-nucleaire-iranien-un-desastre.html

(5)http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour… 

(6)https://www.les-crises.fr/1990-couveuses-koweitiennes/

(7)https://www.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/20130308.OBS1260/l-incroyable-histoire-du-mensonge-qui-a-permis-la-guerre-en-irak.html

(8)http://www.lemonde.fr/idees/article/2008/09/05/le-retour-de-karl-rove-le-scenariste-par-christian-salmon_1091916_3232.html

(9)http://www.liberation.fr/france/2018/04/15/ce-qu-il-faut-retenir-de-l-interview-du-president-de-la-republique_1643559

(10)http://www.linfo.re/monde/europe/parlement-europeen-emmanuel-macron-defend-les-frappes-contre-les-sites-d-armes-chimiques

(11)https://www.mondialisation.ca/wahhabisme-et-sionisme-une-sainte-alliance-contre-liran/5619778

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Syrie : La supercherie de Bruxelles

avril 26th, 2018 by Nasser Kandil

 

Coprésidée par l’Union européenne et les Nations unies, la Conférence de Bruxelles II des « faux amis » de la Syrie s’est tenue le 24 et le 25 avril courant. À cette occasion :

 « M. Jean-Baptiste Lemoyne [secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères] a annoncé que l’effort français pour les années 2018-2020 s’élèverait à plus d’un milliard d’euros en faveur du peuple syrien et des communautés hôtes : près de 250 millions d’euros de dons et 850 millions d’euros de prêts. Cet engagement inclut le programme de réponse d’urgence de 50 millions d’euros pour la Syrie, annoncé le 16 avril par le président de la République […]

 Ces montants permettront de venir en aide à la population syrienne et de créer en Syrie les conditions d’un retour « volontaire », sûr et durable des réfugiés chez eux, le moment venu. Ils doivent également permettre d’accroître la résilience économique des pays qui accueillent des réfugiés, au premier rang desquels la Jordanie et le Liban » [*].

 Est-il nécessaire de faire remarquer que la Syrie n’attend pas autant de sacrifices de la part du peuple français, mais demande officiellement que ses gouvernants cessent de soutenir le terrorisme international pour continuer à la saigner, cessent de nourrir la calomnie pour le couvrir, et cessent de lancer leurs missiles à tort et à travers pour l’encourager ? [Mouna Alno-Nakhal].

______________________________________________

Au Liban, la conférence de Bruxelles II a été vendue comme un effort de soutien à l’État libanais dans le dossier des Syriens déplacés, mais elle n’a pas tardé à apparaître pour ce qu’elle est : une conférence entre les pays impliqués dans la guerre « sur » la Syrie et leurs institutions financières respectives.

Ses organisateurs ne cachent pas qu’il s’agit d’une tentative de relance du processus de solution politique en Syrie, à condition que cette solution réponde aux prétentions des États participants, menés par les Saoudiens et les Français.

En effet, la question des Syriens déplacés est au cœur de cette conférence et consiste à empêcher leur arrivée en Europe tout en empêchant leur retour en Syrie, à moins qu’un accord politique ne vienne satisfaire les conditions exigées par ses promoteurs ; les représentants des pays d’accueil ayant été invités dans le but de garantir leur adhésion à ce double objectif, en contrepartie du financement nécessaire à l’intégration des déplacés.

Une manœuvre bruxelloise éventée par le communiqué de protestation de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés [HCR]suite au retour « volontaire » de centaines de déplacés syriens, installés au Liban, vers la localité [libérée du terrorisme] de Beit Jinn en Syrie ; retour organisé par la Sûreté générale libanaise en coopération avec les autorités syriennes.

L’implication du gouvernement libanais dans une conférence réunissant les représentants de l’un des axes de la guerre en Syrie contrevient scandaleusement à sa prétendue politique de distanciation. Elle participe à une supercherie politique destinée à fixer les déplacés syriens là où ils sont rendus, contrairement aux hypothétiques efforts de l’État libanais en faveur de leur retour chez eux.

 Nasser Kandil

25/04/2018

 

Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

 Source : Brève / Top News

http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=8464

 

[*] Syrie – Contribution de la France à la conférence Bruxelles II (Bruxelles, 25 avril 2018)

https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/syrie/evenements/actualites-2018/article/syrie-contribution-de-la-france-a-la-conference-bruxelles-ii-bruxelles-25-avril

Photo à la Une : Capture d’écran, La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini

Nasser Kandil est un homme politique libanais, ancien député, et Rédacteur en chef du quotidien libanais « Al-Binaa ».

 

***

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Le président Macron a annoncé la décision sans précédent de Paris après avoir rencontré des dirigeants kurdes dans la capitale française la semaine dernière, une décision dénoncée en résumé par Ankara comme le « dépassement d’une ligne rouge ». Ankara dénonce un pays d’Europe occidentale soutenant le terrorisme avec ce que la Turquie considérerait ironiquement comme une « invasion » de la Syrie. Les conflits intra-OTAN atteignent un point d’ébullition avec les États-Unis, la Grèce et maintenant la France s’alignant tous contre les intérêts régionaux de la Turquie en réponse à l’approche multipolaire d’Ankara après le coup d’État. Cela exerce une énorme pression sur le président Erdogan pour reculer ou faire dangereusement face aux conséquences de cet acte. Le dirigeant turc a refusé de reculer et il est maintenant contraint d’affronter les perspectives d’un soutien conjoint américano-français à ce que son gouvernement considère comme des terroristes kurdes, ce qui ne fera que renforcer son désir d’intensifier la réorientation stratégique de son pays vers l’Est.

Non seulement cela, mais la Turquie pourrait contrer asymétriquement le déploiement militaire hostile de la France via les forces pro-Ankara dans le nord de la Syrie. Les médias turcs ont divulgué l’emplacement de chaque base où les forces françaises seraient censées être déployées comme ils l’ont fait pour les Américains l’été dernier, ce qui peut être interprété comme une menace tacite que les troupes des deux pays pourraient être ciblées par des groupes armés sympathisants de la Turquie dans le cadre de la « guerre civile de la Rojava » qui se déroule dans le nord de la Syrie. Les plans de la France pour aider les États-Unis sur ce champ de bataille et même de les remplacer, dans une certaine mesure. Si Trump confirme « très bientôt » ses intentions de quitter le pays, cela pourrait inévitablement conduire Paris à un second bourbier malien. Elle serait alors contrainte de lutter contre les rebelles dans ce qui est devenu une « guerre civile à plusieurs niveau dans une guerre civile » et non contre les terroristes.

Les développements rapides montrent que l’ancien modèle de colonialisme ne fonctionne plus dans les sociétés post-coloniales où les anciens colonisateurs cherchaient à exploiter les groupes minoritaires contre la majorité. Les habitants du nord-est de la Syrie ne permettront pas à leur ancien colonisateur de retourner dans leur pays et d’utiliser les Kurdes pro-occidentaux comme outil de substitution pour supprimer la majorité arabe. En outre, la Turquie coopère avec la Russie via le processus de paix d’Astana et atteindra vraisemblablement un éventuel « compromis » pour au moins restituer nominalement les territoires que ses groupes rebelles alliés contrôlent à l’autorité du gouvernement syrien. Cela se fera probablement après avoir sécurisé sa position géopolitique par la prochaine « révision constitutionnelle » mandatée par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui conduira probablement à un certain degré de « décentralisation ». La France, cependant, n’a pas l’intention de faire la même chose vis-à-vis de ses mandataires et de la Russie, de sorte qu’elle représente une menace beaucoup plus grave pour la souveraineté syrienne que la Turquie en ce moment.

Andrew Korybko

Article original en anglais :

Intra-NATO Conflicts, US-France Confront Turkey: Macron Might Trap France in A Quagmire in Northern Syria

Oriental Review 9 avril 2018

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

 

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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Les médias corporatifs, l’industrie pétrolière et le milieu des grandes entreprises en entier, exigent à l’unisson que le premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement libéral fassent tout en leur pouvoir afin d’assurer la complétion rapide de l’oléoduc Trans Mountain, lequel doit transporter le bitume des sables de l’Alberta vers la côte de la Colombie-Britannique.

De nombreux commentateurs dans les médias ont déclaré que le sort du gouvernement Trudeau était maintenant en jeu. Selon eux, l’incapacité à faire respecter «l’intérêt national» nuira à la position concurrentielle du Canada, nuira à la fédération canadienne et incitera les investisseurs nationaux et internationaux à retirer leur soutien aux libéraux de Trudeau.

Certains exhortent Trudeau à invoquer la Loi sur les mesures d’urgence, qui a succédé à la tristement célèbre Loi sur les mesures de guerre. D’autres demandent à ce qu’Ottawa déploie l’armée.

Trudeau et son gouvernement se sont empressés de promettre que le projet de 7,6 milliards de dollars canadiens, qui permettrait de tripler la capacité d’un oléoduc existant, sera construit, et ce rapidement. «L’échec n’est pas une option», a déclaré le ministre des Finances Bill Morneau la semaine dernière.

À la fin d’une réunion d’urgence avec les premiers ministres de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, Trudeau a réitéré ses affirmations précédentes selon lesquelles l’oléoduc est dans «l’intérêt national». «Nous sommes absolument déterminés» à faire progresser cette «saison de construction». «C’est ce que les Canadiens attendent de nous et, franchement, les investisseurs internationaux qui cherchent à créer des emplois au Canada veulent nous voir en mesure de le faire.»

Le projet Trans Mountain a longtemps été un bourbier politique. De larges pans de la population canadienne, en particulier en Colombie-Britannique, s’y opposent en raison de son impact négatif sur les groupes autochtones et l’environnement. Au cours des derniers mois, le projet d’oléoduc a fait l’objet d’une querelle entre le gouvernement néo-démocrate de l’Alberta et le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique, qui dépend du soutien de trois députés Verts pour sa majorité parlementaire.

Ce qui a provoqué le différend sur les oléoducs a été l’annonce faite le 8 avril par Kinder Morgan (KML), basée aux États-Unis, annonçant son intention de suspendre tous les travaux non essentiels sur le projet et qu’elle pourrait bientôt le larguer complètement. Si «le risque inacceptable» pour les actionnaires de KML n’est pas éliminé avant le 31 mai, a déclaré Steve Kean, président-directeur général de KML, «il est difficile de concevoir un scénario dans lequel nous pourrions poursuivre le projet».

Trudeau a déclaré que son gouvernement présentera bientôt une loi affirmant et renforçant le contrôle fédéral sur le projet d’oléoduc. Précédemment, Ottawa avait insisté sur le fait qu’une telle mesure n’était pas nécessaire, car la Constitution du Canada lui confie carrément la responsabilité de l’infrastructure de transport interprovinciale. Cela laisse supposer que la loi à venir renforcera l’autorité fédérale, peut-être en mettant de côté les processus réglementaires locaux et du gouvernement de la C.-B., en limitant les manifestations contre les oléoducs et en augmentant les pénalités juridiques pour les manifestants qui cherchent à empêcher la construction d’oléoducs.

Le gouvernement fédéral s’est joint à l’Alberta en offrant d’investir dans Kinder Morgan ou de lui fournir des garanties de prêts pour réduire le «risque» des actionnaires. Le gouvernement Trudeau envisagerait également de menacer la Colombie-Britannique de sanctions financières si elle n’abandonnait pas rapidement ses objections face au projet d’oléoduc. Selon Morneau, «Toutes les options sont sur la table».

La semaine dernière, le gouvernement néo-démocrate de l’Alberta, entièrement redevable aux grandes pétrolières, a déposé un projet de loi qui lui donnerait l’autorité juridique de restreindre les exportations de pétrole vers la Colombie-Britannique. Le gouvernement de droite en Saskatchewan a promis de faire de même.

Une telle législation est perçue avec prudence par l’élite canadienne. Il est non seulement peu probable qu’elle résolve les problèmes d’ici la date limite du 31 mai imposée par KML, mais elle pourrait très bien être invalidée par les tribunaux. De plus, si l’Alberta essayait de punir la Colombie-Britannique en coupant ou en réduisant le flot de pétrole, elle entraînerait le pays dans une guerre commerciale interprovinciale.

Le gouvernement du Canada est catégorique: c’est le gouvernement fédéral qui doit faire valoir ses intérêts en veillant à ce que l’oléoduc soit construit et en brisant de fait la presque totale dépendance de l’industrie pétrolière à l’égard du marché américain. Cette dépendance a fait en sorte que l’Alberta et la Saskatchewan ont dû vendre leur pétrole bien en deçà du prix mondial, ce qui a coûté des dizaines de milliards de dollars à la bourgeoisie canadienne.

L’élite dirigeante du Canada, cependant, est loin d’être convaincue que Trudeau agira avec suffisamment de détermination et de brutalité – qu’il fera montre, selon les mots d’Andrew MacDougall, un ancien collaborateur du premier ministre conservateur Stephen Harper, de la «détermination militaire» que son père a fait «scintiller» quand il a invoqué la Loi sur les mesures de guerre et suspendu les libertés civiles fondamentales sur la base de l’affirmation mensongère que les deux enlèvements terroristes du FLQ avaient amené le Québec dans un «état d’insurrection latent».

Dans un éditorial du 9 avril, le Globe and Mail a déclaré que la décision de Kinder Morgan de suspendre les travaux sur le pipeline était «un désastre économique et constitutionnel pour le Canada». Le Globe a accusé la Colombie-Britannique d’usurper l’autorité d’Ottawa, alors que la province, de l’aveu de juristes, n’a enfreint aucune loi en examinant l’impact environnemental de Trans Mountain. «Le gouvernement fédéral», a tonné le porte-voix traditionnel de l’élite financière du Canada, «ne peut laisser faire. Il doit utiliser tous les outils dont il dispose».

Selon Kenneth Green de l’Institut Fraser, un groupe de réflexion pro-entreprises basé à Vancouver, «La question est de savoir si le premier ministre a la détermination et la volonté de payer le prix politique» pour faire avancer le projet d’oléoduc. «Cela peut arriver au point où le premier ministre doit dire: « Si nous devons le faire, nous allons mettre une escorte militaire autour des chantiers de construction pour que la chose soit construite et ensuite nous poursuivrons toute personne qui tente de le saboter selon l’étendue maximale de la loi. »»

Dans un article intitulé «Justin Trudeau fait face à son moment Margaret Thatcher sur les oléoducs … et bat en retraite», William Watson, chroniqueur du National Post, a comparé le soin et la cruauté dont a fait preuve Margaret Thatcher pour comploter l’attaque des mineurs de charbon britanniques en 1984-1985 avec la prétendue incapacité d’agir de Trudeau.

Dans son ultimatum du 8 avril, Kinder Morgan a mis l’accent sur les querelles politiques entourant le projet d’oléoduc. Mais il ne fait aucun doute que, comme les médias de la grande entreprise, Ottawa se tourne non seulement vers le gouvernement de la Colombie-Britannique pour lui forcer la main, mais aussi pour garantir que toute campagne de désobéissance civile contre l’oléoduc soit rapidement réprimée.

Fait révélateur, les autorités de la Colombie-Britannique ont décidé la semaine dernière d’augmenter les accusations d’outrage au tribunal contre des manifestants anti-oléoducs accusés de défier une injonction limitant le piquetage sur les lieux de travail de Kinder Morgan en menaçant de poursuites civiles et mêmes criminelles. Ceux qui font face à des poursuites criminelles comprennent Elizabeth May, cheffe du Parti vert fédéral et son seul député, et le député néo-démocrate Kennedy Stewart.

Le cabinet fédéral, comme l’a laissé entendre le ministre des Ressources naturelles Jim Carr lors d’un discours en 2016, a l’intention de déployer l’armée pour réprimer les manifestations contre les oléoducs, mais il juge qu’il vaille mieux politiquement de minimiser cette possibilité.

Le refus catégorique du gouvernement, au nom du secret du Cabinet, d’une demande d’accès à l’information déposée par le National Observer en vue d’obtenir des documents concernant la discussion du gouvernement sur l’opposition à l’oléoduc Trans Mountain en novembre 2016 révèle à quel point il est préoccupé par l’exposition de ses plans pour réprimer une campagne de désobéissance civile.

Le tollé au sein de l’élite dirigeante du Canada suscité par l’oléoduc Trans Mountain est alimenté par des inquiétudes plus générales qui veulent que la position concurrentielle du capitalisme canadien, c’est-à-dire sa rentabilité, soit menacée par les réductions massives d’impôt du président américain Donald Trump pour les grandes entreprises et les riches ainsi que sa déréglementation environnementale. De plus, le Canada, en tant que pays fortement dépendant du commerce extérieur, est particulièrement vulnérable au développement de la guerre commerciale. Les craintes concernant le sort de l’ALENA ont déjà entraîné une forte baisse de l’investissement étranger.

La classe dirigeante exige que le gouvernement Trudeau agisse de façon plus agressive pour faire valoir ses intérêts contre la classe ouvrière au pays et sur la scène mondiale et, le cas échéant, utilise, comme dans le cas de Trans Mountain, des mesures autoritaires pour le faire. La semaine dernière, le Globe and Mail a exhorté Trudeau à suivre l’exemple du président français Emmanuel Macron, qui a dirigé les frappes provocatrices et illégales sur la Syrie et a utilisé les pouvoirs d’urgence pour tenter d’imposer le démantèlement des droits des travailleurs et la privatisation du réseau ferroviaire du pays.

Keith Jones

Article paru en anglais, WSWS, le 19 avril 2018

L’auteur recommande également:

Trudeau se joint à Macron pour célébrer les frappes aériennes contre la Syrie

[21 avril 2018]

L’élite canadienne applaudit l’approbation des oléoducs par les libéraux et exige que Trudeau montre plus de trempe

[8 décembre 2016]

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Avant que le Président français Emmanuel Macron arrive à Washington DC pour une visite d’État de trois jours hier soir, il a accordé un entretien approfondi à Fox News appelant à une guerre à long terme de l’OTAN en Syrie. Alors que les tensions entre l’Europe et l’Amérique continuent à monter sur les menaces de guerre commerciale de Trump et d’assaut contre l’Iran, les principales puissances impérialistes tentent de résoudre leurs différends sur la base d’un programme militariste agressif.

Ces propositions sont un avertissement que les appels de Macron pour un retour à la conscription en France, et des appels similaires en Suède et à travers l’Europe sont directement liés à des plans pour l’escalade de la guerre. Après sept ans de la guerre en Syrie, et face à l’effondrement de la position militaire de leurs forces mandataires, les principales puissances de l’OTAN préparent une escalade agressive au Moyen-Orient qui exigera des forces beaucoup plus grandes et donc le recrutement de ces forces parmi les jeunes.

Le journaliste de Fox News, Chris Wallace, a débuté par une question qui renvoyait obliquement à la crise interne grandissante aux États-Unis. Wallace a demandé si la nomination d’un avocat spécial enquêtant sur Trump affectait la crédibilité internationale de la présidence américaine, et si Macron pensait que Trump allait remplir son mandat.

Macron, qui est entré en fonction l’année dernière en France où l’état d’urgence en vigueur avait suspendu les droits démocratiques fondamentaux. Macron a copié beaucoup des dispositions de l’État d’urgence dans une nouvelle loi antiterroriste les rendant permanents. Il a maladroitement essayé de minimiser l’importance de la guerre entre fractions sans précédent à Washington : « Vous avez votre système. Vous êtes un pays libre avec un État de droit, ce qui est – je veux dire, très bon, j’ai la même chose dans mon pays ».

En dépit de la montée des spéculations et des craintes des élites dirigeantes sur le plan international à propos de la crise à Washington et de la menace à la survie politique du président américain, Macron prétendait que cela ne le concernait pas : « Je ne m’interroge jamais. Je travaille avec lui (Trump) parce que nous sommes tous les deux au service de notre pays. »

Interrogé sur la guerre par procuration de l’OTAN en Syrie, Macron a insisté sur le fait qu’il estimait que c’était vital pour les intérêts français que les États-Unis – et, implicitement, ses alliés européens – exercent un contrôle sur l’ancienne colonie française. « Nous devrons construire la nouvelle Syrie par la suite, et c’est pourquoi je pense que l’emprise américaine est très importante », a-t-il déclaré.

Macron a poursuivi : « Je serai très direct. Le jour où nous finirons cette guerre contre l’État islamique, si nous partons, définitivement et totalement, même d’un point de vue politique, nous laisserons la parole au régime iranien, Bachar al-Assad et ses hommes, et ils prépareront la nouvelle guerre. Ils alimenteront les nouveaux terroristes. Donc, mon point de vue est de dire, même après la fin de la guerre contre l’État islamique, les États-Unis, la France, nos alliés, tous les pays de la région, même la Russie et la Turquie, auront un rôle très important à jouer pour créer cette nouvelle Syrie et assurer que le peuple syrien décide de l’avenir. »

La justification de Macron pour la guerre contre la Syrie était, comme d’habitude, un tissu de mensonges. Ce n’est pas le régime syrien et ses alliés iraniens, mais les milices islamistes « rebelles » et leurs alliés saoudiens et de l’OTAN qui ont mené des attaques terroristes en Syrie et dans toute l’Europe. La prétention qu’une guerre interminable en Syrie servirait à combattre le terrorisme est une fraude politique, soulignée par le fait que déjà en 2012, les responsables américains ont admis qu’ils combattaient en Syrie dans une alliance avec des groupes liés à Al-Qaïda.

La « guerre contre la terreur » est simplement un prétexte commode pour que les grandes puissances impérialistes affirment leurs intérêts financiers et stratégiques dans le cœur de la masse continentale eurasienne riche en pétrole, et pour intensifier les attaques contre les droits démocratiques dans leur pays. En même temps, il permet aux grandes puissances de l’OTAN de se présenter comme unies, malgré les rivalités explosives et croissantes à la fois commerciales et militaires entre elles, qui deux fois au 20ᵉ siècle ont explosé en une guerre mondiale.

Wallace a interrogé Macron sur deux différends importants entre Washington et l’Union européenne (UE), sur les menaces américaines de suspendre le traité nucléaire iranien et d’imposer des tarifs commerciaux sur les exportations de l’UE vers les États-Unis. Les réponses du président français suggéraient une confusion et une panique grandissantes dans les cercles dirigeants à Paris, faisant face à la menace croissante que les politiques américaines provoqueraient un effondrement des relations commerciales et des guerres à grande échelle avec des ennemis nucléaires.

Sur les menaces américaines de guerre commerciale contre l’Europe, Macron prédit calmement que Trump « ne mettra pas en œuvre ces nouveaux tarifs et il décidera d’une exemption pour l’Union européenne. Vous ne faites pas de guerre commerciale avec votre allié […] C’est trop compliqué de faire la guerre contre tout le monde. Vous faites la guerre commerciale contre la Chine, la guerre commerciale contre l’Europe, la guerre en Syrie, allez, cela ne marche pas. Vous avez besoin d’alliés. Nous sommes l’allié. »

Macron a réaffirmé la position des grandes puissances européennes, qui sont toutes hostiles aux menaces de Trump de mettre fin au traité nucléaire iranien de 2015. Il a qualifié ce traité de « une chose parfaite pour notre relation avec l’Iran, non. Mais pour le nucléaire, qu’avez-vous comme une meilleure option ? Je ne le vois pas. Quel est le scénario de simulation, ou votre plan B ? Je n’ai aucun plan B… »

Macron a exprimé des doutes quant à la capacité de la Corée du Nord à négocier avec Washington sur son arsenal nucléaire, et a insisté sur le fait qu’il voulait « travailler avec » le président russe Vladimir Poutine, tout en accusant Moscou de « fausses nouvelles ».

Les remarques de Macron sont un avertissement que le système capitaliste mondial traverse une crise mortelle. Malgré les tensions profondes et croissantes entre l’impérialisme américain et ses homologues européens, tous sont engagés dans une guerre qui s’intensifie. Après un quart de siècle de guerre impérialiste à travers le Moyen-Orient et l’Afrique depuis la première guerre du Golfe contre l’Irak et la dissolution de l’Union soviétique en 1991, Paris comme Washington se préparent à rediviser le monde sur la base de néocolonialisme.

Macron a participé aux frappes de missiles menées par les États-Unis contre la Syrie le 14 avril, risquant de provoquer un affrontement militaire direct avec les forces russes stationnées en Syrie et montrant que le monde est au bord d’un conflit entre les principales puissances nucléaires.

La visite de Macron elle-même indique des conflits croissants entre les puissances de l’OTAN elle-même provoquées par leurs tentatives de rediviser le monde parmi eux. L’invitation de Trump à Macron pour une visite de trois jours, y compris une conférence de presse conjointe aujourd’hui et un discours aux deux chambres du Congrès américain demain, contraste très fortement avec le traitement de la chancelière allemande Angela Merkel. Son invitation pour une visite de travail d’une journée vendredi, après la visite d’État de trois jours accordée à Macron, équivaut à une décision délibérée des États-Unis de snober Berlin.

Peu de temps après que Berlin et Paris aient annoncé leur intention de diriger l’UE dans la formation d’une armée européenne, ce qui a provoqué l’inquiétude des États-Unis et leur exigence pour des assurances que ces plans seraient compatibles avec l’alliance de l’OTAN. En réalité cela représente une tentative des États-Unis de mettre en échec l’axe de Paris-Berlin au même moment où Berlin a manifesté son opposition aux appels de Macron pour une réforme des institutions financières de l’UE. L’enjeu des manœuvres croissantes entre les puissances européennes sur quel puissance de l’UE peut développer les relations les plus étroites avec Washington après le départ du Royaume-Uni de l’UE est la bataille pour prendre l’ascendant au sein de l’UE elle-même.

Malgré leurs différences amères, les élites dirigeantes s’unissent cependant pour insister sur le fait que la classe ouvrière doit payer pour l’édification militaire et les plans de guerre, malgré l’opposition croissante et les luttes de grève dans la classe ouvrière.

Interrogé par Wallace pour savoir s’il pouvait défendre sa politique d’augmentation des impôts sur les retraités afin de financer une réduction d’impôt de plusieurs milliards d’euros pour les riches, Macron la défendit effrontément comme une mesure nécessaire pour empêcher les entreprises de quitter la France. Il a répondu qu’il pensait que la mesure était « juste », ajoutant : « Parce que quand les gens réussissaient avec une entreprise et ainsi de suite, surtout les entrepreneurs, ils devaient quitter le pays s’ils voulaient s’échapper. Donc, nous avons perdu beaucoup d’occasions. »

Interrogé sur les grèves dans l’industrie ferroviaire contre les projets de privatisation des chemins de fer nationaux et de réduction des salaires et des droits sociaux, Macron a déclaré : « Je connais la situation, je sais ce qui est juste et injuste ; et ce qui peut être obtenu et ce qui ne peut pas être obtenu. »

Alex Lantier

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 24 avril 2018

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Le 25 avril 2018: Manon Massé, députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques à l’Assemblée nationale du Québec, a exigé des réponses du PDG d’Hydro-Québec sur le partenariat entre Hydro-Québec et la Israel Electricity Corporation concernant la cybersécurité. Elle l’a fait pendant l’étude des crédits de la Commission de l’Agriculture, pêcheries, énergie et ressources naturelles, le 19 avril dernier.

Le pied à Papineau reprend les 12 minutes en entier où Madame Massé demande au PDG et au ministre de l’Énergie pourquoi ils ont pris une décision politique de faire ce partenariat alors que l’État d’Israël, dont fait partie la IEC, viole impunément des conventions internationales ainsi que des résolutions de l’ONU dans les territoires occupés. Elle rappelle que la IEC électrifie le mur de la honte et prive d’électricité des citoyens palestiniens en guise de punition.

L’extrait est suivi d’un commentaire de Me John Philpot qui fait partie de BDS-Québec, l’organisme qui militent pour le Boycott, le désinvestissement et les sanctions contre Israël. Me Philpot fait remarquer que Hydro-Québec avait l’embarras du choix quant aux sociétés d’électricité ayant les compétences dont elle a besoin, mais que l’entreprise, avec l’appui du ministre de l’Énergie, a choisi Israël.

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Daniele Ganser: « Les Guerres illégales de l’OTAN »

avril 25th, 2018 by Dr. Daniele Ganser

Les Guerres illégales de l’OTAN, le nouveau livre de Daniele GANSER, auteur du très remarquable Les Armées secrètes de l’OTAN  est maintenant traduit de l’allemand en français.


Parue en octobre 2016, l’édition originale de ce livre a été très bien accueillie dans les pays de langue allemande (notamment en Suisse, le pays de l’auteur, bien sûr mais également en Allemagne et en Autriche). Dans sa langue originale, l’ouvrage en est déjà à sa 7e édition, et totalise plus de 50000 exemplaires vendus…

L’auteur a donné de nombreuses conférences dans de grandes villes, devant des salles combles et un public généralement jeune et très enthousiaste. Certaines ont été enregistrées et sont visibles sur le Net, en allemand. L’une d’elles a d’ailleurs été doublée en français. Vous pouvez la voir ici.

Historien et irénologue [chercheur pour la paix], Daniele GANSER est un spécialiste de l’Histoire contemporaine depuis 1945 et un expert en politique internationale. Ses principaux axes d’étude sont la recherche pour l’énergie et la géostratégie, les mises en œuvre de guerres secrètes, les conflits pour les ressources et la politique économique. Il est le fondateur et le directeur du SIPER (Swiss Institute for Peace and Energie Research) à Bâle (www.siper.ch). Son précédent ouvrage en français est Les armées secrètes de l’OTAN. Père de deux enfants, le professeur Ganser vit avec sa famille dans les environs de Bâle (en Suisse).

Daniele Ganser. Crédit photo Tobias Sutter

Quel accueil sera fait en France à son très important travail ?

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fondation de l’Organisation des Nations Unies, prévaut l’interdiction de faire la guerre. Seules 2 exceptions permettent le recours à la force armée. D’une part subsiste le droit à l’autodéfense, et d’autre part l’action guerrière contre un pays est autorisée en cas de mandat préalable et explicite du Conseil de Sécurité de l’ONU. Hormis ces deux cas précis, la guerre est, depuis plus de 70 ans, proscrite par le droit international.

Cependant la réalité est toute autre. De nombreuses guerres dévastent le globe, et la fin des conflits militaires n’est pas en vue. Durant ces 7 dernières décennies, certains pays membres de l’OTAN ont trop souvent mené des guerres illégales, ce qui demeure encore aujourd’hui lourd de préjudices pour les populations des pays visés… mais sans conséquences pour les responsables.

Ce livre décrit, à travers l’exemple de 13 pays, comment des guerres illégales furent menées dans le passé (Iran, Guatemala, Égypte, Cuba, Vietnam, Nicaragua, Serbie), et le sont encore dans le présent (Afghanistan, Irak, Libye, Ukraine, Yémen et Syrie). Il montre comment les fondements de l’organisation pacifique qu’est l’ONU, et en particulier l’interdiction de faire la guerre, furent clairement sapés. Une terrifiante description d’une angoissante actualité, un plaidoyer pour la paix, un réquisitoire contre l’OTAN…

Extraits du livre

De courts extraits ont été mis en ligne et sont déjà disponibles sur la page Facebook qui lui est consacrée, ici.

Voici deux documents en lien avec le chapitre 8: La guerre illégale contre Cuba (1961)

Titre : Les Guerres illégales de l’OTAN

Sous-titre : Une chronique de Cuba jusqu’à la Syrie 
Auteur : Daniele GANSER
Traduit de l’allemand par Laurent BÉNAC et Jonas LISMONT.
N° ISBN : 978-2-917112-39-7
On peut le commander ici: 

[1] Vidéo YouTube: Le côté obscur de Wikipédia

Comment discréditer efficacement et impunément.

Wikipédia a supplanté toutes les encyclopédies, papier ou en ligne. Vous pensez que c’est un site de référence, sûr, fiable, interactif ? Regardez cette enquête fouillée, sur le mode détective, mais documentée comme un travail d’universitaire, et détrompez-vous. […] Il existe au sein de Wikipédia des structures totalitaires voire mafieuses, qui rendent impossible une discussion factuelle et la modification des articles dans certaines parties de l’Encyclopédie en ligne. Certains modérateurs et administrateurs problématiques sévissent en particulier dans les domaines des sciences politiques et sociales. […]

 

Historien et irénologue, Daniele GANSER est un spécialiste de l’Histoire contemporaine depuis 1945 et un expert en politique internationale. Ses principaux axes d’étude sont la recherche pour l’énergie et la géostratégie, les mises en œuvre de guerres secrètes, les conflits pour les ressources et la politique économique. Il est le fondateur et le directeur du SIPER (Swiss Institute for Peace and Energie Research) à Bâle (www.siper.ch). Son précédent ouvrage en français est « Les Armées secrètes de l’OTAN ». Père de deux enfants, le professeur Ganser vit avec sa famille dans les environs de Bâle (en Suisse).

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Entrevue – Grève cheminots, une tragédie française

avril 25th, 2018 by Diana Johnstone

25 avril 2018 : La grèves des cheminots français est, selon la journaliste et auteure Diana Johnstone à Paris, loin d’être un simple conflit ouvrier du secteur public contre le gouvernement français. Il s’agit de la destruction d’un modèle de services publics bâti dans la foulée de la Seconde guerre mondiale et qui a fait l’envie des tous les pays du monde.

On sacrifie les meilleurs service publics en Europe sur l’autel d’une construction européenne qui n’est rien d’autre que la déconstruction nationale des pays membres. Et les conséquences sont vastes, et dévastatrices pour le niveau de vie des français, pour les campagnes, et pour l’accès aux services.

Elle parle de l’excès de capitaux qui ballotent à travers le monde à la recherche d’investissements lucratifs et sans risque. Et on trouve ça dans les services publics où les profits sont privatisés et les pertes sont socialisés. L’entrevue est basée sur son article La tragédie des cheminots : la signification profonde des grèves ferroviaires françaises.

Elle termine son entrevue avec un commentaire sur les « mamours » entre Emmanuel Macron et Donald Trump.

Voir l’article : La tragédie des cheminots : la signification profonde des grèves ferroviaires françaises

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La série actuelle de grèves ferroviaires en France est présentée dans les médias comme une « agitation ouvrière « , un conflit entre le gouvernement et les dirigeants syndicaux, ou comme une nuisance temporaire pour les voyageurs causée par l’intérêt personnel d’une catégorie privilégiée de travailleurs. Dans les médias anglo-américains, on trouve l’habituelle dérision des « mangeurs de fromage, toujours en grève ».

En réalité, la grève des conducteurs de train et autres employés de la SNCF (Société Nationale des Chemins de Fer) est un chapitre profondément significatif d’une tragédie sociale qui est en train de détruire la France telle que nous la connaissons.

Ce qui a fait de la France un pays où il fait bon vivre depuis plus d’un demi-siècle, ce n’est pas seulement la nourriture et les paysages. Par-dessus tout, ce sont les services publics – les meilleurs au monde. Le service postal, l’éducation publique, la couverture santé, les services publics, le service ferroviaire – tout était excellent, exemplaire. Il est vrai que le système téléphonique français a longtemps été loin derrière les autres pays développés avant de rattraper son retard, et il y a toujours eu des plaintes quant à la grossièreté dans les administrations, mais cela peut arriver n’importe où. L’important, c’est que grâce à ses services publics, la France a bien fonctionné, offrant des conditions favorables aux affaires et à la vie quotidienne. Lorsque les gens tiennent les bonnes choses pour acquises trop longtemps, ils commencent à ne pas s’en rendre compte au fur et à mesure qu’on les leur enlève.

Le programme du président Emmanuel Macron pour la destruction de la SNCF est un signal d’alarme. Mais il y a lieu de craindre qu’une grande partie du public ait déjà été plongé dans un sommeil trop profond pour être réveillé.

Il faut une longue histoire pour produire quelque chose d’aussi réussie que les services publics français. Cela remonte à la centralisation de l’État français au XVIIe siècle, associée au ministre des Finances de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert. La SNCF fut créée en 1938 par la fusion des différentes compagnies ferroviaires françaises en un monopole d’Etat dans le cadre des réformes sociales progressistes du Front Populaire. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les services publics ont reçu un élan décisif grâce à l’alliance paradoxale entre les ailes opposées de la Résistance française, les communistes et les gaullistes. Le général Charles de Gaulle, bien qu’anticommuniste, était le genre de conservateur (voir Bismarck) qui comprend que la force et l’unité d’une nation dépendent d’un minimum de justice sociale. Malgré une opposition ouverte sur de nombreuses questions, les gaullistes et les communistes se sont rassemblés dans un Conseil national unifié de la Résistance qui, en mars 1944, a adopté un programme appelant à une économie mixte combinant la libre entreprise avec des nationalisations stratégiques, ainsi que des programmes de sécurité sociale et des droits syndicaux. Ce programme de justice sociale a jeté les bases d’un développement économique extraordinaire, appelé Les Trente Glorieuses – les trente glorieuses années de paix et de prospérité. L’économie mixte française fonctionnait mieux que le communisme bureaucratique ou le capitalisme à but lucratif en termes de liberté, d’égalité et de bien-être humain.

Il est plus difficile de construire quelque chose que de la démolir.

Le putsch néolibéral de Thatcher a signalé la condamnation à mort des trente glorieuses et le début des quarante déshonorantes : la campagne persistante, idéologique et institutionnelle, pour détruire l’État social, des salaires et avantages sociaux réduits, et finalement transférer tout le pouvoir de décision aux mouvements du capital financier. C’est ce qu’on appelle le néolibéralisme ou la mondialisation.

La contre-révolution a frappé la France dans les premières années de la présidence du président socialiste François Mitterrand, amenant son gouvernement à changer de politique et à rompre son alliance du « programme commun  » avec les communistes. Pour cacher son changement antisocial, le Parti socialiste a modifié sa ligne de conduite et opté pour l’ « antiracisme » et « la construction de l’Europe » (c’est-à-dire l’Union européenne), présentée comme le nouvel horizon du « progrès ». Le souci des travailleurs de maintenir le niveau de vie qu’ils avaient atteint au cours des dernières décennies fut qualifié de « réactionnaire », en opposition au nouveau concept de concurrence mondiale sans frontières, qualifié de nouveau « progrès ».

En réalité, la « construction européenne » a signifié la déconstruction systématique de la souveraineté des Etats membres, entraînant la destruction des systèmes de protection sociale renforcés par des sentiments de solidarité nationale pour lesquels il n’y a pas de substitut dans la vague abstraction appelée « Europe ». Petit à petit, l’Europe se voit priver de ses protections sociales et s’ouvre aux caprices de Goldman Sachs, aux rachats et fermetures industrielles, et au Qatar.

Les cheminots français ne se battent pas seulement pour eux-mêmes. Ils constituent les premières lignes de la bataille finale pour sauver la France des ravages de la mondialisation néolibérale.

Emmanuel Macron – protégé de la banque Rothschild, qui l’a aidé à rejoindre les rangs des millionnaires – présente sa « réforme » du chemin de fer comme une mesure d’ »égalité », en privant les cheminots de leur « statut privilégié ».

Des privilèges ? Les conducteurs ont une vie difficile, font de longues heures et passent peu de fins de semaine avec leurs familles. Les vies de millions de passagers dépendent de leur concentration et de leur dévouement. En échange, leur statut « privilégié » comprenait la sécurité de l’emploi et une retraite relativement précoce (privilèges que les riches peuvent s’offrir, et qui sont la norme dans les carrières militaires).

Les cheminots en grève protestent contre le fait qu’ils ne veulent pas être « privilégiés » mais souhaitent plutôt que ces « privilèges » soient étendus à d’autres. En tout état de cause, l’enjeu est beaucoup plus important que les salaires et les heures de travail.

Les services publics en France étaient plus que des biens de consommation. Pour des millions de gens, c’était une éthique, un mode de vie. Dans de nombreux pays, les services publics sont totalement sapés par la corruption et la négligence. Cela ne se produit pas lorsque les gens croient en ce qu’ils font. Une telle croyance n’est pas automatique : elle est historiquement acquise. Les cheminots français sont comme une famille élargie, unis par la croyance d’accomplir un devoir social essentiel. En fait, beaucoup font littéralement partie d’une « famille », car le métier de cheminot est souvent transmis de père en fils, avec fierté.

Cette dévotion au devoir social est plus qu’une attitude personnelle : c’est une valeur spirituelle qu’une nation devrait chérir et préserver. Au lieu de cela, elle est sacrifiée aux exigences du capital financier.

Comment ? Il y a maintenant un excès de capitaux qui s’éparpillent dans le monde entier à la recherche d’endroits rentables pour investir. C’est cela le « néolibéralisme ». Les entreprises ordinaires peuvent faire faillite ou, à tout le moins, ne pas réaliser de bénéfices pour les actionnaires. C’est pourquoi le secteur public doit être privatisé. L’avantage d’investir dans les services publics, c’est que s’ils ne gagnent pas d’argent, le gouvernement interviendra et les subventionnera – aux frais des contribuables !

C’est l’attrait de l’industrie de l’armement. Qui peut également s’appliquer à l’éducation, aux soins de santé, aux transports et aux communications. Mais le prétexte officiel est que ces services doivent être privatisés parce que cela les rendra « plus efficaces ».

C’est le grand mensonge.

Ce mensonge a déjà été exposé au Royaume-Uni, où la privatisation des chemins de fer a entraîné non seulement une détérioration du service, mais aussi des accidents mortels, d’autant plus qu’il n’y a pas de profit immédiat dans l’entretien des chemins de fer.

La fierté du travail bien fait était un facteur très sous-estimé de la montée du socialisme. Les artisans qui furent obligés par la montée du capitalisme d’abandonner leurs activités indépendantes pour devenir esclaves de l’industrie étaient souvent à l’avant-garde du mouvement socialiste au XIXe siècle. Cette fierté est un élément beaucoup plus stable de la cohésion sociale que les appels anarchistes, de plus en plus enfantins, à « détruire le système » – sans aucune alternative en vue.

Macron n’est qu’un pion. Ce n’est pas Macron qui a décidé de détruire le système ferroviaire français. Cela a été décidé et décrété par l’Union européenne, et Macron ne fait qu’exécuter les ordres. Il s’agit d’ouvrir le système ferroviaire à la libre concurrence internationale. Bientôt, des trains allemands, italiens, espagnols pourront partager les rails avec des trains français – ces mêmes rails dont l’entretien sera confié à une autre entreprise, y compris pour le profit. Le stress des cheminots sera accru par leur insécurité. Pour obtenir la marge bénéficiaire, les passagers devront inévitablement payer plus cher. Quant aux habitants des petites communautés rurales, ils perdront tout simplement leur service ferroviaire, parce qu’il ne sera pas rentable.

Exploité en tant que service public, le chemin de fer national a utilisé les bénéfices des lignes à fort trafic pour financer celles des zones rurales moins densément peuplées, offrant ainsi les mêmes avantages aux populations, où qu’elles vivent. Ce ne sera bientôt plus le cas. La destruction des services publics accélère la désertification des campagnes et la croissance des mégalopoles. Les hôpitaux dans les zones rurales sont fermés, les bureaux de poste fermés. Les charmants villages de France, auxquels s’accrocheront les derniers habitants âgés, vont s’éteindre.

C’est ça le programme de « modernisation » qui est en cours.

Dans la multitude de malentendus au sujet de de la France, on oublie le pouvoir hallucinatoire de termes tels que « moderne » et « progrès ». Les champions de la privatisation tentent d’hypnotiser le public avec ces mots magiques, tout en réduisant sournoisement les services afin de préparer le public à accepter les changements prévus comme des améliorations possibles.

Deux choses doivent être mentionnées pour compléter ce triste tableau. La première est que dans la foulée de sa privatisation, France Télécom a connu une vague de suicides d’employés – 39 en deux ans – certainement en partie à cause du stress et de la démoralisation, alors que des méthodes ont été introduites pour réduire la qualité du service et augmenter les profits. Quand la fierté dans le travail est détruite, le chemin est court vers l’indifférence, la négligence et même la corruption.

Un autre point à rappeler est la campagne de propagande menée il y a une vingtaine d’années pour dénigrer la SNCF pour son rôle dans la « déportation d’enfants juifs » vers les camps de concentration nazis. Accusation injustifiable puisque l’occupant Nazi avait réquisitionné les chemins de fer qui n’avaient pas leur mot à dire. De plus, les employés des chemins de fer (dont beaucoup de communistes) ont joué un rôle important dans la Résistance en sabotant les trains militaires – jusqu’à ce que l’armée de l’air des États-Unis pilonne la plupart des grandes gares françaises (ainsi que les alentours) pour se préparer à l’invasion de la Normandie. Cette calomnie contre la SNCF fut naturellement utilisée par les concurrents américains pour exclure les trains à grande vitesse français du marché américain.

