Pourquoi la désinformation fonctionne? Parce que c’est le programme politique qui compte, pas la vérité.

Cet article a été publié initialement le 29 mai 2013

Vous êtes-vous jamais demandé comment la désinformation gouvernementale gagne du terrain ?

J’ai remarqué que dès qu’un événement choquant se produit, comme le 11-Septembre ou l’attentat à la bombe du marathon de Boston, presque tout le monde dans le spectre politique à droite comme à gauche, avale l’explication du gouvernement, parce qu’ils peuvent rattacher leur programme au récit du gouvernement.

Les gauchistes aiment la version officielle des musulmans créant le chaos terroriste aux États-Unis, car elle prouve leur théorie de l’effet boomerang et les satisfait de voir que les opprimés et les dépossédés peuvent lutter contre l’impérialisme.

La droite patriotique aime la version officielle, car elle prouve que les États-Unis  sont attaqués en raison de leur bonté ou parce que les agents d’immigration ont laissé entrer les terroristes au pays et qu’ils ont été soutenu par l’aide sociale ou encore parce que le gouvernement, qui ne peut jamais rien faire correctement, a ignoré de nombreuses alertes.

Quelle que soit la version gouvernementale, aussi problématique soit-elle, cette version officielle tire sa force de sa compatibilité avec les prédispositions et les visées politiques existantes. Dans un tel pays, la vérité n’est pas pertinente. Seuls les objectifs sont importants.

On peut voir cela partout. Je pourrais écrire des livres entiers illustrant comment des auteurs, toutes allégeances politiques confondues, motivés par un programme se rallient aux récits gouvernementaux les plus improbables, malgré l’absence totale de preuves, simplement parce que le discours du gouvernement peut être exploité pour appuyer leurs desseins.

Par exemple, un auteur conservateur dans le numéro de juin de Chronicles utilise le discours du gouvernement au sujet des soi-disant terroristes des attentats de Boston, Dzhokhar et Tamerlan Tsarnaev, pour plaider contre l’immigration, l’amnistie pour les immigrants illégaux et l’asile politique pour les musulmans. Il écrit : « Même les systèmes de sécurité les plus sophistiqués que l’on puisse imaginer échoueront inévitablement lorsqu’ils seront submergés par un flot d’immigrants, souvent hostiles et dangereux. »

L’auteur accepte toutes les déclarations improbables du gouvernement comme preuve de la culpabilité des frères Tsarnaev. Le frère blessé, qui était incapable de répondre au propriétaire du bateau qui l’a découvert et qui a dû être placé sous respirateur artificiel, a tout de même réussi à écrire une confession à l’intérieur du bateau.

Dès que les autorités enferment le jeune frère dans un hôpital et le mettent sous respirateur artificiel, des « représentants officiels et des autorités demeurant anonymes » introduisent dans les médias l’histoire voulant que le suspect signait des aveux écrits de sa culpabilité tout en étant sous respirateur artificiel. Personne n’a vu ces aveux écrits. Nous savons cependant que ces aveux existent puisque le gouvernement et les médias le disent.

L’auteur conservateur sait que Dzokhar est coupable parce qu’il est musulman et tchétchène. Il ne lui vient donc pas à l’esprit de se demander quel pourrait être le but des sources anonymes occupées à fabriquer la croyance en la culpabilité du jeune Tsarnaev. Cela garantit qu’aucun juré n’osera voter en faveur de son acquittement,  décision  qu’il devrait ensuite expliquer à sa famille et ses amis. Le concept d’innocence jusqu’à preuve du contraire devant la cour a été balancé par la fenêtre. Cela devrait déranger cet auteur conservateur, mais ce n’est pas le cas.

Cet auteur voit le fait d’être tchétchène comme une indication de culpabilité même si les deux frères ont grandi aux États-Unis comme des Étasuniens normaux, parce que les Tchétchènes sont « engagés dans un djihad antirusse ». Toutefois, les Tchétchènes n’ont aucune raison d’être hostiles envers les États-Unis. Comme les preuves l’indiquent, Washington soutient les Tchétchènes dans leur conflit contre la Russie. En appuyant le terrorisme tchétchène, Washington viole toutes les lois qu’il applique impitoyablement à des Étasuniens charitables qui donnent aux œuvres caritatives palestiniennes, lesquelles seraient gérées par le Hamas selon Washington, qui qualifie cette organisation de terroriste.

