Patriot Act : de réels impacts sur la vie privée

Les Québécois sont loin d’avoir réalisé l’impact sur leur vie privée du Patriot Act, la loi adoptée par Washington au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, souligne le président de la Commission d’accès à l’information du Québec, Me Jacques Saint-Laurent.

Cette loi est exceptionnelle, elle confère un pouvoir impressionnant aux policiers américains, observe le haut fonctionnaire, responsable québécois de la protection des renseignements personnels.

«Les travailleurs d’Expro ne sont pas les seuls concernés, cela touche tous les employés québécois de filiales de compagnies américaines», a souligné hier Me Saint-Laurent, invité à commenter la manchette de La Presse. 

La Presse rapportait que le syndicat des 400 employés d’Expro, manufacturier d’explosifs de Valleyfield, réclamaient que leur future convention collective précise explicitement que leurs renseignements personnels ne pourraient être accessibles à la multinationale américaine General Dynamics Corporation, en discussion pour acheter Expro et les autres composantes de SNC Technologies.

«Il y a un risque que ces informations deviennent accessibles à la police américaine, non seulement pour Expro, mais pour d’autres filiales américaines au Canada. J’ai l’air de mettre de l’huile sur le feu, mais même si Expro ne transférait pas ses informations aux États-Unis, la façon dont le Patriot Act est rédigé permet une ordonnance pour que les renseignements détenus par la filiale américaine soient accessibles à la police américaine», résume le spécialiste québécois. De plus, les salariés québécois employés de filiales ne seraient jamais informés de ces intrusions dans leur vie privée. «L’ordonnance est confidentielle et il y a des risques de poursuites si elle est divulguée», confirme Me Saint-Laurent.

Les conséquences du Patriot Act sont trop souvent oubliées au Québec, et n’ont jamais fait l’objet d’un véritable débat, déplore-t-il. «On doit être informé de cette réalité, et être conscient que des renseignements peuvent être obtenus par le FBI de cette façon. Bien des gens signent rapidement des adhésions à des cartes de crédit, plusieurs de ces firmes gèrent leurs informations dans des banques aux États-Unis, qui sont par conséquent accessibles au FBI», illustre Me Saint-Laurent.

Pour Me Saint-Laurent, la loi québécoise sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels prévoit que si des informations québécoises traversent la frontière, ceux qui les détiennent doivent faire preuve de la même prudence que si ils se trouvaient au Québec. Ils doivent «prendre tous les moyens raisonnables pour s’assurer que les renseignements ne seront utilisés qu’aux fins prévues», relève Me Saint-Laurent.

En achetant Expro, General Dynamics devra se conformer à la loi québécoise, «sur le territoire québécois», observe-t-il. L’obligation est imposée à Expro, et le Québec n’a aucune autorité pour imposer quoi que ce soit à General Dynamics Corporation aux États-Unis.

Et bien sûr, une compagnie américaine n’aurait pas le choix de transmettre les informations qu’elle détient, aux États-Unis ou même au Québec, si la police le lui demandait, en vertu du Patriot Act. La police n’a en pratique qu’à en faire la demande pour recevoir le feu vert du tribunal pour obtenir des informations confidentielles. «Dans la mesure où le policier déclare que c’est pour les fins de lutte au terrorisme, il y a une présomption favorable à la demande», résume-t-il.



Articles Par : Denis Lessard

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