Tandis que Macron augmente les impôts pour construire son complexe militaro-industriel, les seuls employés publics qui resteront bientôt pour bénéficier d’avantages sociaux et de retraite anticipée seront les militaires – dont la tâche ne sera pas de servir la France mais d’agir comme auxiliaire dans les guerres des États-Unis.

Jusqu’à ce que les soldats soient remplacés par des robots.

Diana Johnstone

Article original en anglais :

The Tragedy of the Cheminots: The Deep Meaning of the French Railroad Strikes, publié le 21 avril 2018

Traduction par VD pour le Grand Soir .

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Ce papier est dédié à Habib Tanious Chartouni, l’homme qui a mis en échec le projet de la «Pax américano israélienne» au Liban, le parfait contre exemple des supplétifs libanais et arabes.
Membre du Parti Social National Syrien (PSNS), Habib Chartouni avait dynamité le quartier général du parti phalangiste libanais à Achrafieh (Beyrouth-Est), tuant sur le champ Bachir Gemayel et 25 de ses compagnons, le 14 septembre 1982, à la veille de l’entrée en fonction président élu du Liban.
L’élimination de Bachir Gemayel, élu à l’ombre des blindés israéliens dans Beyrouth assiègée par l’armée israélienne, a déboucbé deux jours plus tard sur le massacre des camps palestiniens de Sabra-Chatila, banlieue sud est de la capitale libanaise. Habib Chartouni a été condamné à mort par contumace et vit depuis lors dans la clandestinité. Sa famille, dn revanche, a été decimée en représailles par une série d’assassinats extrajudiciaires.

Ce papier est publié à l’occasion du 35 me anniversaire de la conclusion du traité de paix israélo-libanais. Un récit de la face cachée de ce jour d’infamie. L’intégralité de ce récit est parue en version arabe dans le Journal Al Akhbar sous le plume de l’universitaire libano-américain Assad Abou Khalil «Quand le Liban affichait ouvertement son amitié avec Israël». Cf document annexe.

1 – Israël, comme substitut à la France en tant que protectrice des chrétiens du Liban ?

La relation est ancienne, antérieure même à la création d’Israël, vivement souhaitée par les tenants de la spécificité libanaise, qui se révélera à l’usage une spéciosité, au point que le plus en vue des tenants de cette idéologie, Michel Chiha, proposera à ses interlocuteurs de l’agence juive qu’«Israël se substitue à la France en tant que protectrice des Chrétiens du Liban».

A l’usage, le confessionnalisme, la répartition des pouvoirs entre Chrétiens et Musulmans selon des critères communautaires, s’est révélé un poison qui aura gangrené la vie politique libanaise depuis l’indépendance du pays; un cadeau empoisonné légué par la France à ses enfants chéris. Et, le Pacte national, son complément programmatique, tant célébré comme un chef d’œuvre de convivialité, un marché de dupes.

Trois ans après l’indépendance du Liban et la conclusion du pacte national inter-libanais, l’Église maronite signait un pacte avec l’agence juive, en 1947 (1), soit un an avant la proclamation unilatérale de l’indépendance de l’État Hébreu; une manière de prendre gage pour l’avenir en ce que l’alliance clandestine avec l’agence juive se voulait un antidote à l’alliance avec les musulmans libanais.

Sur ce lien pour aller plus loin sur ce sujet, notamment le texte du Pacte secret entre l’Agence juive et l’Église maronite et la visite du Patriarche Béchara Béchara Ar Rai en Israël, une forme déguisée de la normalisation par la théologie.

Deux ans plus tard, en 1949, Michel Chiha, conseiller occulte et beau frère du premier Président de la République Libanaise post indépendance, Béchara El Khoury, prenait langue avec les représentants mouvement sioniste à Paris pour les assurer des intentions bienveillantes du pouvoir libanais à l’égard de ceux que le Monde arabe désignaient d’«usurpateurs de la Palestine». «Ni antisémite, ni antisioniste», jura ce banquier

Le fondateur du quotidien francophone«le jour» chargé de populariser ses vues, qui joua un un rôle déterminant dans la proclamation de l’État du Grand Liban, sous le mandat français (1920-1943) fera à ses interlocuteurs juifs cette ahurissante proposition: que le nouvel État prenne «la relève de la France dans son rôle de protecteurs des chrétiens d’orient».

Ah cette pulsion morbide de se placer continuellement sous la coupe de l’étranger (2).

En 1956, le deuxième coup de Jarnac proviendra de Camille Chamoun, 2me Président de la République libanaise.

L’homme qui commença sa carrière par une éblouissante profession de foi pro-palestinienne que ne renierait pas le plus farouche nationaliste arabe, dans sa première intervention devant l’Assemblée générale des Nations-Unies, en sa qualité de délégué du Liban, en 1948, finira sa carrière en tant que chef du camp pro-américain au Moyen-Orient.

Succédant dans cette fonction à l’irakien Noury Said, lynché par la foule à Bagdad à la chute de la monarchie hachémite, en juillet 1958, Camille Chamoun présidera un pays qui aura connu sous son magistère la première guerre civile interconfessionnelle libanaise (1958), et sous son autorité au ministère de l’intérieur en 1975-1976, le lancement de la 2e guerre civile libanaise.
Circonstance aggravante, le plus en vue des dignitaires maçonniques libanais sera le seul dirigeant arabe à refuser de rompre ses relations diplomatiques avec la Grande Bretagne et la France, en 1956, en signe de solidarité avec l’Égypte nassérienne dans la foulée de l’agression tripartite israélo-anglo-française de Suez.

Cet alignement inconditionnel sur la stratégie atlantiste de même que la cécité politique des milices chrétiennes libanaises dans leur alliance contre nature avec Israël, quinze ans plus tard, lors de la guerre inter factionnelle libanaise (1975-1990) ont semé la suspicion sur le patriotisme des maronites vis à vis du Monde arabe, entraînant un déclassement de leurs prérogatives constitutionnelles dans la règlement du conflit libanais.

2- La stratégie de la tension préludant à l’invasion israélienne du Liban.

Une stratégie orchestrée par les Israéliens en coordination avec Johnny Abdo

L’invasion israélienne du Liban avait été préparée un an plus tôt , en 1981, par le tandem Menahim Begin-Ariel Sharon, avec l’annexion du plateau du Golan syrien et de la proclamation de Jérusalem «capitale indivisible et éternelle d’Israël» à la faveur des troubles ouvriers de Gdansk (Pologne), animés par Lech Valewsa, chef du mouvement Solidarnosc.

Beyrouth Ouest faisait alors l’objet d’une guerre psychologique de la part du camp pro saoudien contre la coalition palestino progressiste. Le leadership chiite traditionnel, -le mouvement Amal dans sa première mouture sous la direction de Cheikh Mohammad Mehdi Chamseddine et Abdel Amir Qabalan- menait une campagne incitative contre l’OLP qu’il qualifiait d «’organisation de Libération visant à consolider l’implantation palestinienne au Liban», alors que les «fiers à bras» de Saida, ville sunnite du sud-Liban, notamment les membres du groupe Abou Arida agissant sur les instructions conjointes des services israéliens et de leur interface libanais le capitaine Johnny Abdo, responsable du renseignement au sein de l’armée libanaise, orchestraient une stratégie de la tension par la multiplication d’accrochages et d’incendies de biens immobiliers en prévision de l’invasion.

Bachir Gemayel, commandant en chef des «Forces Libanaises (milices chrétiennes) qui avait été avisé des préparatifs d’invasion, misait sur cette opération pour accéder à la magistrature suprême.

Dans cette perspective, «La voix du Liban», l’organe du parti phalangiste, a été placée sous la supervision d’experts israéliens. Elias Sarkis, le président de l’époque, cédait progressivement au chef militaire phalangiste les attributs du pouvoir subsistant entre ses mains et cela dès septembre 1980, soit un an pile avant la date de la nouvelle élection présidentielle.

Walid Joumblatt, chef nominal de la coalition palestino progressiste et chef druze du parti socialiste progressiste, se préparait à la phase en gestation en menant des négociations secrètes avec ses adversaires, les milices chrétiennes.

CHARLES RIZK, ancien haut fonctionnaire chéhabiste, avait, lui affermé la télévision nationale dont il était le PDG, à la propagande de Bachir Gémayel. Nommé ministre de la justice par le Président Emile Lahoud, Charles Rizk, fils d’un ancien fonctionnaire de l’ambassade de France au Liban Antoine Rozeik, récidivera un quart de siècle plus tard en, 2006, en entérinant, hors des normes constitutionnelles, la création du tribunal Spécial sur le Liban chargé de juger les assassins de l’ancien premier ministre Rafic Hariri. Une démarche accomplie, semble-t-il, en contrepartie d’une vague promesse du parrainage de sa candidature à la magistrature suprême par le groupe Hariri. Un comportement révélateur de l’opportunisme du personnage et de sa propension à la soumission aux diktat de l’étranger.

3 – La déconfiture des figures de l’opposition nationale: Walid Joumblatt (PSP), Georges Hawi (PCL) et Mohsen Ibrahim (OACL)

L’invasion israélienne du Liban, en juin 1982, et la perte du sanctuaire palestinien de Beyrouth, ont provoqué un vide politique dans les zones précédemment sous contrôle de l’OLP.

A – Le mouvement chiite Amal était divisé entre partisans de la poursuite de la guérilla anti israélienne, principalement les dirigeants de Beyrouth, et une passivité face aux israéliens, figurant majoritairement dans le groupe des dirigeants du sud Liban, zone à forte majorité chiite.

B- WALID JOUMBLATT (Parti Socialiste Progressiste): L’arrivée des Phalangistes au Pouvoir a conduit le chef druze à décréter la dissolution du «Mouvement National Libanais» et la rupture de son alliance avec la Résistance palestinienne. Cette grave décision a laissé sans défense les militants de l’ancienne coalition des forces progressistes libanais, devenus la cible des représailles tant des Israéliens que des Phalangistes, notamment au sein de l’armée libanaise.

C- GEORGES HAWI (Parti Communiste Libanais) a, lui, lancé «un appel au désarmement des Palestiniens afin d’ôter tout prétexte aux Israéliens». Un comportement frileux qui constitue une insulte aux combattants communistes tués au combat contre l’occupation israélienne au sud-Liban. Prenant ses distances avec ses anciens alliés, Georges Hawi sera assassiné, en 2005, lors de la tentative de déstabilisation du Liban qui a suivi l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hairi.

D- MOHSEN IBRAHIM (SG de l’Organisation de l’Action Communiste au Liban) plaidera, lui, un délai de grâce en faveur du président Amine Gémayel afin de le juger sur ses actes. L’ancienne cheville ouvrière de la coalition palestino progressiste reniera par la suite son combat en faveur de la question palestinienne, qui fit sa gloire et sa renommée. Abandonné par les siens, il vit désormais replié dans la région montagneuse du Chouf sous la protection renforcée de Walid Joumblatt, le chef féodal de cette zone druze.

4 – Manifestations de joie au dégagement des Palestiniens du Liban

A l’invasion israélienne du Liban, des manifestations de joie ont été organisées dans la Békaa et dans le Mont Liban (le secteur Chouf-Aley) en vue d’exprimer la gratitude des Libanais au dégagement des Palestiniens du Liban.

Hamid Dakroub (député du groupe chiite du chef féodal Kamel Al-Assad, président dela chambre des députés), Farid Hamadé (druze), Joseph Toutounji, beau frère de Bachir Gemayel, Cheikh Ghassane Al Lakiss, Mufti du district de Jbeil, Tony Moufarrège, Khalil Osta, Gaith Khoury, iront jusqu’à prononcer des discours de bienvenue aux envahisseurs.

Mohammad Mehdi Chamseddine critiquera la tournée d’inspection des troupes effectuée par les dirigeants palestiniens dans la Beka’a et le Nord Liban (cf. An-Nahar 11 septembre 1982), et, plutôt que de prôner la résistance à l’occupant, le dignitaire chiite se bornera à plaider la «résistance civile» qui sera matérialisée par des concerts de protestation au moyens d’ustensiles de cuisines (casseroles, plateau, cafetière). Une démarche identique à celle que préconisera quinze ans plus tard le premier ministre sunnite Fouad Siniora pour la libération du reliquat du territoire sous occupation israélienne: Les hameaux de Cheba’a et les villages de Kfarchouba et du Ghajar.

Le délire avait atteint un degré tel au sein de la classe politique libanaise que Camille Chamoun proposera un plan de règlement du Moyen-Orient préconisant un état groupant 2/3 d’Israéliens et un tiers de Palestiniens afin de préserver la prépondérance juive en Palestine ( Cf à ce propos le journal Al- Ahrar 1 er Août 1982).

5 – L’Arabie saoudite et les sunnites libanais: Saeb Salam, Alia El Solh et Farouk Al-Moqqadem.

L’Arabie saoudite, via le dirigeant sunnite de Beyrouth, faisait campagne en faveur de Bachir Gemayel, au sein de la communauté musulmane de Beyrouth.

Abou Iyad, responsable de la sécurité de l’OLP, accusera l’ancien premier ministre Saeb Salam, et dirigeant sunnite de Beyrouth, de chercher à tirer profit de l’occupation israélienne de Beyrouth pour améliorer ses positions électorales.

Alia El Solh, fille de l’ancien premier ministre sunnite de l’époque de l’Indépendance Riad el Solh, affichera publiquement son soutien au clan Gemayel, pourtant complice de l’invasion israélienne du Liban. «L’espoir que j’ai placé dans le président martyr Bachir Gemayel, je le reporte sur son successeur et frère Amine Gemayel», déclarera-t-elle le jour de la signature du traité de paix israélo-libanais (Cf. journal Al Amal 17 Mai 1983).

Lui emboîtant le pas, Farouk al Moqqadem, chef de la milice «24 octobre» a rompu l’unanimité qui régnait à Tripoli, dans le Nord du Liban, contre la personne de Bachir Gemayel et sa politique. Sans la moindre justification, il ira se recueillir sur la tombe du président assassiné et proclamera son soutien à son successeur Amine Gemayel.

La mutation politique de Farouk al Moqqadem a constitué l’une des plus grandes surprises de cette guerre à Tripoli, une ville au nationalisme chatouilleux, qui représentait l’aile radicale du combat pro-palestinien. Cible d’un attentat, le transfuge a déserté sa ville pour trouver refuge à Achrafieh, le secteur chrétien de Beyrouth et fief des milices chrétiennes.

En dépit du jeu de Saeb Salam et de Mme Alia El Solh, les zones à majorité sunnite de la capitale libanaise sont demeurées réticentes à la candidature de Bachir Gemayel, échaudées par le racisme anti palestinien et anti musulman manifesté par le phalangiste durant la 1 ère phase de la guerre.

Ainsi, le palestinien Farouk Chehabbedine qui s’était rendu à la tête d’une délégation palestinienne à Bickfaya, fief du clan Gemayel dans le Metn, pour présenter ses condoléances à la suite de l’assassinat de Bachir Gemayel, sera enlevé à son retour à son domicile à Beyrouth et liquidé.

6 – Des manifestations aux cris «Les Palestiniens ennemis de Dieu»

Le vif antagonisme entre chiites et palestiniens débouchera sur la guerre des camps, en 1984-1985. A Tyr, à forte majorité chiite, les manifestations anti palestiniennes étaient ponctuées de mots d’ordre «La Illah Illa lah wal falasitini Adou Allah» -Il n’y a de Dieu que Dieu et le Palestinien est l’ennemi de Dieu». (cf le journal An-Nahar 29 mai 1985).

Bachir Gemayel avait exposé la politique qu’il entendait suivre, sous la tutelle de ses parrains israéliens, dans un article en deux volets parus les 9 et 10 Août 1982 dans l’hebdomadaire «An Nahar Al Arabi Wal Douali», appartenant au clan Tuéni.

Le poète Talal Haydar (chiite de Baalbeck) critiquera à la marge le plan Gemayel reprochant au président élu l’usage du terme «Nous les Chrétiens», lui proposant de le remplacer par l’expression «Nous les Libanais», suggérant que les «Forces Libanaises», la coalition des milices chrétiennes, comptaient dans leurs rangs des combattants chiites.

Le poète chiite a tenu ses propos conciliants alors que Bachir Gemayel renforçait le blocus de Beyrouth Ouest, privant le réduit palestinien du moindre ravitaillement et que les Israéliens intensifiaient leur raids aériens contre ce secteur qui fut durant la guerre le fief de la coalition palestino-progressiste, infligeant de considérables destructions aux infrastructures et au parc immobilier beyrouthin.

Kamel Al Assad, Président de la Chambre des Députés, qui soutiendra à la fin de sa vie s’être opposé au traité israélo-libanais, avait bel et bien signé le document et envoyé à la Présidence de la République pour ratification (Cf. An-Nahar 23 juin 1983).

Cheikh Abdel Amir Qabalan, dignitaire religieux chiite, s’est distingué par son ferme soutien à Amine Gemayel, alors que son collègue sunnite, le Mufti de la République, Cheikh Hassan Khaled, protestera contre les atteintes à l’encontre des civils commises par l’armée libanaise à Beyrouth-Ouest.

«J’ai aimé les Palestiniens quand ils étaient des révolutionnaires luttant pour leurs droits. Je suis devenu leur adversaire lorsqu’ils érigeront leur propre état à l’intérieur de l’État libanais», déclarera Qabalan en guise de justification à son soutien au président phalangiste ( CF. Revue As-Sayyad 12 Août 1983).

Quant au Mufti druze, il n’a pas, lui non plus, hésité à soutenir les exigences de l’occupant israélien. Dans un discours prononcé à l’occasion de la Fête du Fitr, le 11 Juillet 1983, il a rendu hommage aux efforts déployés par Amine Gemayel à l’occasion des pourparlers israélo-libanais: «Nous avons le droit de vivre en paix et en toute liberté. Il est du droit de nos voisins de faire en sorte que notre territoire ne serve pas de plate-forme à des opérations hostiles à eux. Nous veillerons à préserver leurs droits» (CF Journal As-Safir 4 Juillet 1983).

En écho deux mois plus tard, le chiite Qabalan emboîtera le pas au druze en se déclarant hostile à la résistance anti-israélienne: «L’option militaire en cette étape n’est utile à personne. Nul n’en tire profit. Nous devons préserver le territoire national et éviter toute action militaire. Nous devons cessez toute action pour nous préserver les uns et les autres» (17 septembre 1983).

En compagnie de Cheikh Mohammad Mehdi Chamseddine, Cheikh Qabalan rendra visite à la hiérarchie phalangiste, Pierre Gemayel, fondateur du parti et père du président Amine Gemayel, et à Fadi Frem, chef militaire des Forces Libanaises dénonçant les «mains communistes»: «Les communistes tentent d’entraver le processus de pacification», a-t-il accusé dans le quotidien phalangiste Amal en date du 15 janvier 1983.

Cheikh Qabalan rejettera d’ailleurs toutes les critiques émanant des pays arabes concernant les négociations israélo-libanaises, réclamant que «les arabes se taisent». (Cf. An Nahar 28 décembre 1983).

6 -L’émergence de Rafic Hariri.

Le nom de Rafic Hariri est apparu d’une manière incidente dans les négociations israélo-libanaises, en sa qualité d’«assistant de l’Envoyé spécial saoudien le Prince Bandar Ben Sultan», à l’époque ambassadeur du Royaume à Washington.

Auparavant le milliardaire libano-saoudien s’était distingué, en pleine siège de Beyrouth par l’armée israélienne, par des travaux d’excavation dans le périmètre bordant l’entrée de la capitale libanaise dans une opération sous couverture humanitaire, mais qui a pu apparaître comme destinée à baliser le terrain à l’avancée des soldats israéliens.

Le rôle saoudien était complémentaire du rôle américain et visait à faciliter la conclusion du traité et son acceptation sur le plan arabe.

Invoquant l’accord du gouvernement libanais, l’administration américaine œuvrait pour une intégration des troupes de l’officier félon Saad Haddad au sein de la nouvelle armée nationale. Saad Haddad, qui avait rang de commandant, avait fait dissidence au début de la guerre civile, en 1975, avait constitué une troupe -(L’armée du sud Liban)- qui faisait office de garde frontières d’Israël dans la zone frontalière israélo-libanaise. Sa fille diplômée du Techno de Haifa a depuis lors opté pour la nationalité israélienne, rompant définitivement avec son pays d’origine.

La décision d’intégrer les soldats dissidents de l’officier félon a été prise en dépit des crimes de guerre commis par l’Armée du Sud Liban dans des divers endroits du Liban. Leur présence au sein de la nouvelle armée nationale répondait au souci des Américains et des Israéliens de disposer d’un «cheval de Troie» au sein des forces gouvernementales.

7- L’équipe des négociateurs:

Antoine Fattal un universitaire présomptueux; Amine Maalouf: Lauréat à Paris, controversé à Beyrouth.

L’équipe des négociateurs libanais était constituée des personnalités suivantes:
-Antoine Fattal, négociateur en titre.
-Amine Maalouf et Daoud Sayegh, portes-paroles
-Ghassane Tueni, propriétaire du groupe de presse An-Nahar, coordinateur général du coté libanais des négociations.

A – Amine Maalouf:

Amione Maalouf est le fils de Rouchdi Maalouf, directeur du Journal «Al Jarida», la version arabe du journal «l’Orient», propriété de Georges Naccache, par ailleurs membre dirigeant du parti «L’Appel national». Connu pour sa proximité avec Noury Said, l’ancien premier ministre pro britannique de la Monarchie irakienne, pendu en 1958, Rouchdi Maalouf était réputé pour sa politique pro occidentale et anti communiste, selon les indications contenues dans les mémoires de l’ancien directeur générale de la Sûreté générale Farid Chéhab (Page 19) entreposée à Saint Anthony College (Université d’Oxford) au Royaume Uni.
Amine, prendra le contre pied de son père dans sa jeunesse: Sympathisant de la gauche libanaise du temps où il était journaliste au quotidien arabophone An Nahar, l’écrivain franco-libanais basculera dans le camp des milices chrétiennes à l’élection de Bachir Gemayel à la Présidence de la République, en 1982, où il s’était vu proposé un rôle de conseiller du chef milicien au sein d’une task force constituée autour de Michel Abou Jaoudé, à l’époque éditorialiste du journal An Nahar.

Ce membre de l’Académie Française depuis 2011 suscitera les réserves des forces progressistes libanaises lors de son ralliement au clan phalangiste, matérialisée par sa présence aux négociations israélo-libanaises.

Pour atténuer les critiques, ses sympathisants avaient expliqué qu’Amine Maalouf avait été «convoqué» par le président phalangiste, alors que l’écrivain s’est porté volontaire pour servir l’éphémère président du Liban. Il suscitera une nouvelle polémique, 23 ans plus tard, à la suite de son interview à la chaîne israélienne I24, le 2 juin 2016.

Le quotidien libanais Al-Akhbar a lancé la controverse avec un éditorial qu’il n’a pas hésité à titrer «Léon L’Israélien», parodiant le titre du roman de Maalouf, « Léon l’Africain ». « N’a-t-il pas été gêné par cette reconnaissance symbolique d’Israël ? », interroge l’éditorial virulent. L’auteur, « né au Liban, qui a grandi en Égypte et qui a été formé en France, est-il désormais si éloigné de son pays, de son peuple et de ses ancêtres, qu’il ne partage pas leurs sentiments et ni la même idée de ce qui est bon pour leur pays ? », questionne encore l’article qui a mis le feu aux poudres.

Le quotidien As-Safir a exécuté, lui, sa cible d’un titre laconique mais cruel: «La trahison d’un intellectuel».

B – Antoine Fattal:

Professeur de Droit International à l’Université Saint Joseph de Beyrouth (USJ), université pontificale placée sous l’autorité des Pères Jésuites, Antoine Fattal a été le professeur rébarbatif d’Amine Gemayel en DEA de Droit International Public (section Droit maritime), dont le signataire de ce texte en fut le condisciple.
Une désignation faite en accord avec les Américains et les Israéliens, dont les orientalistes étaient friands des écrits islamophobes de l’universitaire chrétien syriaque libanais.

Nul ne s’était auparavant penché sur les écrits d’Antoine Fattal, alors qu’il est l’auteur d’un ouvrage nauséeux sur les musulmans, au titre éloquent: «le statut des non musulmans dans les pays musulmans», paru en langue française en 1958, à l’époque de la 1 re guerre civile libanaise. Ce livre sert de référence aux courants xénophobes et islamophobes de l’extrême droite occidentale.

Présomptueux, Antoine Fattal donnera à ses interlocuteurs israéliens l’assurance que les critiques de la presse libanaise serons sans conséquence sur le cours de ces négociations. L’Histoire lui donnera tort.

C – La presse libanaise, au diapason.

La majorité des éditorialistes de la presse libanaise vantera les mérites du traité.

Ainsi Marwane Iskandar, chroniqueur économique du quotidien «An- Nahar» se félicitera que les Libanais aient «arraché un accord qui préserve les intérêts libanais» (An Nahar 12 Août 1983), alors qu’Elias Ad Dairy, du même quotidien, se réjouira du fait que les «députés libanais, dans leur grande majorité, aient assumé leurs responsabilités historiques, en ratifiant un accord qui préconise le retrait de toutes les forces étrangères du Liban». Cf. An Nahar Al Arabie Wal Douali 30 juin 1983). Entendez par là, l’armée israélienne certes, mais aussi les Palestiniens et les Syriens…. A la notable exception des mercenaires de l’extrême droite européenne venus soutenir ses amis miliciens chrétiens.

Joseph Samaha a figuré dans l’équipe chargée de la communication gouvernementale libanaise affectée à la couverture des pourparlers israélo-libanais. Mais les articles de ce sympathisant de la cause palestinienne et futur fondateur du quotidien progressiste «Al Akhbar» étaient dans leur totalité, critiques quant au choix d’Amine Gemayel d’engager ces négociations et sceptiques quant au prétendu soutien américain aux négociateurs libanais.

Joseph Samaha expliquera sa position dans un article en date du 25 décembre 1983 par son souci de «ne pas affaiblir davantage la position du gouvernement libanais», ce qui, a contrario, suggérait qu’il n’était pas opposé au principe des pourparlers.

Talal Salmane, Directeur du quotidien «As-Safir» fera preuve d’un grand courage dans la critique des choix du gouvernement libanais, faisant part de son opposition de principe à la tenue des pourparlers avec les Israéliens.

8 -Le vote de la chambre des députés en faveur du traité: Gloire à Najah Wakim et Zaher Al Khatib

Le traité de paix israélo-libanais a été adopté par la chambre des députes à une confortable majorité. Deux députés de tendance nassérienne, Najah Wakim (grec-orthodoxe) député de Beyrouth et Zaher Al Khatib, sunnite du Chouf, et ancien colistier de Walid Joumblatt, ont voté contre le traité.

Trois députés se sont abstenus: Rachid Al Solh (sunnite-Beyrouth), Albert Mansour (grec-catholique- Baalbeck) et Hussein al Husseini (chiite Baalbeck).
Un député Abdel Majid Al Rifai, tendance Baas irakien, a émis des réserves.

Walid Joumblatt

Opportuniste à tout crin, Il ne manifestera son hostilité au traité de paix israélo-libanaise que lorsque l’opposition à Israël s’est cristallisée, à l’instigation de la Syrie.

Au terme d’un entretien avec le Roi Hussein de Jordanie, le chef druze du parti socialiste s’était déclaré «en faveur des négociations israélo-américano-libanaise sous réserve qu’elles aboutissent au retrait total d’Israël du Liban» (An Nahar 14 avril 1983).

Dans ce contexte, son discours d’intronisation de son héritier Teymour Joumblatt, le 20 mars 2017, relève de l’esbrouffe: Walid Joumblatt a placé symboliquement sur les épaules de son héritier un keffieh à damier noir et blanc, comme celui que portait fréquemment Kamal. «Ô Teymour, préserve l’héritage de ton grand-père, le grand Kamal Joumblatt, et porte haut le keffieh de la Palestine arabe occupée, le keffieh du Liban progressiste, des hommes libres et des révolutionnaires, de ceux qui résistent à Israël»

Walid Joumblatt, un être versatile, opportuniste. Son discours? Du pipeau.
Pour aller plus loin sur ce thème http://www.renenaba.com/liban-walid-joumblatt-requiem-pour-un-saltimbanque/

Ghassane Tuéni, coordinateur général des négociations du côté libanais, a spécifié que l’objectif des négociations était d’établir «une zone de sécurité internationale à la frontière israélo-libanaise, reconnue internationalement» (An-Nahar 14 janvier 1983). Moins d’un mois après cette déclaration, le Traité de Paix israélo-libanais du 17 mai 1983 était aboli sous la pression populaire.

L’arrivée de Rafic Hariri au pouvoir le 19 octobre 1992 devait marquer la reprise du rapprochement entre le Liban et Israël avec l’arrangement tacite conclu entre le milliardaire libano-saoudien et le premier ministre travailliste Shimon Perès à propos de «l’autoroute de la paix» devant relier Tel-Aviv Beyrouth, au delà l’hinterland arabe, via Damas.

Indice de sa volonté d’opérer un rapprochement en douceur avec Israël, Rafic Hariri lancera, dans l’ordre subliminal, un signal en direction de Tel Aviv, désignant comme son «conseiller spécial» M. Daoud Sayyeh, l’un des précédents porte-parole de la délégation libanaise aux négociations de paix israélo-libanaises.

Mais cette tentative lui sera fatale comme à son prédécesseur Bachir Gemayel. Rafic Hariri a été assassiné le 15 Février 2005, et son rival chiite, le Hezbollah, prenant la relève du clergé défaillant collaborationniste, infligeait une contre performance militaire à Israël, l’année suivante, en juillet 2006.

Épilogue:

Le Liban une fonction traumatique à l’égard d’Israël, un curseur diplomatique pour le Monde arabe.

Depuis la conclusion d’un pacte de partenariat stratégique entre Ronald Reagan et les néo conservateurs israéliens le tandem Menahem Begin et Ariel Sharon, dans la décennie 1980, le bloc atlantiste s’est appliqué à engager une stratégie visant à la sécurisation d’Israël et au confinement de l’Iran. En connivence avec les «pays modérés arabes», c’est-à-dire les pétro monarchies parmi les plus régressives et répressives du Monde arabe et leur compères dictateurs Hosni Moubarak (Égypte) et Zine el Abidine Ben Ali (Tunisie).

En synergie avec les services américains et la totalité des services du bloc atlantiste (Turquie comprise), cette stratégie a néanmoins essuyé des échecs répétitifs retentissants à protéger leurs homme-liges de l’occident en Orient: Anouar el Sadate, le plus emblématique d’entre eux, Rafic Hariri, Benazir Bhutto, surtout Wissam al Hassan, la dague sécuritaire du clan saoudo américain au Liban et fer de lance du combat anti Assad en Syrie, alors qu’en contrechamps, l’Iran a accédé au rang de puissance du seuil nucléaire, que le Hezbollah libanais taille des croupières aux poulains des Occidentaux en Syrie et que leurs anciens pupilles, les djihadistes wahhabites, menacent directement la sécurité de leur ancien commanditaire saoudien.

La propulsion au pouvoir du chef militaire phalangiste Bachir Gemayel et la conclusion du traité libano-israélien relevaient de cette stratégie en formalisant juridiquement l’axe Le Caire-Tel Aviv-Beyrouth dans une «oasis de paix» muselant définitivement les Palestiniens. Ce plan a été mis en échec par la résistance opiniâtre des contestataires à l’ordre hégémonique israélo-américain, particulièrement au Liban.

Deux conceptions du combat politique se sont affrontées durant cette séquence: L’option de soumission aux anciens colonisateurs du Moyen orient et la logique de combat contre l’envahisseur-occupant. La version moderne de la dialectique du Maître et de l’Esclave.

La souillure morale représentée par la conclusion d’un traité de paix avec Israël a été purgée par la volonté du peuple combattant.

Au regard de l’Histoire, le Liban est le seul pays arabe à avoir signé un Traité de Paix avec Israël, le 17 Mai 1983, qu’il abolira sous la pression populaire, dix mois plus tard, le 5 Mars 1984 à la suite de la prise du pouvoir à Beyrouth-Ouest par les milices populaires; l’unique pays arabe à avoir obtenir le dégagement militaire israélien de son territoire, sans négociations, ni reconnaissance, ni, a fortiori, de traité de paix.

Unique pays arabe à avoir infligé deux revers majeurs à l’armée israélienne, le Liban exerce une fonction traumatique à l’égard d’Israël, un curseur diplomatique à l’égard du Monde arabe.

René Naba

Références

1 – A propos du pacte secret entre l’Église maronite et l’Agence juive et les relations entre Israël et les Maronites, Cf. notamment ce texte en langue française «Victimes, Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste par Benny Morris (Édition Complexe), chapitre I page 539 et suivants/ et Avi Shlaïm Israeli interference in internal arab world: The case of Lebanon. In The politics of arab integration”, Giaccomo Luciani and Ghassane Salamé eds. (London 1988, page 236), dans le PDF joint page 19

  • http://english.dohainstitute.org/file/get/30e8d7ab-a803-4a2b-848e-9f4a14f1ba56.pdf

ainsi que le texte complet de ce pacte en anglais et en arabe sous ce lien:

2 – A propos de Michel Chiha, cf: «Les Maronites, le Liban et l’État d’Israël», in Middle East Studies, Volume 31, N° 3 Octobre 1995. Fondateur du quotidien francophone «Le Jour», Michel Chiha, banquier, joua un rôle déterminant dans la proclamation de l’État du Grand Liban, sous le mandat français (1920-1943), puis sous la présidence de son beau frère Béchara El Khoury.

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  • Commentaires fermés sur Liban: Le 17 Mai 1983, «A Day Of Infamy», Un jour d’infamie, «Yom Al A’Ar, Ya Lil A’AR»

Hier, le président français Emmanuel Macron s’est rendu à Berlin pour un sommet avec la chancelière allemande Angela Merkel après la frappe américano-britannique sur la Syrie du 9 avril, et avant les voyages prévus la semaine prochaine par Merkel et Macron à Washington. Lors d’une brève conférence de presse conjointe, ils ont approuvé la frappe illégale et non provoquée contre la Syrie tout en soulignant que, avec la Grande-Bretagne, ils soutiennent le maintien du traité nucléaire iranien.

Les fissures dans l’édifice de l’alliance de l’OTAN montrent cependant que son recours constant à la guerre intensifie les rivalités entre les États membres. Non seulement le soutien de Berlin et de Paris au traité iranien les entraîne dans un affrontement avec l’Administration Trump, qui a menacé de l’annuler, mais les deux principales puissances de l’Union européenne (UE) sont de plus en plus en désaccord. Merkel s’est tue sur l’appel de Macron pour une nouvelle architecture financière de la zone euro, parmi des informations selon lesquelles Berlin et Paris s’affrontent à la fois sur la politique financière et la frappe du 9 avril en Syrie.

La chancelière allemande a commencé par exiger une armée forte de l’UE, sur un ton alarmiste et en notant la vague croissante des guerres de l’OTAN autour de l’Europe. « En dépit du fait que l’Europe est un projet de paix, il faut qu’on puisse défendre nos intérêts autour du monde », a déclaré Merkel, elle a continué : « Nous avons besoin d’un projet de politique extérieure commune », et en avertissant : « Les guerres catastrophiques nous entourent. »

Le président français a pour sa part affirmé que la « souveraineté commune » des pays européens était menacée et a appelé à un prochain sommet ministériel franco-allemand en juin qui traiterait d’une politique économique et monétaire commune, ainsi que des initiatives de sécurité commune sur la défense et la politique étrangère au sein de l’Union européenne.

Interrogé sur les messages qu’ils apporteraient à Donald Trump sur la Syrie, l’Iran et le commerce mondial, Merkel a répondu : « Je veux montrer aux USA que malgré les différences d’opinion il est important de discuter ». Macron et Merkel apporteraient « un message commun » à Trump, citant la nécessité de respecter l’accord nucléaire iranien de 2015, la « légitimité » de la frappe du 9 avril en Syrie et la nécessité d’utiliser les menaces commerciales de Trump pour une lutte commune contre les exportations chinoises d’acier et d’aluminium.

Sur la frappe syrienne, Macron a prétendu que l’Allemagne n’avait pas rejoint l’action parce que la constitution allemande ne permettait pas une attaque sans un débat parlementaire. Dans une déclaration antidémocratique flagrante qui piétine l’opposition de masse à cette frappe aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France, il affirme qu’il n’est pas possible de consulter le Parlement sur la frappe, étant donné la nécessité d’une action rapide et par surprise.

Interrogés sur les réformes de la structure financière de l’Union européenne et de la zone euro, Merkel et Macron n’ont rien dit explicitement de l’appel de Macron à l’université de la Sorbonne à ce que Berlin accepte un large changement dans le financement des renflouements et de la politique d’investissement. Cependant, leurs remarques étaient à peine capables de couvrir les divergences publiques grandissantes avec les propositions de Macron.

Dans les jours précédant le sommet, le numéro deux de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de Merkel a publié une attaque largement notée contre les appels de Macron pour de plus grands investissements publics dans les économies de la zone euro. « Je ne pense pas que ce serait une bonne idée », a déclaré Annegrey Kramp-Karrenbauer, dans des remarques largement prises dans les médias français comme un signe que les propositions de Macron étaient déjà mortes-nées. En fait, les remarques de Merkel hier n’étaient qu’une version un peu plus molle de l’opinion de Kramp-Karrenbauer.

Apparemment, en visant les appels de Macron à construire une version européenne du Fonds monétaire international pour superviser les renflouements bancaires de la zone euro, Merkel a déclaré : « Il ne faut pas trop dépendre du FMI. Mais il ne faut pas travailler contre le FMI ». Elle a averti que la zone euro n’était pas « suffisamment solide pour faire face à une crise » et a appelé à la « responsabilité » dans la mise en œuvre des programmes d’austérité dictés par l’UE à l’Espagne, la Grèce et l’Irlande. Elle a ajouté que « l’idée la plus petite peut créer de vrais problèmes ».

Macron a répondu que : « Le plus important n’est pas de commenter l’un ou l’autre instrument, mais de s’assurer que nous avons les mêmes finalités ». Appelant à une union bancaire européenne et à une convergence des conditions économiques en Europe avec celles de l’Allemagne, l’économie la plus forte, Macron a prévenu : « Aucune union monétaire ne peut survivre sans des éléments de convergence. Il faut accompagner les états membres dans cette convergence ».

Les commentaires agressifs de Merkel et Macron reflètent le caractère réactionnaire des régimes des deux côtés du Rhin. Les deux politiciens président les régimes les plus à droite de leurs pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement du régime fasciste en 1945. Merkel insiste pour remilitariser la politique étrangère allemande, et Macron remet en cause les concessions sociales accordées à la classe ouvrière en France à la Libération de l’occupation nazie.

Les commentaires de Merkel et de Macron lors de la conférence de presse constituent un avertissement que l’UE ne bougera pas d’un iota des politiques impopulaires de militarisme et d’austérité. Elle est pleinement engagée à intensifier son implication militaire dans la campagne pour dominer le Moyen-Orient qui dure depuis plusieurs décennies. Alors que l’UE se désintègre avec le mécontentement social, avec le vote britannique de 2016 pour sortir de l’UE et les récentes élections en Italie, où les partis de droite et anti-UE gagnent les positions dominantes, Berlin et Paris n’ont rien de nouveau à proposer.

Les conflits entre les puissances impérialistes de l’OTAN se développent, surtout dans l’opposition de Berlin et de Paris aux menaces de Trump d’imposer des tarifs commerciaux sur les marchandises européennes et de préparer la guerre avec l’Iran en annulant le traité nucléaire. Les commentaires de la presse montrent d’ailleurs que ces conflits minent rapidement l’alliance franco-allemande censée mener ce qui reste de l’UE. Dans les coulisses, les tensions sont de plus en plus amères.

Un article de l’édition française du Huffington Post citant de hauts fonctionnaires français a souligné les tensions militaires croissantes entre la France et l’Allemagne à la suite de la décision de l’Allemagne de ne pas participer à la frappe en Syrie. « Les espoirs formulés par Emmanuel Macron lors de son discours à la Sorbonne en septembre semblent très compromis », a-t-il déclaré, soulignant les « effets négatifs des frappes françaises en Syrie ».

Il cite les plaintes du journal allemand Die Welt : « Dans le conflit syrien, Macron se tourne vers Trump et non vers Merkel », ainsi que des remarques de Barbara Kunz, une responsable de l’Institut français des relations internationales (IFRI), un influent groupe de réflexion.

Elle souligne des difficultés croissantes dans la coordination militaire franco-allemande, notamment dans des conditions où la loi allemande pourrait empêcher la France d’exporter des armes franco-allemandes développées en partenariat à des clients influents en Arabie saoudite et dans d’autres pétromonarchies du Golfe Persique. « Si nous voulons construire un char de combat ensemble, mais que nous ne pouvons pas l’exporter, c’est un problème », a déclaré Kunz.

Dix ans après le krach de 2008, qui a entraîné une série de crises financières et de renflouements en Europe, il est clair qu’aucune des tensions internationales en Europe n’a été résolue. Les principales économies de la zone euro continuent à préconiser des politiques économiques et monétaires très différentes, Merkel étant sous la pression des factions croissantes de la CDU et de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) d’extrême droite de rejeter les demandes de Macron pour davantage d’investissements publics.

Le parlementaire CDU, Eckhardt Rehberg, a déclaré à la station de radio Deutschlandfunk : « Nous sommes sceptiques sur ses propositions et sur les propositions […] de la Commission européenne de décembre dernier pour le développement d’un fonds monétaire européen ». Il a ajouté : « Sans règles, sans condition, de l’avis de la fraction CDU il est impossible de donner l’argent des contribuables allemands. »

« Je sais que Macron pousse Angela Merkel et elle ne bouge pas comme il pense qu’elle devrait bouger », a déclaré à Reuters un haut responsable français anonyme, ajoutant que Macron pourrait « adopter un ton plus conflictuel avec l’Allemagne ».

Alex Lantier

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 20 avril 2018

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Les démocrates de la CIA contre Julian Assange

avril 24th, 2018 by Patrick Martin

L’action en justice intentée par le Comité national démocrate (DNC) contre WikiLeaks et son fondateur Julian Assange, les désignant comme complices de la Russie et de la campagne Trump dans un effort criminel pour voler l’élection présidentielle américaine de 2016, est un assaut frontal sur les droits démocratiques. Elle piétine le Premier amendement à la Constitution des États-Unis, qui établit la liberté de la presse et la liberté de parole comme des droits fondamentaux.

Ni l’action en justice du Parti démocrate, ni les commentaires des médias à ce sujet ne reconnaissent que WikiLeaks est engagé dans le journalisme, pas dans l’espionnage ; que son travail consiste à publier des documents fournis par des lanceurs d’alertes cherchant à dénoncer les crimes des gouvernements, des sociétés géantes et d’autres organisations puissantes ; et que cette courageuse campagne de révélations a fait du site et de son fondateur et éditeur les cibles de la répression étatique dans le monde entier.

Assange lui-même a été effectivement emprisonné à l’ambassade d’Équateur à Londres depuis six ans, depuis sa fuite pour échapper aux efforts des gouvernements britannique, suédois et américain d’organiser son extradition vers les États-Unis, où un grand jury secret l’aurait inculpé sur des accusations d’espionnage et de trahison qui pourraient entraîner la peine de mort. Depuis la fin du mois de mars, le gouvernement équatorien, répondant à la pression croissante de l’impérialisme américain et britannique, lui a coupé toute communication avec l’extérieure.

La justification de l’inculpation et de la persécution d’Assange portent sur le fait que WikiLeaks a publié des documents militaires secrets, fournis par le lanceur d’alerte Chelsea Manning, révélant les crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan, ainsi que des communications diplomatiques embarrassantes pour le Département d’État américain parce qu’elles ont détaillé les tentatives américaines de manipulation et de sabotage de gouvernements du monde entier.