Il ne vient pas à l’esprit de l’auteur conservateur qu’il y a quelque chose qui cloche lorsque l’on applique la loi martiale dans l’une des principales villes du pays et dans sa zone métropolitaine, que  l’on met dans la rue plus de 10 000 soldats lourdement armés avec des chars d’assaut et que l’on ordonne aux citoyens de sortir de chez eux avec les mains sur la tête, tout cela uniquement parce que l’on cherche un jeune suspect de 19 ans blessé. L’auteur blâme plutôt l’existence de « l’État espion » sur « les conséquences inévitables du libéralisme suicidaire », lequel a épousé « le plus vieux pêché du monde : la rébellion contre l’autorité ». L’auteur est tellement heureux de pouvoir utiliser le discours du gouvernement afin de laisser libre cours à l’idylle des conservateurs avec l’autorité et de porter un coup au libéralisme, qu’il ne voit pas qu’il s’oppose aux pères fondateurs qui ont signé la Déclaration d’indépendance et se sont rebellés contre l’autorité.

J’aurais tout aussi bien pu utiliser un auteur de gauche pour montrer que des explications improbables sont acceptables si elles vont de pair avec des prédispositions et peuvent être employées pour atteindre un objectif.

Pensez-y. Ne croyez-vous pas qu’il est hors du commun que les seules enquêtes effectuées sur des évènements comme le 11-Septembre ou le marathon de Boston soient des enquêtes individuelles, comme cette enquête sur les sacs à dos dans WhoWhatWhy [1]

Il n’y a pas eu d’enquête sur le 11-Septembre. En fait, la Maison-Blanche a résisté à toute demande d’enquête pendant un an et ce malgré les demandes insistantes des familles des victimes. Le NIST n’a fait aucune enquête. Le NIST a simplement créé un modèle informatique conforme au discours du gouvernement. La Commission d’enquête sur le 11-Septembre n’a fait qu’écouter et noter les explications gouvernementales. Ce ne sont pas des enquêtes.

Les seules enquêtes ont été faites par un physicien qui a prouvé que la tour 7 du World Trade Center (WTC) s’est effondrée à la vitesse de la chute libre et que cela était le résultat d’une démolition contrôlée; par une équipe de scientifiques qui ont examiné la poussière des tours du WTC et y ont trouvé de la nanothermite; par une équipe d’architectes et d’ingénieurs en structure ayant des décennies d’expérience; ainsi que par les équipes de premiers intervenants et les pompiers qui se trouvaient dans les tours et ont entendus des explosions partout dans les tours, y compris dans les sous-sols.

Nous avons atteint un point où les preuve ne sont plus nécessaires. Les déclarations du gouvernement suffisent. Seuls des cinglés de conspirationnistes fournissent de véritables preuves.

Aux États-Unis, les déclarations gouvernementales possèdent une autorité unique. Cette autorité provient du chapeau blanc qu’ont porté les États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide qui a suivi. Il était très facile de diaboliser l’Allemagne nazie, le communisme soviétique et le maoïsme chinois. Aujourd’hui encore, lorsque je suis interviewé par des publications russes sur l’état périlleux des libertés civiles aux États-Unis et les interminables attaques militaires illégales de Washington à l’étranger, je reçois parfois des reportages disant que certains Russes croient qu’un imposteur a été interviewé et non pas le véritable Paul Craig Roberts. Il y a des Russes qui croient que c’est le président Reagan qui a amené la liberté en Russie et comme j’ai servi dans le gouvernement Reagan, ces Russes m’associent avec leur vision de l’Amérique comme étant une lumière pour le monde. Certains Russes pensent vraiment que les guerres de Washington sont réellement des guerres de libération.

Les mêmes illusions règnent au sein des dissidents chinois. Chen Guangchen est le dissident chinois qui s’est réfugié à l’ambassade des États-Unis en Chine. Il a été interviewé récemment par le BBC World Service. Il croit sincèrement que les États-Unis protègent les droits humains tandis que la Chine les supprime. Il s’est plaint à la BBC qu’en Chine la police arrête des citoyens et les garde en détention pendant six mois sans justification. Il pensait que les États-Unis et le Royaume-Uni devraient publiquement protester contre cette violation de la procédure régulière de la loi, un droit humain. Chen Guangchen ignore apparemment que les citoyens des États-Unis sont sujet à des mesures de détention indéfinie, même à des assassinats extrajudiciaires, et ce sans procédures légales.

