Pétrole et gaz de schiste au Québec : La loterie de la première ministre Madame Marois

Le 13 février dernier, Mme Marois a annoncé que le gouvernement pourrait investir jusqu’à 115 M$ pour participer à l’exploration du sous-sol d’Anticosti. Et la publicité laisse miroiter jusqu’à 45 G$ pour les Québécois[1].

C’est tellement gros que j’ai l’impression de voir un joueur compulsif qui s’assoit devant une table du Casino : il est tellement persuadé de gagner le gros lot qu’il hypothèque sa maison!

Voilà pourquoi on fait miroiter une participation de 60 % aux bénéfices et la possession des permis au niveau de 50 %. Et « jusqu’à 45 G$ sur 30 ans dans les poches des Québécois »! On se calme! On revient sur terre et on respire par le nez! Puis, on tente de reprendre contact avec la réalité.

D’abord, il ne faut pas oublier que la multinationale Shell a retiré ses billes du « pari » Anticosti en 1997, faute de résultats intéressants[2]. Pourtant, la fracturation hydraulique commençait à être connue aux États-Unis à ce moment-là. Si un joueur majeur, qui connaît le jeu (et toutes les techniques expérimentales) se retire de la « table de poker », comment est-ce que des joueurs juniors comme Pétrolia, Corridors Resources et Junex peuvent tirer leur épingle du jeu?

Je suis de ceux qui croient que nous devons nous libérer au plus vite des carburants fossiles pour entreprendre le virage vers les énergies de l’avenir. Le GIEC nous a avertis : il faut limiter la hausse de température à 2 degrés Celsius au 21e siècle. Dans un contexte de changements climatiques, il est urgent de réduire notre production de CO2, car les extrêmes climatiques sont catastrophiques pour l’économie. Regardez ce qui se passe présentement en Californie : le gouverneur Brown vient de demander aux citoyens de réduire la consommation d’eau de 20 %. Et parce que les réservoirs sont vides, 25 millions de Californiens feront face à des restrictions sévères, et 1 million d’« acres » de terre irriguées n’auront pas d’eau cet été[3]. Préparons-nous à voir grimper le prix des légumes qui viennent de cette région!

Ceci m’amène au deuxième point de ce pari risqué de Mme Marois. La seule façon d’aller chercher ce pétrole, c’est la fracturation hydraulique. Mais les schistes sous Anticosti sont près de la surface. Tellement que dans les trois quarts de l’île, l’industrie ne pourra pas respecter la norme qu’elle utilise normalement dans d’autres juridictions, c’est‑à‑dire 1000 m sous les nappes phréatiques. Certes, les chevreuils ne votent pas; mais ils pourraient être obligés de boire de l’eau ayant un goût de mazout[4]. N’oublions pas qu’un litre de pétrole peut polluer un million de litres d’eau. Si le golfe Saint-Laurent reçoit un apport indésiré de pétrole, c’est l’industrie touristique et halieutique des cinq provinces limitrophes qui risquent d’y goûter!

Enfin , le fantasme délirant de « jusqu’à 45 G$… dans les poches des Québécois! ». Il semblerait que le but de l’exploration est de savoir si Shell a eu tort de se retirer d’Anticosti. Certaines estimations préliminaires parlent d’un potentiel se situant entre 40G et 46G de barils dans ces schistes de Macasty. Donc le Québec investit 115 millions pour valider si ces estimations sont solides. S’il s’avérait qu’il n’y a rien de récupérable, ça risque de devenir une bulle boursière spéculative; est-ce que nos taxes doivent servir à enrichir une pognée d’actionnaires?

Même si on gagnait le « jackpot » et qu’il y aurait réellement 45 G de barils, la fracturation hydraulique du pétrole ne permet de recouvrer qu’entre 1 % et 5 % du potentiel pétrolier emprisonné dans la roche sédimentaire. Cinq pour cent, c’est hyper optimiste; dans les schistes de Bakken au Dakota du Nord, c’est 1,2 %. Donc, dans l’hypothèse la plus jovialiste, l’économie québécoise peut, au mieux, espérer 1,2 % X 45 G = 540 M de barils. Même à 100 $/baril (et parfois, c’est moins!), c’est au mieux  5,4 milliards de dollars en revenus brut sur 30 ans; de ce montant, il faut soustraire les frais d’exploration, de forage, de transport, de réparations en cas de problèmes environnementaux, sans oublier les profits pour les partenaires, qui partagent 40 % des bénéfices. Le jeu compulsif, c’est bien beau! Mais il faudrait peut-être se départir de ses lunettes roses et s’acheter une calculatrice!

Dans une autre sorte de loterie, électorale celle-là, il ne faudrait pas trop se gargariser de ces 45 G$. Déclencher des élections pour« avoir les deux mains sur le volant » a des goûts de réchauffé. Même si ce pari est plus solide que celui du pétrole d’Anticosti, elle pourrait se faire demander comment cette annonce est compatible avec son programme électoral du mois d’août 2012. Sinon, au nom de la réalité, plusieurs personnes qui connaissent le dossier pourrait « péter la baloune de ce Las Vegas » virtuel!

Gérard Montpetit

La Présentation

16 février, 2014

 



Articles Par : Gérard Montpetit

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