Le Comité national démocrate a déposé vendredi une plainte de 66 pages qui empeste le maccarthysme, avec des accents démagogiques du sénateur du Wisconsin qui parlait d’ « une conspiration si vaste » alors qu’il était le fer de lance de la chasse aux sorcières anticommuniste il y a plus de 70 ans. Après avoir détaillé une longue liste de conspirateurs supposés, allant du gouvernement russe et de son agence de renseignement militaire, le GRU, à la campagne Trump et à Julian Assange, la plainte déclare : « La conspiration a constitué un acte de trahison inimaginable sans précédent : la campagne du candidat présidentiel d’un grand parti en concertation avec une puissance étrangère hostile pour renforcer sa propre chance de remporter la présidence. »

Un tel langage n’a pas eu sa place dans la vie publique américaine officielle depuis que le gangster politique de droite McCarthy a quitté les lieux à la fin des années 1950. Des groupes d’extrême droite comme la John Birch Society ont maintenu en vie de telles tactiques de diffamation au cours des décennies qui ont suivi, mais ils étaient relégués aux marges du système politique. Maintenant, le Parti démocrate a cherché à ranimer ces méthodes pour servir d’axe central dans son effort de remporter les élections en 2018.

En prenant Wikileaks comme cible, le contenu antidémocratique de cette campagne trouve son expression la plus immonde. L’action en justice du DNC affirme, sans la moindre preuve, que « WikiLeaks et Assange ont dirigé, incité, et / ou encouragé la Russie et le GRU à s’engager dans ce comportement et / ou à fournir à WikiLeaks et Assange les secrets commerciaux du DNC, dans l’attente à ce que WikiLeaks et Assange pourraient disséminer ces secrets et augmenter les chances de victoire de la campagne Trump. »

Cependant, selon Assange et WikiLeaks, les documents du DNC et du président de la campagne de Clinton, John Podesta, qu’ils ont rendu public en 2016, a été fourni par un lanceur d’alerte anonyme dont l’identité ne leur est pas connue parce qu’ils ont respecté les pratiques normales de sécurité de WikiLeaks pour préserver le secret et protéger ses sources. Pas la moindre preuve n’a été présentée pour prouver le contraire.

La plainte en justice du DNC qui cite les conséquences négatives des révélations de WikiLeaks dans des passages suivants mérite qu’on s’y arrête :

« 135. La conspiration illégale a causé de graves préjudices au DNC. Le calendrier et la publication sélective des documents volés ont empêché le DNC de communiquer avec l’électorat selon ses propres termes. Ces publications sélectives de matériel volé ont atteint un pic immédiatement avant la Convention nationale démocrate et se sont poursuivies pendant les élections générales.

136. Le calendrier et la publication sélective des matériels volés visaient et avaient pour effet de créer un fossé entre le DNC et les électeurs démocrates. La publication de documents volés a également porté préjudice à la capacité du DNC pour soutenir les candidats démocrates aux élections générales.

Mais la plainte du DNC n’explique pas pourquoi le matériel de WikiLeaks lui était si préjudiciable. Au contraire, elle ne dit rien sur le contenu même de ce qui a été divulgué, si ce n’est en prétendant qu’il comprenait des « secrets commerciaux » et d’autres informations en relation avec la direction du Parti démocrate.

Le matériel publié par WikiLeaks sur les démocrates s’est divisé en deux catégories principales. D’abord, des courriels internes et des documents du DNC montrant que Debbie Wasserman Schultz, la présidente du DNC, et ses principaux collaborateurs étaient engagés dans un effort systématique pour bloquer le challenger de Clinton, Bernie Sanders, et s’assurer que Clinton décrochait l’investiture démocrate. En d’autres termes, tout en se plaignant que la Russie était engagée dans le truquage de la campagne de 2016, le DNC cherchait à truquer les résultats du concours primaire démocrate.

Le deuxième lot de documents provenait du président de la campagne de Clinton, John Podesta, et comprenait les transcriptions des discours prononcés par Hillary Clinton devant des groupes de l’industrie financière pour des frais allant jusqu’à 300 000 $ par événement. Dans ces remarques, elle a rassuré les banquiers qu’ils ne devaient pas s’affoler au sujet de la rhétorique de sa campagne qui parlait de les punir pour leur rôle dans la magouille financière qui a déclenché le krach de Wall Street en 2008 et détruit les emplois et le niveau de vie de millions de travailleurs. Elle a précisé qu’un gouvernement Clinton continuerait les politiques pro-Wall Street du gouvernement Obama.

L’action en justice du DNC est un approfondissement de l’effort du Parti démocrate pour s’affirmer comme le premier parti de la CIA et de l’appareil de renseignement et l’armée dans son ensemble. En prenant pour cible WikiLeaks et Assange, les démocrates font leur la diffamation du directeur de la CIA, Mike Pompeo – maintenant choisis par Trump pour le poste de secrétaire d’État – selon qui WikiLeaks est un « service de renseignement hostile non-étatique », prétendument allié à Moscou.

Si, d’ailleurs, Assange est un traître parce qu’il révèle les mensonges et les crimes du gouvernement américain, alors implicitement toutes ces publications, sites et individus qui le défendent et défient la propagande gouvernementale diffusée par les médias institutionnels sont eux-mêmes complices de trahison et devraient être traité en conséquence.

Comme l’a expliqué précédemment le World Socialist Web Site, la campagne anti-Russie montée par les démocrates est une concoction réactionnaire, étayée par aucune preuve factuelle, visant à pousser l’administration Trump à intensifier la guerre en Syrie et à adopter une politique plus agressive envers la Russie. En même temps, elle a été utilisée comme la justification d’une campagne massive et coordonnée pour censurer Internet. La manipulation des algorithmes de recherche et de fils d’informations par Google et Facebook sera suivie par des efforts plus directs pour supprimer des publications de gauche, anti-guerre et socialistes.

La campagne a également servi à positionner les démocrates comme le parti qui défend la « communauté du renseignement » dans son conflit avec la Maison Blanche de Trump. Ceci est maintenant complété, avant les élections de mi-mandat de novembre, par un afflux de candidats aux nominations démocrates dans les circonscriptions très contestées pour le Congrès, candidats largement issus des rangs de la CIA, de l’armée, du Conseil national de sécurité et du Département d’État. (voir : Les démocrates de la CIA).

La conduite du DNC démontre le caractère réactionnaire et banqueroutier des affirmations des groupes libéraux et pseudo-gauches – qui ont tous maintenu un silence complet sur l’isolement et la persécution d’Assange – que l’élection d’un Congrès contrôlé par les démocrates est la voie pour se battre contre Trump et les républicains. La vérité est que la classe ouvrière a affaire avec ces partis à deux ennemis politiques implacables engagés dans la guerre, l’austérité et la répression.

Patrick Martin

Article paru en anglais, WSWS, le 23 avril 2018

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Soixante-dix ans de sujétion USA/Otan

avril 24th, 2018 by Manlio Dinucci

Si quelquun imagine détacher lItalie de nos alliés historiques, que sont lOccident et les pays de lOtan, alors il me trouvera toujours en opposition. LItalie, et le Movimento 5 Stelle surtout, na jamais dit vouloir s’éloigner de nos alliés historiques: cette déclaration du candidat premier ministre Luigi Di Maio (à l’émissionOtto et mezzosur  La7, le 16 avril), soulève une question de fond qui va au-delà du débat politique actuel. Quel est le bilan des soixante-dix années de lien de lItalie avec ses alliés historiques?

En 1949, avec le 5èmeGouvernement De Gasperi (Democrazia Cristiana-Pli-Psli-Pri), lItalie devient membre de lOtan sous commandement USA. Immédiatement après, en fonction des accords secrets souscrits par De Gasperi à Washington en 1947, commence linstallation en Italie de bases et forces étasuniennes, avec environ 700 armes nucléaires. Pendant 40 années, dans la stratégie USA/Otan, lItalie sert de première ligne dans la confrontation avec lURSS et le Pacte de Varsovie, sacrifiable en cas de guerre (les USA tiennent prêtes sur notre territoire même des mines atomiques de démolition). La guerre froide finie, avec la dissolution du Pacte de Varsovie et de lURSS en 1991, commence pour lItalie non pas une période de paix mais une série continue de guerres dans le sillage de son principal allié historique.

En 1991, avec le 6èmeGouvernement Andreotti (DC-Psi-Psdi-Pri-Pli), la République italienne participe dans le Golfe sous commandement USA à sa première guerre, violant lArticle 11 de la Constitution.

En 1999, avec le Gouvernement DAlema (Ulivo-Pdci-Udeur), lItalie joue un rôle fondamental, avec ses bases et ses chasseurs-bombardiers, dans la guerre Otan contre la Yougoslavie.

En 2003, avec le 2èmeGouvernement Berlusconi (Forza Italia-AN-LN-Ccd-Cdu), lItalie commence sa participation (toujours en cours après 15 années) à la guerre USA/Otan en Afghanistan.

Toujours en 2003, avec le même gouvernement, elle participe à linvasion de lIrak par la coalition menée par les USA.

En 2011, avec le 4èmeGouvernement Berlusconi (PdL, LN, MpA), lItalie joue un rôle de première importance dans la guerre Otan contre la Libye, à laquelle elle participe avec 7 bases aériennes, des chasseurs-bombardiers et des unités navales.

En 2014-2018, avec le Gouvernement Renzi (Partito Democratico, Ncd, SC, Ucd) et le Gouvernement Gentiloni (même coalition), lItalie participe à lescalade USA/ Otan contre la Russie, en envoyant des troupes en Lettonie et des chasseurs-bombardiers en Estonie.

En même temps ces gouvernements et dautres cèdent notre territoire au Pentagone, qui lutilise comme pont de commandement et de lancement pour des opérations militaires dans une très vaste aire géographique. Le Commandement des Forces navales USA Europe-Afrique à Naples-Capodichino, sous les ordres du même amiral étasunien qui commande la Force conjointe alliée à Lago Patria, couvre la moitié de lOcéan Atlantique et les mers qui baignent toute lEurope et la Russie et presque toute lAfrique. Les bases étasuniennes dAviano, Vicence, Camp Darby, Gaeta, Sigonella et la station Muos de Niscemi servent à des opérations militaires au Moyen-Orient, en Afrique et Europe Orientale.

La station Muos en Sicile, Italie

Liée aux Etats-Unis directement à travers lOtan -dans laquelle les USA détiennent depuis 1949 la charge de Commandant suprême allié en Europe et tous les autres commandements clé– lItalie est privée de son pouvoir souverain en politique étrangère. Les nouvelles bombes nucléaires B61-12, que les USA installeront en Italie dici 2020, nous exposeront à des dangers encore plus grands.

Luigi Di Maio a signé lEngagement Ican à faire adhérer lItalie au Traité ONU sur linterdiction des armes nucléaires, donc à refouler hors dItalie les armes nucléaires USA. Va-t-il garder son engagement ou le rompre pour ne pas détacher lItaliede son principal allié historique?

Manlio Dinucci

 

Article original en italien :

Settant’anni di sudditanza a Usa e Nato

Edition de mardi 24 avril 2018 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/settantanni-di-sudditanza-a-usa-e-nato/

Traduit de litalien par Marie-Ange Patrizio

Moscou dit qu’elle a des preuves que l’agent innervant utilisé dans l’attaque anglaise est une arme chimique brevetée aux États-Unis

L’affaire sensationnelle de l’empoisonnement de l’agent du MI6 et ex-colonel des services secrets russes Sergueï Skripal le 4 mars à Salisbury, Royaume Uni, devient de plus en plus curieuse. Moscou réfute fortement les allégations selon lesquelles la Russie serait impliquée dans l’affaire Skripal. Une captivante intrigue en politique des grandes puissances est en train de se dérouler sous nos yeux. Il y a ample matière ici pour un roman de Le Carré.

Assistons-nous à un « remake » de l’attaque sous faux drapeau du Golfe du Tonkin d’août 1964, l’« incident » imaginaire concocté par l’armée US pour fournir une justification légale et politique au déploiement des forces US au Vietnam du Sud et pour déclencher une guerre ouverte avec le Vietnam du Nord ?

En résumé, la Grande Bretagne a prétendu qu’un agent innervant de qualité militaire, d’un type connu sous le nom de Novichok avait été utilisé à Salisbury. Il avait été à l’origine développé dans l’ex-URSS et, par conséquent, la main de Moscou – voire celle de Vladimir Poutine en personne – était « très probable ».

Moscou, pour sa part, a maintenu que tous ses agents chimiques avaient été détruits et que cela avait été fait sous contrôle de l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC).

Les allégations britanniques n’ont pas tardé à se transformer en une expulsion de diplomates russes à grande échelle (plus de cent en tout) par les capitales occidentales, sous forte pression de Washington et de Londres. Les USA ont à eux seuls expulsé 60 diplomates russes, tandis que la Grande Bretagne en expulsait 23.

La Grande Bretagne ignore studieusement la demande russe d’échantillons de l’agent chimique utilisé à Salisbury et d’accès consulaire à la fille de l’ex-espion, Yulia. Dans le même temps, elle a demandé à l’OIAC de mener une enquête.

L’OIAC a refusé de confirmer ou d’infirmer le pays d’origine de l’agent chimique utilisé dans l’affaire de Salisbury.

Theresa May a tout l’air d’un renard qu’une poule aurait pris.

Le 18 avril, Moscou a révélé qu’elle avait remis à l’OIAC des preuves que l’agent Novichok prétendument utilisé à Salisbury est en réalité une arme brevetée en 2015 aux États-Unis et produite dans ce pays. (Entre parenthèses, contrairement à la Russie, les USA n’ont pas encore détruit leurs stocks d’armes chimiques, comme exigé par la Convention sur les Armes Chimiques de 1997.)

Maintenant, ce n’est pas seulement le gouvernement britannique mais également Washington qui a des explications à fournir. Participant cette semaine au programme de la BBC « Hard Talk » avec Stephen Sacker, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a frappé fort en disant que « très probablement » est une nouvelle invention de la diplomatie britannique pour décrire ses raisons de condamner les gens parce que les gens sont « très probablement » coupables. Comme lorsque, dans Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll décrivait un procès… « et le roi dit “Interrogeons le jury”, et la reine cria “Pas de jury ! Condamnation d’abord ! Verdict ensuite !” »  C’est la logique de « Très probablement ».

La Grande Bretagne s’éloigne fermement quoique furtivement de l’affaire Skripal, espérant peut-être qu’elle s’éteindra d’elle-même. Mais Moscou la laissera-t-elle s’en tirer à si bon compte ? Les Russes aussi semblent garder en réserve quelque information explosive laissant entrevoir une complicité des USA dans toute l’affaire.

Plus simplement exprimé, l’« attaque» de Salisbury pourrait-elle avoir été une opération secrète conjointe, entreprise avec l’arrière-pensée de faire grimper les tensions entre l’Occident et la Russie ? Il faut admettre qu’elle colle assez bien avec la campagne anti-Trump de la « collusion » russe.

Le Washington Post a rapporté lundi que l’ex-conseiller à la Sécurité nationale HR McMaster pourrait avoir embobeliné le président Donald Trump pour lui faire approuver les expulsions, sous l’allégation fausse que des expulsions en nombre équivalent par ses alliés européens étaient en cours. Il s’est avéré cependant que les Européens n’ont procédé qu’à des expulsions symboliques.

Auparavant, McMaster avait essayé d’empêcher Trump de féliciter Poutine pour sa grande victoire  électorale du 18 mars dans une conversation téléphonique (au cours de laquelle ils ont évoqué une possible rencontre au sommet dans un avenir proche).

Si l’affaire Skripal a été le chant du cygne de McMaster, l’infatigable russophobe a probablement espéré faire d’une pierre deux coups : pousser les relations de la Russie avec l’Ouest à un point de rupture et, dans la foulée, faire avorter les projets d’un sommet USA-Russie à brève échéance.

À quel point tout ceci est-il lié à la décision de Trump prise le 22 mars de finalement virer McMaster de son poste de conseiller à la Sécurité nationale est une question théorique. D’après les normes militaires, McMaster a la réputation d’être un « intellectuel ». Mais l’homme a prouvé qu’il était un combattant de guerre froide digne d’un musée. Le général à une étoile, qui a été « oublié » par le Pentagone  lors de l’attribution des promotions, avait été le choix de Trump par défaut lors du brusque évincement de Michael Flynn de ce poste de conseiller à la Sécurité nationale.

Michael Wolff rapporte une anecdote amusante dans son livre Fire and Fury (« Feu et fureur ») : pour son entretien d’embauche à ce poste de conseiller à la Sécurité nationale, McMaster, voulant impressionner Trump, s’était présenté en grand uniforme, étoile d’argent et tout, et s’était lancé dans une conférence de tous azimuts sur la stratégie mondiale. Après quoi Trump aurait été entendu disant : « Ce type me fait vraiment très chier ».

M. K. Bhadrakumar

 

Article original en anglais : Russia raises questions on Skripal poisoning, Asia Times, le 19 avril 2018

Traduction : c.l. pour Entre la plume et l’enclume

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Au cours des 500 dernières années, les pays européens – le Portugal, les Pays-Bas, l’Espagne, la Grande-Bretagne, la France et, pendant une courte période, l’Allemagne – ont pu piller une grande partie de la planète en projetant leur puissance navale outre-mer. Étant donné qu’une grande partie de la population mondiale vit le long des côtes et qu’une grande partie de la population mondiale fait du commerce sur l’eau, les navires armés qui surgissent brusquement de nulle part ont pu mettre les populations locales à leur merci.

Les armadas pouvaient piller, imposer un tribut, punir les désobéissants, puis utiliser ce pillage et ce tribut pour construire d’autres navires, élargissant ainsi la portée de leurs empires navals. Cela a permis à une petite région, avec peu de ressources naturelles, peu d’avantages naturels proche de l’indigence et riche en maladies transmissibles, de dominer le monde pendant un demi-millénaire.

L’héritier ultime de ce projet naval impérial est les Etats-Unis qui, avec l’ajout de la puissance aérienne, avec sa flotte de gros porteurs d’avions et son immense réseau de bases militaires à travers la planète, est supposé pouvoir imposer la Pax Americana au monde entier. Ou plutôt, pendant la brève période qui s’est écoulée entre l’effondrement de l’URSS et l’émergence de la Russie et de la Chine en tant que nouvelles puissances mondiales et la mise au point de nouvelles technologies antinavires et antiaériennes. Mais ce projet impérial est maintenant terminé.

Avant l’effondrement de l’Union Soviétique, les militaires américains n’osaient généralement pas menacer directement les pays auxquels l’URSS avait étendu sa protection. Néanmoins, en utilisant sa puissance navale pour dominer les voies maritimes qui transportent le pétrole brut et en insistant pour que le pétrole soit négocié en dollars américains, les États-Unis ont pu vivre au-delà de leurs moyens en émettant des instruments de dette libellés en dollars et en forçant les pays du monde entier à investir dans ces instruments. Ils importaient tout ce qu’ils voulaient en utilisant de l’argent emprunté tout en exportant de l’inflation, siphonnant l’épargne des gens à travers le monde. Au cours de ce processus, les États-Unis ont accumulé des niveaux absolument stupéfiants de dette nationale – au-delà de tout ce qui a été vu auparavant, en termes absolus ou relatifs. Lorsque cette bombe de la dette explosera enfin, la dévastation économique s’étendra bien au-delà des frontières américaines. Et elle explosera, une fois que la pompe à richesse pétrolière, imposée au monde par la supériorité navale et aérienne américaine, cessera de fonctionner.

La nouvelle technologie des missiles a rendu un empire naval facile à vaincre à moindre coût. Auparavant, pour mener une bataille navale, il fallait avoir des navires qui surpassaient ceux de l’ennemi en vitesse et en puissance d’artillerie. L’armada espagnole a été coulée par l’armada britannique. Plus récemment, cela signifiait que seuls les pays dont l’industrie pouvait égaler celle des États-Unis pouvaient rêver de s’y opposer militairement. Mais la situation a changé : les nouveaux missiles russes qui peuvent être lancés à des milliers de kilomètres de distance, sont imparables et il suffit d’un seul pour couler un destroyer et de deux pour couler un porte-avions. On peut maintenant couler l’armada américaine sans avoir sa propre armada. La taille relative des économies américaine et russe ou les budgets de défense ne sont pas pertinents : les Russes peuvent construire plus de missiles hypersoniques beaucoup plus rapidement et à moindre coût que les Américains ne pourraient construire de nouveaux porte-avions.

Tout aussi important est le développement de nouvelles capacités de défense aérienne de la Russie : les systèmes S-300 et S-400, qui peuvent essentiellement fermer l’espace aérien d’un pays. Partout où ces systèmes sont déployés, comme en Syrie, les forces américaines sont maintenant forcées de rester hors de portée. Avec l’évaporation rapide de sa supériorité navale et aérienne, tout ce à quoi les Etats-Unis peuvent recourir militairement est l’utilisation de grandes forces expéditionnaires – une option politiquement désagréable et qui s’est avérée inefficace en Irak et en Afghanistan. Il y a aussi l’option nucléaire, et bien que son arsenal nucléaire ne soit pas susceptible d’être neutralisé dans un avenir proche, les armes nucléaires ne sont utiles qu’à titre dissuasif. Leur valeur particulière est d’empêcher les guerres de s’intensifier au-delà d’un certain point, mais ce point se situe bien après l’élimination de leur domination navale et aérienne mondiale. Les armes nucléaires sont bien plus qu’inutiles pour renforcer le comportement agressif d’une personne contre un adversaire doté de l’arme nucléaire ; ce serait inévitablement un geste suicidaire. Ce à quoi les États-Unis sont maintenant confrontés est essentiellement un problème financier de dette non remboursable et une pompe à richesse défaillante, et cela devrait être un point indubitablement évident que le déclenchement d’explosions nucléaires partout dans le monde ne résoudrait pas les problèmes d’un empire en faillite.

Les événements qui signalent de vastes changements d’époque dans le monde apparaissent souvent mineurs lorsqu’ils sont considérés isolément. La traversée du Rubicon par Jules César n’était qu’une simple traversée de rivière ; la rencontre et la fraternisation des troupes soviétiques et américaines à l’Elbe était, relativement parlant, un événement mineur, loin de l’ampleur du siège de Leningrad, de la bataille de Stalingrad ou de la chute de Berlin. Pourtant, elles ont signalé un changement tectonique dans le paysage historique. Et nous venons peut-être d’assister à quelque chose de semblable avec la récente et pathétiquement minuscule bataille de la Ghouta orientale en Syrie, où les États-Unis ont utilisé un faux incident d’armes chimiques comme prétexte pour lancer une attaque simulée sur certains aérodromes et bâtiments en Syrie. L’establishment de la politique étrangère américaine voulait montrer qu’il est toujours important et qu’il a un rôle à jouer, mais ce qui s’est réellement passé, c’est que la puissance navale et aérienne américaine est apparue presque entièrement comme étant à côté de la plaque.

Bien sûr, tout cela est une terrible nouvelle pour les institutions militaires et de politique étrangère des États-Unis, ainsi que pour les nombreux membres du Congrès américain dans les districts desquels opèrent des contractants militaires ou dans lesquels se trouvent des bases militaires. Évidemment, c’est aussi une mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs de la défense, pour le personnel des bases militaires et pour beaucoup d’autres. C’est aussi une terrible nouvelle économique, car les dépenses de défense sont à peu près le seul moyen efficace de relance économique dont le gouvernement américain est politiquement capable. Les  » postes prêts à l’emploi  » d’Obama, si vous vous souvenez bien, n’ont rien fait pour prévenir la chute spectaculaire du taux de participation au marché du travail, ce qui est un euphémisme pour désigner l’inverse du taux de chômage réel. Il y a aussi le merveilleux plan qui consiste à jeter beaucoup d’argent dans le SpaceX d’Elon Musk (tout en continuant à acheter des moteurs de fusée d’importance vitale aux Russes – qui envisagent actuellement de bloquer leur exportation vers les États-Unis en représailles à d’autres sanctions américaines). En bref, enlevez le stimulus de la défense, et l’économie américaine fera un gros boum suivi d’un bruit de sifflement qui diminuera progressivement.

Inutile de dire que toutes les personnes impliquées feront de leur mieux pour nier ou cacher le plus longtemps possible le fait que la politique étrangère et les establishments de défense américains ont été neutralisés. Ma prédiction est que l’empire naval et aérien de l’Amérique ne coulera pas parce qu’il sera vaincu militairement, et ne sera pas démantelé une fois que les nouvelles sur son obsolescence auront circulé ; au lieu de cela, il sera forcé de réduire ses opérations par manque de fonds. Il y aura peut-être encore quelques coups bruyants avant qu’il n’abandonne, mais la plupart du temps, nous entendrons beaucoup de gémissements. C’est ainsi que cela s’est passé pour l’URSS ; c’est aussi ainsi que cela se passera pour les États-Unis.

Dmitry Orlov

 

Version originale : Russia insider

Traduction et source pour la version française : Avic – Réseau International

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Les relations diplomatiques entre les États-Unis et le Russie se sont dégradées au point que beaucoup d’experts estiment qu’elles sont pires que du temps de la guerre froide.

Je ne suis pas loin de penser la même chose.

La Russie s’oppose de plus en plus fermement aux États-Unis [i] depuis plusieurs années et avec la mise en service de ses nouvelles armes performantes, elle ne semble plus craindre un affrontement direct.

Cet affrontement tant redouté par le reste du monde a été évité après l’agression des FUKUS [ii] contre la Syrie le 14 avril dernier mais la menace est toujours bien présente.

On doit sans doute ce répit à l’attitude responsable des exécutifs étasunien et russe qui mesurent les conséquences d’une escalade militaire qui peut dégénérer en une guerre nucléaire dévastatrice pour l’ensemble de la planète.

Il y a cependant des va-en-guerre dans les deux camps qui n’auraient pas hésité à en arriver là et il y a des signes indiquant que les États-Unis veulent renforcer leur puissance de frappe dans la région : le porte-avions USS Harry S. Truman a quitté son port d’attache avec une escorte de cinq destroyers aux environs du 10 avril pour se rendre en Méditerranée. [iii]

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Le porte-avions USS Harry S. Truman est en route pour la méditerranée.

De son côté, la Russie va équiper le Syrie de missiles S-300 et un navire de transport de la marine de guerre russe chargé d’armes pour la Syrie est arrivé au port de Tartous.

On parle aussi de l’arrivée de bombardiers stratégiques russes à la base de Nojeh à Hamedan en Iran. L’Iran finira par comprendre que cela renforcera sa sécurité. Pour le moment, il y a seulement un accord en cas de crise grave mais les Russes préparent la base pour un déploiement rapide de leurs avions.

Tout cela n’indique pas une baisse de la menace militaire.

Le retrait des soldats étasuniens de Syrie.

Le président Trump semble bien décidé de retirer ses forces militaires de Syrie.

Il y aurait au moins 2000 soldats au sol pour le moment. Ils encadrent plusieurs dizaines de milliers de miliciens arabes et kurdes.

La fiabilité de ces miliciens est douteuse et il craint un manque de combativité en cas d’affrontement avec l’AAS [iv] ou avec les redoutables Pasdaran iraniens.

Les soldats étasuniens seraient alors au contact direct avec une force armée bien équipée et largement supérieure en nombre et on peut deviner que les pertes seraient conséquentes des deux côtés.

C’est une situation dans laquelle le président Trump ne veut pas se trouver : son électorat ne le lui pardonnerait pas.

Il cherche une solution de remplacement par des forces arabes mais qui serait prêt à s’enliser dans le bourbier de l’est de la Syrie ?

Cette force bénéficierait d’une couverture aérienne, de renseignements militaires et de l’aide logistique étasunienne.

Mais cette force arabe se trouverait non seulement face à la coalition russo-irano-syrienne mais aussi face aux Kurdes [v] (détestés par les Arabes), aux milices islamistes arabes (FDS) voire aux Turcs dans un environnement hostile où la population locale aspire à revenir sous le contrôle du gouvernement syrien [vi) et où un retour de l’État islamique est toujours possible.

Je ne sais pas quel pays serait prêt à se lancer dans cette aventure et qui va payer les frais mais cela ressemble trop à la vietnamisation de la fin des années soixantes.

Quelle est la vision stratégique des États-Unis ?

L’effondrement de l’Union soviétique à partir de 1989 et de la Russie dans la dernière décennie du siècle dernier ont fait des États-Unis une puissance globale sans rivale que Hubert Védrine a défini comme l’hyperpuissance américaine en 1999.

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Zbigniew Brzezinski

Ce concept de puissance hégémonique avait été avancé par le politologue étasunien Zbigniew Brzezinski en 1997 dans « Le grand Échiquier », un ouvrage de référence pour les dirigeants étasuniens.

De son côté Francis Fukuyama, un autre politologue étasunien, avait déjà publié en 1992 « La Fin de l’Histoire ou le dernier Homme. »

Pour lui, la démocratie (occidentale) et le libéralisme avaient vaincu toutes les autres idéologies politiques. Avec l’adhésion de la Russie de Boris Eltsine au néolibéralisme, il croyait que l’idéal de la démocratie libérale était définitivement réalisé.

Dans ses mémoires, Colin Powell a rappelé qu’il avait presque eu « une rupture d’anévrisme » quand Madeleine Albright l’a mis au défit d’expliquer : « What’s the point of having this superb military you’re always talking about if we can’t use it?«  « Quel est l’intérêt d’avoir cette superbe armée dont vous parlez toujours si on ne peut pas l’utiliser ? » [vii]

Elle mit sa conviction en application en Bosnie et au Kosovo et l’OTAN se mit à bombarder illégalement la Serbie et provoqua le premier conflit international en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.

George W Bush et ses conseillers néoconservateurs comprirent que le précédent du Kosovo qui avait démontré que personne ne pouvait s’opposer à l’hyperpuissance étasunienne leur ouvrait la voie pour se passer de l’aval du Conseil de Sécurité de l’ONU et ils engagèrent les États-Unis dans de ruineuses guerres au Moyen-Orient et en Afghanistan. Ces guerres interminables épuisèrent les Forces armées des États-Unis et elles détournèrent leur attention de leur principal objectif stratégique qui est d’interdire l’émergence de puissances concurrentes comme la Chine, la Russie, l’Iran ou l’Amérique du Sud.

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Mike Pompeo

Lors de son audition devant le Congrès ce 12 avril, Mike Pompeo, le peut-être futur chef du Département d’État, a fait cette déclaration surréaliste « Les États-Unis sont un pays unique, exceptionnel. La Russie est unique mais pas exceptionnelle. » [viii]

Il convenait ainsi que la politique de changement de régime par d’autres pays que les États-Unis est inacceptable.

Que les autres pays du monde y compris les alliés des États-Unis se le tiennent pour dit : ils ne sont pas considérés comme leurs égaux.

Cette vision exceptionnaliste est profondément ancrée dans l’esprit des dirigeants étasuniens et de la majorité de la population.

Les États-Unis sont convaincus qu’ils ont un rôle quasi messianique à jouer et qu’ils ont pour mission de d’étendre leur modèle au reste du monde.

Il n’y a pas de cynisme dans cette croyance, ils pensent sincèrement que leurs valeurs sont universelles et apportent la prospérité et le bonheur.

L’hégémonie étasunienne repose sur trois piliers : l’ordre libéral mondial, les Forces armées et le dollar.

Ces trois piliers sont non seulement remis en cause par les puissances émergentes mais ils sont aussi ébranlés de l’intérieur par des votes populaires dans le monde occidental et jusqu’au cœur de l’Empire avec l’élection de Donald Trump.

La stratégie actuelle des États-Unis est assez confuse avec une élite politique qui voit un moyen de renforcer la domination des États-Unis dans le libéralisme mondialisé et le président Trump qui a été élu par des électeurs victimes de cette même mondialisation. Sa promesse électorale de s’occuper d’abord des Américains est battue en brèche par l’opposition démocrate et par le justice qui freinent les décisions du président.

Quelle est la vision stratégique de la Russie ?

La Russie se considère comme l’héritière spirituelle de Constantinople et de Rome, deux empires chrétiens qui sont tombés sous les coups des Ottomans et des barbares.

En 1523 -1524, le moine Philothée dans des lettres adressées au Grand Prince de Moscovie qualifia Moscou de Troisième Rome et héritière de la défense de la chrétienté orthodoxe.

Moscou, Troisième Rome

Même si l’empire des tsars ne s’étendit pas vers l’est au nom de la foi orthodoxe, celle-ci joua un rôle important dans la politique russe et auprès de la population russe.

Après la parenthèse communiste et l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie renoua avec son héritage orthodoxe et elle entend à nouveau avoir de l’influence dans son étranger proche.

La Russie développe un modèle politique indépendant qui s’écarte du capitalisme ultralibéral tel qu’il se développe en Occident. Elle entend que l’État puisse réguler l’économie et qu’il garde le contrôle des secteurs stratégiques. Elle a l’immense avantage de pouvoir compter pour cela sur d’énormes réserves minières et d’hydrocarbures qui lui assurent de substantiels revenus.

La Russie est un État laïc mais elle s’appuie à nouveau sur le patriarcat pour étendre son influence et pour définir une ligne de morale sociétale en harmonie avec les traditions laïques et religieuses.

La Russie s’écarte ici aussi de la ligne occidentale plus matérialiste et plus libertarienne.

Le retour de la Russie comme puissance concurrente a complètement déstabilisé l’Occident otanisé. La seule parade qui fut trouvée, c’est de sanctionner la Russie pour que son modèle économique échoue mais cela ne fait que davantage la convaincre d’encore plus s’éloigner des institutions internationales contrôlées par les États-Unis et leurs alliés et de finalement devoir renoncer (à contrecœur) à l’utilisation du dollar.

Cette volonté peut être résumée par cette déclaration de Mike Pompéo devant le Congrès : «Nous devons nous assurer que Vladimir Poutine ne réussisse pas.» Il s’agit clairement d’une attaque contre l’économie de la Russie et tout observateur un tant soit peu informé sait qu’il y aura une réplique.

La stratégie russe est avant tout défensive et sa sécurité repose sur la MAD. [ix] La défense de ses alliés historiques fait maintenant aussi partie de sa stratégie ainsi que la garantie de ne plus voir les bases de l’OTAN s’approcher davantage de ses frontières.

La Russie se rapproche de partis européens qui adoptent la même ligne politique nationaliste. [x] Cela est considéré par les Occidentaux comme de l’ingérence parce qu’ils veulent à tout prix étouffer toute doctrine qui mettrait le libéralisme mondialisé en cause.

La Russie a maintenant une vision stratégique claire qui est incarnée par Vladimir Poutine et que les médias mainstream s’obstinent à ne pas prendre en compte.

La boîte de Pandore.

Pandore ouvrit une boîte que Zeus lui avait confiée en lui interdisant de l’ouvrir. Pandore l’ouvrit quand-même par curiosité et tous les maux de l’humanité en sortirent avant que Pandore ne puisse la refermer.

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En provoquant des précédents comme le soutien de l’Occident otanisé à des terroristes, en montant ou en avalisant de fausses attaques chimiques et en intervenant militairement de façon illégale, les FUKUS ont une fois de plus ouvert une boîte de Pandore. [xi]

Cela permettrait un jour à la Russie ou à d’autres pays d’employer les mêmes arguments pour intervenir dans leur étranger proche si elles estimaient que leur sécurité est menacée.

Conclusion.

On ne peut pas comprendre les stratégies étasunienne et russe si on fait abstraction de leurs visions du monde.

Cet article a pour objet d’essayer de donner une clef de compréhension aux lecteurs pour qu’ils ne se place pas que d’un point de vue.

Personne ne sait si les lignes rouges des deux camps ne se toucheront pas un jour et quelles en seront les conséquences. Je pense qu’il est urgent de nouer un dialogue parce que le risque de conflit est réel et il peut avoir des conséquences catastrophiques pour l’humanité.

En attendant, on peut dire que ni l’Occident ni la Russie ne tire un quelconque bénéfice de cette politique de sanctions. Bien au contraire, cette politique affaiblit les deux camps et elle permet à un troisième larron, la Chine, de méthodiquement étendre sa zone d’influence en Asie tout en construisant une alliance stratégique avec la Russie.

Il est extrêmement regrettable que les principaux dirigeants européens n’aient pas une vision stratégique autre que l’alignement sur celle des États-Unis.

La stratégie nécessite une vison et une politique volontariste à long terme et je ne vois rien de tel pour le moment en Union européenne.

Pierre Van Grunderbeek

Notes

i On pourrait aussi dire « le bloc occidental » au lieu « d’États-Unis » mais les autres pays qui forment ce bloc n’ont qu’une autonomie limitée en politique étrangère et sont dépendants des capacités militaires des États-Unis pour leur défense.

ii FUKUS : acronyme pour France – United Kingdom – United States.

iv AAS : acronyme pour Armée arabe syrienne. C’est l’armée régulière syrienne.

v Un article plutôt objectif (ce qui est étonnant) de Jean-Pierre Filiu. http://filiu.blog.lemonde.fr/2017/06/25/le-vrai-visage-des-liberateurs-de-rakka/

ix MAD : acronyme pour Mutual Assured Destruction (Destruction Mutuelle Assurée). C’est une doctrine qui date du temps de la guerre froide et qui est basée sur la dissuasion nucléaire. Elle assure qu’une riposte après une attaque nucléaire détruira symétriquement le pays agresseur.

x Nationaliste est le terme qui qualifie l’individu qui place la nation au-dessus de tout dans sa manière de penser : il met en valeur le sentiment d’appartenir à une culture, une langue, une religion commune ou un patrimoine commun.

xi L’agression de la Serbie par l’OTAN avait déjà servi de précédent pour justifier l’intervention russe en Ossétie du Sud et en Abkhazie.

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La Pologne et la Suède construisent un anneau baltique

avril 23rd, 2018 by Andrew Korybko

La tendance mondiale à la connectivité se déplace vers l’Europe du Nord et du Centre-Est alors que les deux anciennes grandes puissances de ces régions unissent leurs forces pour approfondir leur intégration mutuelle et construire un nouveau bloc de puissance sur le continent.

La Pologne et la Suède sont deux des plus vieilles grandes puissances d’Europe, bien qu’elles soient toutes les deux loin de leur apogée et qu’elles aient vu leur influence éclipsée par d’anciens concurrents tels que la Russie, l’Allemagne et le Royaume-Uni. La réalité géopolitique de l’après-Brexit et l’adhésion de Trump à la politique de « Diriger dans l’ombre » de son prédécesseur ont ouvert de façon inattendue des possibilités stratégiques sans précédent pour ces deux « has-been ». Elles coopèrent désormais tacitement pour construire un nouveau bloc de puissance en Europe. La Suède, le chef du « Bloc des Vikings »des pays scandinaves et de la Finlande, se joint à la Pologne, un aspirant hégémon pour un « néo-Commonwealth » que Varsovie souhaite un jour gouverner à travers « l’Initiative des trois mers ». Elle le fait en coordonnant la construction de plusieurs corridors d’intégration qui conduiront à l’émergence d’un « anneau baltique ».

Une ligne ferroviaire à grande vitesse baptisée « Rail Baltica » est en cours de construction entre la Pologne et l’Estonie, d’où elle pourrait être étendue sous la Baltique à la Finlande par le « tunnel de Talsinki ». Une fois ce pays accessible au nord, les voies ferrées existantes pourraient être reliées à la Suède via le futur « corridor Bothnien » après quoi les gens et les marchandises pourraient rejoindre l’Allemagne par le réseau ferroviaire suédo-danois-allemand déjà en activité. En outre, la composante allemande est déjà reliée à la Pologne, complétant ainsi l’anneau de la Baltique. Un élément connexe de ce réseau d’intégration en développement est le « tube de la Baltique » planifié par la Pologne qui traversera le Danemark et acheminera le gaz offshore norvégien vers le pays. La carte ci-dessous donne un aperçu rudimentaire de ce à quoi cela pourrait ressembler s’il est jamais terminé et entre pleinement en fonctionnement [À noter qu’il devrait « croiser » les deux North Stream, russo-germaniques, NdT].

Il ne faut pas non plus oublier qu’il existe déjà plusieurs services de ferry entre la Suède et la rive Est et Sud de la mer Baltique, ce qui signifie que le pays scandinave a déjà un accès maritime aux États baltes et à la Pologne. En raison de son poids démographique et économique, l’Allemagne est clairement une partie cruciale de cet Anneau baltique, mais elle n’est pas indispensable dans le sens où les entreprises de connectivité suédo-polonaises peuvent toujours continuer sans elle. En outre, ces initiatives mènent à la création de sphères d’influence en Europe du Nord et du Centre-Est, où Stockholm exerce à nouveau la prédominance sur son ancien royaume impérial dans la partie nord de la mer Baltique, tandis que Varsovie fait de même sur les rivages sud-est.

La Finlande et l’Estonie, qui sont des nations culturellement similaires, peuvent être regroupées en une entité stratégique unique aux fins de cette analyse et pourraient donc représenter une sorte de « zone tampon », mais plutôt « amicale » car la Pologne et la Suède ne sont plus susceptibles d’être des rivales comme par le passé. En fait, alors que le paradigme du Grand Jeu comme au XIXe siècle est véritablement en vigueur aujourd’hui, il n’a pas nécessairement les mêmes contours que son homonyme historique parce que personne ne s’attend à ce qu’une guerre conventionnelle à grande échelle entre les puissances voisines soit un élément déterminant de nos jours. Plutôt, comme dans l’exemple de la Pologne et de la Suède, ces deux empires, rivaux historiquement, ne s’affronteront pas, mais coopéreront dans un espace baltique partagé du fait de la logique de la géopolitique européenne contemporaine et l’esprit gagnant-gagnant de l’intégration des Nouvelles Routes de la Soie.

Personne ne devrait supposer que l’Anneau baltique serait une entité favorable à la Russie. Cependant, puisque la russophobie politique de la Pologne infecte maintenant la Suède et que ces deux grandes puissances rivalisent à cause des sollicitations de leur patron américain unipolaire pour savoir laquelle des deux détestera le plus Moscou, cette situation est clairement désavantageuse pour les intérêts russes car cela implique de voir l’OTAN se rapprocher de ses frontières sous des faux prétextes. Mais cela profite à la Pologne et à la Suède car elles sont en mesure d’obtenir le soutien de Washington dans leur quête collective de se dégager des sphères d’influence en Europe qui se distinguent de l’ensemble de l’UE, contrôlée par les Allemands. Cette tendance à la « décentralisation » s’accorde également avec la tendance mondiale du transfert de pouvoir vers l’Est au XXIe siècle, ce qui est plus visible maintenant que ce qui apparaissait au départ.

L’anneau baltique n’est pas seulement une collection régionale d’États et de réseaux commerciaux en Europe, mais il pourrait un jour fonctionner comme un nouveau nœud des Routes de la Soie dans un ordre mondial multipolaire compte tenu de ses perspectives de connectivité avec la Chine. La voie d’accès logique à la République populaire serait de traverser la Russie via le pont terrestre eurasien mais cela pourrait ne pas être politiquement faisable compte tenu de la géopolitique de la nouvelle guerre froide et de la russophobie hystérique de la Pologne et de la Suède. Néanmoins, des routes maritimes existent le long des axes nord et sud, à savoir le désir de la Finlande de rejoindre la « route de la soie/glace » via le port russe de Mourmansk (moins probable si les tensions russo-européennes provoquées par les États-Unis persistent) ou la proximité norvégienne du port de Kirkenes et la possibilité d’étendre la route de la soie des Balkans du port grec du Pirée le long d’une route vers le nord, pour faire la jonction avec l’anneau baltique de la Pologne.

En outre, le couloir encore plus complexe sur le plan logistique mais actif dans le Caucase représente une autre solution géographique permettant à la Chine de se connecter à l’anneau baltique sans passer par la Russie (la Pologne et la Suède tenteront probablement d’éviter autant qu’elles le peuvent de passer par la Russie sur cette route commerciale). Le segment azerbaïdjanais-géorgien du chemin de fer BTK, récemment dévoilé, permet théoriquement aux pays baltes de commercer avec la Chine via la mer Noire, le Caucase, la mer Caspienne et l’Asie centrale (maritime, continentale, maritime, continentale). Si l’Arménie développe pleinement ses plans de corridor mer Noire–golfe Persique, une liaison CPEC + avec la Chine pourrait également s’établir à travers la mer Noire, le Caucase, l’Iran et le Pakistan, mais il faudra encore attendre quelques années avant que cela ne devienne possible.