Le gouvernement chinois a permis à Chen Guangchen de quitter la Chine de façon sécuritaire et de vivre aux États-Unis. Chen Guangchen est tellement ébloui par ses illusions des États-Unis comme phare des droits humains qu’il ne lui est jamais venu à l’esprit que le gouvernement chinois, oppresseur et en violation des droits humains, l’a laissé circuler en toute sécurité alors que Julian Assange, après que l’Équateur lui ait accordé l’asile politique, est toujours confiné à l’ambassade de ce pays à Londres parce que Washington ne permet pas à son État fantoche de Grande-Bretagne d’assurer sa libre circulation vers l’Équateur.

Peut-être que Chen Guangchen et les dissidents russes et chinois, si amoureux des États-Unis, gagneraient un peu en perspective s’ils lisaient le livre du soldat Terry Holdbrooks sur le traitement accordé aux prisonniers de Guantanamo. Holdbrooks était là-bas. Il a fait partie du processus et voici ce qu’il a dit à Russia Today (RT) : « La torture et les méthodes employées pour soutirer des informations ont certainement soulevé beaucoup de doutes et de questions dans mon esprit, à savoir si cela était ou non mon Amérique. Mais j’ai bien réfléchi à ce que nous faisions là-bas, à la façon dont nous le faisions et cela ne ressemblait pas du tout à l’Amérique que je m’étais engagé à défendre. Cela ne ressemblait pas à l’Amérique dans laquelle j’avais grandi. En soi, cette expérience a été une grande désillusion. »

Dans un article du Wall Street Journal du 17 mai, Peggy Noonan écrit que le président Obama a perdu l’éclat de sa grandeur d’âme.

Qu’a fait Obama pour encourir cette perte? Est-ce parce qu’il est assit dans le bureau ovale, approuvant des listes de citoyens étasuniens sujets à des assassinats extrajudiciaires? Est-ce parce qu’il emprisonne indéfiniment des citoyens étasuniens en violation de l’habeas corpus ? Est-ce parce qu’il garde la prison de torture de Guantanamo ouverte? Est-ce parce qu’il poursuit la guerre lancée par les néoconservateurs, malgré sa promesse d’y mettre fin, et qu’il en a déclenché de nouvelles?

Est-ce parce qu’il attaque avec des drones des gens dans leur maison, des centres médicaux et des lieux de travail dans des pays avec lesquels les États-Unis ne sont pas en guerre ? Est-ce parce que son gouvernement corrompu espionne les citoyens étasuniens sans mandats et sans raison?

Non. Ce n’est pour aucune de ces raisons. D’après Noonan, ce ne sont pas des offenses pour lesquelles les présidents, même des présidents démocrates, perdent l’éclat de leur grandeur d’âme. On ne peut plus faire confiance à Obama parce que l’IRS (agence du revenu) a harcelé quelques activistes conservateurs.

Noonan est républicaine et ce qu’Obama a fait de mal a été d’utiliser l’IRS contre quelques républicains. Apparemment, il n’est pas venu à l’esprit de Noonan que si Obama, ou n’importe quel président, peut utiliser l’IRS contre ses opposants, il peut utiliser le Homeland Security (département de la Sécurité intérieure) et l’État policier contre eux. Il peut utiliser la détention indéfinie contre eux. Il peut utiliser des drones contre eux.

Ce sont là des mesures bien plus drastiques. Pourquoi Peggy Noonan n’est-elle pas inquiète? Parce qu’elle pense que ces mesures ne seront utilisées que contre des terroristes, tout comme l’IRS devrait être utilisé uniquement contre ceux qui font de l’évasion fiscale.

Lorsqu’une population et les commentateurs qui l’informent acceptent l’effondrement de l’autorité constitutionnelle et l’anéantissement de leurs de leurs libertés civiles, il est inutile de se plaindre de l’IRS.

Paul Craig Roberts

29 mai 2013

Article original : Why Disinformation Works. In America “Truth has no Relevance. Only Agendas are Important”

Traduction Julie Lévesque pour Mondialisation.ca



Articles Par : Dr. Paul Craig Roberts

A propos :

Paul Craig Roberts, former Assistant Secretary of the US Treasury and Associate Editor of the Wall Street Journal, has held numerous university appointments. He is a frequent contributor to Global Research. Dr. Roberts can be reached at http://paulcraigroberts.org

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