Dans une perspective plus large de la Route de la soie, voici comment les potentiels de connectivité de la Baltique avec la Chine apparaissent sur la carte :

Les quatre nœuds géographiques les plus importants sont la Finlande, la Suède, la Pologne et la Roumanie, les pays de l’ex-Yougoslavie étant trop faibles et désorganisés pour fonctionner comme une unité politico-économique unique dont ils auraient besoin pour tirer le meilleur parti possible de cette situation et ils ne représentent rien de plus qu’un espace de transit dans cette construction. Toutefois, sur les quatre États mentionnés, la Pologne est de loin le plus important car sa population (qui se traduit stratégiquement en potentiel de main-d’œuvre et en taille de marché) est presque aussi importante que le total combiné de la Suède, de la Finlande et de la Roumanie. Si l’on exclut la Russie de l’équation, les routes d’accès de la Route de la Soie vers la Pologne traversent la Suède et la Finlande au nord et la Roumanie et l’ex-Yougoslavie au sud. Toutes ont le potentiel de bénéficier d’une connectivité sino-polonaise améliorée via l’anneau baltique et le concept des « Trois Mers » si elles tirent judicieusement parti de leurs positions économiques et stratégiques.

Dans l’ensemble, le schéma évident est que le centre de gravité stratégique de l’Europe se déplace lentement mais sûrement à l’Est de l’Allemagne vers la Pologne et la Suède, avec ces deux grandes puissances « has been » réunies dans un nouveau cadre de coopération afin de construire l’anneau de connectivité de la Baltique avec lequel elles projettent de relier la Chine via les Nouvelles Routes de la Soie. La russophobie politique de ce centre de pouvoir en développement est troublante mais pas surprenante, même si ses conséquences à long terme pourraient être que la connectivité de la route de la soie avec l’Europe via le pont terrestre eurasien pourrait être entravée en conséquence. Malgré cela, la Route de la Soie Arctique/Glace, le Couloir du Caucase (que ce soit à travers la Caspienne ou à travers l’Iran) et la Route de la Soie des Balkans présentent des solutions de contournement Nord et Sud pour maintenir l’accès commercial à la Chine.

Cela signifie que la Pologne est en train de devenir la pièce maîtresse de la géopolitique post-européenne dans toute la partie du bloc à l’Est de l’Allemagne, car c’est l’un des nœuds les plus cruciaux de la vision globale de la Route de la Soie. Les implications stratégiques de cette réalité émergente pourraient avoir une portée considérable en ce qui concerne l’équilibre des forces dans la nouvelle guerre froide. L’« Initiative des trois mers » dirigée par la Pologne et la direction conjointe de Varsovie de cet anneau Baltique avec Stockholm ne sont pas des développements bienvenus pour la Russie car elles sont clairement soutenues par les États-Unis pour renforcer l’influence américaine dans toute la région frontalière de sa rivale. Mais d’un autre côté, cela crée par inadvertance certaines opportunités irrésistibles pour la Chine d’étendre son influence aux régions les plus éloignées du supercontinent eurasien et de travailler sur la propagation silencieuse de la multipolarité là-bas.

 

Article original en anglais :

Poland and Sweden Are Building a “Baltic Ring”

Oriental Review 23 mars 2018

Traduit par Hervé, vérifié par WAyan, relu par Cat pour le Saker Francophone

 

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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Un correspondant chevronné de la chaîne de télé publique allemande d’État ZDF a sidéré son public au cours d’un reportage de terrain en Syrie, quand au cours du journal télévisé Heute, il a donné un compte-rendu honnête de ce qu’il avait découvert en enquêtant sur l’incident de Douma. Le reporter, Uli Gack, avait interviewé plusieurs témoins oculaires de l’attaque chimique alléguée du 7 avril et conclu à la suite de ces témoignages que « l’attaque chimique de Douma était plus que probablement une mise en scène, de très nombreuses personnes ici en sont convaincues. »

Il semble que tous les Syrien locaux rencontrés par le reporter de cette chaîne publique allemande réfutaient immédiatement les allégations selon lesquelles le gouvernement syrien avait gazé des civils, que les USA, le Royaume-Uni et la France ont utilisées comme prétexte pour lancer des frappes de missiles sur Damas.

Émission ZDF Heute : Le monde continue à se demander si des armes chimiques interdites ont été utilisées à Douma. Le correspondant de ZDF Uli Gack est en Syrie pour nous : « Vous avez visité un grand camp de réfugiés aujourd’hui et parlé à de nombreuses personnes – qu’est-ce que vous y avez entendu sur l’attaque ? » Gack a répondu, « l’attaque chimique de Douma était plus que probablement une mise en scène, de très nombreuses personnes ici en sont convaincues. »

Le reportage de ZDF s’accorde avec les conclusions de l’enquête de terrain menée par le célèbre journaliste britannique Robert Fisk, le premier journaliste occidental à avoir eu accès au site de Douma. Fisk a rapporté cette semaine, « Il y a beaucoup de gens avec qui j’ai discuté au milieu des ruines qui déclarent qu’ils n’ont jamais cru à ces histoires de gaz – qui ont été fabriquées, disent-ils, par les groupes islamistes armés. »

ZDF (Zweites Deutsches Fernsehen) est l’une des principales et des plus anciennes chaînes de télévision d’État d’Allemagne. Elle est partiellement financée par une redevance, et Heute est l’un des journaux télévisés les plus suivis du pays.

Au cours du direct de Gack, quelques-uns des témoins ont dit à ZDF que des rebelles islamistes avaient tué des gens avec du chlore, filmé la scène, puis affirmé que c’était « une attaque chimique d’Assad ». Bien qu’ayant interrogé « de très nombreuses personnes qui semblent convaincues » qu’aucune attaque chimique n’a eu lieu, le reporter n’a pas tenté de censurer ce qu’il entendait de la part de locaux qui disaient avoir été présents quand les événements se sont produits.

De plus en plus, il apparaît que les chiens de garde des médias grand public perdent leur sang-froid, parce que de nombreux reporters de haut niveau et de journalistes célèbres ont publié ou diffusé des reportages qui doutent publiquement de la version officielle de l’attaque chimique de Syrie, donc de la raison des frappes de missiles de la coalition américaine qui l’ont suivie.

Une journaliste du Guardian et du Daily Beast, célèbre partisane du changement de régime, par exemple, déplore que « la désinformation ait pris » sur la Syrie. Dans une série de tweets écrits à la suite du reportage en forme de bombe de Fisk pour l’Independent, [VF] Emma Beals, qui se contente souvent de répéter comme un perroquet tout ce que ses sources ‘rebelles’ lui disent, a réagi à la profusion récente d’experts de haut niveau qui remettent en question la version officielle des événements de Douma sur des plateformes médiatiques britanniques majeures.

Beals a écrit :

Mes amis éduqués et informés n’envoient des mails en masse pour me demander ce qui se passe en Syrie, parce que, « il est très difficile d’arriver à savoir la vérité ». Après des années passées à travailler à la déterrer, c’est désolant de voir à quel point la désinformation a pris ».

Beals prône ce que nous avons récemment décrit comme la version hautement simpliste « Disney » des événements de Syrie :

La Guerre de Syrie pour les nuls – Version Disney :

Il était une fois, un pays dénommé Syrie était dirigé par un dictateur sanguinaire nommé Bachar el-Assad. C’était un homme cruel qui gazait son propre peuple. Ses actions avaient causé une guerre civile en Syrie. Des gens de l’Amérique et d’Europe ont fait de leur mieux pour stopper cette dévastatrice guerre civile, et ont même généreusement accepté de nombreux réfugiés syriens. Au bout du compte, l’Amérique est allée en Syrie, a vaincu Daech, et tente aujourd’hui de restaurer la stabilité du pays.

La version ci-dessus est très en vogue auprès de nombreux Américains et Européens, et des médias grand public occidentaux.

Pendant ce temps, presque au moment du reportage en Syrie de Heute pour ZDF, des juristes du Bundestag (le Parlement fédéral allemand) ont publié un mémoire juridique sur les frappes menées par les USA en Syrie. Le rapport juridique avait été requis par le parti de gauche Die Linke, en réponse aux frappes de la coalition menée par les USA qui ont ciblé des bâtiments de Damas et de ses environs.

« Le déploiement de forces militaires contre un État pour le punir d’avoir violé les termes d’une convention est une infraction au droit international, qui prohibe la violence, » déclare le mémoire tel que cité par l’agence de presse allemande DPA et traduit en anglais par Sputnik.

Le mémoire juridique conclut que l’attaque menée par les USA en Syrie – qui s’est passée de l’accord de l’ONU – mais qui était soutenue par le gouvernement allemand (toutefois sans participation militaire allemande) était fondée sur des allégations d’attaques chimiques que l’équipe juridique n’a « pas jugées convaincantes ».

Paru sur Zerohedge sous le titre Germany’s Largest Public TV News Broadcaster: Syria Chemical Attack « Most Likely Staged »

Traduction Entelekheia

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Les récentes mesures commerciales de Washington visent la Chine et non l’UE ou d’autres partenaires commerciaux. Toutefois, l’objectif n’est pas de réduire les exportations chinoises vers les États-Unis. L’objectif est de pousser à une ouverture fondamentale de l’économie chinoise aux réformes libérales du marché que cherche Washington mais auxquelles la Chine s’oppose fermement. Dans un sens, il s’agit d’une nouvelle version des guerres de l’opium anglo-américaines des années 1840, en utilisant d’autres moyens, pour pénétrer économiquement la Chine. Celle-ci a une vision de sa souveraineté économique en contradiction totale avec celle de Washington. Pour cette raison, Xi Jinping n’est pas prêt de céder et les dernières menaces d’escalade de Trump risquent la déstabilisation complète d’un système financier mondial déjà bien instable.

Il existe essentiellement deux visions contradictoires de la future économie chinoise et c’est ce fait qui justifie les attaques de la part de Washington. L’une est de forcer la Chine à ouvrir son économie aux conditions dictées par l’Occident, en particulier par les multinationales américaines. La deuxième vision est celle mise en place au cours du premier mandat de Xi Jinping visant à transformer l’énorme économie chinoise en la première nation technologique mondiale au cours des sept prochaines années, une tâche ardue mais Pékin prend les choses très au sérieux. Cette vision intègre aussi totalement l’initiative de la nouvelle Route de la soie de Xi Jinping.

Chine 2030…

Washington est déterminée à pousser la Chine à respecter un document qu’elle a édité en 2013, avec la Banque mondiale et sous la direction de Robert Zoellick. Ce document intitulé Chine 2030 appelle la Chine à achever des réformes radicales de son marché. Il stipule : « Il est impératif que la Chine (…) développe un système basé sur le marché avec des bases solides (…) tandis qu’un secteur privé vigoureux joue un rôle plus important comme moteur de la croissance ». Le rapport, cosigné alors par le ministère chinois des Finances et le Conseil d’État, déclarait en outre que « la stratégie de la Chine à l’égard du monde devra être régie par quelques principes clés : ouverture des marchés, équité, coopération mutuellement bénéfique, inclusivité mondiale et développement durable ».

Se référant à la stratégie actuelle de Washington qui consiste à imposer des droits de douane sur des milliards de produits chinois, Michael Pillsbury, un ancien conseiller néoconservateur de Trump et expert sur la Chine, a déclaré au South China Morning Post : « L’objectif final est que la Chine achève les profondes réformes de son économie telles qu’elles sont exposées dans le rapport conjoint » en voulant parler du rapport Chine 2030 de la Banque mondiale.

… Versus Made in China : 2025

Ce rapport a été publié au tout début de la présidence de Xi Jinping, il s’agit donc d’un accord qui précède son arrivée au pouvoir. Rapidement, Xi a présenté ce qui est maintenant son initiative de nouvelle Route de la soie, l’ambitieux projet d’infrastructure industrielle de plusieurs milliers de milliards de dollars de trains à grande vitesse et de ports en eau profonde qui créerait un espace économique intégré à travers l’Eurasie, y compris la Russie, l’Asie du Sud, le Moyen-Orient et certaines parties de l’Afrique de l’Est. Deux ans après que Xi Jinping a dévoilé sa nouvelle Route de la soie économique, son gouvernement a publié un document de stratégie économique nationale tout à fait différent de celui de la Banque mondiale. Il s’intitule China 2025 : Made in China.

Le document envisage une Chine émergeant de sa phase initiale d’économie assemblant des technologies pour Apple ou GM sous licence et devenant autosuffisante grâce à sa propre technologie. Le succès spectaculaire de la société chinoise de téléphonie mobile Huawei qui rivalise avec Apple ou Samsung en est un bon exemple. Chine 2025 est une stratégie de soutient au développement, comme cela a été fait en Allemagne, après 1871, avec « Made in Germany ». En l’espace de trente ans, les fabricants allemands sont passés d’une production de faible qualité à l’une des normes de qualité les plus élevées. Les Chinois connaissent bien ce modèle.

Des sanctions à l’encontre de la Chine sont en cours d’élaboration par le Bureau du représentant américain au commerce (USTR). Le premier rapport de l’USTR, quelque 200 pages, va explicitement au-delà de ce qu’il considère comme des pratiques commerciales déloyales de la part de la Chine, l’accusant de non-respect des droits de propriété intellectuelle, de discrimination à l’égard des entreprises étrangères et d’utilisation de politiques industrielles préférentielles pour « injustement »soutenir les entreprises chinoises. Ce rapport de l’USTR cite Made in China : 2025 et le considère comme une stratégie offensante que les taxes douanières de Trump visent à changer.

Chine 2025 est le plan directeur actuel pour faire de la Chine une économie de haute technologie de classe mondiale, exportant sa propre technologie ferroviaire à grande vitesse, ses avions, ses véhicules électriques, ses robots, ses technologies d’intelligence artificielle et d’innombrables autres technologies de pointe. Il s’inspire à certains égards du modèle sud-coréen de 1950-1980, dans lequel le pays est passé, par étapes, d’une industrie à forte main-d’œuvre à une industrie de haute technologie avec le soutien nécessaire de l’État. La Chine, déjà confrontée au début d’un déséquilibre démographique, sait qu’elle doit développer ce nouveau modèle de base industrielle ou faire face à une stagnation économique si elle perdait de sa compétitivité. Il s’agit de passer de la dépendance à l’égard de la technologie et des investissements étrangers à l’indépendance dans des domaines clés. Une grande partie du projet Chine 2025 est basée sur l’étude minutieuse de l’industrie allemande « Industry 4.0 » qui cherche à marier la production industrielle allemande à l’ère numérique. Chine : 2025 cherche à atteindre « l’autosuffisance » par le biais de la substitution technologique, en devenant une « superpuissance manufacturière »de niveau mondial dans certaines industries critiques de la haute technologie.

« … frapper le serpent au cœur »

Les enjeux de cette dernière confrontation avec Washington sont beaucoup trop élevés pour que Xi Jinping  cède à la pression américaine et ouvre son économie selon les exigences de Washington. Cela ne compromettrait pas seulement la stratégie économique de la Chine, cela ferait aussi perdre sérieusement la face à Xi Jinping, ce qu’il n’est pas enclin à faire. Les titres des récents médias d’État du Parti communiste indiquent cet état d’esprit. L’article principal du Quotidien des Peuples déclare : « dégaine bravement ton épée, ait le courage de faire face et frappe le serpent au cœur… ». Il continue ainsi :  « Une guerre commerciale fera du mal aux consommateurs à faible revenu, aux travailleurs industriels et aux agriculteurs américains….les principaux partisans de Trump… ».

En effet, les salves commerciales de Washington sont destinées à pousser la Chine à garder sa place dans la version américaine d’un ordre libéral mondialisé où l’État n’est pas autorisé à jouer un rôle significatif, où le pouvoir décisif est détenu par une élite gérant les multinationales. Xi Jinping, qui vient de consolider sa position sans restrictions sur le nombre de mandats et qui consolide son rôle de leader chinois comme personne d’autre depuis Mao, n’est pas sur le point de faire marche arrière à cause de ce que la Chine considère comme des pressions étrangères sur sa souveraineté économique. En privé, comme je l’ai confirmé dans de nombreuses discussions en Chine au cours des années qui ont suivi la crise financière de 2008, la Chine considère les États-Unis comme un hégémon en déclin, tout comme l’Empire britannique après 1873. Elle est déterminé à préparer une alternative multipolaire à la « seule superpuissance » américaine de l’après 1990. En lien étroit avec la Russie, elle prépare une monnaie adossée à l’or, une alternative au mode de paiement SWIFT occidental, des défenses militaires contre toute menace américaine potentielle en mer de Chine ou ailleurs. Notable dans ce contexte, le premier voyage à l’étranger du nouveau ministre chinois de la Défense, Wei Fenghe, fut pour rencontrer son homologue russe pour montrer à Washington les liens étroits existant entre les deux puissances eurasiennes. Les Chinois considèrent les États-Unis comme une ancienne puissance industrielle dont la dette est hors de contrôle et dont le modèle de « marché libre » a manifestement échoué chez eux et encore plus dans le reste du monde.

Un éditorial paru le 3 avril dans le Beijing Global Times officiel suggère que la Chine n’a pas l’intention de reculer ou de revenir à l’ordre du jour de la Banque mondiale. Il déclare : « Washington voulait montrer son autorité au monde, mais malheureusement, elle a mal joué son coup. Les élites américaines ont surestimé leur force et leurs plans ». L’éditorial poursuit : « Il n’y a aucun moyen pour les États-Unis de reconstruire l’hégémonie que recherchent les élites de Washington. Alors que la mondialisation et la démocratie ont sapé les fondements de cette hégémonie, les États-Unis manquent de la force, de la volonté et de l’unité interne nécessaires. En fait, les États-Unis ont du mal à maîtriser l’Iran et la Corée du Nord, alors que dire de grands pays comme la Chine. Washington ne peut pas gouverner le monde comme s’il était son empire. »

L’exécution par la Chine de son ambitieuse initiative de Route de la soie n’a pas été toujours sans erreurs. C’est le projet le plus vaste de toute l’histoire du monde, mettant en coopération économique plus de 60 nations et cultures. Elle semble apprendre de ses erreurs et les corriger au fur et à mesure que le travail se développe. Jusqu’à présent, Washington a répondu aux invitations directes à participer en claquant la porte et en imposant de sévères sanctions douanières pour forcer la Chine à abandonner son modèle de politique industrielle d’État.

Il est difficile d’éviter la conclusion que cela ne se terminera pas par une victoire de Trump ou de l’économie américaine. La réaction des marchés boursiers américains à la récente escalade suggère que la plus grande bulle spéculative de l’histoire des marchés boursiers américains risque d’exploser, ce qui déclencherait une crise financière bien pire qu’en 2008. Tout cela suggère le vieil adage selon lequel les gens qui vivent dans des maisons de verre ne devraient pas jeter de pierres.

Trump a décidé de lancer non pas une guerre commerciale, mais une confrontation entre la version de Washington d’une économie mondialisée dirigée par les États-Unis et la vision de la Chine d’un développement économique national souverain. Aujourd’hui, nous voyons le fossé s’élargir avec des pays comme la Chine, la Russie, l’Iran et plusieurs pays européens comme la Hongrie ou l’Autriche, qui réalisent que le plan de globalisation poussé par les États-Unis est un désastre pour leur avenir. Cette divergence est la ligne de faille tectonique la plus importante dans la géopolitique mondiale et définira si le monde descend dans une nouvelle dépression ou s’il développe un modèle de croissance et d’expansion centré autour de la coopération eurasienne entre la Chine et la Russie.

L’économie américaine n’est pas en mesure de remporter une telle confrontation, et Xi Jinping ne reculera pas non plus. Ça pourrait tourner assez mal. Mais la Chine réagit de manière très prudente et mesurée.

Le dernier document de politique stratégique du Pentagone, le 2018 National Defense Strategy, cite explicitement la Chine et la Russie comme les principales menaces à la « sécurité nationale » des États-Unis et accuse la Chine d’être une « économie prédatrice » (sic) c’est à dire d’utiliser les règles du système à son avantage, comme si les États-Unis ne le faisaient pas. Si Trump fait vraiment monter les enchères, la Chine est clairement prête à faire tout ce qui est nécessaire, même dans la douleur, pour défendre son modèle économique, tel qu’il est défini dans le projet Chine : 2025.

William Engdahl

Article original en anglais :

Trump’s China Trade War Has Deeper Agenda, publié le 9 avril 2018

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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  • Commentaires fermés sur La guerre commerciale de Trump contre la Chine poursuit un objectif plus profond

La mise en accusation devant une cour pénale, ce mercredi 18 avril, par 11 Républicains de la Chambre des représentants, de l’ancienne secrétaire d’État, Hillary Clinton, ainsi que de plusieurs anciens hauts fonctionnaires du FBI et du ministère de la Justice (DOJ), est un pas de géant vers une crise constitutionnelle.

Sont nommés dans cette accusation au ministère de la Justice, pour d’éventuelles violations de la loi fédérale : Clinton ; l’ancien directeur du FBI James Comey ; l’ancien procureur général Loretta Lynch ; l’ancien directeur par intérim du FBI Andrew McCabe ; l’agent du FBI Peter Strzok ; l’avocat du FBI Lisa Page ; et le personnel du ministère de la Justice et du FBI « lié » au travail sur le « Dossier Steele », y compris l’ancien procureur général par intérim, Sally Yates, et l’ancien procureur général adjoint par intérim, Dana Boente.

Sans recevoir aucune attention de la part des médias grand public, l’accusation a été envoyée au procureur général Jeff Sessions, au directeur du FBI Christopher Wray et au procureur du district de l’Utah John Huber. Sessions avait nommé Huber il y a plusieurs mois pour assister l’inspecteur général (IG) Michael Horowitz. De l’avis de la plupart des gens, Horowitz fait un travail tout à fait professionnel. En tant qu’IG, cependant, Horowitz n’a pas le pouvoir d’intenter de poursuites ; il a besoin d’un procureur américain pour cela. Et cela doit bien déranger les suspects présumés.

Il ne s’agit pas d’une d’étude de cas dans une l’école de droit, ni d’un débat obscur sur les subtilités de telle ou telle loi. Plutôt, comme on dit au centre ville, « on va tomber de Charybde en Scylla ». Les renvois en matière criminelle peuvent mener à de longues peines d’emprisonnement. Certes, ce nec plus ultra washingtonien bénéficie de soutiens très puissants. Surtout de la part des médias grand public qui auront du mal à changer leur fusil d’épaule et passer du Russiagate au « FBIgate », sujet beaucoup plus délicat et bien plus difficile à avaler.

Au moment d’écrire ces lignes, une journée entière s’est écoulée depuis que la lettre/l’accusation a été déposée, sous le silence total, jusqu’à présent, du New York Times, du Washington Post et des autres grands médias qui doivent se demander comment bien pouvoir présenter ce développement majeur. Par contre, la nouvelle de ce renvoi au pénal a été évoquée par Amy Goodman du site d‘informations alternatives DemocracyNow ! ainsi que par de nombreux autres sites internet alternatifs.

Les 11 membres de la Chambre des représentants ont choisi d’inclure l’observation égalitaire suivante dans le premier paragraphe de leur accusation : « Parce que nous croyons que ceux qui occupent des postes de haute autorité devraient être traités de la même façon que tous les autres Américains, nous voulons être sûrs que les violations potentielles de la loi décrites ci-dessous seront examinées de façon appropriée. » Si cette attitude peu commune pouvait prévaloir au Ministère de la Justice, cela aurait pour effet de révoquer de facto « l’exemption David Petraeus » dont profitent les enrubannés, les médaillés et les cravatés.

Se barricader

Pendant ce temps, la patience des présidents des comités de la Chambre qui enquêtent sur les abus au ministère de la Justice et au FBI s’épuise face à la lenteur qu’ils rencontrent dans la remise de documents clés du FBI qu’ils ont demandés dans le cadre de leur enquête. Cette résistance ouverte est d’autant plus étrange que plusieurs membres du comité ont déjà eu accès aux documents en question et sont peu susceptibles d’oublier le contenu de ce qu’ils y ont lu. (De plus, il semble y avoir de bonnes chances qu’un ou deux dénonciateurs patriotiques les avertissent que des documents clés ne leur ont pas été remis, si cela s’avérait être le cas.

L’inspecteur général du ministère de la Justice, qui supervise le FBI, s’est montré coopératif en répondant aux demandes d’information des commissions, mais ces demandes peuvent omettre des documents dont les commissions n’ont pas connaissance.

Mettant de côté ses motivations partisanes, le président de la Commission parlementaire sur le renseignement, Devin Nunes (R-CA), a été exceptionnellement brutal il y a deux mois en avertissant des conséquences juridiques pour les fonctionnaires qui ont induit en erreur la Cour de surveillance du renseignement étranger, pour pouvoir espionner Trump et ses associés. Les paroles de Nunes ont probablement fait frissonner ceux qui ont beaucoup à cacher : « S’ils méritent d’être jugés, nous les jugerons, a-t-il dit. La raison pour laquelle le Congrès existe, c’est pour superviser les agences que nous avons créées. »

L’Assemblée parviendra-t-elle à vaincre la résistance des personnes renvoyées au pénal et leurs nombreux complices et sera-t-elle en mesure d’exercer sa prérogative constitutionnelle de contrôle, voila l’importante question.

Et rien n’est plus important que les médias

Les médias joueront un rôle clé dans la résolution de cette question constitutionnelle. En grande partie à cause de la réputation bien méritée de Trump d’être un menteur, la plupart des Américains sont susceptibles d’avaler des manchettes biaisées comme celle-ci − « Trump fait monter les attaques contre le FBI… » – provenant d’un article paru dans le Washington Post, qui commente le traitement accordé à McCabe et au FBI qu’il a (des)servi avant son départ à la retraite.

Ou alors le Washington Post peut avertir, voire menacer, de façon claire et nette − comme dans cet article en première page du 17 mars : « Certains alliés de Trump disent qu’ils s’inquiètent de le voir jouer avec le feu en se moquant du FBI. C’est une guerre ouverte, une guerre totale. Et devinez quoi ? Le FBI va gagner », a déclaré un de ces alliés, qui a parlé anonymement pour pouvoir être franc. « Vous ne pouvez pas combattre le FBI. Ils vont l’exploser. » [sic]

Une activité criminelle époustouflante

Ce qui a motivé les personnages assignés pénalement est suffisamment clair, provenant d’une grande variété de sources, y compris l’échange de textos entre Strzok et Page. Beaucoup, cependant, n’ont pas été en mesure de comprendre comment ces responsables de l’application de la loi pensaient pouvoir s’en tirer après de telles incartades illégales.

Aucune des fuites, des révélations, la surveillance, les « études de l’opposition » ou autres activités dirigées contre la campagne Trump ne peuvent être comprises si l’on ne tient pas compte du fait qu’il était considéré comme certain que la secrétaire Clinton deviendrait présidente, auquel cas les activités illégales et extralégales entreprises pour l’aider à gagner seraient oubliées, et non pas jugées. Ces activités n’étaient donc guère considérées à haut risque car la candidate Clinton était sûre de gagner.

Mais elle a perdu.

Comey le dit lui-même dans son livre si puéril qu’il est en train de promouvoir, Une loyauté supérieure – qui est une sorte de stratégie de défense par l’attaque, motivée principalement par une loyauté envers lui-même, afin d’obtenir une carte « sortie de prison ». Chapeau bas à Matt Taibbi de Rolling Stone pour son importante observation, exposée dans son récent article intitulé « James Comey, le J. Edgar Hoover en herbe », où il met en exergue le passage le plus accablant du livre, celui où Comey discute de sa décision d’annoncer publiquement la réouverture de l’enquête sur les courriels d’Hillary Clinton.

Comey admet : « Il est tout à fait possible que, parce que je prenais des décisions dans un environnement où Hillary Clinton était sûre d’être la prochaine présidente, mon souci de faire d’elle une présidente illégitime en dissimulant la reprise de l’enquête ait eu plus de poids que si l’élection était plus proche ou si Donald Trump était en tête dans les sondages. »

Le point clé n’est pas le raisonnement tordu de Comey, mais plutôt que Clinton était « sûre d’être la prochaine présidente ». Cela conférerait, bien sûr, l’immunité automatique à ceux qui sont maintenant renvoyés criminellement au ministère de la Justice. Un pote a blagué que le terme « plus élevé » dans Une loyauté plus élevéese référait surtout à la taille de Comey qui lui permet d’abriter un ego surdimensionné à une hauteur « plus élevée ».

Ray McGovern

 

Article original en anglais :

On the Criminal Referral of Comey, Clinton et al: Will the Constitution Hold and the Media Continue to Suppress the Story?

Consortiumnews et Unz Review, le 19 avril 2018

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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L’Europe face à l’escalade nucléaire

avril 23rd, 2018 by Gabriella Lima

Alors que l’Europe subit des bouleversements considérables, les  États-Unis continuent d’imposer sa vision du monde.

En frappant la Syrie, Washington a prouvé de nouveau  qu’il préfère se concentrer sur des moyens de coercition militaires, au lieu de puiser dans toute la panoplie de moyens diplomatiques, économiques, politiques et sécuritaires. La France et le Royaume-Uni ont soutenu les États-Unis, bien que l’Europe n’ait  aucun intérêt politique à prendre part à la rivalité américano-russe. Au contraire, elle a tous les moyens pour permettre le dialogue et jouer un rôle d’artisan de la paix internationale.

La course aux armements nucléaires menaçante pour l’Europe

Dans un contexte international inquiétant, l’Europe risque de se trouver  au cœur du conflit entre les deux puissances mondiales.

Au mois de mars, le président russe a annoncé posséder de nouvelles armes. Lors de son discours annuel au parlement russe, il a présenté un missile de croisière à propulsion nucléaire à « portée illimitée », un véhicule submersible plus rapide qu’un sous-marin, deux types de missiles « hypersoniques »  indétectables par les systèmes anti-missiles de l’OTAN. Les nouveaux équipements incluent également le « Sarmat », un missile balistique intercontinental de 200 tonnes pouvant être équipé de charges nucléaires et capable de frapper « tout objectif via le pôle Sud ou le pôle Nord » et une flotte de « drones sous-marin » pouvant embarquer de « nouveaux systèmes d’armes nucléaires avec des munitions extrêmement puissantes ».

Presque un mois avant les déclarations du chef du Kremlin, son homologue étasunien Donald Trump a dévoilé une “nouvelle posture nucléaire” américaine qui viserait  à contrer la modernisation de l’arsenal russe. D’après le New York Times, cela “va ouvrir une nouvelle course aux armements nucléaires”.

La nouvelle hypothèse stratégique américaine ne nie pas le danger apocalyptique de l’escalade, tout en pensant pouvoir le contenir et le repousser. Chose certaine, il s’agit d’une rupture par rapport au tabou universel, largement partagé depuis des décennies, exigeant de ne jamais utiliser l’arme nucléaire en cas de conflit.

Selon le docteur en géopolitique de l’Institut français de géopolitique Pierre-Emmanuel Thomann, cette escalade nucléaire fait encourir le plus grand risque pour les nations européennes dont le territoire redevient un enjeu dans la rivalité entre les États-Unis et la Russie dans l’éventualité d’une guerre nucléaire.

Mais l’histoire nous enseigne que les courses aux armements et les guerres nucléaires ne peuvent jamais être gagnées. C’est pourquoi, l’Union Européenne doit garder le sens commun et « prendre la tête du mouvement de dénucléarisation du monde », avant qu’il ne soit trop tard.

Gabriella Lima

Cet article a été publié initialement sur le blogue de l’auteure :

https://gabriella789.wordpress.com/2018/04/23/leurope-face-a-lescalade-nucleaire/

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Dans une escalade majeure de la campagne anti-Russie, visant à la fois Moscou et l’administration Trump, le Comité national démocrate (DNC) a déposé vendredi une plainte contre le gouvernement russe, la campagne électorale de Trump et les hauts responsables de Trump, et WikiLeaks et Julian Assange, les accusant d’avoir comploté pour saper la campagne présidentielle de Hillary Clinton afin de faire élire Donald Trump.

L’action en justice qualifie essentiellement les accusés américains de traîtres.

La poursuite civile, qui cherche à obtenir des millions de dollars en dommages et intérêts, a été déposée devant le tribunal de district de Manhattan. La plainte légale de 66 pages du Parti démocrate ne contient aucune nouvelle information sur le prétendu piratage russe ou la collusion de la campagne de Donald Trump. Elle ne fait que reprendre le récit officiel basé sur le rapport publié début janvier 2017 par la CIA, le FBI, et le Bureau du directeur du renseignement national, qui n’a fourni aucune preuve substantielle de ses accusations, en ajoutant des révélations qui ont été faites plus tard dans les médias, comme les articles concernant la réunion à la Trump Tower en juin 2016 entre les responsables de la campagne Trump et des ressortissants russes.

Le procès répète le récit absurde que Clinton a perdu l’élection à cause de l’ingérence russe. En fait, elle a perdu parce qu’elle a mené une campagne de droite, en tant que candidate de l’establishment politique, militaire et des renseignements. Aussi, les travailleurs étaient massivement dégoûtés des démocrates après huit années d’Obama.

La poursuite et les déclarations du président de DNC, Tom Perez, ont tout d’une chasse aux sorcières maccartiste dans laquelle la Russie a été substituée à l’Union soviétique comme l’ennemi étranger contre lequel tous les Américains patriotes devraient s’unir. Les démocrates ont recours au type de rhétorique qui était la marque de commerce de la John Birch Society dans les années 1950, qui avait dénoncé Eisenhower comme un larbin du Kremlin.

Le Parti démocrate, avec cette action en justice, poursuit Trump et ses principaux collaborateurs pour avoir conspiré avec une puissance étrangère hostile contre les États-Unis. Le fait qu’il nomme Assange en tant que co-conspirateur montre clairement que le but n’est pas seulement d’évincer Trump et de créer une atmosphère de guerre contre la Russie, mais aussi de criminaliser l’opposition politique et d’imposer une censure stricte sur Internet.

La plainte entérine essentiellement la dénonciation d’Assange et de WikiLeaks par le directeur sortant de la CIA et le secrétaire d’État en exercice Mike Pompeo en tant qu’«agences de renseignement non étatiques d’une puissance étrangère hostile».

La poursuite souligne la base militariste et antidémocratique de l’opposition du Parti démocrate à Trump. Les démocrates, qui sont devenus le parti préféré des fractions dominantes au sein du complexe militaire et des renseignements ainsi que de grandes sections de l’élite financière et des grandes entreprises, ne s’opposent pas aux attaques brutales de l’administration fascisante contre la classe ouvrière, les immigrés et les droits démocratiques. Au contraire, il parle pour les fractions de la classe dirigeante qui exigent une politique militaire plus agressive contre la Russie à la fois en Syrie et en Europe de l’Est.

Dans un communiqué annonçant la poursuite, le président de DNC, Perez, a déclaré: «Pendant la campagne présidentielle de 2016, la Russie a lancé un assaut total sur notre démocratie et a trouvé un partenaire actif et volontaire dans la campagne de Donald Trump. Cela constituait un acte de trahison sans précédent: la campagne d’un candidat au poste de président des États-Unis en ligue avec une puissance étrangère hostile pour renforcer sa propre chance de remporter la présidence.»

Il a ajouté que la poursuite lancée par le Parti démocrate «n’est pas partisane, mais patriotique».

Cette accusation de trahison contre les accusés est énoncée dans le langage de la poursuite. Voici des extraits:

«À l’approche des élections de 2016, la Russie a lancé une attaque effrontée contre la démocratie américaine. La salve d’ouverture était une cyberattaque sur la DNC, menée en sol américain… La Russie a ensuite utilisé cette information volée pour promouvoir ses propres intérêts: déstabiliser l’environnement politique américain, dénigrer le candidat démocrate au poste de président et soutenir la campagne de Donald J. Trump, dont les politiques profiteraient au Kremlin.»

«Dans la campagne Trump, la Russie a trouvé un partenaire volontaire et actif dans cet effort… Des agents russes ont pénétré sur le réseau informatique de la DNC aux États-Unis, ainsi que d’autres comptes de courrier électronique, ils ont recueilli ces secrets commerciaux et ces autres données privées et les ont envoyé à l’accusé WikiLeaks, dont le fondateur, Assange, partageait l’objectif commun des accusés de nuire au Parti démocrate avant les élections.»

«La conspiration constituait un acte de trahison jusque-là inimaginable… Selon les lois de cette nation, la Russie et ses co-conspirateurs doivent subir les conséquences de ces actions».

La poursuite ne nomme pas Trump lui-même, mais elle liste comme défendeurs la campagne Trump, le conseiller de Trump, et son beau-fils, Jared Kushner, le fils de Trump Donald Trump, Jr., l’ancien président de campagne Paul Manafort, un confident de Trump Roger Stone, le conseiller de campagne George Papadopolous, l’assistant de la campagne Richard Gates, les hommes d’affaires russes Aras Agalarov et son fils Emin Agalarov, le professeur Joseph Mifsud basé à Londres, WikiLeaks, Assange et 10 sans nom «Pierre Untel».

Manafort, Gates et Papadopolous ont déjà été inculpés par le conseiller spécial Robert Mueller, qui dirige l’enquête du ministère de la Justice sur une prétendue «ingérence» russe et une possible collusion de la campagne Trump. Gates et Papadapolous ont plaidé coupables à des accusations de parjure et ont accepté de coopérer avec l’enquête Mueller. Manafort conteste son inculpation devant le tribunal.

Le caractère politiquement sale de la campagne anti-Russie des démocrates a été souligné vendredi par la publication dans le New York Times d’un article d’opinion du sénateur républicain Cory Gardner du Colorado, un ultra-réactionnaire du type «John Birch Society». Dans son commentaire, Gardner appelle le département d’État à placer la Russie sur sa liste des États soutenant le terrorisme, aux côtés de la Syrie et de l’Iran.

Le dépôt de la poursuite survient une semaine après la frappe de missiles contre la Syrie menée par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France sur la base d’accusations fabriquées d’une attaque au gaz contre des civils dans la Ghouta orientale dans la ville de Douma. À la suite de cette action criminelle, les médias et les politiciens des deux partis ont exigé une guerre beaucoup plus large en Syrie et une posture militaire plus agressive envers les forces russes et iraniennes dans le pays.

De nouvelles provocations et de nouveaux prétextes dirigés contre la Russie émergent pratiquement chaque jour pour préparer le terrain à une guerre à grande échelle en Syrie et à un éventuel conflit militaire avec la Russie, qui est dotée de l’arme nucléaire. Cette campagne de guerre est propulsée par la convergence des tensions économiques et commerciales croissantes, l’aggravation des conflits géopolitiques entre les États-Unis et leurs alliés européens, l’intensification de la guerre politique à Washington et la montée de la résistance des travailleurs à l’austérité et aux inégalités, exprimée dans la vague actuelle de grèves des enseignants.

Le combat des fractions au sein de la classe dirigeante et de l’État américains atteint une ampleur sans précédent. Après le récent raid du FBI sur l’avocat personnel de Trump, Michael Cohen, qui menace le président d’inculpations possibles pour ses opérations commerciales corrompues, la guerre civile entre la Maison-Blanche et le principal organisme de police fédérale, le FBI, est devenue plus explosive encore.

James Comey, que Trump a licencié en tant que directeur du FBI en mai dernier, fait la promotion de son nouveau livre en donnant des interviews dans lesquelles il dénonce Trump comme un menteur, une figure de type mafieux et un probable pervers sexuel. Vendredi, les notes de Comey sur ses rencontres privées avec Trump, dans lesquelles il accuse Trump d’avoir fait pression sur lui pour qu’il laisse tomber les enquêtes liées aux allégations de la Russie, ont été divulguées à la presse.

Les deux parties qualifient désormais leurs opposants politiques de criminels et les menacent de poursuites pénales et d’emprisonnement. Trump a dénoncé Comey comme un menteur et une «ordure» et a demandé qu’il soit poursuivi. L’ancien directeur adjoint du FBI, Andrew McCabe, renvoyé le mois dernier par le procureur général de Trump, est visé par d’éventuelles poursuites pénales par l’inspecteur général du ministère de la Justice.

Dans ces conditions, la poursuite des démocrates vise à promouvoir une politique de guerre élargie à l’étranger et de répression politique dans le pays et, si nécessaire, à remplacer Trump par un nouveau président également réactionnaire, mais plus compétent et plus fiable pour la classe dirigeante américaine.

Barry Grey

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 21 avril 2018

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La décision de Washington, Londres et Paris de bombarder la Syrie avec des missiles le 9 avril, risquant un affrontement militaire direct avec les forces russes dans le pays, a des répercussions internationales. Alors que l’Administration Trump se prépare à des pourparlers avec le président nord-coréen Kim Jong Un sur le programme nucléaire de son pays, elle enflamme les tensions militaires en Asie orientale.

En août dernier, lors de l’anniversaire des bombardements atomiques américains d’Hiroshima et de Nagasaki, Trump a menacé la Corée du Nord d’un« feu et d’une furie comme le monde n’en a jamais vu » si elle n’abandonnait pas son programme nucléaire. À l’époque, le ministère chinois des Affaires étrangères avait fait savoir que de telles actions pourraient provoquer une intervention chinoise dans une guerre américaine contre la Corée du Nord. Son porte-parole, Geng Shuang, avait refusé de répondre oui ou non à la question si la Chine interviendrait militairement en Corée du Nord en cas d’attaque américaine ; c’était là « une question hypothétique à laquelle il était difficile de répondre ».

C’est-à-dire que Beijing n’avait pas exclu la possibilité, comme en 1950 pendant la guerre de Corée, d’attaquer les troupes américaines en Corée pour les empêcher de traverser la Corée du Nord et pour attaquer la Chine ou la Russie.

Aujourd’hui, les fabriques d’idées américaines saluent de façon irresponsable la frappe du 9 avril comme la preuve que Washington peut ignorer de tels avertissements de ses rivaux nucléaires et menacer de bombarder la Corée du Nord si elle ne conclut pas d’accord acceptable avec Trump. Dakota Wood, de la Heritage Foundation a déclaré à CNBC : « Si les États-Unis disent maintenant qu’ils ne toléreront pas les capacités militaires offensives de la Corée du Nord, le gouvernement de Kim devra prendre cette déclaration au sérieux et envisager des conséquences militaires potentielles ».

Bombarder la Syrie « donne aux États-Unis plus de poids dans les discussions nucléaires avec la Corée du Nord », a déclaré Andrea Taylor, du Conseil de l’Atlantique, plus proche des démocrates. Elle a affirmé que cela augmentait « la crédibilité des États-Unis aux yeux des pays du monde entier, que ce soit à Moscou, à Téhéran ou à Pyongyang ».

De plus en plus inquiets de se voir mis sur la touche dans les pourparlers entre Trump et Kim, des sections de l’establishment politique japonais ont également salué les attaques contre la Syrie comme une occasion pour intimider la Corée du Nord. Le journal Asahi Shimbun écrit : « Les responsables du gouvernement espèrent que le dernier bombardement de la Syrie peut être utilisé pour démontrer à Pyongyang que Washington n’hésiterait pas à employer la force si nécessaire. Un haut responsable du ministère de la Défense a déclaré que les frappes aériennes enverraient un message fort à la Corée du Nord que les États-Unis prendraient des mesures militaires ».

Le Japan Times a écrit que la frappe du 9 avril « servira de rappel brutal à la Corée du Nord de l’intervention de 2011 menée par les États-Unis en Libye qui s’est terminée par l’horrible exécution de son chef ». La guerre de l’OTAN en Libye – qui a précédé directement sa guerre par procuration en Syrie – a noté le journal, s’est terminée avec Kadhafi « sodomisé à la baïonnette avant d’être abattu immédiatement après sa capture en 2011 ».

Le Japan Times a également fait remarquer que le régime nord-coréen suivait très attentivement les événements du Moyen-Orient afin de formuler ses propres politiques et en particulier afin d’expliquer la nécessité, de son point de vue, d’obtenir des armes nucléaires. En 2013, après le meurtre de Kadhafi par l’OTAN, le régime nord-coréen avait justifié son argument qu’un arsenal nucléaire était essentiel à sa sécurité nationale en faisant allusion à la Libye, parlant de « conséquences tragiques dans les pays qui ont abandonné leurs programmes nucléaires ».

À Washington et à Tokyo, une partie de l’élite dirigeante est hostile au plan de Trump de rencontrer Kim. Leurs appels pour que Trump exploite un sommet pour forcer, par des menaces militaires, la Corée du Nord à se soumettre, ne font qu’exacerber les tensions qui, tout comme les frappes des puissances de l’OTAN en Syrie, pourraient exploser en un conflit entre grandes puissances nucléaires. Le régime chinois, en particulier, a clairement indiqué qu’il considérait les menaces contre la Corée du Nord comme un défi à sa sécurité nationale, pour laquelle la Chine est partie en guerre dans le passé et pourrait le faire à nouveau.

Le journal d’Etat chinois Global Times a répondu aux frappes du 9 avril contre la Syrie par un éditorial titré : « Après les frappes contre la Syrie, le tour à la Corée du Nord? » Notant l’envoi du porte-avion USS Carl Vincent en Asie pacifique, il a mis en garde qu’une frappe des États-Unis contre la Corée du Nord, comme celle contre la Syrie, pourrait rapidement dégénérer en guerre.

Le journal écrit : « Compte tenu des milliers de pièces d’artillerie de Pyongyang et d’un grand nombre de missiles à courte portée destinés à Séoul, une frappe symbolique contre la Corée du Nord par les États-Unis entraînerait un désastre pour la population de Séoul… Si Washington a recours à une attaque militaire contre Pyongyang, il est peu probable qu’elle soit limitée aux installations nucléaires et aux infrastructures militaires connexes. Une « attaque de décapitation » conjointe des États-Unis et de la Corée du Sud contre le Nord est très possible. Ainsi, une frappe militaire contre le Nord évoluera très probablement vers une guerre sanglante à grande échelle sur la péninsule ».

Bien que le Global Times ne l’ait pas précisé, un acte d’agression américain dans ce sens, comme l’a clairement indiqué le ministère chinois des Affaires étrangères l’année dernière, pourrait rapidement dégénérer en guerre régionale, voire mondiale. Le Global Times a averti le régime nord-coréen de ne prendre aucune mesure, comme un nouveau test nucléaire, susceptible de provoquer une réaction militaire américaine.

Comme en Syrie, les élites dirigeantes des grandes puissances capitalistes ne voient pas d’autre solution que d’intensifier la menace de vastes conflits militaires. Si son sommet avec Kim a lieu, Trump utilisera très certainement tous les moyens à sa disposition, y compris la menace militaire, pour montrer que Pyongyang n’a que deux options : parvenir à un accord de soumission aux exigences américaines sur son arsenal nucléaire et entrer dans l’orbite politique de l’impérialisme américain, ou bien subir une attaque militaire et risquer l’anéantissement nucléaire.

Si la Corée du Nord tente de parvenir à un accord, il est de plus en plus évident que cela ne ferait qu’accentuer les intrigues américaines contre ses voisins, la Russie et la Chine, cibles non déclarées des menaces américaines contre la Syrie et la Corée du Nord. En bombardant la Syrie malgré la présence des troupes russes et en menaçant la Corée du Nord malgré les avertissements de la Chine, Washington fait clairement savoir qu’il ne se laissera pas arrêter par le danger d’une guerre totale contre des États dotés d’armes nucléaires.

Alex Lantier

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 21 avril 2018

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1.Qui est le nouveau Président cubain et comment a-t-il été élu ?

Il s’agit de Miguel Díaz-Canel, né le 20 avril 1960, soit un an après l’avènement de la Révolution cubaine, et il est âgé de 58 ans. Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur, il a enseigné à l’Université centrale de Las Villas à partir de 1985. En 1994, il est élu Premier secrétaire du Comité provincial du Parti communiste de la province de Villa Clara. Il y acqu rapidement une réputation de cadre modeste, travailleur et intègre. Dix années plus tard, en 2003, il occupe la même fonction dans la province d’Holguín. Son bilan positif et la reconnaissance des habitants de la région lui permettent d’intégrer également le Bureau politique du Parti communiste cubain en 2003. De 2009 à 2012, il occupe la fonction de Ministre de l’Enseignement supérieur. En 2012, il fait son entrée au Conseil des Ministres au poste de Vice-président en charge de l’éducation, la science, le sport et la culture. En 2013, il est élu par le Parlement cubain Premier Vice-président des Conseils d’Etat et des Ministres, qui est la plus haute fonction après la Présidence de la République.

Miguel Díaz-Canel est Président de la République de Cuba depuis le 19 avril 2018. Il a été élu, au suffrage indirect, par les 605 députés du Parlement cubain, Président du Conseil d’Etat et Président du Conseil des Ministres pour un mandat de 5 ans. Il cumule à la fois les fonctions de Président de la République et de Chef du gouvernement. Il succède ainsi à Raúl Castro, au pouvoir de 2006 à 2018, et devient le premier dirigeant né après le triomphe de la Révolution à occuper la plus haute fonction du pays.

2.Pourquoi les élections présidentielles sont-elles indirectes à Cuba ?

Pour arriver au pouvoir, Miguel Díaz Canel a d’abord dû être élu au suffrage direct, universel et secret comme député du Parlement cubain. Il a ensuite été élu par le Parlement à la tête du Conseil d’Etat et du Conseil des Ministres, c’est-à-dire à la Présidence de la République.

Les Cubains sont convaincus que, pour ce qui est des élections présidentielles, le suffrage indirect est plus démocratique. En effet, il est matériellement impossible pour un Président de la République élu au suffrage direct de rendre des comptes aux électeurs, si ce n’est de façon symbolique. En revanche, si le Président est élu par le Parlement, comme c’est le cas dans de nombreux pays occidentaux comme l’Espagne ou le Royaume-Uni, celui-ci peut exercer un contrôle sur le chef du pouvoir exécutif. Il est ainsi beaucoup plus aisé d’exiger des comptes au Chef d’Etat, qui se présente devant le Parlement pour défendre son action et répondre aux questions de la représentation nationale. En outre, un Président élu au suffrage indirect sera moins sujet au sentiment d’omnipotence qui caractérise parfois ceux qui revendiquent une légitimité directe de tout le peuple. Un Président élu par un Parlement dispose de moins de pouvoir qu’un Président élu directement par le peuple.

3.Fidel Castro et Raúl Castro ont-ils dirigé le pays depuis 1959 ?

Contrairement à une idée reçue, la Cuba révolutionnaire, c’est-à-dire post-1959, a connu pas moins de cinq présidents de la République. Manuel Urrutia a été le premier à occuper cette fonction de janvier à juillet 1959. Osvaldo Dorticós a pris la relève de juillet 1959 à décembre 1976. Ensuite, après l’adoption de la nouvelle Constitution de 1976, Fidel Castro a occupé le poste de Président de la République de 1976 à 2006, se soumettant au suffrage tous les cinq ans. Suite à son retrait de la vie politique en 2006 pour des raisons de santé, soit deux ans avant la fin de son mandat, Raúl Castro, alors Vice-président du Conseil d’Etat et du Conseil des Ministres, a pris la relève jusqu’en 2008, comme le prévoit la Constitution. De 2008 à 2018, Raúl Castro a été élu Président de la République et a effectué deux mandats successifs. Durant son second mandat, il avait fait part de sa volonté de ne pas se représenter, souhaitant limiter la durée des mandats exécutifs à dix ans maximum. Cette mesure devrait être intégréé dans la prochaine réforme constitutionnelle. Ainsi, Miguel Díaz-Canel est élu Président de la République jusqu’en 2023, avec la possibilité d’effectuer un nouveau mandat jusqu’en 2028.

Si l’importance de Fidel Castro dans l’Histoire de Cuba est indéniable, parler de la Cuba des frères Castro est inexact sur le plan politique. Fidel Castro a occupé la Présidence de la République pendant 30 ans, après avoir occupé la fonction de Premier Ministre pendant 17 ans. De son côté, Raúl Castro a été Président de la République pendant 12 ans. Aucun autre membre de la fratrie Castro n’a occupé de poste exécutif à Cuba. Fidel Castro a eu sept enfants et Raúl Castro, quatre. Aucun d’entre eux n’a jamais occupé une quelconque fonction au sein du gouvernement.

Pour ce qui est de la longévité au pouvoir, à titre de comparaison, François Mitterrand a été Président de la République française pendant 14 ans. Felipe González a été chef du gouvernement espagnol pendant 14 ans. Angela Merkel, la Chancelière allemande, une fois son quatrième mandat achevé en 2021, aura passé 17 ans à la tête de l’Allemagne.

4.Peut-on parler d’élections démocratiques alors qu’il y a un parti unique ?

A Cuba, contrairement à d’autres pays du monde, le Parti communiste n’est pas un parti électoral. Il ne propose pas de candidats aux élections. La législation cubaine est formelle à cet égard. Seuls les électeurs peuvent proposer les candidats aux élections municipales, provinciales et législatives. Il est donc formellement interdit au PCC de présenter un quelconque postulant à une élection. Le procédé est le suivant : avant les élections, les citoyens se retrouvent lors d’assemblées publiques au sein des circonscriptions pour proposer les candidats. Pour chaque élection, il faut au moins deux candidats et au maximum huit. Une fois choisis par la base, les candidats voient leur CV affichés au sein des circonscriptions. Les campagnes électorales sont strictement interdites. Pour les élections municipales, provinciales et législatives, le suffrage est universel et secret.

Les Cubains sont convaincus que leur système est plus démocratique que ceux de nombreux pays occidentaux. Leur point de vue est le suivant : en France, par exemple, où existe un système multipartite, dans l’immense majorité des cas, quelle que soit l’élection, ce sont les partis politiques qui désignent les candidats. Ainsi, les citoyens français ont le choix entre les différents postulants désignés par les divers courants politiques. Or, en France, moins de 5% des citoyens sont membres d’un parti politique et ont donc la possibilité de désigner leur candidat. Ainsi, 95% des électeurs n’ont aucune possibilité de participer à la désignation des candidats pour les différentes élections, leur choix se limitant à opter pour telle ou telle figure désignée par les partis politiques.

5.Quelle est la composition du nouveau Parlement cubain ?

La composition du nouveau Parlement cubain est globalement représentative de la société cubaine et de sa diversité ethnique et sociale. Tout d’abord, la participation électorale a été de 85%. Ainsi, près de 50% des députés (293) ne sont ni membres du Parti communiste ni de l’Union des jeunesses communistes. Contrairement à une idée reçue, n’est pas membre du PCC qui en émet le simple souhait, bien au contraire. Pour intégrer le PCC, il faut être proposé par un membre et passer par un long processus de sélection. L’idée selon laquelle tous les Cubains auraient l’obligation d’être membres du PCC relève du fantasme. Sur les plus de 8 millions d’électeurs à Cuba (sur une population totale de 11,2 millions d’habitants), seuls 800 000 sont membres du PCC, soit à peine 10% des électeurs. Si l’on ajoute les 400 000 membres de l’Union des jeunesses communistes, cela fait un total de 1,2 millions de personnes, soit 15% des électeurs. Ainsi, 85% des électeurs ne sont pas membres du PCC ou de l’UJC.

Plus de 53% (322) des députés sont des femmes. Plus de 56% (338) des députés intègrent le Parlement pour la première fois. L’âge moyen du Parlement est de 49 ans et 13% des élus (80 députés) ont entre 18 et 35 ans. Près de 90% des députés sont nés après 1959. Plus de 40% sont noirs ou métis. Le Président du Parlement cubain, Esteban Lazo, est noir. Ana Maria Mari Machado, une femme, occupe la Vice-présidence. Le secrétariat du Parlement est également dirigé par une femme, Miriam Brito.

Salim Lamrani

 

Salim Lamrani, Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

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Sélection d’articles :

La frappe syrienne : «Première joute»

Par Israel Shamir, 20 avril 2018

Une force extérieure avait poussé les dirigeants de la Russie et des US à la confrontation. Poutine et Trump n’avaient pas plus envie de se battre, autant l’un que l’autre, mais ils ne pouvaient pas éluder le face-à-face.  Ce qu’ils pouvaient faire de mieux, ils l’ont fait : ils se sont évités. C’est la conclusion quelque peu inattendue d’une rencontre soigneusement préparée.

La diplomatie secrète de Trump avec la Corée du Nord

Par Peter Symonds, 20 avril 2018

Quelques mois seulement après avoir menacé la Corée du Nord d’annihilation nucléaire, le président américain Donald Trump a confirmé que le directeur de la CIA, Mike Pompeo, s’était rendu à Pyongyang à Pâques et avait rencontré le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en prévision d’un sommet entre les deux dirigeants.

Après les frappes sur la Syrie, les appels à une guerre plus vaste des États-Unis se font plus insistants

Par Will Morrow, 20 avril 2018

À la suite des frappes de missiles américains, britanniques et français du week-end dernier contre la Syrie, une campagne de plus en plus insistante est menée dans l’establishment politique, l’armée et les renseignements américains pour une guerre plus vaste qui menacerait un conflit nucléaire avec la Russie.

L’affaire Skripal – encore une escalade antirusse

Par Christopher Black, 20 avril 2018

Ce texte paru le 9 mars 2018, peu après le début de l’«affaire Skripal», précédant l’escalade qui en suivit et qui déjà s’annonçait. Le texte met en évidence jusqu’à quel point la version officielle était et reste douteuse, et quelles sont les questions non soulevées par nos gouvernements.

La France est le nouveau « Partenaire Privilégié » des USA en Europe, et peut-être même dans le monde

Par Andrew Korybko, 21 avril 2018

La dynamique géopolitique de la Nouvelle Guerre Froide a fait de la France – et ni du Royaume-Uni ni de l’Allemagne – le nouveau « partenaire privilégié » des USA en Europe à cause de l’influence pan-hémisphérique beaucoup plus étendue de Paris, et de sa place centrale dans le système d’alliances asiatiques que Washington est en train de mettre en place

L’appareil américain des renseignements et de l’armée pousse à de nouvelles frappes contre la Syrie

Par Bill Van Auken, 21 avril 2018

Un rapport des renseignements militaires américains divulgué aux grands médias affirme que les frappes de missiles du 14 avril menées par Washington en collaboration avec le Royaume-Uni et la France n’ont pas réussi à détruire les prétendues capacités d’armes chimiques du gouvernement syrien.

Un second petit Syrien évoque le tournage de la vidéo sur «l’attaque chimique» à Douma

Par Sputnik France, 22 avril 2018

Un petit Syrien de Douma a évoqué devant les journalistes de Sputnik le tournage des scènes de la présumée attaque chimique du 7 avril dans cette ville de la banlieue est de Damas. Il y a participé pour avoir des biscuits et des pommes de terre.

 

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Un petit Syrien de Douma a évoqué devant les journalistes de Sputnik le tournage des scènes de la présumée attaque chimique du 7 avril dans cette ville de la banlieue est de Damas. Il y a participé pour avoir des biscuits et des pommes de terre.

Le petit Moustafa, 10 ans, habite dans la ville syrienne de Douma. Au début, il ne voulait pas parler aux correspondants de Sputnik parce que les membres de Jaych al-Islam répétaient ces dernières années que ceux qui habitent les territoires sous contrôle de l’armée syrienne haïssent les enfants et veulent les tuer. Moustafa refuse net de poser devant la caméra et ne permet de prendre que de loin une photo de lui.

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Mais peu à peu, il s’habitue et se libère de sa peur. Il confie à Sputnik qu’il aime étudier, mais que son école est détruite.

«Vous ne me tuerez pas si je vous dis ce que nous avons fait?», lance-t-il tout à coup.

Et il nous raconte comment des hommes de Jaych al-Islam ont promis aux enfants des dattes s’ils exécutaient leurs ordres.

«Les enfants ont été rassemblés aux abords de l’hôpital. Ils [les membres de Jaych al-Islam, ndlr] nous ont dit que nous aurions des biscuits et des pommes de terre si nous suivions toutes leurs consignes […] On a commencé à nous asperger d’eau avec des tuyaux. Puis les adultes nous ont pris par la main et nous ont entraînés à l’intérieur de l’hôpital où nous avons été pris en photo. Enfin, on nous a distribué les aliments promis et on nous a dit qu’on pouvait jouer parce qu’on avait été sages.»

Moustafa a expliqué qu’en règle générale, les enfants n’étaient pas autorisés à aller à l’école ni à jouer.

Un autre garçon syrien, Hassan Diab, avait précédemment évoqué à la chaîne de télévision Rossiya 24 la vidéo où il était présenté comme une victime de la présumée attaque chimique du 7 avril à Douma. Rossiya 24 a diffusé l’interview de ce garçon de 11 ans qui a participé au tournage de la vidéo sur «l’attaque», invité, comme de nombreuses autres personnes, par les Casques blancs.

Le témoignage d’un autre petit garçon de la Douma vient faire voler en éclat les « preuves » de Macron. Quelle force pousse ou oblige le Président de la République Française à endosser le rôle d’un fieffé menteur à la face du monde ?

Les pays occidentaux ont accusé Damas d’avoir perpétré une attaque chimique à Douma. La Russie a démenti les informations concernant une bombe au chlore qui aurait été larguée par les forces gouvernementales syriennes. Les militaires russes ont qualifié de fausses les photos de victimes de la prétendue attaque chimique à Douma, publiées par les Casques blancs sur les réseaux sociaux. Moscou estime que l’objectif de ces informations mensongères est de protéger les terroristes et de justifier d’éventuelles actions extérieures.

Une mission de l’OIAC est arrivée le 14 avril à Damas pour enquêter sur l’attaque prétendue chimique à Douma, après le bombardement par les pays occidentaux.

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Le naufrage de l’ordre libéral mondial

avril 21st, 2018 by Leonid Savin

Note de la traduction : pour ce texte, j’ai suivi l’exemple d’Emmanuel Todd, qui dans une récente interview, substitue avec justesse le mot « populaire » à « populisme », un terme employé par les médias grand public, au mépris total de sa définition, pour désigner la démagogie. Comme l’auteur, un Russe, ne dénigre en aucune façon le populisme (qui a une place historique particulière dans la genèse du socialisme de l’Union Soviétique, et qu’il emploie dans son sens originel de discours politique favorable au peuple), j’espère qu’il ne m’en voudra pas. Ainsi donc, dans le texte, le mot « populaire » remplace « populisme ».


Il y a quelques semaines, le président du think tank Council on Foreign Relations, Richard Haass, a publié un article intitulé « Ordre mondial libéral, RIP ». Il y établit que la menace actuelle contre l’ordre mondial libéral ne provient pas d’Etats-voyous, de régimes totalitaires, de fanatiques religieux ou de gouvernements obscurantistes (des termes spéciaux employés par les libéraux en référence à des pays qui ne s’alignent pas sur le modèle de développement capitaliste), mais de son architecte principal – les États-Unis d’Amérique.

Haass écrit : « Le libéralisme recule. Les démocraties ressentent les effets de la montée des mouvements populaires. Les partis des extrêmes politiques gagnent du terrain en Europe. Le vote britannique en faveur de la sortie de l’Union atteste de la perte d’influence de l’élite. Même les USA subissent des attaques sans précédent de la part de leur propre président contre les médias du pays, les cours de justice et les institutions de maintien de l’ordre. Les systèmes autoritaires, y compris la Chine, la Russie et la Turquie ont acquis de l’influence. Des pays comme la Hongrie et la Pologne semblent indifférents au sort de leurs jeunes démocraties…

« Nous assistons à l’émergence d’ordres régionaux. Les tentatives de construction de cadres mondiaux sont en train d’échouer. »

Haass avait déjà publié des affirmations alarmistes, mais cette fois, il emploie cette rhétorique pour souligner la nature mondiale du phénomène. Bien qu’entre les lignes, on puisse aisément lire, d’abord un certain degré d’arrogance – l’idée que seuls les libéraux et les mondialistes savent vraiment comment administrer la politique étrangère – et ensuite, un certain complotisme.

« Les autres grandes puissances d’aujourd’hui, y compris l’UE, la Russie, la Chine, l’Inde et le Japon pourraient être critiquées pour ce qu’elles font, pour ce qu’elles ne font pas ou pour les deux. »

Cette liste pourrait probablement s’étendre à un certain nombre de pays d’Amérique latine, plus à l’Égypte qui signe des contrats de ventes d’armes avec la Corée du Nord en violation des sanctions de l’ONU, et au nouvel axe chiite Iran-Irak-Syrie-Liban.

Mais Haass est navré parce que c’est Washington elle-même qui change les règles du jeu et semble totalement indifférente à ce que vont faire ses alliés, partenaires et clients dans divers coins du monde.

« La décision de l’Amérique d’abandonner le rôle qu’elle joue depuis sept décennies marque ainsi un tournant. L’ordre mondial libéral ne peut pas survivre de lui-même, parce que les autres manquent soit d’intérêt, soit de moyens de le maintenir en vie. Le résultat en sera un monde qui sera moins libre, moins prospère et moins paisible, pour les Américains comme pour les autres. »

Un confrère de Haass au CFR, Stewart Patrick est d’accord avec lui sur le fait que les USA sont en train d’enterrer l’ordre mondial libéral. Ils ne le font toutefois pas seuls, mais avec la Chine. Si les USA avaient auparavant entretenu l’espoir que le processus de mondialisation allait graduellement transformer la Chine (et possiblement la détruire, comme dans le cas de l’Union Soviétique plus tôt), alors les Américains doivent avoir été très surpris de ce qui s’est en fait produit. Le pays s’est modernisé sans s’occidentaliser, une idée qui avait été également préconisée par le leader de la révolution islamique iranienne, l’Ayatollah Khomeini.

Aujourd’hui, la Chine étend son influence en Eurasie dans le respect de son modèle, et elle est généralement bien accueillie par ses pays partenaires.

Mais cela a été un processus douloureux pour les USA, parce qu’elle grignotait progressivement et irrévocablement son hégémonie.

« Son ambition à long terme est de démanteler le système des alliances des USA an Asie, pour le remplacer par un ordre régional de sécurité plus bienveillant (dans la vision de Pékin), dans lequel elle aurait une place d’honneur, et idéalement une sphère d’influence proportionnelle à sa puissance. L’initiative Belt and Road (nouvelle Route de la soie) fait parie intégrante de cet effort, en offrant non seulement des investissements (hautement bienvenus) dans des infrastructures pour les pays voisins, mais aussi la promesse d’une plus grande influence politique dans le Sud-Est, le Sud et l’Asie Centrale. Sur un ton plus agressif, la Chine continue de réclamer scandaleusement pour elle-même la presque intégralité de la Mer de Chine méridionale, où elle continue à bâtir ses îles artificielles, et aussi à mener des actions de provocation contre le Japon dans la Mer de Chine orientale, » écrit Patrick.

Quant aux USA, « Les États-Unis, pour leur part, sont un titan las, qui ne veut plus assumer la charge du leadership mondial, que ce soit économiquement ou géopolitiquement. Trump traite les alliances comme un racket mafieux de protection et l’économie mondiale comme une arène de compétition à somme nulle. Le résultat en est un effilochage de l’ordre libéral international sans champion prêt à investir dans le système lui-même. »

On peut tomber d’accord avec les analyses des deux auteurs sur le changement de comportement d’un secteur de l’élite américaine, mais il est lié à beaucoup plus que Donald Trump (qui est si imprévisible qu’il s’est entouré de créatures du marécage même qu’il disait vouloir drainer) ou la classe populaire nord-américaine. Il faut regarder bien au delà.

Dans son livre Nation of Devils:  Democratic Leadership and the Problem of Obedience, Stein Ringen, un politicien norvégien fort d’une longue carrière dans des institutions internationales, note, « Aujourd’hui, l’exceptionnalisme démocratique américain est défini par un système qui est dysfonctionnel à tous les niveaux nécessaires à des règlements amiables et à la loyauté… Le Capitalisme s’est effondré dans une crise due à une orgie de dérégulations. L’argent s’ingère dans la politique et mine la démocratie elle-même. » Et, en citant son confrère Archon Fung de la Harvard Kennedy School, « La politique américaine n’est plus caractérisée par le vote de l’électeur moyen, si cela avait jamais été le cas. Aujourd’hui, dans l’Amérique contemporaine, le capitaliste moyen règne, et les partis démocrate et républicain ajustent leurs politiques à des intérêts d’argent pour les attirer. » Et finalement, Mr Ringen ajoute, « Les politiciens américains réalisent qu’ils ont sombré dans un bourbier de corruption, mais ils sont piégés. »

Trump ne fait que refléter la dysfonction et les contradictions internes de la politique américaine. C’est le Gorbachev américain, mais qui a lancé la perestroïka au mauvais moment. Il doit être malgré tout concédé que si Hillary Clinton était devenue présidente, l’effondrement des USA n’en aurait été que plus douloureux, surtout pour les citoyens du pays. Nous aurions vu des réformes encore plus calamiteuses, un afflux accru de migrants, un déclin encore plus prononcé de la base industrielle du pays, et encore plus d’incitations à de nouveaux conflits. Trump tente de garder le corps de la politique nationale américaine à peu près en vie à l’aide de rustines, mais ce qu’il lui faut est une restructuration majeure, avec des réformes politiques de grande portée qui permettraient à ses citoyens de penser qu’ils peuvent jouer un rôle dans la destinée du pays.

Ces développements se sont étendus à de nombreux pays d’Europe, un continent qui, à cause de son engagement transatlantique, était déjà vulnérable et susceptible de turbulences géopolitiques dans le contexte actuel – dont l’émergence, au passage, est une des principales conséquences des politiques néolibérales elles-mêmes.

Stein Ringen continue sur ce sujet, « Les services financiers mondiaux exercent un pouvoir de monopoles sur les politiques nationales, sans une seule entrave de la part de la moindre apparence de pouvoir politique mondial. La confiance s’évapore, l’Union Européenne, la plus grande expérience historique en démocratie supranationale, est en train d’imploser… »

Il est intéressant de noter qu’une panique s’est emparée l’Europe de l’Ouest et les USA – la maison-mère de l’atlantisme, bien que diverses versions de cette recette de libéralisme aient été appliquées dans d’autres régions – par exemple, Singapour et le Brésil. Mais ils ne semblent pas aussi paniqués là-bas que dans l’Occident. C’est probablement parce que le modèle occidental de néolibéralisme n’accorde pas de liberté réelle de commerce, d’expression ou d’activité politique, mais impose plutôt un régime de soumission inscrit dans un cadre clairement défini. De sorte que la destruction du système actuel implique la perte de tous les dividendes précédemment acquis par les élites politiques libérales de l’Occident, qu’elles obtenaient en spéculant en bourse, par les mécanismes des paiements en devises étrangères (le système du dollar) et à travers les instruments des institutions supranationales (l’ONU, l’OMC et la Banque mondiale). Et, bien sûr, il y a des différences fondamentales dans la variété des cultures mondiales.

Dans son livre Le Dieu caché, Lucien Goldmann tire quelques conclusions intéressantes, qui suggèrent que les fondations de la culture occidentale ont des origines rationalistes et tragiques, et qu’une société immergée dans ces concepts qui a « aboli Dieu et la communauté… [voit rapidement]… la disparition de toutes les normes externes qui peuvent guider l’individu dans sa vie et ses actions ». Et, parce que de par sa nature intrinsèque, le libéralisme doit continuer, mécaniquement, à « libérer » l’individu de toute forme de structure (classes sociales, église, famille, société et genre, jusqu’à libérer l’homme de sa propre individualité), en l’absence de normes communes dissuasives, il est très logique que le monde occidental ait été destiné à se trouver en crise. Et la montée de mouvements populaires, de mesures protectionnistes et des politiques conservatrices dont Haass et d’autres mondialistes libéraux parlent ne sont rien de plus que des exemples de l’instinct d’auto-préservation de ces nations.

Aucun besoin de concocter des théories du complot sur l’ingérence de la Russie ou de Poutine dans les élections américaines (que Donald Trump a également niée, se contentant de noter que le seul soutien de la Russie s’est porté sur Hillary Clinton, et il est absolument vrai qu’une partie de son financement provenait de Russie). Les décisions politiques prises par l’Occident obéissent à la logique interne de la crise actuelle : comme toujours, les élites occidentales ont besoin d’un bouc émissaire. Ce bouleversement géopolitique a commencé en Occident à cause de la nature du projet occidental lui-même, qui portait les germes de sa propre destruction.

Mais comme des scénarios de développement alternatifs existent, ils érodent le système actuel. Et d’autres projets politiques commencent à remplir le vide idéologique qui résulte de l’échec de la vision libérale – à la fois dans la forme et sur le fond.

Il est donc assez probable que la crise actuelle du libéralisme enterrera définitivement le système de l’hégémonie unipolaire occidentale.

Et les mouvements populaires naissants, et le protectionnisme régional peuvent servir de base à un nouvel ordre mondial multipolaire.

Leonid Savin
Paru sur Oriental Review sous le titre The Death Of The Liberal World Order

Traduction Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia
Photo Pixabay

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Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé sa totale solidarité avec la politique militariste et anti-ouvrière du président français Emmanuel Macron lors d’une visite de deux jours à Paris qui s’est terminée mardi.

Quelques jours après que Macron ait ordonné aux avions britanniques de rejoindre les forces américaines et britanniques en lançant des frappes aériennes illégales sur la Syrie, dans un climat de résistance croissante des travailleurs face au programme anti-ouvrier du président, Trudeau a fait de son mieux pour mettre l’accent sur ses affinités politiques avec Macron – soulignant la détermination de son gouvernement libéral à poursuivre de telles politiques au pays et à l’étranger.

«Nous avons une convergence de vue très forte», a déclaré Macron lors d’une conférence de presse conjointe avec Trudeau lundi après-midi. Pour sa part, Trudeau s’est dit enthousiaste: «Le Canada, la France et l’Europe sont extrêmement alignés». Il a particulièrement vanté l’accord de libre-échange Canada-UE et l’accord bilatéral avec la France sur la lutte contre le changement climatique signé lundi.

Offrant une preuve additionnelle du partenariat étroit entre les deux gouvernements, le gouvernement Macron a demandé à Trudeau de s’adresser à l’Assemblée nationale mardi, une première pour un premier ministre canadien et la première fois qu’un dirigeant mondial le fait depuis le roi Felipe d’Espagne en 2015.

Le sommet a souligné le soutien indéfectible de Trudeau à la violence impérialiste. Son gouvernement libéral, qui s’est engagé à augmenter les dépenses militaires de plus de 70% au cours de la prochaine décennie, a élargi le rôle du Canada dans les offensives stratégiques militaires menées par les États-Unis, y compris le renforcement militaire agressif de l’OTAN en Europe de l’Est en confrontation directe avec la Russie, est sans aucun doute «extrêmement aligné» avec Macron. Le gouvernement français, en plus du lancement de missiles en Syrie sur la base de déclarations non fondées et hautement douteuses d’une attaque d’armes chimiques syriennes, a récemment proposé une augmentation des dépenses militaires de 300 milliards d’euros. De plus, avec l’Allemagne, la France est le fer de lance de la militarisation de l’Union européenne en vue d’affirmer agressivement leurs intérêts impérialistes respectifs sur la scène mondiale.

L’utilisation par Macron de pouvoirs d’urgence pour imposer des «réformes» du marché du travail favorables aux entreprises et attaquer les cheminots et d’autres travailleurs du secteur public représente sans aucun doute une «convergence de vue très forte» avec Trudeau. Le premier ministre libéral rend accessible l’infrastructure publique canadienne aux investisseurs privés en créant une banque canadienne de l’infrastructure et en sapant les services publics en imposant aux provinces un «accord» sur les dépenses de santé inférieur à l’inflation.

La détermination de Macron à résister à l’opposition de la classe ouvrière et à la réprimer impitoyablement concorde avec l’engagement ferme du gouvernement Trudeau à ne pas tolérer la moindre opposition aux initiatives qu’il juge être dans «l’intérêt national» du Canada incluant – comme l’a laissé entendre par inadvertance le ministre des Ressources naturelles Jim Carr – les préparatifs pour utiliser l’armée afin de réprimer les protestations contre le prolongement de l’oléoduc Kinder-Morgan.

Trudeau a profité de son voyage en France pour réitérer le soutien d’Ottawa à l’agression menée par les États-Unis en Syrie, qui menace de provoquer une confrontation militaire directe avec la Russie qui pourrait dégénérer rapidement en une guerre majeure. Immédiatement après les frappes de vendredi dernier, Trudeau a publié une déclaration approuvant l’attaque ainsi que les fausses déclarations que Washington, Londres et Paris ont avancées pour justifier leur violation éhontée du droit international. «Le Canada condamne dans les termes les plus forts l’utilisation d’armes chimiques lors de l’attaque de la semaine dernière dans l’est de la Ghouta, en Syrie», a déclaré Trudeau. «Le Canada appuie la décision des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France de prendre des mesures pour affaiblir la capacité du régime d’Assad de lancer des attaques à l’arme chimique contre son propre peuple.»

Bien que les forces canadiennes n’aient pas participé aux frappes aériennes de la semaine dernière, l’élite dirigeante canadienne est profondément complice du carnage opéré en Syrie, en Irak et plus largement dans tout le Moyen-Orient par plus d’un quart de siècle de guerres menées par les États-Unis. En 2011, un général canadien a supervisé le bombardement de la Libye par l’OTAN. Déguisée en intervention «humanitaire», cette guerre de changement de régime a tué des dizaines de milliers de Libyens et a laissé le pays, sept ans plus tard, embourbé dans des conflits et le chaos.

Les forces aériennes et terrestres canadiennes ont rejoint la guerre menée par les États-Unis en Syrie et en Irak en 2014, avec des avions de chasse CF-18 effectuant des frappes aériennes dans les deux pays. En 2016, Trudeau a réorienté l’intervention canadienne en triplant le déploiement du personnel des Forces spéciales dans le nord de l’Irak, où elles ont ensuite conseillé les peshmergas kurdes et combattu aux côtés d’elles, notamment lors de l’attaque organisée par les États-Unis contre Mossoul qui a causé la mort de milliers de civils.

Trudeau a non seulement consulté Macron sur la promotion des intérêts prédateurs des impérialismes français et canadien au Moyen-Orient, mais aussi sur l’expansion de la coopération militaro-stratégique au Mali et dans les régions plus vestes de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. La France, ancienne puissance coloniale dominante de la région, a déployé des milliers de troupes à travers la majeure partie du Sahel sous prétexte de combattre le «terrorisme».

Le gouvernement Trudeau a récemment octroyé 250 soldats canadiens et six hélicoptères de transport armés à la mission de «maintien de la paix» des Nations Unies au Mali. Cette mission, qui se poursuit en étroite collaboration avec la France, vise à soutenir le gouvernement pro-occidental du pays et à sécuriser les intérêts commerciaux des grandes entreprises canadiennes et européennes. Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, a laissé entendre que la stabilisation du Mali exigerait des investissements étrangers à grande échelle afin de favoriser un «développement économique plus large». Ses commentaires ont été faits à l’occasion du lancement par le Canada d’une nouvelle institution de financement visant à développer des projets dans toute l’Afrique.

Les entreprises canadiennes ont investi environ 1 milliard de dollars dans l’industrie minière au Mali et environ 30 milliards de dollars sont investis dans des exploitations minières à travers le continent.

Le déploiement au Mali entrainera encore plus directement le Canada dans la lutte de plus en plus frénétique pour la domination géostratégique et militaire sur le continent africain. Cette ruée est menée par les États-Unis, mais comprend également les puissances impérialistes européennes, et de plus en plus la Chine.

Macron a applaudi la décision canadienne de déployer des troupes au Mali, disant à Trudeau, «Je pense que c’est un geste très important qui a été fait par le Canada, et nous l’apprécions beaucoup.»

L’alliance étroite de Trudeau avec Macron est soutenue par la classe dirigeante canadienne, qui voit dans le président français quelqu’un que le premier ministre devrait imiter. Le Globe and Mail, porte-parole de l’élite financière de Bay Street, a intitulé lundi son éditorial «Emmanuel Macron devient le Trudeau que nous voulions». Macron a adopté «des initiatives visant les nombreux problèmes structurels du pays», écrit le Globe. «Il a coupé un impôt sur la fortune pour stimuler l’investissement et a poussé ses réformes du Code du travail auxquelles s’opposent les puissants syndicats de France. Il a entrepris la réforme des tabous nationaux, du monopole des trains d’État à l’examen du baccalauréat».

Le Globe s’est plaint des «problèmes structurels» du Canada, «d’un retard dans la productivité des travailleurs et d’un déficit d’investissement des entreprises à une accumulation des demandeurs d’asile et à une crise générationnelle de dépendance aux opioïdes». Mais si Trudeau compte régler ces problèmes selon les préférences de l’élite, il devra démontrer plus de la «résolution» et de la «discipline» de Macron, a soutenu le Globe.

Le message ne peut être plus clair. L’élite corporative du Canada demande à Trudeau d’agir avec plus d’agressivité pour faire valoir ses intérêts au pays et à l’étranger, notamment: en utilisant la répression d’État pour intensifier l’exploitation de la classe ouvrière; en imposant des initiatives majeures comme les oléoducs et les programmes de privatisation face à l’opposition populaire de masse; et promouvoir le réarmement, de manière à renforcer le partenariat stratégique militaire du Canada avec Washington et la capacité de poursuivre ses propres intérêts indépendants en divisant le butin de guerre.

Ce programme réactionnaire ne trouve aucune opposition de la part des partis politiques établis au Canada. Les conservateurs, qui sous Stephen Harper ont augmenté les dépenses militaires à leur plus haut niveau en termes réels depuis la Seconde Guerre mondiale et ont mené la guerre en Afghanistan, en Libye, en Syrie et en Irak, étaient aussi enthousiastes que Trudeau dans leur appui aux frappes aériennes illégales en Syrie.

Le nouveau Parti démocratique a publié une déclaration trompeuse expliquant clairement son soutien à l’attaque. La déclaration a répété les affirmations d’une attaque chimique syrienne et a exhorté Trudeau à travailler en étroite collaboration avec la Grande-Bretagne et la France pour apporter la «paix» en Syrie, tout en évitant ostensiblement de mentionner Donald Trump ou les États-Unis. Le soutien du NPD à l’agression impérialiste est peu étonnant. Les sociaux-démocrates canadiens ont appuyé toutes les interventions militaires canadiennes depuis le bombardement de la Yougoslavie en 1999 et, au début des années 2000, ils ont abandonné leur opposition de façade à l’OTAN.

Roger Jordan

 

Article paru en anglais, WSWS, le 18 avril 2018

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Un rapport des renseignements militaires américains divulgué aux grands médias affirme que les frappes de missiles du 14 avril menées par Washington en collaboration avec le Royaume-Uni et la France n’ont pas réussi à détruire les prétendues capacités d’armes chimiques du gouvernement syrien. Il défend implicitement l’idée de raids plus étendus et meurtriers qui pourraient déclencher un affrontement militaire avec la Russie, une puissance nucléaire, qui dispose de troupes en Syrie soutenant les forces du président Bachar al-Assad.

La fuite de ce rapport, qui a été présenté par le New York Times sous le titre « Les frappes de missiles sont peu susceptibles d’arrêter les attaques chimiques syriennes, dit le Pentagone », et largement couvert par Reuters, est intervenue au milieu de nouveaux reportages depuis les lieux de la prétendue attaque aux armes chimiques qui était le prétexte pour les frappes de missiles du 14 avril sur la Syrie, révélant que « les preuves » sont une mise en scène.

La télévision russe VGTRK a interrogé un garçon syrien qui figurait en bonne place dans une vidéo publiée par un groupe rebelle qui constituait la principale « preuve » d’une attaque chimique dans la ville de Douma, dans la Ghouta orientale, le 7 avril. Cette attaque fut invoquée par Washington, Londres, et Paris comme motif pour un acte d’agression militaire sans provocation perpétré en violation flagrante du droit international.

Dans la vidéo filmée par les Casques blancs, une ONG financée par les Britanniques et les États-Unis, le garçon est vu au milieu d’une scène chaotique d’adultes hurlants et d’enfants affolés arrosés d’eau pour contrer effets de la prétendue attaque chimique.

S’adressant à l’équipe de télévision russe, Hassan Diab, 11 ans, a confirmé qu’il était le garçon de la vidéo. « Quelqu’un criait que nous devions aller à l’hôpital, alors nous sommes allés là-bas », a-t-il dit « Quand je suis arrivé, certaines personnes m’ont attrapé et ont commencé à me verser de l’eau sur la tête ».

Son père, qui, comme d’autres résidents de Douma, a déclaré qu’il n’avait rien entendu au sujet d’une attaque chimique ce jour-là, a déclaré au média russe : « Je suis allé à l’hôpital, je suis monté à l’étage et j’ai trouvé ma femme et mes enfants. Je leur ai demandé ce qu’il s’était passé, et ils ont dit que les gens à l’extérieur criaient au sujet d’une odeur et leur avaient dit d’aller à l’hôpital. À l’hôpital, ils ont donné des dates et des biscuits aux enfants. »

L’équipe de télévision a également interrogé le personnel médical de la clinique où la vidéo a été filmée. L’un d’entre eux a déclaré que, alors que les gens se plaignaient de problèmes respiratoires causés par la poussière des bombardements dans la ville, il a été surpris par l’afflux soudain de patients accompagnés par l’équipe de tournage des Casques blancs.

Il a raconté : « Certaines personnes sont venues ici et ont lavé les gens. Ils ont dit : « Attaque chimique. Attaque chimique » : Nous n’avons vu aucun symptôme d’attaque chimique ».

Un compte-rendu similaire a été fourni par une source très différente, la chaîne américaine de droite pro-Trump, USNN, qui a également réussi à faire venir une équipe de télévision à Douma. Son correspondant a rapporté qu’après avoir interrogé une quarantaine de résidents, « aucune des personnes à qui j’ai parlé dans le quartier [où l’attaque aurait eu lieu] n’a dit avoir vu quelque chose ou avoir entendu quoi que ce soit sur une attaque chimique ce jour-là ».

USNN a également parlé au personnel médical de la clinique où la vidéo « rebelle » a été filmée. L’un d’entre eux a déclaré à cette chaîne de télévision que la journée avait été normale, jusqu’au moment où « soudainement, sortie de nulle part […] une bande d’inconnus a fait irruption dans la pièce en criant qu’il y avait une attaque chimique. Ils ont amené des victimes présumées et ont commencé à les arroser d’eau ».

Il a ajouté que les « étrangers » filmaient tout. « Dès qu’ils ont lavé tout le monde, ils ont tout remballé et ils sont partis ».

Les médecins ont déclaré qu’ils « ne voyaient aucune indication d’attaque chimique » et que les personnes amenées avaient l’air « totalement normales », sans aucun symptôme d’avoir été affecté par un agent chimique tel que le chlore ou le sarin. Le chirurgien en chef de la clinique a également signalé que le jour de l’attaque alléguée, l’établissement a enregistré « zéro décès ».

Le reportage de la chaîne américaine de droite présentait également une vidéo de stocks massifs d’obus de mortier et d’autres armes trouvées à Douma après l’évacuation des rebelles liés à Al-Qaïda, qui, d’après le journaliste, allaient dans certains cas : « du plancher au plafond ».

Ces reportages recoupent largement le compte-rendu déjà fourni par Robert Fisk, le correspondant de presse britannique spécialiste du Moyen-Orient, qui s’est également rendu à Douma et s’est entretenu avec un médecin de la clinique. Le médecin a déclaré qu’un « Casque blanc » avait fait irruption dans la clinique en criant « Gaz » et déclenchant une panique, qui a ensuite été filmée par les vidéastes du groupe. Le médecin a dit à Fisk que personne n’avait été touché par un empoisonnement au gaz.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont tous affirmé qu’ils avaient la preuve que le gouvernement syrien avait mené une attaque à l’aide d’armes chimiques le 7 avril, mais n’ont toujours pas rendu publique la moindre preuve.

Ils n’ont pas non plus indiqué quel motif possible le gouvernement d’Assad, qui a écrasé les « rebelles » liés à Al-Qaïda dans la banlieue de Damas de la région de la Ghouta orientale, aurait-il eu pour utiliser des armes chimiques contre une population qui était largement hostile à Al-Qaïda soutenue par l’Occident à la fin de la campagne réussie de l’armée syrienne.

D’un autre côté, le motif de mettre en scène une telle attaque est évident. Il a servi de prétexte à une campagne coordonnée des États-Unis et de leurs alliés européens, préparée bien avant le 7 avril.

Les derniers reportages depuis Douma ont souligné le rôle criminel et corrompu joué par les médias américains et occidentaux, qui ont fidèlement servi de canal de propagande pour la guerre menée par les États-Unis. Ces mêmes médias ont rejeté des rapports de plus en plus nombreux sur l’attaque aux armes chimiques l’exposant comme un une mise en scène en les traitant de mystifications et de « théories du complot ».

Utilisant ce faux incident des armes chimiques monté de toute pièce pour lancer un acte d’agression impérialiste présenté comme une croisade pour « les droits de l’homme », l’impérialisme américain, britannique et français a lancé l’attaque de missiles du 14 avril. Cela faisait partie d’une tentative désespérée de contrer la défaite stratégique subie par les milices islamistes que les États-Unis et les autres puissances occidentales, avec les Saoudiens et d’autres monarchies pétrolières du Golfe, ont soutenues avec des milliards de dollars en armes et en financements depuis la guerre orchestrée par la CIA pour renverser Assad. Le dernier des « rebelles » s’est retiré de la Ghouta orientale quelques heures seulement après les tirs de missiles. Les civils qui sont restés ont dénoncé les milices soutenues par l’Occident comme des « terroristes » qui les ont privés de nourriture et de médicaments et ont exécuté sommairement tous ceux qui s’opposaient à eux.

Parmi les cibles atteintes par les missiles américains, français et britanniques se trouvait le Centre de recherche et de développement de Barzah, que les services de renseignement occidentaux prétendaient être impliqué dans la production d’armes chimiques. Les employés de l’établissement ont toutefois indiqué que son travail consistait à développer des formules chimiques pour les médicaments contre le cancer – en raison de l’embargo américain et européen contre la Syrie – ainsi que des antidotes pour les piqûres de serpents et de scorpions distribués dans toute la région. Le Centre de recherche, qui a été inspecté à plusieurs reprises et autorisé par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), a été en grande partie démoli.

Les enquêteurs de l’OIAC envoyés à Douma auraient été incapables d’atteindre le site en raison de problèmes de sécurité, notamment des tirs d’armes légères mercredi. Les puissances occidentales et les « rebelles » qu’elles soutiennent sur le terrain en Syrie ont un motif évident pour entraver même l’apparence d’une enquête indépendante qui ne trouve aucune preuve de l’attaque chimique invoquée comme justification de l’agression militaire.

L’effondrement de l’histoire officielle des événements de Douma et la fuite du rapport de renseignement militaire américain sont sans aucun doute plus qu’une coïncidence.

Le Times a publié son article sur le rapport en déclarant qu’il concluait qu’« Il est attendu que le gouvernement syrien reprenne son programme d’armes chimiques, en dépit du fait que le président Trump ait déclaré « mission accomplie ». »

Reuters a déclaré que le rapport concluait que les frappes de missiles « n’ont eu qu’un impact limité sur la capacité du président Bachar al-Assad à mener des attaques d’armes chimiques ».

L’agence de presse a ensuite cité des sources parmi les renseignements « américains et alliés » affirmant que des armes chimiques étaient « stockées dans des écoles et des immeubles d’habitation », que l’un des fonctionnaires qualifiait de « boucliers humains ».

Cette référence est particulièrement inquiétante, fournissant ce qui est effectivement un alibi d’avance pour de futures attaques américaines tuant un grand nombre de civils syriens.

En phase avec l’appareil militaire et de renseignement américain, le Parti démocrate fait pression pour une escalade de la guerre américaine en Syrie. Nancy Pelosi, porte-parole de la minorité de la Chambre, a tenu une conférence de presse révélant que le Caucus démocrate avait tenu une réunion la veille pour discuter de la façon d’unir le Congrès américain pour la rédaction d’une nouvelle autorisation d’utiliser la force militaire pour replacer celle passée en 2001 à la suite des attentats du 11 septembre à New York et à Washington. Cette loi, dirigée contre Al-Qaïda, ne couvre évidemment pas les opérations militaires contre le gouvernement Assad en Syrie, qui a combattu les affiliés d’Al-Qaïda soutenus par les États-Unis.

Les Démocrates, ainsi que les couches prédominantes parmi les Républicains du Congrès, font pression pour que la Maison-Blanche de Trump poursuive un affrontement militaire plus agressif avec la Syrie et ses principaux alliés, la Russie et l’Iran, et abandonne la promesse récente de Trump de « ramener les troupes [qui sont en Syrie] à la maison ».

« La politique est claire, la capacité à y parvenir ne l’est pas », a déclaré le Démocrate de premier rang de la commission des services armés de la Chambre des Représentants, Adam Smith, de Washington, dans un entretien accordé à C-SPAN jeudi. « Je ne pense pas que lâcher des missiles une fois par an, en disant « mission accomplie » d’un air satisfait va atteindre cet objectif politique. »

La « politique » à laquelle Smith a fait référence est le renversement du gouvernement Assad en faveur de la domination sans entrave des États-Unis sur le Moyen-Orient, région riche en pétrole et d’une importance stratégique vitale. Avec plus de 2000 soldats américains – complétés par des forces par procuration recrutées dans les milices syriennes kurdes YPG – qui occupent un tiers de la Syrie, y compris ses principaux champs pétroliers et gaziers, des couches décisives au sein de l’establishment politique américain, notamment chez les Démocrates, exigent une politique militaire beaucoup plus agressive qui menace de déclencher une guerre massive aux conséquences dévastatrices pour l’humanité.

Bill Van Auken

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 20 avril 2018

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La dynamique géopolitique de la Nouvelle Guerre Froide a fait de la France – et ni du Royaume-Uni ni de l’Allemagne – le nouveau « partenaire privilégié » des USA en Europe à cause de l’influence pan-hémisphérique beaucoup plus étendue de Paris, et de sa place centrale dans le système d’alliances asiatiques que Washington est en train de mettre en place.

Les jours où le Royaume-Uni et l’Allemagne pouvaient être considérés comme les premiers partenaires des USA en Europe sont révolus et la France émerge désormais comme l’alliée principale de Washington sur le continent. Le Royaume-Uni est empêtré dans un chaos domestique suivant le vote en faveur du Brexit, et se retourne résolument sur lui-même au cours de la période indéfinie de transition et de ré-étalonnage de sa politique étrangère, en direction de l’UE et du Commonwealth britannique. Ceci a rendu la nation insulaire beaucoup moins attractive en tant que partenaire stratégique qu’à tout autre moment dans le passé, et contraint les USA à rechercher d’urgence un remplacement. L’Allemagne, qui recherchait cette distinction pendant les années Obama, a totalement perdu son éclat sous l’Administration Trump à cause des différences idéologiques et économiques entre les deux Grandes Puissances. En outre, le pays est inextricablement lié à la Russie de par le réseau européen de pipelines déjà existants et par ceux qui sont en cours de construction sous la Mer Baltique et sous la Mer Noire, ce qui la rend « stratégiquement peu fiable » du point de vue des calculs politiques à long terme des États-Unis.

Le temps est donc venu pour que les USA remplacent leurs « partenariats privilégiés » maritimes et terrestres avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, respectivement, et la France remplit parfaitement ce rôle de par sa nature géostratégique hybride de nexus maritime et terrestre de l’Eurasie Occidentale.

Le pays est une puissance continentale en termes de l’influence dont il jouit vis-à-vis du sud de l’Europe (en particulier les pays des « PIGS », Portugal-Italy-Greece-Spain), et est aussi une puissance maritime à cause de son vaste héritage colonial en Afrique et dans certaines parties de l’Asie (surtout le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est). En fait, la France peut être considérée comme une superpuissance africaine malgré le fait qu’elle ne dispose pas vraiment de territoire sur le continent, en vertu simplement de sa puissance militaire et financière sur place au travers des deux systèmes de Franc Africain et de l’Opération Barkhane anti-terroriste et multinationale en cours à travers le Sahel, pour ne rien dire de son réseau de bases et de sa tendance historique à intervenir à sa guise sur tout le continent. Les USA n’ont pas de plus grand allié en Afrique que la France, et les deux Grandes Puissances coopèrent exhaustivement pour gérer ses affaires de façon hégémonique et tenter de « contenir » la Chine. De plus, ces deux pays pourraient sans doute coopérer au sein du « Corridor de Croissance Asie-Afrique » indo-japonais (AAGC, Asia-Africa Growth Corridor) et même intégrer les Émirats Arabes Unis dans ce cadre, du fait de l’importance croissante de ceux-ci dans la Corne de l’Afrique.

Cet angle d’analyse amène l’article à porter son attention sur l’importance stratégique de la France en Asie pour les USA. Paris se démène à hue et à dia pour récupérer son influence perdue au Moyen-Orient depuis longtemps, au travers de l’engagement de Macron dans la tentative de résoudre l’affaire Hariri l’année dernière et de la participation enthousiaste de son pays dans les dernières frappes sur la Syrie. Auparavant, la France avait ouvert une base aux Émirats en 2009 et entretient depuis d’étroits liens avec l’allié des Émirats au Conseil de Coopération du Golfe, l’Arabie Saoudite. Les composantes levantines et du Golfe Persique de la politique de Paris au Moyen-Orient donnent une perception de plus grand poids à la France, qu’elle a essayé d’utiliser pour exercer une influence plus importante sur l’Iran. De tous les cinq états mentionnés au Moyen-Orient, les Émirats sont néanmoins le plus important pour la France, parce que l’influence trans-régionale de la « Petite Sparte » dans la Péninsule et ses environs proches de la Corne de l’Afrique s’assemble bien avec le rôle de mentor du Prince Héritier d’Abou Dhabi vis-à-vis de son homologue saoudien, faisant du pays l’une des puissances mondiales en plus rapide expansion.

Les Émirats Arabes Unis se sont beaucoup rapprochés de l’Inde au cours des dernières années tout comme la France, ce qui permet donc de parler d’une complémentarité stratégique trilatérale qui s’aligne parfaitement avec les intérêts des USA. Les Émirats abritent une communauté d’expatriés indiens conséquente qui fournit une main d’œuvre à bas coût pour cette puissance en développement, et Abou Dhabi a récemment déporté son partenariat historique avec le Pakistan sur l’Inde, du fait du refus d’Islamabad de prendre part à la guerre contre le Yémen. L’Inde a depuis joué un rôle important dans ce conflit en fournissant des services médicaux aux combattants blessés de la « coalition » et son Premier Ministre pro-US, Narendra Modi, a même visité le pays et annoncé les intentions de New Delhi de porter les liens entre les deux pays vers de nouveaux sommets. Il est donc évident pour les USA que l’allié émirati de la France constituerait une addition logique à l’AAGC indo-japonais, comme il dispose de ressources abondantes à investir sur le continent, et nourrit l’intention de le faire après s’être établi comme puissance dans la Corne de l’Afrique.

La France, pour sa part, possède avec l’Inde davantage un partenariat militaire qu’économique comme les Émirats, et les deux Grandes Puissances explorent actuellement plusieurs contrats d’armement l’une avec l’autre. Non sans rapport, Paris et New Delhi ont aussi récemment conclu un pacte militaire de type LEMOA (Logistic Exchange Memorandum Of Agreement) qui leur permet de se servir de leurs bases militaires réciproques, donnant donc en théorie à l’Inde un accès aux installations de la France à travers l’Afrique et surtout à sa base navale stratégique de Djibouti. La convergence des intérêts français, émiratis et indiens autour du goulot d’étranglement de Bab el-Mandeb reliant le commerce entre l’UE et la Chine pourrait devenir un facteur puissant dans la Nouvelle Guerre Froide et représente un système d’alliances émergent qui s’aligne avec les intérêts des USA d’une façon que ni le Royaume-Uni ni l’Allemagne sont à même de fournir. C’est pour ces raisons stratégiques à grande échelle et de grande portée impliquant l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud que la France devient rapidement le nouveau « partenaire privilégié » des USA en Europe, et l’un de ses alliés les plus importants au monde.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais :

France Is America’s New “Special Partner” in Europe, Washington’s Chief Ally on the Continent

Traduit par Lawrence Desforges, Global Presse

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L’affaire Skripal – encore une escalade antirusse

avril 20th, 2018 by Christopher Black

Ce texte paru le 9 mars 2018, peu après le début de l’«affaire Skripal», précédant l’escalade qui en suivit et qui déjà s’annonçait. Le texte met en évidence jusqu’à quel point la version officielle était et reste douteuse, et quelles sont les questions non soulevées par nos gouvernements.

«Je pense qu’ils choisiront le bon moment de dramaturgie pour déclarer qu’il s’agit d’une substance ne pouvant être produite que par des laboratoires russes. C’est leur manière d’agir. Ils ne voudront certainement pas constater que le VX était en jeu, car le VX fut développé en 1952 à Porton Down, tout près du lieu des événements. Car ceci impliquerait obligatoirement des investigations concernant la sécurité de l’établissement et l’implication possible du personnel. Malgré le fait que Porton Down s’occupe de la production d’agents chimiques militaires, y compris de neurotoxines, le gouvernement a immédiatement mandaté cette centrale d’identifier la substance ayant pu être utilisée. Il aurait été logique que les autorités de surveillance de Porton Down excluent cet établissement de l’investigation dans un cas, où il pourrait être impliqué lui-même.»


Le gouvernement britannique s’est lancé dans une guerre verbale avec la Russie au sujet d’un incident mystérieux qui aurait eu lieu dimanche 4 mars à quelques kilomètres de Porton Down à Wiltshire, l’établissement britannique de recherche et développement d’armes biologiques et chimiques, endroit entouré de mystère. J’ai dit «aurait», car hormis les communiqués du gouvernement, nous ne disposons que de très peu d’informations par rapport à ce qui s’est vraiment passé. Nous n’avons pas vu de photos des victimes présumées dans les lits d’hôpital qui puissent nous convaincre qu’elles étaient tombées malades et traitées. Mais supposons que l’incident ait vraiment eu lieu tel qu’il est décrit officiellement.

Pas de menace connue de la part de la Russie

L’énigme consiste dans le fait qu’aucune menace de la part de la Russie à l’égard des victimes, l’ancien colonel des services secrets militaires russes Sergueï Skripal et sa fille, n’était connue. Skripal fut accusé en 2006 par la Russie d’être un agent du service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni MI6 et de la transmission d’informations secrètes aux Britanniques. Puis il fut condamné et emprisonné. En 2010, dans le cadre d’un échange d’agents secrets, il fut gracié et put quitter la Russie. Il se rendit d’abord à Vienne, puis en Grande-Bretagne, où il a vécu depuis lors. Il est difficile de savoir pourquoi il a été gracié. Il est possible que ceci ait été nécessaire juridiquement pour effectuer l’échange d’agents avec les Britanniques. Toutefois, les Russes ne voulaient plus rien avoir à faire avec lui. Il semble cependant que pour les Britanniques il avait encore une certaine importance en tant qu’«homme à usage unique» dans une provocation antirusse.

Selon les faits présentés par le gouvernement britannique, Skripal et sa fille venue
de Russie en visite chez son père, se rendirent à Salisbury pour y diner ensemble. Cette ville située tout près de Porton Down. Le but de la visite de la fille n’est pas connu. Selon les informations médiatiques constamment changeantes, des témoins dans le restaurant auraient décrit que Skripal avait l’air agité et fâché, et qu’il aurait quitté les lieux dans cet état avec sa fille qui le suivait. Nous ne savons pas pourquoi il était agité et fâché.

Immédiatement, la faute fut attribuée à la Russie

Une demi-heure plus tard, dit-on, les deux ont été trouvés effondrés sur un banc public. Selon quelques premières informations médiatiques, on apprit qu’il aurait éventuellement pris trop de Fentanyl [un opioïde synthétique], puis vomi, et que leur maladie était auto-infligée. Mais très vite, le gouvernement britannique affirma qu’ils avaient été intoxiqués par un agent chimique militaire ou une neurotoxine, et il attribua la responsabilité à la Russie, bien que l’investigation venait tout juste de commencer.
La police locale fut immédiatement évincée et l’affaire fut attribuée à la police anti-terrorisme, autrefois connue sous le nom de Special Branch [unité spéciale pour la sécurité nationale et l’espionnage], malgré le refus du gouvernement de parler d’un événement terroriste. Une réunion du Comité d’urgence, structure de haut niveau du gouvernement de la Grande Bretagne, appelé Cobra ou COBR [Cabinet Office briefing room à la Downing Street) fut convoquée. On peut bien sûr s’interroger sur la raison de cette initiative, alors qu’il semblait s’agir d’une attaque, d’une tentative d’assassinat ou d’un accident auto-infligé. La réponse à cette question fut donnée par l’immédiat déclenchement d’une campagne de propagande du gouvernement britannique contre la Russie.

Récits contradictoires

Le jeudi 8 mars, le gouvernement britannique affirma qu’il avait identifié la substance utilisée comme étant une «neurotoxine». Le même jour, la BBC cita une femme médecin ayant déclaré avoir trouvé Mme Skripal inconsciente sur un banc, vomissant et avec des contractions spasmodiques, ayant perdu le contrôle de ses fonctions corporelles.

La doctoresse, qui n’avait pas voulu donner son nom, expliqua à la BBC qu’elle avait placé la fille en position de sécurité, lui avait libéré les voies respiratoires, tandis que d’autres personnes s’occupaient du père. Elle déclara l’avoir soignée pendant presque 30 minutes sans avoir observé un quelconque signe d’un agent chimique sur son visage ou son corps. Puis le médecin précisa que, bien qu’inquiète d’avoir été contaminée par une neurotoxine, elle «se sentait bien» pour le moment.

Cependant, le mardi 6 mars, les médias britanniques avaient publié la photo d’un agent de police, ayant été présent sur place, dont ils affirmaient qu’il était tombé malade et aurait été hospitalisé aux soins intensifs, mais qu’à l’heure actuelle il soit stabilisé et convalescent. Ces deux récits ne coïncident pas, car il semble que le médecin avait eu davantage de contact corporel avec les victimes que l’agent de police, et qu’elle ne souffrait d’aucun symptôme.

«Je ne pense pas que M. Skripal était persécuté»

Le «Guardian» a cité Andreï Lugovoï, un autre agent russe, ayant été accusé par les Britanniques du meurtre de Litvinenko. Lugovoï aurait dit que Skripal avait été gracié en Russie et que depuis plus personne ne lui en voulait. «Je n’exclus pas que ce soit une nouvelle provocation des Britanniques. Quoi qu’il arrive sur le territoire britannique, ils s’exclament: ‹Il a été assassiné, il a été pendu, il a été empoisonné!› – et la Russie est toujours fautive. C’est à leur avantage.» Igor Soutiaguine, un autre traître russe, ayant été transféré en Russie en 2010 dans le cadre d’un échange d’agents, a également déclaré: «Je ne pense pas que M. Skripal était persécuté, car il avait été gracié.»

Le refus du gouvernement britannique de nommer la neurotoxine est encore plus énigmatique. Pour créer encore plus d’effet dramatique, le ministre des Affaires intérieures, Amber Rudd, déclara qu’il ne s’agissait ni de Sarin ni de VX, mais de quelque chose «de très rare». Je pense qu’ils choisiront le bon moment de dramaturgie pour déclarer qu’il s’agit d’une substance ne pouvant être produite que par des laboratoires russes. C’est leur manière d’agir. Ils ne voudront certainement pas constater que le VX était en jeu, car le VX fut développé en 1952 à Porton Down, tout près du lieu des événements. Car ceci impliquerait obligatoirement des investigations concernant la sécurité de l’établissement et l’implication possible du personnel. Malgré le fait que Porton Down s’occupe de la production d’agents chimiques militaires, y compris de neurotoxines, le gouvernement a immédiatement mandaté cette centrale d’identifier la substance ayant pu être utilisée. Il aurait été logique que les autorités de surveillance de Porton Down excluent cet établissement de l’investigation dans un cas, où il pourrait être impliqué lui-même.

«Les médias de masse marchent au pas»

La question de savoir si les Russes ont raison en avançant que cette affaire pourrait être une nouvelle provocation arrangée par l’OTAN doit être sérieusement prise en compte. Alors même qu’il n’y a pas la moindre preuve qui pourrait désigner la Russie comme étant impliquée dans cette affaire, le gouvernement britannique s’est empressé de désigner ce pays comme le coupable et les médias de masse ne manquèrent pas de lui emboiter sagement le pas pour diffuser cette nouvelle. Boris Johnson désigna la Russie comme un «pouvoir méchant et destructeur» et menaça de faire retirer la Grande Bretagne du championnat mondial de football devant se dérouler cette année dans ce pays.

Les tentatives de l’OTAN d’éloigner la Russie des jeux olympiques, sous prétexte de doping, furent, pour une bonne part, couronnées de succès. Et du coup nous assistons à une nouvelle tentative de mettre des bâtons dans les roues d’une manifestation importante pour les amoureux du football mondial et pour la Russie. Johnson en rajouta en annonçant que la Grande Bretagne agirait de façon «robuste», si l’implication de la Russie était prouvée.

L’ambassade russe à Londres a déclaré que les prétendues implications de la Russie étaient fausses, et que «le scénario destiné à impliquer la Russie avait été rédigé à l’avance». Il semble que le scénario comprenne encore quelques pages de plus. On peut s’interroger sur le rôle des services secrets car la BBC a rapporté que Skripal était encore en contact avec des agents anglais. On se demande bien pourquoi. Quel rôle avait-il en tant qu’agent du MI6? Quel fut leur rôle ce jour-là?

Modèle de reproches anglais bien connu

Mais on ne fera certes pas de recherche dans cette direction-là. Tous les médias anglais relient cet événement à ce qui s’était produit avec Alexander Litvinenko, un autre Russe qui aurait été empoisonné par du thé radioactif. Des indications comme quoi certains de ses compagnons étaient impliqués furent ignorées, au profit de l’affirmation de l’implication de la Russie alors même qu’on manquait totalement de preuves. On prétend également que cette substance très rare doit provenir d’un stock militaire étatique, on peut donc prévoir à coup sûr les prises de position du gouvernement anglais.

L’événement actuel rappelle le cas de Georgi Markov, le dissident bulgare éliminé à Londres en 1978 prétendument à l’aide d’une capsule de Rizine maniée par un parapluie pour être injectée dans une jambe, alors qu’il s’agissait à coup sûr d’un pistolet à air. Ce meurtre fut aussitôt attribué au KGB et à des agents du gouvernement bulgare, alors qu’il y a des preuves qui font penser que ce meurtre était dû au MI6, de même que l’assassinat de Robert Maxwell, le magnat des médias, en 1991, qui se trouvait en possession de documents en relation avec l’assassinat de Markov – ceci est révélé par Richard Cottrell dans son livre «Gladio» et dans des textes de Gordon Logan, ancien membre des services secrets anglais.

On se rappelle la mort de David Kelly

L’affaire Skipal rappelle aussi la mort du Dr David Kelly en 2003, qui fut attribuée officiellement à un «suicide» commis dans une forêt à proximité de chez lui. On pense généralement qu’il fut liquidé par les services secrets britanniques et la CIA, pour l’empêcher de divulguer des secrets concernant la guerre d’Irak. Il travaillait à Porton Down comme directeur du service de microbiologie.

Il était lui-même relié à d’autres scientifiques de Porton Down, décédés dans de curieuses circonstances, comme le Dr Richard Holmes, dont le corps fut retrouvé en 2012 dans la même forêt que celui du Dr Kelly – deux jours après être parti faire une promenade, dont il n’est plus rentré et un mois après avoir renoncé à son emploi à Porton Down. Puis il y a aussi la mort de Vladimir Pasechnik en novembre 2001, un autre transfuge russe, soi-disant décédé d’une attaque cardiaque. Sa mort ne fut divulguée qu’un mois plus tard par les services secrets britanniques. Le Dr Kelly avait participé à son Debriefing après qu’il ait quitté la Russie.

Qui a quels motifs?

Sir Edward Leigh, membre de la Commission parlementaire de la défense, a déclaré au Parlement britannique: «Les preuves par indices contre la Russie sont importantes. Qui d’autre pourrait avoir un motif et les moyens nécessaires?» La réponse la plus naturelle est le gouvernement anglais disposant d’un motif et des moyens. En quoi la Russie aurait-elle intérêt de s’en prendre à un ancien comme Skripal et de déclencher toute une histoire? Rien. Quel profit en auraient la Grande-Bretagne et l’OTAN? La réponse nous vient également de Sir Richard qui déclare: «Seule la force permet de maintenir la paix», se reportant ainsi à la politique extérieure de Trump, «et si la Russie est derrière cet acte, il s’agit d’un acte de guerre effronté cherchant à humilier notre pays. La défense et notre devoir suprême donc l’augmentation du budget militaire de 2% n’est pas suffisant.» Et c’est précisément là qu’on trouve le motif. Il s’agit de légitimer une augmentation du budget militaire et de se lancer une nouvelle fois dans une campagne de dénigrement de la Russie, dans le but de légitimer les agressions continuelles de l’OTAN contre ce pays.

La Russie a proposé spontanément de participer à l’«enquête», mais pour quoi faire? Le scénario est déjà écrit, le drame se déroulera, les conséquences apparaîtront, menant non pas à la paix et la coopération, mais à davantage d’agressivité et de guerre.

Christopher Black

Article original en anglais :

The British Government is “Talking War With Russia”: The Mysterious Skripal Incident-Another Anti-Russian Provocation

New Eastern Outlook,  le 9 mars 2018

Traduction Horizons et débats

Christopher Black est un pénaliste international vivant à Toronto. Il est connu suite à plusieurs procès concernant des crimes de guerre d’intérêt général, comme par exemple le procès concernant le génocide au Ruanda ou l’ancienne Yougoslavie, où il participa comme avocat de la défense. Récemment est paru son roman «Beneath the Clouds». Il rédige des essais sur le droit international, la politique et les événements géopolitiques, notamment pour le magazine en ligne «New Eastern Outlook».

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À la suite des frappes de missiles américains, britanniques et français du week-end dernier contre la Syrie, une campagne de plus en plus insistante est menée dans l’establishment politique, l’armée et les renseignements américains pour une guerre plus vaste qui menacerait un conflit nucléaire avec la Russie.

Mardi, les législateurs démocrates et républicains ont attaqué l’administration Trump pour la nature «limitée» de l’attaque et ont exigé que la Maison-Blanche s’engage à une opération militaire bien plus vaste pour renverser le gouvernement Assad et affronter l’Iran et la Russie.

Après un briefing privé au Sénat par le secrétaire à la Défense James Mattis et le général Joseph Dunford, le sénateur républicain Lindsey Graham a déclaré aux journalistes que l’administration n’avait aucune stratégie et semblait prête à «donner la Syrie à Assad, à la Russie et à l’Iran». Il a dit: «Je pense qu’après cette frappe, Assad croit qu’on tweet beaucoup, mais qu’on ne fait pas grand-chose».

Graham a appelé à l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne permanente sur certaines parties de la Syrie. Cela obligerait les États-Unis à abattre les avions russes et de déployer davantage de troupes américaines sur le terrain pour orchestrer leurs forces mandataires kurdes et celles liées à Al-Qaïda. Il a déclaré que la Russie et l’Iran ne devraient pas être autorisés à continuer à «dominer le champ de bataille sans contestation».

Le sénateur démocrate Chris Coons a critiqué la menace récente de Trump de retirer les troupes américaines, déclarant aux journalistes: «Il est important pour nous de rester engagés en Syrie.» Il a ajouté: «Si nous nous retirons complètement, notre influence dans toute résolution diplomatique ou reconstruction, ou même tout espoir d’une Syrie post-Assad va disparaître.»

L’insouciance de l’élite dirigeante américaine a été exprimée dans une tribune éditoriale publiée mercredi dans le New York Times par Susan Rice, qui a servi comme ambassadrice à l’ONU puis conseillère à la sécurité nationale sous la direction d’Obama.

Dans la tribune, Rice s’oppose catégoriquement à tout retrait des troupes américaines. Elle appelle l’administration Trump à maintenir indéfiniment son occupation d’environ un tiers du territoire syrien le long des frontières nord et est du pays avec la Turquie et l’Irak, une région qui comprend les ressources pétrolières du pays. Cela concorde avec les appels de plus en plus fréquents et directs dans les médias américains pour un morcellement permanent du pays.

Rice écrit que Washington et ses alliés doivent «aider à sécuriser, reconstruire et établir une gouvernance locale efficace dans les zones libérées». Ce sont des mots de code pour établir le contrôle néocolonial sur le territoire et l’utiliser comme base pour les opérations contre le régime Assad et les forces russes et iraniennes.

Faisant fi du prétexte frauduleux des armes chimiques utilisé pour justifier les bombardements américains et alliés, Mme Rice souligne les objectifs d’une telle intervention: «Cela permettra aux États-Unis de contrecarrer les ambitions iraniennes de contrôler le territoire irakien, syrien et libanais; conserver leur influence dans les principales régions productrices de pétrole et priver M. Assad d’une partie substantielle du territoire syrien, en attendant une solution diplomatique.»

Cette stratégie est en accord avec un éditorial du Wall Street Journal du 16 avril qui appelle Trump à établir des «zones de sécurité» dans le nord de la Syrie, à la fois dans le territoire occupé par les États-Unis à l’est de l’Euphrate et dans la région qui borde la Jordanie. Ceci, écrit le Journal: «ne menacerait pas le contrôle d’Assad sur le reste de la Syrie», mais «enverrait un signal que les États-Unis n’abandonnent pas la région à l’Iran et la Russie». L’éditorial appelle à une «paix basée sur la division du pays en enclaves ethniques».

Ce qui est discuté est le démembrement et la restructuration de façon permanente de la Syrie et de l’ensemble du Moyen-Orient, en partie pour fournir à l’impérialisme américain une base avancée pour ses préparatifs de guerre contre l’Iran et la Russie.

Ryan Crocker, ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie, et Michael O’Hanlon, membre important de la Brookings Institution qui est alignée sur le Parti démocrate, ont commenté le 15 avril dans le Journal pour conseiller que de futures frappes aériennes devaient «faire monter les enchères, en ciblant les commandements et les centres de contrôle militaires, la direction politique, et peut-être même M. Assad lui-même… Il ne faudrait pas rejeter d’emblée des cibles en Iran, dépendamment de la provocation.»

Mardi, le Times a publié un reportage basé sur des déclarations de responsables militaires et administratifs anonymes selon lesquels le secrétaire à la Défense, Mattis, avait demandé à Trump de demander l’approbation du Congrès pour la frappe, mais cela a été rejeté par le président. L’article stipule que «lors de plusieurs réunions à la Maison-Blanche la semaine dernière, il [Mattis] a souligné l’importance de lier les opérations militaires au soutien public – une opinion que M. Mattis défend depuis longtemps».

Dans un éditorial récent, le Times a également souligné la nécessité pour le Congrès d’adopter une législation autorisant d’autres opérations militaires en Syrie et ailleurs.

Mattis aurait également conseillé la sélection des cibles syriennes de manière à minimiser les risques de représailles russes. Ce qui sous-tend ces considérations, à la fois militaires et politiques, est la nécessité de se préparer à une guerre prolongée et sanglante qui impliquerait probablement un grand nombre de troupes américaines et conduirait à un conflit militaire avec la Russie ou l’Iran. Cela nécessitera une répression contre l’opposition antiguerre aux États-Unis, pour laquelle la feuille de vigne juridique d’une sanction par le Congrès est jugée nécessaire.

Dans son éditorial indépendant du Times, Rice demande aux États-Unis de «continuer d’éviter les conflits directs avec la Russie», tout en ne laissant pas «le champ libre à la Russie et à l’Iran». Washington doit «repousser fermement et intelligemment» la Russie, écrit-elle, «en ce qui a trait aux armes chimiques ou autres offenses».

En d’autres termes, la CIA doit continuer à fabriquer une série interminable de provocations et de prétextes afin de justifier la campagne de Washington visant à se débarrasser de la Russie comme obstacle à l’établissement de l’hégémonie des États-Unis au Moyen-Orient et dans toute l’Eurasie.

L’un de ces prétextes a été fourni par la publication lundi d’un rapport conjoint du gouvernement américain et du Royaume-Uni accusant la Russie de vagues actes de «guerre cybernétique» contre l’Occident. Bien que le document ne fournisse aucun accusation ou élément de preuve précis contre la Russie, il a été largement répété dans tous les médias dans le but de créer un climat d’hystérie aux États-Unis et de légitimer une confrontation avec Moscou.

Les réseaux de télévision américains ont commencé mercredi à attirer l’attention sur des reportages sur la mort du journaliste d’investigation russe Maksim Borodin, dont les enquêtes ont porté sur l’entrepreneur militaire privé russe Wagner. Borodin est tombé d’un balcon du cinquième étage à Ekaterinbourg dimanche. De manière typique, avant toute enquête et sans aucune preuve, les médias rapportent largement que la mort de Borordin est la dernière d’une longue série d’assassinats prétendument ordonnés par le président russe Vladimir Poutine.

L’intensité de la campagne anti-Russie croît proportionnellement aux révélations des prétextes officiels au bombardement de la Syrie comme des mensonges. Cinq jours après l’attaque, aucune preuve n’a été fournie pour étayer l’affirmation selon laquelle le régime d’Assad aurait mené une attaque au gaz dans la ville de Douma, dans l’est de la Ghouta, alors que les preuves continuent de s’accumuler que la fameuse attaque n’était en fait qu’un coup monté par les agences des renseignements occidentaux pour fournir un prétexte à des frappes.

Les agences de renseignement ont été aidées par des médias corrompus et serviles. Une étude publiée mercredi par «Fairness in Accuracy and Reporting», un organisme de surveillance des médias, révèle que parmi les 100 plus grands journaux américains par diffusion, pas un comité de rédaction ne s’est opposé au bombardement de la Syrie.

Sky News coupe l’entrevue avec le général britannique Shaw parce qu’il a osé remettre en question le prétexte de l’attaque au gaz en Syrie.

 Le rôle des médias occidentaux en tant que diffuseur des mensonges du gouvernement a été démontré dans une interview de Sky News, en Grande-Bretagne, avec l’ancien major général britannique Jonathan Shaw, le 13 avril, à la veille du bombardement. Lorsque Shaw a détourné une question afin de mettre en doute la motivation qu’aurait pu avoir le gouvernement d’Assad à mener une attaque chimique, étant donné que ses forces étaient sur le point de vaincre les «rebelles» soutenus par les États-Unis à Douma et qu’une attaque au gaz risquait fort de déclencher une intervention occidentale, l’animatrice Samantha Washington l’a coupé brusquement en milieu de phrase et a mis un terme à l’interview.

Will Morrow

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 19 avril 2018

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La diplomatie secrète de Trump avec la Corée du Nord

avril 20th, 2018 by Peter Symonds

Quelques mois seulement après avoir menacé la Corée du Nord d’annihilation nucléaire, le président américain Donald Trump a confirmé que le directeur de la CIA, Mike Pompeo, s’était rendu à Pyongyang à Pâques et avait rencontré le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en prévision d’un sommet entre les deux dirigeants. Ayant tourné en dérision l’ancien secrétaire d’État Rex Tillerson pour avoir «perdu son temps» en essayant de négocier avec la Corée du Nord, Trump se prépare maintenant à rencontrer en personne le dirigeant qu’il a ridiculisé en le surnommant «Little Rocket Man».

Cette volte-face abrupte ne veut pas dire que Trump vient de changer complètement d’idée, lui qui vient tout juste de déclencher des frappes illégales de missiles sur la Syrie. L’administration Trump sent plutôt la possibilité de faire avancer les intérêts de l’impérialisme américain et de renforcer sa position en Asie du Nord-Est contre ses principaux rivaux, la Russie et la Chine, et des concurrents potentiels tels que le Japon.

Les ouvertures de Trump au régime de Pyongyang trouvent un parallèle historique avec le tournant soudain du président américain de droite Richard Nixon vers la Chine. Le conseiller à la sécurité nationale de Nixon, Henry Kissinger, effectua une série de voyages secrets à Pékin en 1971 pour établir les bases de la rencontre de Nixon avec le président du Parti communiste chinois Mao Zedong en février 1972. Le rapprochement de Nixon avec la Chine jeta la base de la restauration capitaliste en Chine et sa transformation en la plus importante plate-forme de main-d’œuvre bon marché du monde.

Il n’est pas du tout certain qu’un sommet Trump-Kim aboutisse à un accord entre les deux pays. Lors d’une rencontre avec le premier ministre japonais Shinzo Abe mardi, Trump a déclaré aux médias que le sommet serait une «bonne occasion de résoudre un problème mondial», ajoutant: «Nous aurons une très bonne rencontre, ou nous n’aurons pas une bonne rencontre. Et peut-être que nous n’aurons même pas de rencontre du tout, dépendamment de ce qui va se passer.»

Près de 50 ans après la rencontre entre Nixon et Mao, les États-Unis considèrent la Chine comme le principal obstacle à leur hégémonie mondiale. Sous le président Barack Obama et maintenant Trump, les États-Unis ont lancé une vaste offensive diplomatique et économique contre la Chine à travers l’Indo-Pacifique, visant à saper l’influence de la Chine et à se préparer à la guerre. Au cours des derniers mois, les relations avec Pékin se sont vite dégradées, étant marquées par des menaces de guerre commerciale, et aussi celles avec la Russie à l’égard de la Syrie, où les États-Unis cherchent à évincer l’allié de Moscou, le président syrien Bashir al-Assad.

Depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, les États-Unis ont systématiquement isolé la Corée du Nord sur le plan diplomatique et imposé des sanctions paralysantes sur son économie. L’objectif primordial de cette stratégie n’était pas de mettre fin à la menace supposée posée par le minuscule arsenal nucléaire du pays, mais plutôt, d’une manière ou d’une autre, de le ramener dans la sphère d’influence américaine. De plus, les États-Unis ne sont certainement pas préoccupés par les violations des droits de l’homme du régime oppressif militaro-policier de Pyongyang.

En ayant forcé la Chine à resserrer le nœud économique sur son allié, Trump pourrait bien estimer être en mesure de «retourner» la Corée du Nord dans son giron, la transformant d’un ennemi américain en allié dans l’affrontement de Washington avec la Chine et la Russie. Dans la rivalité pour la domination impérialiste en Asie du Nord-Est, la péninsule coréenne, qui borde à la fois la Russie et la Chine, a toujours été cruciale d’un point de vue stratégique. La guerre de Corée menée par les États-Unis de 1950 à 1953, qui a coûté des millions de vies, a été menée pour la domination de la Corée. Elle était considérée à Washington comme le précurseur d’une guerre plus large contre la Chine, dont l’entrée dans le conflit a anéanti les espoirs des États-Unis.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un en 2012, les relations de la Corée du Nord avec la Chine se sont nettement détériorées. La visite de Kim à Pékin le mois dernier pour rencontrer le président chinois Xi Jinping était sa première, et visait sans aucun doute à garder ses options ouvertes avant le sommet avec Trump. Le but primordial du régime nord-coréen dans deux décennies de négociations et d’accords avortés a été l’instinct de survie: un traité de paix pour mettre fin officiellement à la guerre de Corée et l’obtention de garanties de sécurité de Washington. Dans des commentaires mardi, Trump a déclaré qu’il avait donné sa «bénédiction» à la Corée du Sud pour discuter d’un traité de paix dans les pourparlers entre Kim et le président sud-coréen Moon Jae-in plus tard ce mois-ci.

De manière significative, Trump a choisi de révéler le voyage de Pompeo à Pyongyang au milieu de ses rencontres avec le premier ministre japonais Abe. Tout comme Nixon a surpris le Japon en annonçant son voyage à Pékin en 1972, Trump a laissé Abe dans l’ignorance, d’abord au sujet de son annonce d’un sommet avec Kim et maintenant avec sa diplomatie secrète de «très haut niveau». Abe, qui a été tout aussi belliqueux envers la Corée du Nord que Trump, en utilisant ses essais de missiles comme prétexte à la remilitarisation, confronte la possibilité qu’un accord de Pyongyang-Washington sape les intérêts stratégiques du Japon.

Le changement de Trump sur la Corée du Nord est lié à la crise politique aiguë à qu’il confronte au pays et dépend aussi de considérations géopolitiques externes. Confronté à de multiples scandales et à des attaques continuelles contre son incapacité à adopter une position plus ferme contre la Russie, Trump pourrait voir l’occasion de répondre à ses détracteurs en orchestrant un beau coup diplomatique pour résoudre «un problème mondial» – à l’avantage de Washington. Sa décision va certainement provoquer une résistance déterminée des adversaires de factions de Trump dans les cercles dirigeants, comme l’a déjà indiqué la réaction hostile initiale du New York Times au voyage secret de Pompeo.

Il est trop tôt pour dire ce qui sortira d’un sommet Trump-Kim, ou même s’il aura lieu. Au milieu de la Grande Dépression des années 1930 et des dangers croissants de guerre, la diplomatie internationale était pleine de rebondissements surprenants. Le dirigeant nazi Adoph Hitler signa un pacte de non-agression avec la Pologne en 1934 et un autre avec l’Union soviétique en 1939, avant de les rompre.

Si Trump est incapable de conclure un accord avec le dirigeant nord-coréen, le sommet pourrait rapidement devenir le cadre d’une provocation diplomatique américaine qui déclencherait un conflit dévastateur sur la péninsule coréenne qui pourrait avoir des conséquences incalculables. Le fait même que Trump ait choisi Pompeo, qui seulement l’année dernière a laissé entendre que la CIA avait des plans pour «séparer» Kim de son arsenal nucléaire en l’assassinant, est un avertissement que le pendule pourrait rapidement basculer vers la guerre.

Même si Trump réussit un tour de force diplomatique et parvient à un accord avec Pyongyang, l’issue la moins probable est que cela conduise à une ère de paix. Il est beaucoup plus probable qu’il ouvrira la voie à une intensification rapide d’affrontement avec les principales cibles de l’impérialisme américain: la Chine et la Russie.

Peter Symonds

Article paru en anglais, WSWS, le 19 avril 2018

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La frappe syrienne : «Première joute»

avril 20th, 2018 by Israel Shamir

Le public a été quelque peu déçu, on s’attendait à mieux. Une minute avant, deux preux fonçaient l’un vers l’autre, effrayants, les lances pointées, le panache au vent, les chevaux lancés au galop,  les dames agitant leurs mouchoirs pour leur champion, et puis  ils se sont croisés, bien dans leur selle, pas une plume de travers, pas une goutte de sang sur les lances, et les chevaux sont repartis contents au petit trop.

Vils couards! criaient les garçons, tandis que les dames sont heureuses de voir leurs chevaliers se retirer du champ de bataille sans une égratignure. Nous savons tous que ce n’était que la première joute, quand la prudence inhibe la montée de testostérone. Ils vont bientôt se remettre en selle, nos preux.

C’est un bref résumé de la frappe syrienne. Une force extérieure avait poussé les dirigeants de la Russie et des US à la confrontation. Poutine et Trump n’avaient pas plus envie de se battre, autant l’un que l’autre, mais ils ne pouvaient pas éluder le face-à-face.  Ce qu’ils pouvaient faire de mieux, ils l’ont fait : ils se sont évités.

C’est la conclusion quelque peu inattendue d’une rencontre soigneusement préparée. Franchement, ça n’avait aucun sens de soulever une vague de peur et de vitupérations sur le dos des Russes jusqu’à de telles extrémités pour un pareil final. La montagne a accouché d’une souris, comme disait Horace. Mais on peut s’attendre à ce que la montagne se remette bientôt à pousser.

Pour rien au monde je ne voudrais favoriser un prochain affrontement. Les deux présidents ont déjà fait la preuve de leur vigueur et leur courage en limitant les dégâts au minimum. Il ne serait pas sage de les fustiger pour ne pas avoir réussi à écraser leur adversaire, même si c’est ce à quoi s’évertuent maintenant des centaines de mandarins et des millions de personnes privées.

Côté US, Trump a été réprimandé par de brillants humanitaires, tel Mr Mohammed Alloush (frère de Zahran, que l’on ne regrette point), le dirigeant de Jaysh al Islam, un groupe de combattants jihadistes modérés, soutenus et payés pour cela par ce prince si progressiste, le meilleur ami des chauffeurs pour dames, Mohammed bin Salman. Les frappes aériennes ont été « une farce », a-t-il commenté. Et Israël est également outré que le président Trump « en ait fait le moins possible ».

Si Trump n’a pas encore été scalpé par les néocons à Washington, c’est parce qu’il avait judicieusement amené dans son camp les pires des bellicistes, John Bolton et Nikki Haley, pour lui servir de boucliers humains en cas d’attaque néocon ; personne ne peut  accuser un homme dont le conseiller à la sécurité est John Bolton, et dont l’ambassadrice à l’ONU est Nikki Haley, d’être trop tendre avec Poutine. Désormais, ils ne peuvent plus clamer leur indignation. Comme on dit à l’armée, ils vaut mieux les avoir sous la tente et pissant au dehors, que dehors et pissant au dedans.

D’accord, il y a des gens qui ne sont jamais contents. Vil Mirzayanov, l’expert russe qui avait espionné le développement du Novichok comme arme chimique, puis a immigré aux US, a écrit dans son blog pour ses premiers maîtres de la CIA : « [par cette frappe], Trump vient de confirmer qu’il est un agent de Poutine ! La pauvre Nikki devrait claquer la porte et démissionner, parce qu’une honnête femme ne saurait servir sous les ordres d’un agent du Kremlin. »

Les véritables agents du Kremlin, leurs infiltrés et autres scribes, ou, de façon alternative, les dissidents occidentaux, ont présenté l’affrontement comme une « grande victoire pour Poutine. » C’est le terrain de jeux commun aux infiltrés poutiniens et anti-poutine : quoi que fasse le dirigeant du Kremlin, il faut présenter la chose comme une  grande victoire de Poutine. Après quoi, ils se séparent, d’un côté, les agents de Poutine implorent la bénédiction du Très Haut sur Poutine, tandis que de l’autre, les infiltrés anti-Poutine appellent à le frapper plus durement et accusent tous ceux qui sont plus souples que Gengis Khan d’être les collabos à la botte du tyran.

C’est une sottise, de présenter cette frappe comme une réussite de Poutine. Le Kremlin a tenté d’éviter la frappe, tout en évoquant sombrement une riposte sévère, des « long-courriers » qui seraient visés, invoquant Satan 2.0 et annonçant un hiver nucléaire, mais le discours n’a pas suffi à retenir la frappe. Pas un avion britannique ou américain abattu,  ni même visé. Les Russes n’ont pas mis en œuvre leurs S-300 ni leurs systèmes S-4000 SAM, au motif que les missiles US n’avaient pas approché les bases russes.

L’argument est douteux: Poutine s’était efforcé de retenir un assaut sur Damas; or Damas n’est pas une base russe. Regardons les choses en face : Poutine n’a pas pu empêcher la frappe et n’a pas fait payer à l’agresseur le prix pour cette brèche béante dans le droit international.

Le général à la retraite Leonid Ivashov, observateur militaire russe important, a dit que la frappe avait anéanti la tentative de prévention russe, mis en lumière les fanfaronnades de Poutine sur ses puissantes armes nouvelles, et, pire que tout, l’ont montré indécis et incapable de répondre à une attaque. Nous avons tourné casaque la queue entre les jambes, comme des chiens qu’on a punis, a-t-il poursuivi. Les avancées victorieuses de la Russie en Syrie ont été rayées d’un trait par cette inaction honteuse.

Le pire, c’est que la frappe de Trump a détruit ce qui restait de la structure des lois internationales, le système bâti par Roosevelt, Churchill et Staline. Ces trois géants avaient créé l’ONU et son Conseil de sécurité afin d’empêcher toute éventualité de ce genre en interdisant toute agression, et la frappe a été sans l’ombre d’un doute un acte d’agression contre un Etat souverain malgré l’objection de l’un des membres du Conseil de sécurité, la Russie. Maintenant, les portes de l’enfer sont grandes ouvertes, le droit international est en ruines, et c’est arrivé parce que Poutine a été d’accord pour aménager les modalités de la frappe voulue par Trump, a dit Ivashov.

Les médias russes ont beau parler d’une grande victoire russe, dans la mesure où pas un soldat russe ni syrien n’a été tué, bien des Russes souscrivent au triste constat d’Ivashov. Toute la question est de savoir si l’aversion russe pour la bataille va encourager les Américains  à entreprendre d’autres frappes, ou si Trump va imposer son règne dans son camp, qui lui est adverse.

On a du mal à accepter la version russe officielle selon laquelle les systèmes SAM syriens ont intercepté 70% des missiles lancés à l’assaut, comme l’a dit l’excellent journaliste Pepe Escobar. Ce serait un résultat trop mirobolant même pour les systèmes les plus à jour, les plus performants. Le terne bilan de l’agression s’explique plus facilement par la décision de Trump de minimiser les dégâts, comme  le disent les militaires israéliens.

Les experts militaires russes à Moscou m’ont dit que de la centaine de missiles tirés par les US et leurs alliés, seuls un ou deux « étaient des missiles de croisière modernes », et qu’ils avaient détruit l’Institut de recherche en chimie de Barzeh. Ce n’était pas un « centre d’armement chimique », juste un centre de recherches en chimie (sa destruction ressemble tout à fait au bombardement par Bill Clinton de l’usine de produits pharmaceutiques au Soudan sous un prétexte comparable).

Tous les autres missiles étaient périmés et en fin de carrière ; il fallait en faire usage d’une façon ou d’une autre, c’est tout. Quelques-uns ont pu être abattus par le feu syrien, d’autres ont touché terre sans infliger de gros dommages. La défense aérienne syrienne n’est pas capable de chasser du ciel  des missiles de croisière modernes ; les appels des Syriens à leur fournir des systèmes SAM modernes ont été rejetés à la demande d’Israël. Netanyahou est arrivé à Moscou en disant que des S 300 entre les mains des Syriens feraient de tout Israël une zone de non survol ; Poutine a acquiescé, et les Syriens se sont donc vus refuser de modernes SAM. Espérons que maintenant ces systèmes modernes vont se frayer un chemin dans l’armée syrienne.

Les experts russes qui étaient en contact avec les militaires US m’ont dit qu’ils ont profité de cette occasion pour ré-entraîner et renouveler leurs pilotes réservistes ; ce qu’ils appellent « une traite générale » (“a milk run” *). Cette combinaison de vieux missiles et de pilotes moins expérimentés a contribué à minimiser l’efficacité de la frappe. Et les deux côtés, américain et russe, ont admis que la ligne de distension avait fonctionné tout le temps, pour éviter des accidents regrettables.

Pour ma part, je tends à penser que c’est une bonne conclusion  à l’histoire des armes chimiques imaginaires. Le baratin ne tenait plus, de toute façon. L’empoisonnement de Skripal a fait connaître un vieil  espion en pleine forme, tandis que Boris Johnson était pris la main dans le sac à mensonges ; l’OCPW (l’organe de contrôle des armes chimiques) refusait de rattacher le poison à Moscou.  Les Anglais gardaient Miss Skripal au secret le plus rigoureux,  loin de son fiancé et du reste de sa famille, signe évident que le récit partait en sucette. Espérons que Jeremy Corbyn saura se servir de la débâcle de May, à son avantage politique.

La part syrienne de l’histoire s’est également effondrée, une fois que Robert Fisk, l’un des meilleurs observateurs britanniques du Moyen Orient, avec David Hirst, s’est rendu à Douma et a transmis un reportage cueilli à la source, celui d’un médecin de la clinique filmée par les Casques blancs.

Il a dit :

« Il y a eu beaucoup de bombardements [par des forces gouvernementales] et des avions tournoyaient au-dessus de Douma toute la nuit, mais cette nuit-là, il y avait du vent et d’énormes nuages de poussière commencèrent à arriver dans les sous-sols et caves où les gens se terraient. Les gens ont commencé à arriver à la clinique en souffrant d’hypoxie, du manque d’oxygène. Alors quelqu’un à la porte, un ‘Casque blanc‘ s’est mis à crier ‘c’est du gaz’, et la panique s’est répandue. Les gens ont commencé à se jeter de l’eau les uns sur les autres. Oui, la vidéo a été tournée là ; c’est authentique, mais ce que vous voyez, ce sont des gens qui étouffent, et non pas des empoisonnements au gaz.»

Les Russes ont en fait localisé quelques-unes des personnes que l’on voit sur la vidéo, et ils disent que c’était une mise en scène; les médias occidentaux disent qu’ils avaient subi des menaces s’ils ne disaient pas ce qu’ils ont dit. Personnellement j’ai plus confiance dans le reportage de Fisk que dans celui des Russes, mais cela peut tenir du préjugé de mon côté. De toute façon, les deux versions ne sont pas incompatibles, elles ne se contredisent pas, et elles contribuent à saboter l’histoire parfaitement fausse qui a fourni le prétexte ultime pour la frappe.

Le blog de la communauté bancaire de Chypre a publié un certain nombre de données qui prouvent que les préparatifs pour la frappe étaient en marche bien avant la supposée attaque au gaz. On y découvre que la base aérienne  britannique d’Akrotiri à Chypre a vu son périmètre renforcé de toute urgence (par la compagnie britannique Agility) le 5 avril, et donc avant l’attaque prétendument lancée sur Douma. La seconde base aérienne britannique Dhekelia a effectué les mêmes travaux le 12 avril, une semaine plus tard,  avant que la décision de frapper n’ait été adoptée par le gouvernement britannique. Les travaux de Dhekelia ont été menés à toute vitesse et en urgence, et il a fallu aller prendre des  matériaux de construction dans les villages voisins de Xylotympou et d’Ormideia. La rémunération pour les ouvriers locaux était arrivée via la banque HSBC de Hong Kong, disent-ils. Et justement ce sont ces bases aériennes, forcément retenues par la Grande Bretagne, qui ont été servi pour l’attaque sur la Syrie.

L’OPCW aurait pu  dissiper le brouillard autour des deux affaires, celle de Skripal et celle de Douma, mais ne retenez pas votre respiration. Il est clair que l’OCPW est autant intégrée dans la machinerie des Maîtres du discours que n’importe quel autre organe international.

Le fait que l’OCPW n’ait pas laissé la Russie prendre part à l’enquête sur l’affaire Skripal, malgré  l’appel des Russes à se référer à sa propre charte, rend la conclusion de la dite enquête pour le moins douteuse. Par ailleurs, le fait que les inspecteurs de l’OCPW n’aient pas trouvé le moyen de pénétrer à Douma malgré les efforts de Damas et des Russes pour leur faciliter l’accès nous indique qu’ils ne tiennent pas vraiment à enquêter, pas plus que l’année dernière, quand ils ne voulaient pas tellement entrer à Khan Sheykhun.

Pendant ce temps-là, les médias occidentaux et les groupes jihadistes sur le terrain s’ingénient à créer un autre tricotage de mensonges pour remplacer les anciens. Maintenant ils disent que c’est le reportage de Fisk qui est suspect parce qu’il a été autorisé à aller sur les lieux par les Russes. Nous pouvons comprendre ce qui sous-tend leur position à partir du tout suivant :

“Salih @Salih90119797 Apr 17 More

Replying to @Elizrael

We salute Israel in spite their crimes in Palestine we hope they’ll continue their strikes every part of Syria; Iran regime should comedown”

Ce qui qui veut dire: “Nous saluons Israël en dépit de ses crimes en Palestine, nous espérons qu’ils continueront à frapper partout en Syrie ; le régime iranien doit tomber. »

Ces « rebelles islamiques » [« modérés » ?] sont en fait des agents d’Israël, pas vraiment des guerriers du Prophète.

En tout état de cause, les gens qui ont bricolé ces brillants simulacres compliqués rôdent encore, et on peut être sûrs qu’ils en préparent un autre, au besoin.

A mon avis, les deux présidents ont fait des efforts héroïques pour sauver leur pays et le monde de la destruction ; tous les deux ont mis en danger leur réputation, leur position, leur nom, en allant aussi loin. Trump a réduit les bombardements au minimum, Poutine a fait de même pour la riposte.

Chacun a commis quelques fautes. Poutine a fait une énorme bourde en donnant à Israël carte blanche pour bombarder la Syrie chaque fois que l’envie lui en prend. Les frappes israéliennes (et il y en a eu plus d’une centaine l’année dernière) ont mis en place le climat de permissivité qui a permis à Trump de marcher dans les traces d’Israël. Si l’Israël bombarde la Syrie, et que les Russes ne réagissent pas, pourquoi pas Trump ? Pour les US, si les US se voient dépassés par leur satellite, c’est de la triche. Si tu permets à Tom de mettre la main aux fesses de ta copine sans la moindre objection, il faut t’attendre à ce que Dick et Harry essayent de renouveler l’exploit. Israël a créé le précédent, et les US l’ont mis à profit.

J’ai demandé au sénateur Alexï Pouchkov, chef du Comité aux relations étrangères, s’il ne pensait pas que c’était une erreur, après coup. Il a justifié cette politique et disant que la Russie était venue en Syrie pour combattre des groupes jihadistes, ISIS, Al Qaida et d’autres, mais pas Israël. La Russie est amicale avec Israël, avec l’Iran et avec la Turquie, et ne veut pas se mêler de trancher dans des désaccords locaux. Pouchkov souligne que la Russie a toujours condamné les raids israéliens sur la Syrie, même sans agir concrètement en retour. Mais  de fait, si la Russie a condamné Israël, c’est à mi-voix, tout doucement. La seule fois où cette condamnation a été rendue publique, c’est cette fois-ci, alors que la frappe israélienne a eu lieu dans un moment de grande  tension.

Trump a fait une erreur quand il a lancé ses missiles au lieu de viser le procureur Mueller et de s’en débarrasser. Mais bon, merci, Mr Trump, dans tous les cas, pour avoir limité les dégâts. Essayez de mener à son terme votre retrait de Syrie, pendant que vous y êtes.

Cependant, le grand problème c’est que les forces qui veulent la guerre sont toujours actives. On a l’impression qu’il y a une grande houle qui soulève les bateaux russes et américains jusqu’à la collision, qui les pousse vers les récifs. Cette fois-ci, les deux chefs sont parvenus à éviter la confrontation. Mais la houle est toujours là, et la prochaine fois, nous aurons peut-être moins de chance.

Nous sommes entrés dans une nouvelle étape pour la conscience humaine: des millions d’utilisateurs des réseaux sociaux s’expriment. Il s’agit souvent d’opinions dangereuses, et nos ennemis savent comment les manipuler. Tant qu’il n’y a pas un effort sérieux pour baisser le niveau des sentiments destructeurs, l’humanité peut y rester, et nous n’aurons personne à blâmer en dehors de nous-mêmes.

Il est nécessaire de contrer la confrontation US-Russie en menant une action positive. Le sang qui coule à Gaza nous fournit une excellente cause en ce sens. Un effort conjoint de la Russie et des US pour en finir avec le siège de Gaza peut changer l’ordre du jour du monde entier. Cela détournera les bellicistes de la Syrie et de Moscou.

Israel Shamir

The Unz Review

* Milk Run (tournée du laitier) : Expression anglo-saxonne utilisée pour décrire une procédure de livraison à arrêts multiples.

 Article original en anglais :

“First Joust” and The Strike on Syria

Cet article a été initialement publié par The Unz Review.

 

Traduction de l’anglais: Maria Poumier, Entre la plume et l’enclume

Israel Shamir peut être contacté à [email protected]

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Liban-mémoires de guerre (3/3)

avril 19th, 2018 by René Naba

Serge Soghanalian (1929-2011), parfait représentant du monde interlope des marchands de mort

Sa profession est marchand d’armes, autant dire un marchand de mort et sa vie a inspiré un légendaire film d’Hollywood, «Lord of War» (2005), dont le rôle principal a été joué par Nicolas Cage.

Natif d’Alexandrette, issue d’une famille d’origine arménienne, il quittera sa ville natale pour le Liban en 1939 lors du rattachement de ce district syrien à la Turquie par la France, à l’époque puissance mandataire de la Syrie.

Serge Soghanalian, de son vrai non Sarkis Garabet Soghanalian, appartient au monde interlope des marchands de mort. Au cercle ultra restreint de marchand d’armes.

A l’instar de son collègue russe Viktor Anatoleivitch BOUT, qui a été immortalisé par le film «Le cauchemar de Darwin», un documentaire paru en 2005 sur le troc entre l’Europe et l’Afrique, des armes prélevées sur les stocks de l’Europe de l’EST contre des cargaisons de poissons, particulièrement la perche du Nil pêchées dans le Lac victoria, très prisée par les consommateurs européens, réduisant la population locale à se nourrir de carcasses de poissons.

Un des plus gros marchand d’armes de l’époque contemporaine, Serge Soghanalian a été le pourvoyeur de Saddam Hussein, dans la décennie 1970-1980 dans sa guerre contre l’Iran; En Amérique latine, il a été le fournisseur des Contras dans la contre révolution au régime sandiniste du Nicaragua; de l’Argentine durant la guerre des Malouines, en 1982, et de l’Equateur; en Afrique, enfin, à Joseph Désiré Mobutu (Zaire Congo Kinshasa), au Polisario et la Mauritanie.

Il aura néanmoins maille à partir avec la justice américaine pou trafic d’armes.
Sa peine purgée, il ouvre des bureaux de représentation en Jordanie et en France, dans la décennie 1980, où il mettra à profit son séjour parisien pour s’impliquer dans la fourniture de pièces d’artillerie lourde à l’Irak, en substitution au gouvernement socialiste empêtré par l’affaire des otages français au Liban.

Sur ce lien, la spirale des otages français au Liban

La spirale des otages

Emprisonné une nouvelle fois pour fraude bancaire, il sera relâché un an plus tard, pour «service rendu»…. aux services américains, en remerciement de sa participation à une transaction militaire ayant abouti à l’éviction du président péruvien d’origine japonaise Alberto Fujimori (1990-2000).

Les premières livraisons d’armes au Liban: Boutros El Khoury et Nassif Habbour.

Au Liban, lors de son séjour, Serge Soghanalian avait exercé divers métiers notamment celui de moniteur de ski, avant de rejoindre l’armée française pour servir dans les blindés, pour finir par s’installer définitivement aux États Unis, une fois la 2me Guerre mondiale terminée.

Quasi inconnu dans son pays d’accueil, malgré son séjour passé, l’homme surgira brusquement en 1973 sur le marché des armes au Liban, après une absence de près de trente ans, à une période charnière de l’histoire du pays, alors que l’armée libanaise mise en échec lors des affrontements de printemps avec les Palestiniens, était conduite à signer l’Accord de Melkart (Mai 1973) et qu’en sous main le président Soleimane Frangieh donnait l’ordre à ses services d’équiper les milices chrétiennes en prévision de nouveaux round.

Depuis sa résidence aux États Unis, Virginia Garden en Floride, Serge Saghalonian organise sa première livraison d’armes au Liban en 1973. Cinq avions-cargo C-130 chargés d’armes de tous calibres, de toutes natures, sont acheminés vers le Liban pour être livrés aux milices via le 2eme bureau de l’armée, commandé alors par le Colonel Johnny Abdo.

Sur la faillite sécuritaire de Johnny Abdo

Wissam Al Hassan, la dague du dispositif sécuritaire saoudien au Proche orient.

Le premier lot a été financé par Boutros El Khoury, richissime homme d’affaires libanais, originaire du Nord-Liban, la région du président Frangieh. Le second lot par Nassif Habbour.

Les armes affluaient de partout. Au su et vu des services américains. Avec la caution de la CIA, assurera-t-il, au point que des parachutages de matériel militaire aux milices chrétiennes avaient même été envisagés, alors que les camps d’entraînement était spécialement aménagés aux milices chrétiennes avec l’aide de l’armée libanaise.

Khalil Al Khalil intermédiaire entre l’Iran et les milices chrétiennes.

De partout: De Jordanie, d’Israël, voire même de l’Iran. L’intermédiaire entre l’Iran et les milices chrétiennes n’était autre que Khalil Al Khalil, ambassadeur du Liban auprès du Chah d’Iran et fils de Nazem Al Khalil, Vice-président du Parti National Libéral de Camille Chamoun, et dirigeant chiite du Sud Liban.

La famille Al Khalil est apparentée par alliance matrimoniale avec la Famille Ahmad Chalabi, le «judas irakien» qui a servi de lièvre à l’invasion américaine de l’Irak, en 2003.

Le Roi Hussein de Jordanie, «parrain absolu» des milices chrétiennes.

Bourreau des Palestiniens en Jordanie, lors de la séquence du «Septembre Noir», en 1970, le monarque hachémite était le «parrain absolu» des milices chrétiennes, dont il voulait aider le combat afin de mater définitivement les Palestiniens pour s’assurer l’exclusivité de la représentation de la cause palestinienne, de même que la gauche libanaise afin d’éviter une fermentation idéologique de la population tant jordanienne que libanaise, au delà des pétromonarchies arabes.

Principal ravitailleur en armes des milices chrétiennes, au même titre qu’Israël, dont il coordonnait ses efforts avec l’État hébreu, le monarque hachémite a été aussi le principal avocat de la cause des milices chrétiennes auprès de l’administration américaine, le principal avocat pour une intervention syrienne au Liban en vue de stabiliser la situation au profit de ses alliés miliciens.

Sur le rôle de la dynastie hachémite dans la stratégie atlantiste

  • http://www.renenaba.com/hassan-et-hussein-le-modernisme-au-service-de-larchaisme/
  • http://www.renenaba.com/la-jordanie-et-le-maroc-deux-voltigeurs-de-pointe-de-la-diplomatie-occidentale/
  • http://www.madaniya.info/2015/05/25/media-et-terrorisme-la-jordanie-passante-du-sans-souci-du-printemps-arabe/
L’arsenal israélien livré aux milices chrétiennes

La Jordanie fournira 400 tonnes d’armes aux milices chrétiennes.
Israël, un formidable arsenal, se décomposant comme suit:

  • 15 transports de troupes
  • 33 canons 120 mm et 15.880 obus du même calibre
  • 10 tonnes de TNT (dynamite)
  • 200 mines et 16 détecteurs de mine
  • 15 système de transmission
  • 100 bazookas 73 mm avec 6000 projectiles du même calibre
  • 4 batteries de lance missiles Katiouchas (orgues de Staline)
  • 160 RPG (Rocket Propelled Grenade / lance roquette) avec 1000 projectiles anti chars.
  • 30 mortiers 52 mm avec 600 projectiles du même calibre
  • 44 mortiers 82 mm avec 1.800 projectiles du même calibre
  • 6 mortiers 900 avec 160 projectiles du même calibre
Épilogue

Le leadership maronite a été le fossoyeur de la cause des Chrétiens du Liban, par sa cécité politique, son mépris de son environnement, son sentiment inné et injustifié de sa supériorité. Un pêché d’orgueil en somme.

1 – Les Phalangistes

Les Phalanges libanaises symbolisent mieux que tout cette tendance.

Fer de lance du combat milicien au début de la guerre, par sa discipline, sa structuration et sa préparation, il porte une lourde responsabilité dans le déclenchement de la guerre et dans la conduite des hostilités.

Jugé sectaire, voire fascisant, les phalangistes ont payé un lourd tribut à la guerre du fait de sa politique xénophobe erratique. Si ce parti a réussi à propulser deux de ses membres, les deux fils du fondateur, Bachir et Amine Gemayel, à la Présidence de la République, il a eu à déplorer l’assassinat de deux membres du clan Gemayel.

Bachir Gemayel a été assassiné en 1982, à la veille de sa prise de fonction à la présidence de la République Libanaise. Son cousin germain, Pierre, député libanais a été assassiné un quart de siècle plus tard, dans des conditions mystérieuses à une époque de grande déstabilisation régionale consécutive à l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri et du retrait syrien du Liban.

2 – Le Parti National Libéral

Chef charismatique des Maronites au point de leur impulsé une sorte de lévitation politique, Camille Chamoun figure dans l’esprit de ses compatriotes en tant que vague souvenir. Son Parti le «Parti National Libéral» (PNL) et sa milice «les Tigres» ont été décimés par la guerre fratricide qui a opposé les milices rivales inter chrétiennes en 1978 (assaut des phalangistes contre les tigres dans le massacre de Fakra, et par la décapitation de la famille du fils cadet du président Chamoun et son successeur désigné, Dany Chamoun massacré par les troupes de Samir Geagea.

Seule survivante de la famille Dany Chamoun, Tracy Chamoun, tente désespérément de redonner souffle à l’héritage politique familial, à redonner une âme à un projet politique novateur, en dehors des querelles de clans, des guerre picrocholines qui sonnèrent le glas du leadership maronite sur le Liban.

3 – Le Bloc National

Dirigé désormais par Carlos Eddé, héritier du Clan Eddé, un personnage sans relief, sans envergure, à l’élocution défectueuse en arabe, inaudible, invisible, sans saveur ni odeur, le Bloc National est un astre mort.

4- Samir Geagea

Sans héritier mâle, ni femelle, Samir Geagea subit de plein fouet les lois implacables de la biologie dans une société de féodalité clanique. Sans héritier ni héritage politique à léguer; un don inespéré pour le Liban de la part d’un des plus grands criminels de la guerre libanaise.

Tous les clients libanais de l’industrie d’armement américain, clients de Serge Soghanalian, Bachir Gémayel et Dany Chamou sont morts de mort violente, le phalangiste au marche pied du pouvoir, le «tigre» par son propre camp. Même topo pour les clients étrangers de l’industrie américaine d’armement, clients du marchand d’armes américano arménien: Saddam Hussein (Irak) et Mouammar Kadhafi (Libye), anéantis par les Américains, alors que Joseph Mobutu, en phase terminale de cancer, était refoulé du territoire français au terme de 40 ans de transfusion monétaire résultant du pillage du Zaire au bénéfice de la France.

Quant à la féodalité chiite, qui avait rallié la bannière milicienne chrétienne par opportunisme politique, les clans Sabri Hamadé (Baalbeck-Centre liban), Kamel Al Assad (sud Liban), et Kazem Al Khalil, région de Tyr sud Liban, elle a été balayée par les vents de l’histoire, faisant place net au nouveau pivot de la vie politique libanaise le Hezbollah Libanais, l’un des plus prestigieux mouvements de libération nationale du tiers monde, au même titre que les «Bardubos» cubains le Vietminh ou les Moujahidine algériens.

La version arabe concernant Serge Soghanalian sur ce lien

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Mohammed Ben Salman. L’hubris de l’éphémère.

avril 19th, 2018 by Chems Eddine Chitour

«Mon père chevauchait un chameau, je roule en Cadillac, mon fils roule en jet, son fils chevauchera un chameau.»  (Proverbe saoudien)

La mue de l’Arabie saoudite de MBS

Pour mettre de l’ordre «son ordre», MBS prince héritier depuis juin 2017, il n’y va pas de main morte: il embastille. «Depuis le 9 septembre 2017, plusieurs dizaines d’arrestations ont eu lieu en Arabie saoudite. Il s’agit pour la plupart de personnalités publiques très différentes dont la caractéristique commune est qu’elles n’ont pas pris position dans la «crise qatarie». La liste comporte aussi plusieurs jeunes intellectuels réformistes qui, après 2011, ont pris une part active à la contestation démocratique en Arabie. Parmi eux, Abdallah Al-Maliki, diplômé de sciences religieuses, qui a créé l’événement en 2012 en publiant un livre dans lequel il cherchait à montrer la primauté de la souveraineté populaire sur la charia et Mustafa Al-Hassan, fondateur d’un forum pour encourager le développement des sociétés civiles.» (1)

«Au-delà des profils des détenus, ce qui frappe est la méthode. (…) Il faut dire qu’après trois mois de blocus, l’Arabie, les Émirats arabes unis, l’Égypte et le Bahreïn n’ont pas obtenu grand-chose,.(…) Ces nouvelles arrestations ont donc une seconde cause profonde, de nature plus structurelle, liée aux transformations depuis deux ans du régime saoudien. (…) C’est tout ce système qui est mis à bas depuis 2015 avec la montée en puissance d’un unique homme fort, Mohammed Ben Salman, actuel prince héritier et fils du roi, qui concentre aujourd’hui entre ses mains l’essentiel du pouvoir. (…) L’obsession de Mohammed Ben Salman semble être de créer une verticale du pouvoir remontant à sa personne, alors même que le système saoudien était tout entier bâti sur l’idée d’une certaine horizontalité.» (1)

«Mohammed Ben Salman argue de la nécessité de mettre l’État et la société en ordre de bataille pour, d’une part, relever les défis régionaux – notamment ce que Riyadh qualifie d’«expansionnisme iranien» et qui justifie la guerre au Yémen – et, d’autre part, faire appliquer son projet de réforme économique et sociale, présenté de manière tapageuse sous le nom de «Vision 2030» La même transformation s’était produite de manière plus discrète plus d’une décennie plus tôt aux Émirats arabes unis sous la férule de Mohammed Ben Zayid, prince héritier d’Abou Dhabi et mentor de Mohammed Ben Salman. À Riyadh, on murmure ainsi que l’objectif des changements actuels est d’importer en Arabie le «modèle émirien», qui fascine le jeune prince»..(1)

La France au service de Riyadh pour une poignée de dollars

 «Il semble que la politique gaullienne en ce qui concerne les pays arabes appartient au passé. Place aux affaires!!:»Les liens assez étroits des dirigeants français avec certains dirigeants de pays arabes du Golfe ne relèvent pas du secret défense. Ces liens ne cessent de se renforcer au point où le petit Émirat du Qatar parvient sans aucune peine à influer de manière décisive aussi bien en amont qu’en aval du processus de conception et de mise en oeuvre de la politique étrangère de la France au Moyen-Orient et en Afrique. (…) La proximité du prince héritier Mohammed Ben Salman et du président français Emmanuel Macron est un cas d’école à étudier. (…) D’après des sources fiables, le puissant prince saoudien Mohamed Ben Salman ou MBS a mis Emmanuel Macron à son service pour six milliards de dollars US. Dans les faits, Macron reprend mot pour mot les positions officielles de la famille régnante du Royaume d’Arabie saoudite: pas de retrait US de Syrie; contre-offensive politique pour assurer la continuité du conflit au Levant; soutien politique, diplomatique et militaire à la coalition arabe menée par Riyadh au Yémen; déstabilisation de certaines régions du Sahel et, cerise sur un gâteau déjà pourri, servir d’alternative en cas de défaillance de Trump dont les positions réelles suscitent l’extrême méfiance de Riyadh et des grands financiers de Londres et de Frankfurt. Pour les Saoudiens, la vie est belle: on peut s’acheter un président français pour trois fois rien!». (2)

De même, le dernier passage de MBS en France, malgré les salamalecs, a déçu en termes de contrats… Ainsi:

«À l’issue d’une longue tournée internationale, le prince Mohammed Ben Salman (MBS), arrive à Paris le 8 avril 2018 (…) Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, apparaît tout autant comme le réformateur d’une société sclérosée, qu’un piètre diplomate embourbé dans quelques aventures extérieures périlleuses. (…) Ombrageux, frustre et impulsif, il dirige le pays d’une main de fer et se veut être le garant de la stabilité dans le pays Réformateur à l’intérieur (il embastille les corrompus jusqu’à leur faire rendre gorge, il assouplit la condition de la femme, il veut réformer une économie malade de la corruption et du conservatisme rendue visible avec la chute des cours du pétrole à travers sa «vision 2030», il privatise l’eau, il introduit Aramco en Bourse, il entend remettre les rigoristes de l’islam à leur juste place, il veut développer le tourisme, les arts, les loisirs…), il est conservateur à l’extérieur (guerre sans merci contre l’Iran par Yémen interposé brouille avec le Qatar,…) même s’il admet qu’Israël a droit de vivre (vraisemblablement pour sceller l’alliance tripartite États-Unis/Israël/Arabie saoudite contre la peste chiite) (…) MBS vient à Paris, tel un représentant de commerce pour vendre son projet d’ouverture. (…) Pour ce qui est de la diplomatie économique, l’on apprend qu’Emmanuel Macron se rendra à la fin de l’année en Arabie saoudite pour signer des contrats élaborés avec la pétromonarchie du Golfe. On pense surtout aux domaines du tourisme, de la culture, de la musique, du patrimoine historique.» (3)

L’hubris de MBS un grand chéquier et un sabre nain

L’hubris de MBS est sans limite! A l’Iran héritière de Darius à qui il dispute le leadership au Moyen-Orient. Adossé au parapluie américain, il affiche sa capacité de nuisance en croyant que tout s’achète comme en Occident! Clark Kent rapporte que: «Au cours d’un entretien avec Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef du magazine américain The Atlantic, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman (dit «MBS») a atteint le point Godwin en comparant l’ayatollah Ali Khamenei, le chef du clergé iranien, à Hitler. Peut-être ne connait-il pas la parabole du sermon de la montagne qu’il aurait pu faire sienne: «Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’oeil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton oeil?»L’Iran n’a envahi ni la Pologne ni aucun autre pays depuis 1785. (…) En revanche, en 2015, l’Arabie saoudite et ses alliés ont envahi le Yémen et y mènent une guerre dévastatrice. L’Arabie saoudite est également intervenue en Syrie, en soutenant les djihadistes de l’Armée de l’Islam d’extrême-droite et en commanditant des attentats à la bombe à Damas.» (4)

L’interview de Mohammed Ben Salman dans The Atlantic: un exemple de félonie

Le grand journaliste Abdelbari Atwan tire les conclusions de l’entretien accordé par Mohammed Ben Salman à The Atlantic en énumérant dix points:

«Mohammed Ben Salman ne s’adressait pas au peuple saoudien dans cette interview, mais aux décisionnaires, aux législateurs et à l’Etat profond américains. Il s’est montré à eux, avec sa vision et ses politiques futures, comme un allié stratégique digne de confiance. Il est en quête du «feu vert» soutenant son prochain couronnement au Royaume d’Arabie saoudite, qui se déroulera peut-être quelques jours ou quelques semaines après la fin de cette tournée. (…) Il a présenté ses lettres de créance à son plus grand allié, expliqué ses programmes politiques, sociaux et économiques. Nous pensons qu’il a obtenu un certain succès dans ce domaine, notamment à la Maison-Blanche, auprès du «gouvernement de guerre» dirigé par le Président Trump.» (5)«Dix points principaux dans la rencontre du prince Mohammed Ben Salman avec The Atlantic résument sa future stratégie Premièrement: le prince Ben Salman a reconnu, pour la première fois depuis le début du conflit israélo-arabe, le droit des juifs à établir un Etat sur «la terre de leurs aïeux». Denis Ross, responsable du conflit et des négociations entre les Arabes et les Israéliens dans plusieurs administrations américaines, a déclaré qu’il s’agissait de la première reconnaissance des droits historiques des juifs. Deuxièmement: le prince Ben Salman n’a pas émis une seule critique contre Israël tout au long de l’interview ni en marge de celle-ci, d’après Goldberg lui-même. Il a au contraire fait son éloge de manière indirecte en disant qu’Israël possédait une grande économie pour sa taille géographique.» (5)

«Troisièmement: le prince n’a pas prononcé une seule fois le terme «Etat palestinien» et n’a pas indiqué que Jérusalem occupée était sa capitale. Il s’est contenté de parler du «droit des Palestiniens et des Israéliens à disposer d’une terre». Quatrièmement: le Prince a exprimé son «inquiétude religieuse» au sujet de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem et parlé du droit du peuple palestinien, sans le définir. Il a affirmé qu’il n’avait rien contre les autres religions, notamment le judaïsme et le christianisme. Cinquièmement: il a divisé le Moyen-Orient en deux camps (comme le cheikh Oussama Ben Laden, mais en inversant les camps): le camp du mal, englobant l’Iran, le Hezbollah et les Frères musulmans; le camp des modérés incluant la Jordanie, l’Egypte, les Emirats, le Bahreïn, le Sultanat d’Oman, le Koweït et le Yémen aux côtés de l’Arabie saoudite. Il faut remarquer qu’il n’a pas parlé du Maroc ainsi que d’autres Etats d’Afrique du Nord.» (5)

«Sixièmement: le prince héritier d’Arabie saoudite a confirmé que son pays avait utilisé les Frères musulmans pour combattre le communisme qui menaçait l’Europe, l’Amérique et l’Arabie saoudite elle-même durant la Guerre froide. Il a d’ailleurs décrit le président Gamal Abdel Nasser comme un «communiste». Septièmement: il a formellement nié l’existence du wahhabisme dans le Royaume et confirmé qu’il n’y avait que quatre écoles sunnites. Huitièmement: il a nié tout soutien financier saoudien aux terroristes et aux organisations extrémistes, mais il a reconnu que certaines personnalités saoudiennes avaient financé certains de ces groupes, sans donner de noms. Neuvièmement: il a catégoriquement refusé de répondre aux questions sur la campagne anti-corruption ou de parler de sa fortune et de l’achat d’un yacht à 500 millions de dollars. Quand la journaliste Nora O’Donnell lui a parlé de ce yacht, il a répondu avec une «nervosité» apparente qu’il voulait garder sa vie privée pour lui, confirmant qu’il était un homme riche et non Mandela ou Gandhi. Dixièmement: il a réservé son attaque la plus cruelle, et peut-être d’ailleurs la seule de cet entretien, à l’imam Ali Khamenei en disant qu’il était plus dangereux qu’Hitler.» (5)

«Pourquoi s’interroge Abdelbari Atwane, n’a-t-il pas critiqué une seule fois les Israéliens et a reconnu leurs droits historiques, sans jamais mentionner l’Etat palestinien? On peut déduire de ces 10 points et des réponses du prince héritier d’Arabie saoudite qu’il envisage une future alliance avec Israël dans le cadre d’un « axe modéré » arabe s’opposant à l’Iran et soutenu par les Etats-Unis. Il prévoit aussi de faire d’Israël un futur partenaire commercial et de renforcer les intérêts communs entre les deux pays dans le cadre d’une paix juste, sans aborder une seule fois l’initiative de paix arabe, qui est pourtant saoudienne, ni ses conditions. La reconnaissance de l’héritage historique des Juifs et de leur droit à établir un Etat sur une partie de cet héritage, soit la terre de Palestine, est un développement très grave car il signifie que les Juifs ont également des droits sur des territoires arabes à Khaybar, au Yémen, en Egypte, au Maroc et dans la péninsule Arabique. Cette reconnaissance pourrait les pousser non pas à revenir sur ces terres ou les récupérer, mais à demander des dédommagements pour leur exil forcé de 1 500 ans de la péninsule Arabique et exiger leur part des richesses pétrolières Le roi saoudien Salman Ben Abdelaziz s’est certes empressé de réaffirmer que le Royaume soutenait l’établissement d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale, mais le mal est fait et c’est le prince Ben Salman qui est le véritable chef à Riyadh.» (5)

Sommet de la Ligue arabe de Dhahran :  La normalisation avec Israël enclenchée ?

C’est par ces mots que le journaliste Zine Cherfaoui s’interroge à propos de la kermesse sans lendemain, une de plus des réunions de la Ligue Arabe , dont on sait que le secrétaire général et d’une façon inamovible un Egyptien et le pourvoyeur l’Arabie Saoudite qui dicte ce faisant la norme en fonction de ses intérêts propres, il n’est pas question de débat. Ainsi :

«  Les travaux du 29e sommet des Etats de la Ligue arabe se sont achevés lundi à Dhahran, en Arabie Saoudite, presque dans l’indifférence générale. Aucune décision susceptible de retenir réellement l’attention n’a été prise lors de ce rendez-vous politique régional, qui intervient pourtant à un moment où le monde arabe est ravagé par les conflits et les dissensions internes.

Signe que les clivages sont importants au sein d’une organisation panarabe souvent  décriée et qualifiée de coquille vide, certains représentants de pays éviteront même d’évoquer le conflit en Syrie, 24 heures après des frappes occidentales contre ce pays ravagé par la guerre depuis 2011 . Le seul fait à signaler est peut-être ce franc soutien réitéré à la cause palestinienne. Le roi Salmane Ben Abdelaziz Al Saoud a d’ailleurs tenu à placer la question d’El Qods en tête des priorités arabes. Dans un discours prononcé à l’ouverture des travaux du sommet, le souverain wahhabite, dont le pays est pourtant un proche allié des Etats-Unis, a une nouvelle fois clairement rejeté la décision de l’administration de Donald Trump de transférer, en principe à la mi-mai, l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à El Qods » (7).

Le deal   que « les  pays arabes moutons »  ne peuvent pas refuser : Israël contre Iran

Le pays à abattre est, on l’aura compris l’Iran accusé d’aider les Houtis du Yemen et voir régenter le Moyen Orient. Avec la doxa saoudienne, les Arabes doivent   normaliser leurs relations avec Israël – exit l’initiative du roi Faycal de 2002– en espérant que l’on fasse – les Etats Unis et Israël- une petite place aux Palestiniens avec une capitale dans les faubourgs de Jérusalem à Abou Dis avec un banthoustan en peau de lapin .

Zine Cherfaoui ajoute :

« Mais le rappel par les Arabes de leur solidarité avec les Palestiniens ne veut pas pour autant dire qu’Israël constitue pour eux un problème. Cela n’est effectivement pas le cas pour beaucoup d’entre eux. Parmi ces pays, il est possible de sérier l’Egypte, la Jordanie, les Emirats arabes unis et le Qatar qui entretiennent des relations quasi normales avec Tel-Aviv. Comme l’atteste une chronique carrément pro-israélienne, parue samedi dans les colonnes du quotidien saoudien public Al Riyadh,un lobby favorable à normalisation rapide des relations entre les Arabes et Israël est actuellement à l’œuvre L’auteur de la chronique en question, Ahmad Al Jamia, justifie cette normalisation par la «nécessité impérieuse» de faire face à l’Iran, pays qu’il présente comme la menace la plus sérieuse et la plus urgente pour le monde arabe.  Dans son écrit intitulé d’ailleurs «Paix avec Israël et confrontation avec l’Iran», le journaliste soutient l’argument selon lequel plus vite sera trouvée une solution au conflit israélo-palestinien et plus vite les Arabes pourront neutraliser la menace iranienne.  Ce n’est évidemment pas un hasard si certains de ces éléments de langage se retrouvent dans le discours du souverain saoudien. (…) Ce discours laisse même l’impression que la feuille de route du processus de normalisation des relations entre les Arabes et Israël a été sortie des tiroirs. Mieux, des médias du Proche-Orient soutiennent  que les Saoudiens ont commencé à en appliquer les principaux éléments ».  (7)

Pourquoi l’image de l’Arabie saoudite se dégrade pour le citoyen arabe Lambda ?

Il vient que le citoyen arabe Lambda  a un gout de cendre dans la bouche, en voyant se déliter inexorablement la cause palestinienne qui est passée à la trappe avec la complicité des potentats arabes ventripotents mal élus, tout ceci sur instruction de l’Empire. Les Occidentaux déroulent le tapis rouge à un jeune prince immature et les médias occidentaux ne tarissent pas d’ éloge de ses prouesses surtout quand il s’agir de la « modernité » et de la mise au pas des  Oulémas – qui il est vrai, ont donné une image désastreuse de l’Islam.

«On sait par ailleurs,  que la lune de miel Israël-Arabie saoudite se prolonge à telle enseigne que des coordinations se font de plus en plus au grand jour/ MBS considère les pays arabes comme quantité négligeable allant jusqu’à renier l’initiative arabe de 2002 qui conditionnait la reconnaissance d’Israël par tous les pays arabes, au retour dans les frontières de 1967, le retour des réfugiés et Jérusalem-Est comme capitale de l’Etat de Palestine mitoyen d’Israël. Rien de tout cela! MBS fait cavalier seul. Ainsi MBS a rencontré le chef des services de renseignement israéliens L’institution militaire israélienne a soudainement décidé de révéler la rencontre entre le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman, et le chef du Conseil de sécurité nationale en Israël, Meir Ben-Shabbat. En fait, cette nouvelle n’est pas une grande surprise car les deux parties, Israël et l’Arabie saoudite, ont préparé progressivement le public concerné. (…) Reste à savoir comment l’assassinat de Palestiniens et la lutte contre leur cause sacrée répond aux intérêts du Royaume d’Arabie saoudite, qui reste le plus grand symbole de l’arabité et de l’Islam aux niveaux géographique et historique?» (6)

«Historiquement, l’image de l’Arabie saoudite était mauvaise en Occident. (…) L’image de l’Arabie saoudite s’est davantage dégradée dans la seconde période, après les attentats terroristes du 11 septembre et l’implication de Saoudiens. (…) Les choses ont changé en 2017: la dégradation de l’image de l’Arabie saoudite s’est accélérée de manière inquiétante. Cela a commencé avec les critiques des défenseurs des droits de l’homme au sujet des nombreuses victimes de la guerre au Yémen, que Riyadh mène au nom de la «coalition arabe» contre les Houthis. Les critiques se sont multipliées sur les réseaux sociaux au sujet du rôle joué par l’Arabie saoudite dans le dossier de Jérusalem/Al Quds, car l’opinion publique arabe ne comprend pas comment un Etat qui se déclare «protecteur des deux Lieux saints» peut jouer avec le troisième: Jérusalem/Al Quds. Ces critiques se sont transformées en slogans dans des manifestations énormes qui ont eu lieu dans plusieurs pays arabes. Trois d’entre eux se sont distingués jusqu’à maintenant: la Jordanie, le Maroc et l’Algérie. (…) Les experts en communication considèrent que Riyadh tente de vendre son image à l’opinion publique et aux médias occidentaux à travers le marketing et des dossiers financiers et politiques dans les annexes des journaux. De leur côté, les ambassadeurs d’Arabie saoudite dans les pays arabes menacent les peuples en leur disant que leurs critiques ne resteront pas sans réponse et qu’il y aura des représailles.» (7)

En fait il est plus juste d’écrire que l’image de l’Arabie saoudite se dégrade pour le citoyen arabe Lambda   et non auprès des dirigeants tous complices et tous sans courage devant ce qui se passe à la fois en Israël et en Arabie saoudite  pays qui dirige un gang  de pieds nickelés appelés pompeusement coalition qui  se fait les dents en tuant du  yéménite  avec les armes françaises américaines anglaises qui , n’ont aucun intérêt à tarir la manne u marché de la mort que constitue le marché des armes qui dépasse 1500 milliards de dollars par an !

Rien de nouveau sous le soleil. Les Yéménites et les Palestiniens peuvent mourir, Les Arabes seront les derniers à les soutenir. Le sabre nain saoudien n’a pas d’avenir en face de l’Iran pays scientifique et technologique. L’Occident est mal placé pour parler de droits de l’homme, lui qui les bafoue et laisse aussi ses protégés saoudiens et israéliens les bafouer sans retenue sûrs de leurs impunités puisque c’est l’Occident qui dicte la norme du bien et du mal…

S’agissant de l’Arabie Saoudite, elle est à des années  lumières du développement technologique endogène de l’Iran. Si le pétrole perd de sa pertinence dans un modèle énergétique futur, les Saoudiens, les Qataris, et tous les roitelets du Golfe , vont renouer avec le Chameau , la tente  car ils n’auront rien créé de pérenne. Il faut se souvenir que dans les années 20 du siècle dernier, quand le pétrole n’était pas encore découvert, le roi Ibn Saoud, s’était plaint auprès de la France du fait qu’elle empêchait les Algériens de contribuer à distance ,  à financer les pauvres de Médine …

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Notes

1.Stéphane Lacroix: https://orientxxi.info/ magazine/en-arabie-saoudite-modernisation-de-l-autoritarisme 2014

2.https://strategika51.wordpress.com/2018/04/16/macron-au-service-de-ryad-pour-six-milliards-de-dollars/

3.Guillaume Berlat  http://prochetmoyen-orient.ch/jupiter-baise-la-babouche-de-mbs/

4.Clark Kent https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-poutre-saoudienne-et-la-paille-203084

5.http://actuarabe.com/interview-mohammed-ben-salman-the-atlantic/

6.Zine Cherfaoui : http://www.elwatan.com/international/la-normalisation-avec-israel-enclenchee-18-04-2018-366515_112.php

7.http://actuarabe.com/ou-et-pourquoi-le-prince-heritier-darabie-saoudite-a-t-il-rencontre-le-chef-des-services-de-renseignement-israeliens/

8; http://actuarabe.com/apres-effritement-occident-limage-de-larabie-saoudite-se-degrade-monde-arabe-de-maniere-inquietante-a-cause-de-jerusalem-al-quds/

Article  de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/290912-l-hubris-de-l-ephemere.html

 

 

:

 

Malgré l’utilisation de machines à voter électroniques (EVM) lors de leurs propres élections, les États-Unis affirment que le Congo abandonnera cette technologie dans les années à venir en raison de sa nature aléatoire, comme Washington le prétend hypocritement. IL fait même pression sur les donateurs étrangers pour qu’ils retiennent leur aide jusqu’à ce que Kinshasa capitule à cette demande parce que les USA croient que les bulletins en papier rendraient le vote de décembre plus facile à frauder et faciliteraient par conséquent le changement de régime anti-chinois qui a inspiré la guerre hybride naissante du pays.

EVMs : Bon pour les États-Unis, mauvais pour le Congo

L’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, a révélé que son pays était un féroce opposant aux machines à voter électroniques (EVM) au Congo lorsqu’elle s’est adressée au Conseil de sécurité au début du mois dernier. Reuters a déclaré qu’elle a averti contre l’utilisation d’« une technologie inconnue pour la première fois au cours d’une élection cruciale. C’est un énorme risque» . Elle rappelle que « ces élections doivent être tenues AVEC des bulletins de vote en papier, de sorte que le peuple congolais ne remette pas en question les résultats. Les États-Unis n’ont pas envie de soutenir un système de vote électronique ».

Bien qu’il ne soit pas surprenant que les États-Unis « exceptionnalistes » se considèrent selon un standard différent des autres, les remarques de Haley sur « l’énorme risque » des EVM et la prétendue préférence de son pays pour les « bulletins de vote » garantissant qu’il n’y aurait « aucune question (…) sur les résultats »quelle que soit l’élection, contredisent la supposée raison pour laquelle cette technologie a gagné du terrain en Amérique. Honnêtement, il y a des risques très sérieux inhérents à l’utilisation de ces systèmes, mais les pays du « Sud Global »comme le Congo sont stéréotypés − à tort ou à raison − pour être une zone de « bourrage des urnes ». IL est déroutant de se demander pourquoi vouloir faciliter cela en forçant ce pays à continuer à utiliser des bulletins en papier.

S’en tenir à la souveraineté

À son crédit patriotique, le gouvernement congolais a repoussé cette demande ridicule et défend sa souveraineté en évitant une soi-disant « conférence d’aide »  qu’il soupçonne d’être un simple chantage organisé pour lier toute aide humanitaire à venir à l’abandon des EVM lors des scrutins de décembre. Reuters a également rapporté comment le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a puissamment décrié ce stratagème en déclarant qu’« aucun pays au monde n’accepte une ingérence étrangère dans un processus qui est un exercice de souveraineté ». Cette nouvelle attitude vient après que le Congo a réformé ses lois minières et mandaté que les sociétés d’extraction internationales paient des impôts plus élevés.

Double standard démocratique

Il y a eu des spéculations que le président Kabila pourrait essayer de modifier la Constitution pour un troisième mandat, mais il a toujours nié cela et a récemment annoncé qu’il désignerait un successeur préféré en juillet, ce qui implique néanmoins qu’il pourrait essayer de rester une force puissante derrière la présidence et l’« éminence grise » de facto du Congo. Même ainsi, cela ne serait pas inhabituel, car un tel arrangement a déjà eu lieu dans l’UE, notamment en Pologne où actuellement le leader du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, est considéré comme le véritable leader national, même s’il ne siège pas au gouvernement dans une position élective.

La raison pour laquelle les États-Unis appliquent des doubles standards dans le cas du Congo est qu’ils considèrent Kabila comme une menace pour leurs intérêts et ceux de leurs alliés occidentaux, notamment en raison du partenariat stratégique de son pays avec la Chine et de sa volonté de contester la domination actuelle des sociétés minières étrangères qui était jusqu’à présent non négociable. C’est principalement pour des raisons géostratégiques interconnectées liées aux relations sino-congolaises et à l’importance mondiale de l’industrie du cobalt que les États-Unis ont encouragé une guerre hybride naissante dans le Heartland africain sous le prétexte infondé que Kabila est une « menace à la démocratie » en spéculant qu’il pourrait vouloir concourir pour un troisième mandat.

Les crimes de guerre des « rebelles » et l’effondrement possible du Congo

Semblable à la façon dont les États-Unis soutiennent une équipe hétéroclite d’extrémistes religieux et de terroristes purs et simples en Syrie, ils font de même au Congo, bien que de manière plus passive, en leur conférant une « légitimité » politique et normative grâce au contrôle des médias mainstream par les Américains qui les présentent comme leur « couverture démocratique ». Par exemple, tout comme les « rebelles » syriens sont connus pour être des mangeurs d’organes humains, leurs homologues congolais se distinguent tout aussi tristement en ayant filmé le viol forcé d’une femme par son beau-fils, décapitant publiquement les deux, puis buvant leur sang, tout cela parce que ces « combattants de la liberté » étaient furieux que le propriétaire du restaurant ait rompu leur sort de sorcellerie d’« invincibilité » après leur avoir servi du poisson avec leur commande de haricots.

Les États-Unis s’appuient sur ces personnages peu recommandables pour mener à bien leur sale travail de déstabilisation du Congo à tel point que ce pays s’effondre à nouveau comme à la fin des années 1990, avec « l’espoir » que le chaos résultant puisse être exploité par Trump (« L’agent du chaos, alias le Kraken ») afin de lutter contre les importants investissements de la Chine dans le cobalt pour les mettre « en sécurité » entre les mains des Occidentaux, même si 5 millions de personnessupplémentaires doivent mourir comme la dernière fois que le pays s’est effondré. Le « scénario idéal » cependant, serait qu’un gouvernement post-Kabila nationalise les actifs de la Chine et « fasse défection » au profit du bloc occidental dans cette nouvelle guerre froide, épargnant ainsi aux États-Unis la difficulté d’avoir à faire face aux conséquences inattendues d’un autre effondrement du Congo tout en se garantissant le résultat stratégique qu’ils souhaitent depuis toujours.

Manipuler les masses par la gestion des perceptions

Le « raccourci » mentionné ci-dessus explique pourquoi les États-Unis sont si intéressés à contraindre le Congo à s’en tenir aux bulletins de vote parce que les USA pensent qu’ils pourraient plus facilement frauder le vote de cette manière pour empêcher Kabila ou son successeur préféré de gagner. Même au cas où il remporterait une victoire, les États-Unis pourraient orchestrer un scandale post-électoral lié d’une manière ou d’une autre à ces bulletins de vote afin de susciter suffisamment de « préoccupations » sur la « légitimité » de ce vote (ex. Vidéo de « preuves »que ce soit des provocations organisées ou une preuve de fraude réelle ou de « bourrage des urnes ») afin de constituer une « coalition de volontaires » comme celle issue des évènements de Salisbury pour « isoler » le gouvernement congolais par des sanctions et d’autres mesures asymétriques de pression en prévision d’un changement de régime.

Les EVM pourraient aussi facilement être piratées, mais il y aurait moins de preuves « convaincantes » que l’on puisse obtenir pour garantir une réponse de l’opinion publique sur laquelle les États-Unis comptent pour organiser un front multinational contre Kinshasa si l’« homme de Washington au Congo » (qui que ce soit finalement) ne gagne pas, d’où la raison pour laquelle Haley insiste tellement pour que le pays se contente de bulletins en papier. Après tout, les masses occidentales sont beaucoup plus facilement ébranlées par des images de ce qu’on leur fait croire (avec précision ou non) et une foule de noirs pro-gouvernementale fourrant d’innombrables bulletins de vote dans une boîte plutôt qu’un rapport assez classique lu par un animateur de télévision blanc alléguant un piratage contre les EVM d’un pays dont la personne moyenne ne sait rien.

Democratic Republic of Congo's mineral resources
Ressources minérales de la République Démocratique du Congo

Pensées finales

La forte pression exercée par les États-Unis sur le Congo pour revenir sur sa décision d’employer des EVM et de continuer à dépendre des bulletins de vote pour ses prochaines élections peut être interprétée comme le dernier avertissement de Washington à Kinshasa avant que ses agences de renseignement n’exacerbent la guerre hybride dans le pays.

L’establishment de sécurité des États-Unis « c’est-à-dire, l’État profond » craint de « perdre le Congo » et ses réserves de cobalt importantes au profit de la Chine et le seul moyen d’inverser cette tendance est de virer Kabila du pouvoir et d’empêcher la prochaine annonce de son successeur qui pourrait lui succéder. À cette fin Washington veut que le pays utilise des bulletins en papier beaucoup plus facilement manipulables au lieu des bulletins électroniques pour le vote. Au cas où les gens n’appuieraient pas ce que pourrait être « l’homme du Congo » des États-Unis (qui à toutes fins utiles n’est autre que Kabila et son successeur préféré) alors les médias internationaux sous contrôle américains passeront immédiatement à la vitesse supérieure en alléguant des « fraudes » et en diffusant potentiellement des images décontextualisées ou mises en scène de ce qu’ils décriront comme des « bourrages d’urnes » pro-gouvernementaux durant un vote qui, selon eux, minerait la légitimité du vainqueur.

À ce moment-là, la guerre hybride en constante augmentation dans le pays passerait à une phase semi-conventionnelle alors que le nouveau gouvernement favorable à l’Occident en Angola et/ou les anciens alliés des Grands Lacs, l’Ouganda et le Rwanda augmenteraient le soutien matériel et même militaire aux « rebelles »dans une répétition structurelle des Première et Deuxième « guerres civiles »congolaises.

Le Congo est donc sur le fil du rasoir d’être renvoyé dans un cycle de violence à grande échelle continentale qui pourrait annoncer ce qui pourrait éventuellement devenir la « Seconde Guerre mondiale de l’Afrique » largement motivée par l’exploitation depuis l’extérieur des conflits d’identité préexistants dans le pays qui sont finalement conçus pour atténuer l’influence chinoise là-bas et permettre aux entreprises occidentales de prendre le contrôle des mines de cobalt des mains de Pékin. Cependant, la seule chose sur laquelle les États-Unis ne comptent pas, c’est que la Chine réagisse à l’effondrement total du Congo par une contre-révolution en soutenant comme au judo l’indépendance de la région riche en minéraux du sud-est du Katanga, qui recoit la majorite des investissements chinois et est connecté au marché asiatique par le projet de la Route de la Soie TAZARA, datant de la période de la guerre froide. Le président Xi pourrait suivre son homologue russe en organisant une « Crimée africaine » en renversant les plans de déstabilisation de l’Occident contre lui.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais : US Criticism Of Congo Highlights E-Voting Hypocrisy And Hybrid War Threats, Oriental Review, le 28 mars 2018

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

 

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Syrie – Jean-Loup Izambert:  » Il faut briser le mur du silence imposé par les puissances occidentales »

Par Jean-Loup Izambert et Gilles Munier, 19 avril 2018

La censure s’est exercée sur les deux tomes de 56 et sur Trump face à l’Europe. L’envoi systématique de communiqués à près de 600 journalistes de médias français, la présentation du contenu des ouvrages afin de faciliter leur travail et, pour certains, l’envoi des livres par IS Edition comme à L’Humanité … n’ont pas suffi à briser totalement le « mur du silence ».

Venezuela : Je refuse d´être pris pour une cible médiatique

Par Romain Migus, 19 avril 2018

Les élections présidentielles au Venezuela auront lieu le 20 mai 2018. Cette convocation du Peuple aux urnes sera l’occasion de demander aux citoyens qu’ils fassent un choix sur le futur de leur pays, de la forme la plus souveraine et démocratique qu’il soit.

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Les élections présidentielles au Venezuela auront lieu le 20 mai 2018. Cette convocation du Peuple aux urnes sera l’occasion de demander aux citoyens qu’ils fassent un choix sur le futur de leur pays, de la forme la plus souveraine et démocratique qu’il soit. Le chavisme, emmené par Nicolas Maduro, affrontera quatre candidats d’opposition dont Henri Falcón (1). Cet ancien gouverneur de l’Etat du Lara a été le directeur de campagne du candidat d’opposition Henrique Capriles Radonski aux dernières élections présidentielles de 2013. Avec 22% d’intention de vote dans les sondages, il est aujourd’hui le candidat d’opposition le mieux placé pour tenter de ravir l’exécutif au président sortant. Nicolas Maduro, quant à lui, est désormais crédité de 52% des intentions de votes (2). Situation improbable si l’on s’en tient aux couvertures médiatiques dominantes mais qui reste parfaitement rationnel dans le contexte vénézuélien, où le chavisme conserve une forte base électorale.

C’est donc une élection cruciale qui se tiendra fin mai 2018, et qui permettra au vénézuéliens de définir le cap politique du pays pour les six prochaines années. Rien de très original pour un pays qui compte 25 processus électoraux répartis sur les 19 ans de Révolution Bolivarienne. Sauf que ces élections auront lieu au Venezuela, où se déroule une terrible guerre de quatrième génération, dont la bataille de l’information est un des axes centraux.

Plusieurs opérations psychologiques ont déjà été mises en œuvre depuis l’accession d’Hugo Chávez au pouvoir. La dernière en date visait à faire accepter dans l’opinion publique internationale un changement de régime par la force au lendemain de l’élection d’une assemblée constituante, le 30 juillet 2017. Devant l’incroyable mobilisation des électeurs vénézuéliens en faveur du projet de nouvelle constitution, cette objectif a du être avorté. Mais il a causé de grands tords, et la propagande déployée à ce moment a réussi à faire admettre comme véridique toute une série de matrices d’opinion mensongères. C’est à partir de ce terrain fertile que le système médiatique s’apprête une nouvelle fois à nous prendre pour cible, pour essayer de nous faire accepter comme logique une intervention anti-démocratique contre le gouvernement du Venezuela.

Ce scénario n’est pas à prendre à la légère. Jamais la possibilité d’une attaque militaire n’avait été aussi propice qu’en ce moment. Le président des Etats-Unis, Donald Trump, ne l’a d’ailleurs pas exclu (3). Après le fiasco de l’intervention en Syrie, un renversement du gouvernement bolivarien pourrait redorer le blason militaire des Etats-Unis dans ce qu’il considère comme son pré-carré. Par ricochet, c’est aussi un bon moyen pour Washington de tester la détermination russe à défendre un monde multipolaire et de savoir sur combien de théâtres d’opération le Kremlin peut-être présent simultanément.

Il s’agit désormais pour le système médiatique de convaincre l’opinion publique du bien fondé d’une intervention. Jusqu’aux prochaines élections présidentielles, nous allons donc assister à un matraquage visant d’une part à délégitimer la portée démocratique du processus électoral, et d’autre part à créer dans l ́opinion publique un laisser faire en cas d ́intervention étrangère.

Nous devons donc nous préparer à faire face à une opération psychologique de grande ampleur s’appuyant sur plusieurs contre-vérités élaborées depuis des années contre le gouvernement bolivarien. Les médias dominants ont ainsi construit plusieurs matrices d’opinions légitimant chacune un prétexte pour une intervention contre le pays de Bolivar.

Une intervention pour rétablir la démocratie

Image d’intervention occidentale pour « rétablir la démocratie »

En mai 2016, quelques mois après la victoire de l’opposition aux élections législatives, un processus de dialogue entre le chavisme et ses opposants a débuté en République Dominicaine sous l’égide de l’ancien président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, de l’ex président de la République Dominicaine, Leonel Fernandez et l’ex président du Panama, Martin Torrijos. Cette série de 150 réunions avait pour but de sortir politiquement et pacifiquement le pays de la crise politique provoquée par les tentatives violentes de l’opposition pour renverser le président Maduro.

En janvier 2018, un accord semblait avoir été trouvé à propos d’une vieille rengaine des Etats-Unis et de leurs alliés vénézuéliens : la convocation à une élection présidentielle anticipée (4). L’accord portait sur les garantis électorales et la date de l’élection initialement prévue en avril.

Or comme le souligne Jorge Rodriguez, ministre de la communication et chef de la commission de dialogue pour le gouvernement : « Tout était prêt [pour la signature de l’accord] jusqu’au pupitre où nous devions faire nos déclarations officielles. Et puis, dans l’après-midi, Julio Borges, l’ancien président de droite de l’Assemblée nationale, a reçu un appel téléphonique de la Colombie de l’ancien secrétaire d’État américain, Rex Tillerson (…) L’opposition nous a alors annoncé qu’elle ne signerait pas l’accord. De retour à Caracas, José Luis Rodriguez Zapatero a envoyé une lettre à l’opposition pour lui demander quelle était son alternative dès lors qu’elle refusait de participer à une élection présentant les garanties sur lesquelles elle avait elle-même travaillé” (5). La frange la plus radicale de l’opposition décidera alors de boycotter les élections pour laisser croire que Nicolas Maduro se présente seul dans la course au Palais de Miraflores.

Malgré le fait que quatre opposants se présentent contre le président sortant, cet argument a largement été repris par le système médiatique pour laisser croire à l’opinion publique que le gouvernement bolivarien truque les élections et organise une parodie de démocratie. Plusieurs gouvernements ont d’ors et déjà annoncé qu’ils ne reconnaitront pas les résultats de la prochaine élection présidentielle : les Etats-Unis, les pays latino-américains membres du groupe de Lima (6), ainsi que le royaume d’Espagne ou la République française. Or ce que ne montrent jamais les médias, c’est que les conditions sont parfaitement réunis pour des élections démocratiques et transparentes.

Au Venezuela, pour éviter les fraudes, les élections ne sont pas organisées par l’exécutif. La Constitution de 1999, qui reconnaît l’existence de cinq pouvoirs indépendants – l’exécutif, le législatif, le judiciaire, le moral et le pouvoir électoral- laisse à ce dernier la tâche d’organiser les processus électoraux, en fonction de la Loi organique des processus électoraux. Ce cadre légal, adopté en 2009, n’a pas été modifié depuis. Il a notamment permis l’élection de Henrique Capriles comme gouverneur du puissant Etat de Miranda (par 2 fois), a reconnu l’élection d’Antonio Ledezma comme maire de l’agglomération de Caracas ou encore celle de Julio Borges comme député à l’Assemblée Nationale. Aucun des élus de l’opposition n’a jamais émis un doute sur le bon déroulement du suffrage qui l’a donné vainqueur, et l’opposition n’a elle-même jamais remis en cause le cadre légal des processus électoraux. Lorsque les médias nous parlent d’une élection illégitime, pourquoi ne se réfèrent-ils pas à la législation qui encadre le vote des citoyens au lieu de se faire les porte-paroles d’une opposition bien peu démocratique ?

Comment vote-t-on au Venezuela ? Voilà une bonne question jamais traitée par le système médiatique. Explications : Tout d’abord, chaque parti politique a le droit de postuler ses partisans comme assesseurs dans les bureaux de vote, ainsi qu’une liste d’observateurs nationaux et internationaux. Ensuite, le Centre National Electoral (CNE) convoque, en présence de tous les partis, à un audit préalable du logiciel utilisé pour la collecte des données. Des observateurs de chaque parti politique suivront le processus électoral depuis le siège du CNE mais aussi depuis l’entreprise de télécommunication en charge de la transmission des données. Chaque étape doit être approuvée par tous les participants. Et de fait, elle l’a toujours été jusqu’a maintenant.

En ce qui concerne le vote (7), le Venezuela utilise un double système électronique et manuel. Lorsqu’on entre dans le bureau de vote, on s’identifie au moyen de sa carte d’identité et d’une machine de reconnaissance d’empreinte digital. Il est donc impossible de voter deux fois. Ensuite on choisi son candidat sur une machine qui demande confirmation du vote. Une fois confirmé, la machine émet un ticket avec le nom du candidat, que l’électeur place dans une enveloppe et dépose dans une urne. Pour finir, après avoir signé le registre électoral, il trempe son petit doigt dans de l’encre indélébile pour s’assurer une deuxième fois qu’il ne répètera pas son vote. Le soir des résultats, le CNE procèdera à un audit où seront tirés au sort, devant les responsables des différents partis, les bureaux de vote ou l’on vérifiera le résultat électronique. Il s’agira alors de comparer les résultats obtenus dans l’urne après dépouillement avec le résultat électronique. Jamais une erreur n’a été détecté au cours des multiples processus électoraux.

Lorsque, mauvais perdant, Capriles Radonski avait contesté l’élection de Nicolas Maduro en 2013, le CNE a ouvert 100% des urnes pour les comparer avec le résultat électronique qui donnait une courte marge de 1,49%. Après avoir fait abattre 11 chavistes par ses partisans et mis le pays à feu et à sang pendant plusieurs semaines, Capriles Radonski avait bien du reconnaître sa défaite (8).

Ces garanties pour blinder le résultat a conduit l’ancien président étasunien Jimmy Carter à définir le système électoral vénézuélien comme étant « le meilleur du monde » (9). Ce sont les mêmes procédures qui définiront le vote de l’élection présidentielle du 20 mai 2018.

En « oubliant » systématiquement de présenter le fonctionnement du système électoral vénézuélien, les médias nous prennent pour cible. Ces omissions lorsqu’elles laissent place à de véritables campagnes de propagande sont criminelles. Comme tout semble indiquer que Nicolas Maduro devrait remporter les prochaines élections (10), la non reconnaissance du caractère démocratique de ces élections par les médias vise à légitimer une intervention étrangère pour « rétablir la démocratie » comme ce fut le cas en Haïti ou en Serbie.

Une intervention contre un Etat voyou (Rogue State) ou en déliquescence (Failed State)

Image d’intervention occidentale pour lutter contre un Etat voyou ou en déliquescence

Le mot a été lâché plusieurs fois par le vice-président des Etats- Unis (11). L’Etat vénézuélien serait en déliquescence ou même serait un Etat voyou.

Selon les officines de propagande étatsunienne et leurs relais médiatiques, le Venezuela ne compterait plus sur un système institutionnel qui fonctionne mais dépendrait du bon vouloir d’un dictateur et d’une milice qui assurerait sa protection et son maintien au pouvoir. L’année 2017 a donné lieu à plusieurs constructions médiatiques autour de ce thème. Reprenons la chronologie des évènements pour ne pas être victime des bombardements médiatiques sur ce sujet sensible.

A la suite de l’élection législative de 2015, où l’opposition avaient remporté 112 des 167 sièges, une plainte pour fraude fut déposée dans trois circonscriptions. Une telle mesure n’est pas propre au Venezuela, c’est une procédure similaire qui avait été engagé contre l’ancien premier ministre français Manuel Valls, dont l’élection comme député avait été suspecté de fraude électorale (12).

Après enquête,  l’élection de ces députés de l’Etat d’Amazonie fut invalidée par le tribunal électoral qui rappela les citoyens aux urnes dans ces trois circonscriptions. Préférant le bras de fer au libre choix démocratique, le président de l’Assemblée Nationale d’alors, Henry Ramos Allup pris la décision de ne pas respecter l’arrêt du pouvoir électoral. Comme le stipule la Constitution, c’est le Tribunal Suprême de Justice (TSJ) qui a tranché et a déclaré l’Assemblée Nationale en situation d’outrage judiciaire tant que l’élection des trois députés n’aurait pas lieu. En conséquence, toutes les décisions de l’Assemblée nationale furent considérées comme nulles par le TSJ tant que perdurerait cette situation. Cette tension institutionnelle a concerné les pouvoirs législatif, judiciaire, et électoral. Elle est même assez symbolique de la vivacité et du bon fonctionnement des institutions vénézuéliennes qui ne permettent ni vide juridique ni absence de pouvoir. Et où le fil constitutionnel n’a jamais été rompu. Il faut noter que dans cette confrontation, l’exécutif n’a pu prendre aucune décision.

Malgré cela, les medias internationaux ont propagé l’idée que les institutions ne fonctionnait plus au Venezuela et que le président Maduro s’était accaparé tous les pouvoirs en faisant taire une Assemblée contradictoire. Ce conflit juridique  se doublera rapidement d’une tentative de putsch avorté. De mars à juillet 2017, de violents affrontements entre groupes armés et forces de l’ordre feront 142 morts et plus de 800 blessés. Immédiatement, une campagne médiatique s’est mise en branle pour attribuer au gouvernement bolivarien la totalité des décès survenus. Après enquête, il s’avèrera que prés de 70% des morts sont imputables de manière directe ou indirecte aux groupes de choc de l’opposition (13).

L’élection de l’Assemblée constituante et les élections locales qui suivirent ont permis un retour au calme mais la propagande des médias a fait son chemin et l’idée d’un Etat en déliquescence, où les institutions ne fonctionneraient plus, a labouré les esprits, manipulés par les entreprises de communication. C’est dans cet optique là qu’il convient de comprendre le récent show médiatique monté par l’opposition pour juger et capturer le président Maduro (14).

Un nouveau «Tribunal Suprême de Justice en exil » désigné par une Assemblée Nationale dont les décisions sont considérés comme nulles a décidé, en se basant sur la demande de l’ancienne procureure de la République Luisa Ortega, destitué et recherché par la justice pour corruption (15), de procéder au jugement du président vénézuélien pour corruption, et de solliciter sa capture par Interpol. L’Assemblée Nationale a ensuite approuvé la demande de ce pouvoir judiciaire fictif, et Luisa Ortega a « ordonné » aux Forces Armées de capturer le président.

Ce qui ressemble à une mauvaise blague s’inscrit dans cette stratégie de faire passer le Venezuela pour un Etat en déliquescence. En créant illégalement des institutions judiciaires parallèles (TSJ et Procureur « en exil »), l’opposition prétend donner l’impression d’une crise institutionnelle. Cette situation d’ingouvernabilité artificielle pourrait justifier à son tour l’intervention de pays qui ne reconnaitraient pas les véritables pouvoirs légaux en place. Rappelons nous que la constitution de pouvoirs parallèles en exil a toujours été le prélude d’aventures militaires comme ce fut le cas en Libye et en Syrie.

De la même manière, et sans aucune preuve, le Venezuela est accusé d’être une « narco-dictature », prémisse nécessaire avant d’être qualifié d’Etat voyou. En 2015, le député chaviste Diosdado Cabello et un groupe de militaires furent accusés, sans aucune preuve tangible, d’appartenir au mystérieux Cartel de los Soles (16). L’accusation ne reposaient que sur les témoignages d’anciens membres de l’administration vénézuélienne « réfugiés » aux Etats-Unis après avoir été poursuivis par la justice de leur pays pour corruption. Mais le système médiatique s’emballa. Les grands groupes de communication allaient construire une « vérité » par un astucieux système de triangulation de l’information. Ainsi, le Washington Post citait comme preuve un article du journal espagnol ABC, qui allait être ensuite repris par le Wall Street Journal, puis par les journaux colombiens, qui eux même invoquaient les articles de leurs confrères européens, et ainsi de suite. Seul problème, l’absence manifeste de preuve. Aux dernières nouvelles, trois ans après cette affaire les preuves sont rangés dans le même dossier que celles sur les armes de destruction massives iraquiennes ou sur les armes chimiques syriennes.

Peu importe, l’idée a germé dans l’opinion publique pour qui le Venezuela bolivarien, malgré ses efforts dans la lutte anti drogue, est désormais associé au narcotrafic. Cette matrice du narco-état allait être renforcée par l’arrestation par la DEA, de deux membres de la famille de la femme du président Maduro, accusés de trafic de cocaïne. Encore une fois, aucune preuve ne reliait cette arrestation à une entreprise illégale organisée depuis le plus haut sommet de l’Etat.

Qu’importe, pour le système médiatique, le Venezuela est devenu une « narcodictature » (17). Cette précipitation du tribunal médiatique est aussi étonnante que sélective. La même année, les fils du président du Surinam et d’un ex président de la Mauritanie ont été arrêtés et condamnés pour trafic de drogue (18). Pourtant, aucun média n’a utilisé ces faits divers pour transformer les deux pays mentionnés en narco-état.

Ne nous laissons pas abuser par les fake news des médias dominants. Le récit médiatique qui vise à transformer le Venezuela en Etat de déliquescence ou en Etat-voyou n’a qu’un but : justifier une intervention étrangère comme ce fut le cas lors de l’opération Juste Cause au Panama, ou lors des destructions de l’Afghanistan ou de la Libye.

Une intervention « humanitaire »

Image d’une intervention humanitaire occidentale

En marge du VIIIe sommet des Amériques, le Vice-président étatsunien, Mike Pence s’est réuni avec des membres de la frange la plus extrême de l’opposition vénézuélienne. Durant la réunion, un des politiciens présents, Antonio Ledezma, qui avait appelé quelques semaines plus tôt la communauté internationale « à renverser Maduro » (19), déclara : « plus que de l’aide humanitaire, c’est d’une intervention humanitaire dont nous avons besoin » (20). Le mot est lâché.

Cette déclaration s’inscrit comme point culminant de la stratégie de guerre économique déployée contre le Peuple vénézuélien et qui vise, comme pour le Chili d’Allende, à « faire crier l’économie vénézuélienne » (21). Spéculation contre le bolivar, la monnaie nationale, contrebande d’extraction des produits de première nécessité, pillage de l’essence, trafic de billets de banque vénézuéliens, baisse de la note de solvabilité du Venezuela malgré le paiement de sa dette, tous les moyens sont bon pour asphyxier l’économie du pays et pourrir la vie des citoyens.

A cela s’ajoute un féroce blocus économique et financier de la part des Etats-Unis et de leurs alliés. Instauré sous Obama, il a été renforcé par le président Donald Trump. Comme le note l’économiste Pacualina Curcio (22), 64% du total des importations de médicaments et 82% des aliments importés par le Venezuela viennent des Etats-Unis ou de pays européens et latino-américains alignés sur la politique de Washington et sur sa volonté de pénaliser les entreprises qui commercent avec des entités publiques vénézuéliennes. C’est un acte criminel qui vise à fabriquer de la misère pour justifier une intervention humanitaire, terminologie désormais célèbre pour couvrir les horreurs d’une guerre, comme en Somalie ou au Kosovo.

Etouffé par cette guerre économique, plusieurs centaines de milliers de vénézuéliens ont décidé d’émigrer dans les pays de la région ou aux Etats-Unis (23). Ce processus migratoire est devenu un prétexte pour attaquer le gouvernement et faire planer le spectre d’une intervention humanitaire. Peu importe que l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ne considère pas de réels problèmes de mal nutrition au Venezuela dans son dernier rapport 2017 (24), peu importe que Alfred De Zayas, expert indépendant des Nations Unies pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, ait déclaré: “J’ai comparé les statistiques du Venezuela avec celles d’autres pays, et il n’y a pas de crise humanitaire. Oui, il y a des problèmes d’approvisionnement et de pénuries mais pour nous qui avons travaillé des dizaines d’années pour les Nations Unies et qui connaissons la situation de pays d’Asie, d’Afrique, et même des Amériques, nous savons que la situation au Venezuela n’est en rien une crise humanitaire” (25). Le thème de la crise humanitaire va être alimenté par toute une série d’ONG à l’objectivité douteuse (26) et repris par tout le système médiatique mondiale pour légitimer l’oxymore d’une intervention militaire « à des fins humanitaires ».

Se justifiant par la crise économique de son voisin, le gouvernement brésilien a ordonné un déploiement militaire à la frontière avec le Venezuela (27). La Colombie, quant à elle, a décidé de construire des camps de réfugiés dans les villes frontalières. Le président colombien Juan Manuel Santos a même dépêché des membres de son gouvernement… à Ankara, pour s’inspirer de la gestion turque à faire face à l’afflux de réfugiés syriens fuyant la guerre dans leur pays (28).

S’il ne s’agit pas de nier l’ampleur du processus migratoire des vénézuéliens, affectés par les conséquences du blocus et de la guerre économique, la réaction des pays voisins et de l’administration américaine semble nous indiquer que nous sommes plus proches de préparatifs de guerre que d’une simple gestion migratoire. A titre de contre exemple, lorsque, au tournant du XXIe siècle, 15% des équatoriens ont du fuir la misère dans laquelle les politiques néolibérales les avaient plongé, aucun état n’a songé à exiger une « intervention humanitaire » en Equateur. Et que dire de la Grèce dont la moitié de la population vit en dehors des frontières de la République hellénique ? Existerait-il un média cohérent pour demander de bombarder Athènes ?

Mettre nos cerveaux en état d’alerte

La situation actuelle au Venezuela est explosive. Au fur et à mesure qu’approche l’élection présidentielle, et la probable victoire de Nicolas Maduro, la pression médiatique va s’intensifier. Cet emballement se réalisera aux quatre coins de la planète, en même temps, avec les mêmes arguments, et surtout avec les mêmes sources d’information. Celles-ci provenant soit d’ONGs financées par les Etats-Unis, soit par le prisme de la triangulation d’une information jamais vérifiée. Le déferlement de fake news qui s’annonce lors des élections présidentielles au Venezuela –qui, rappelons le, ne seront pas reconnues par certains pays- aura pour but de provoquer un choc dans l’opinion publique, et ainsi empêcher toute manifestation de solidarité contre les mesures punitives qui s’ensuivront. Paradoxalement, ceux qui oseront mettre en doute la doxa médiatique seront alors lynchés au nom de la démocratie et de la liberté d’expression.

Il nous convient de refuser que notre cerveau soit pris pour une cible par les frappes et les missiles médiatiques. Défendre le Venezuela dans la tourmente programmée, ce n’est pas seulement affirmer notre adhésion aux principes de respect de la souveraineté démocratique, et de non ingérence ; c’est aussi s’insurger contre les atteintes à notre intégrité mentale, ne pas accepter d’être complice du conflit annoncé et réaffirmer notre droit à être informer de manière honnête et équilibrée.

Romain Migus

Notes

(1) “¿Quiénes son los candidatos a presidenciales en Venezuela?”, Telesur, 08/03/2018, https://www.telesurtv.net/news/venezuela-cne-cinco-candidatos-elecciones-presidenciales-20180307-0045.html

(2) “Hinterlaces: 52% de los venezolanos votarán por Maduro en presidenciales”, Últimas Noticias, 15/04/2018, http://www.ultimasnoticias.com.ve/noticias/politica/hinterlaces-52-los-venezolanos-votaran-maduro-presidenciales/

(3) “Donald Trump no descarta la opción militar contra Venezuela”, Cubadebate, 12/08/2017, http://www.cubadebate.cu/noticias/2017/08/12/donald-trump-no-descarta-la-opcion-militar-contra-venezuela/#.WtelCS_pM9c

(4) Voir par exemple en 2016: “Oposición pide elecciones anticipadas en Venezuela”, El Nuevo Diario, 04/11/2016, https://www.elnuevodiario.com.ni/internacionales/409260-oposicion-pide-elecciones-anticipadas-venezuela/ou en janvier 2017: “Oposición convoca a marcha para exigir elecciones anticipadas”, Última Hora, 18/01/2017, http://ultimahoradigital.com/2017/01/oposicion-convoca-a-marcha-para-exigir-elecciones-anticipadas/ou encore en avril 2017, demande cette fois-ci exprimée par Julio Borges au nom de l´Assemblée Nationale : “Mayoría opositora de la Asamblea Nacional de Venezuela exige elecciones presidenciales anticipadas y « clausura » el diálogo con el gobierno de Maduro”, BBC Mundo, 27/04/2017, http://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-39739963

(5) Cathy Dos Santos, “Venezuela. «Il faut diversifier notre économie sans toucher au social »”, L´Humanité, 03/04/2018, https://www.humanite.fr/venezuela-il-faut-diversifier-notre-economie-sans-toucher-au-social-652993

(6) Fondé par les gouvernements de droite de l´Argentine, du Brésil, du Chile, de la Colombie, du Costa Rica, du Guatemala, du Honduras, du Mexique, du Panama, du Paraguay et du Pérou, le Groupe de Lima est un groupe de pression diplomatique régional contre la Révolution Bolivarienne. 

(7) L´auteur de ces lignes a déjà participé aux élections municipales et régionales de 2013.

(8) Sur cet épisode tragique voir Romain Migus, “Nuit de cristal au Venezuela” Venezuela en Vivo, 17/04/2013, http://www.romainmigus.com/2013/06/nuit-de-cristal-au-venezuela.html  

(9) “Jimmy Carter: « El sistema electoral venezolano es el mejor del mundo », RT, 20/09/2012, https://actualidad.rt.com/actualidad/view/54145-jimmy-carter-sistema-electoral-venezolano-mejor-mundo  

(10) José Vicente Rangel, “La suerte está echada”, Últimas Noticias, 16/04/2018, http://www.ultimasnoticias.com.ve/noticias/opinion/espejo-jose-vicente-rangel-la-suerte-esta-echada/

(11) “Mike Pence: “Venezuela es un Estado fallido”, El Nacional, 14/04/2018, http://www.el-nacional.com/noticias/latinoamerica/mike-pence-venezuela-estado-fallido_230996

(12) L´élection de Manuel Valls fut finalement validée par le Conseil Constitutionnel.

(13) “Informe de Red de Apoyo demuestra que más del 50% de los 142 fallecidos en guarimbas de 2017 no participaban en manifestaciones”, Alba Ciudad, 05/02/2018, http://albaciudad.org/2018/02/comision-de-la-verdad-informe-red-de-apoyo-142-muertos-guarimbas-2017/

(14) “Por qué el « antejuicio » al presidente Maduro no tiene legitimidad jurídica”, Misión Verdad, 17/04/2018,http://misionverdad.com/La-guerra-en-venezuela/por-que-el-antejuicio-al-presidente-maduro-no-tiene-legitimidad-juridica

(15) “¿Por qué suspenden como fiscal de Venezuela a Luisa Ortega?”, Telesur, 05/08/2018, https://www.telesurtv.net/news/Por-que-suspenden-como-fiscal-de-Venezuela-a-Luisa-Ortega-20170805-0027.htmlainsi que “Luisa Ortega Díaz coopera con el FBI para criminalizar a Venezuela”,Misión Verdad, 31/10/2017, http://misionverdad.com/LA-GUERRA-EN-VENEZUELA/luisa-ortega-diaz-informante-del-gobierno-estadounidense-para-criminalizar-a

(16) Voir Fernando Casado, El nuevo invento para atacar a Venezuela: El Cartel de los Soles, 01/06/2015, http://www.rebelion.org/docs/200755.pdf

(17) Une recherche des mots “narcodictadura” ou “narcoregimen” sur Google est assez éclairante. Ces termes ont été introduits par les médias suite à des tournés politiques de leaders de l´opposition. Ainsi, plusieurs médias d’Espagne, de Colombie, du Guatemala, d´Argentine et d´Equateur ont largement repris le terme lors d´interviews de Miguel Henrique Otero (lui même propriétaire du journal vénézuélien d´opposition) en 2017. Un an plus tard, alors que la “narcodictature” est tombé dans l´oubli médiatique, c´est au tour d´Antonio Ledezma de repopulariser cette terminologie auprès des médias. Il va sans dire qu´aucune des couvertures médiatiques qui accusent le Venezuela d´être une « narco-dicatature » n´apporte pas de preuves concrètes de ce qu´elles avancent. 

(18) “Etats-Unis: le fils du président du Suriname lourdement condamné” RFI, 12/03/2015, http://www.rfi.fr/ameriques/20150312-etats-unis-fils-president-suriname-lourdement-condamne-desi-bouterse-dino  et “Trafic de drogue en Mauritanie : onze personnes incarcérées dont le fils d’un ex-président”, Jeune Afrique, 05/02/2016, http://www.jeuneafrique.com/depeches/300279/societe/trafic-de-drogue-mauritanie-onze-personnes-incarcerees-dont-fils-dun-ex-president/

(19) Voir la vidéo de l´intervention d´Antonio Ledezma sur https://www.voanoticias.com/a/antonio-ledezma-reunion-vicepresidente-mike-pence-cumbre-americas/4347460.html#player-set-time=0.00001

(20) Patrick Saint Paul, “Antonio Ledezma : «Il faut une intervention pour renverser Maduro»”, Le Figaro, 23/02/2018, http://www.lefigaro.fr/international/2018/02/23/01003-20180223ARTFIG00339-antonio-ledezma-il-faut-une-intervention-pour-renverser-maduro.php

(21) Des documents déclassifiés ont dévoilé que le président des Etats-Unis Richard Nixon (1969-74) avait demandé à son administration de « faire hurler l´économie chilienne » dans le but de renverser le président socialiste d’alors Salvador Allende (“ to make the economy scream” to prevent Allende from coming to power or to unseat him.”) 

(22) Pacualina Curso, “Blocus criminel contre le Venezuela”, Le Grand Soir, 09/04/2018, https://www.legrandsoir.info/blocus-criminel-contre-le-venezuela-ultimas-noticias.html

(23) Les chiffres de l´immigration vénézuélienne donnent lieu à d´intenses spéculations de la part de bon nombre d´ONGs. Sur ce thème voir Falacias e imprecisiones sobre la migración venezolanaMisión Verdad, 02/03/2018, http://misionverdad.com/LA-GUERRA-EN-VENEZUELa/falacias-e-imprecisiones-sobre-la-migracion-venezolana

(24) Organisation des Nations Unies pour l´alimentation et l´agriculture,“L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2017», http://www.fao.org/3/a-I7695f.pdf

(25) “No hay crisis humanitaria en Venezuela, dice experto de ONU”, Telesur, 20/02/2018, https://www.telesurtv.net/news/Experto-ONU-Alfred-de-Zayas-Venezuela–20180220-0053.html

(26) Sur ce thème voir Maurice Lemoine, “Bonnes et mauvaises victimes au Venezuela”, Le Grand Soir, 18/02/2016, https://www.legrandsoir.info/bonnes-et-mauvaises-victimes-au-venezuela.html, ainsi que Romain Migus et Eva Golinger, La Telaraña Imperial, Caracas, ed. CESE, 2008. Disponible sur http://www.romainmigus.com/2013/06/la-telarana-imperial.html

(27) “Éxodo de venezolanos obliga movilización militar en fronteras de Brasil, Colombia y Guyana”, Yahoo noticias, 12/02/2018,  https://es.noticias.yahoo.com/exodo-de-venezolanos-obliga-movilizacion-militar-en-fronteras-de-brasil-colombia-y-guyana-142004472.html

(28) Mariana Escobar Roldán, “Colombia alista campos de refugiados para venezolanos”, 28/08/2018, El Colombianohttp://www.elcolombiano.com/colombia/colombia-alista-campos-de-refugiados-para-venezolanos-EN7186336

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