Proposition d’un accord de paix durable en Corée : signature d’un traité de paix bilatéral entre la Corée du Nord et la Corée du Sud

Le président de la Corée du Sud, Moon Jae-in, se trouve actuellement à Vladivostok pour assister au Forum économique oriental (FEO), sous la présidence de Vladimir Poutine, les 6 et 7 septembre.

Une délégation nord-coréenne de haut niveau a été également dépêchée à Vladivostok.  

Le président Moon Jae-in devait rencontrer Vladimir Poutine peu après son arrivée le 5 septembre (heure locale).

La tenue des pourparlers Moon-Poutine a été demandée par Moscou, à la suite d’une réunion précédente à la Maison Bleue à Séoul entre le président Moon Jae-in et Nikolaï Patrouchev, secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie (CSFR).

Le bureau présidentiel de la République de Corée a confirmé que Patruchev s’est également entretenu avec Chung Eui-yong, directeur du Bureau de la sécurité nationale de la Maison Bleue (Cheongwadae), au nom du président Moon Jae-in. 

Au moment où les pourparlers Moon-Poutine à Vladivostok sont officiellement confirmés, tout laisse entendre que les deux délégations (Corée du Nord et du Sud) vont aussi se rencontrer derrière des portes closes, qui pourrait amener le président Vladimir Poutine à jouer un rôle historique dans la promotion d’une compréhension mutuelle entre la RPDC et la RC, dans le but d’éviter une guerre menée par les USA.


MISE À JOUR, 7 septembre 2017

Aucun rapport officiel faisant état d’une rencontre entre les délégations de la Corée du Nord et la Corée du Sud n’a été publié et il n’y a pas de preuve solide qu’une telle rencontre a eu lieu.

Le chef de la délégation de la RPDC au FEO, le ministre des Relations économiques avec l’extérieur Kim Yong-jae, a déclaré que la Corée du Nord « va adopter des contre-mesures vigoureuses contre les tentatives des USA d’exercer des pressions au moyen de lourdes sanctions ».

Le président Xi Jinping a eu une conversation téléphonique avec Donald Trump le 6 septembre, pour signaler le pressant besoin de trouver une solution pacifique dans le cadre de pourparlers. (voir le Shanghai Daily du 7 septembre 2017)

Lors de la réunion entre le président Moon de la RC et le président Poutine, le chef d’État russe a exprimé son opposition aux sanctions et à un embargo pétrolier, qui avaient été mis de l’avant par Moon. Poutine a toutefois évoqué la possibilité d’une coopération économique avec la Corée du Nord et la Corée du Sud : « les deux dirigeants ont consacré beaucoup de temps aux relations économiques bilatérales et aux projets conjoints, en signalant que la Corée du Nord pourrait être intégrée dans le transit des ressources énergétiques de la Russie à la Corée du Sud. » (Russia Rossiya 1 TV « Vesti » News 1700 GMT, 6 sept. 2017)

Il est important de noter que Poutine avait auparavant averti l’administration Trump que « l’hostilité permanente entre les USA et la Corée du Nord était en voie de se détériorer en « conflit à grande échelle », en ajoutant que la seule façon de désamorcer la tension était le dialogue ». (Daily Express, 5 septembre 2017) 

Autre aspect important, le premier ministre Abe et le président Poutine vont également se réunir à Vladivostok le 6 septembre, en marge du Forum économique oriental.


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Vers un traité de paix bilatéral Nord-Sud 

Ce qui devrait être envisagé, c’est la signature éventuelle d’un accord bilatéral entre la RPDC et la RC en vue de rétablir la paix dans la péninsule coréenne. Autrement dit, « l’état de guerre » entre les USA et la RPDC (qui prévaut en vertu de l’accord d’armistice) devrait dans un sens être « laissé de côté » et devenir caduc après la signature d’un traité de paix bilatéral Nord-Sud, prévoyant aussi une coopération, des activités commerciales et des échanges continuels.

À cet égard, ce qui découle de l’Accord d’armistice de 1953, c’est que l’une des parties belligérantes, nommément les USA, a constamment menacé de faire la guerre à la RPDC depuis les 64 dernières années.

Les USA ont violé l’Accord d’armistice à maintes reprises. Ils sont demeurés sur un pied de guerre. Sans que les médias occidentaux et la communauté internationale s’en soucient, les USA ont activement déployé des armes nucléaires pointées vers la Corée du Nord depuis plus d’un demi-siècle, en violation de l’article 13b) de l’Accord d’armistice. Plus récemment, ils ont déployé des missiles THAAD, qui sont aussi pointés vers la Chine et la Russie.

Les USA sont toujours en guerre contre la Corée du Nord. L’Accord d’armistice signé en 1953 – qui constitue juridiquement un « cessez-le-feu temporaire » entre les parties belligérantes (USA, Corée du Nord et l’Armée des volontaires du peuple chinois) – doit être annulé par la signature d’un traité de paix durable.

Les USA ont non seulement violé l’Accord d’armistice, mais ils ont constamment refusé d’entamer des négociations de paix avec Pyongyang, de façon à maintenir une présence militaire en Corée du Sud et à empêcher un processus de normalisation et de coopération entre la RC et la RPDC.

La question fondamentale à laquelle il faut répondre est celle-ci : Comment peut-on remplacer l’Accord d’armistice par un traité de paix durable vu le refus persistant de Washington de s’engager dans des négociations?

Si l’un des signataires refuse de signer un traité de paix, ce qui devrait être envisagé, c’est la formulation d’un traité de paix bilatéral Nord-Sud global, qui entraînerait de facto l’annulation de l’Accord d’armistice de 1953.

Cet ambitieux accord entre Séoul et Pyongyang affirmerait l’édification de la paix dans la péninsule coréenne, en l’absence d’un traité de paix entre les signataires de l’Accord d’armistice de 1953.

La formulation juridique de cet accord bilatéral est cruciale. En fait, l’accord bilatéral passerait outre au refus de Washington. Il établirait les fondements de la paix dans la péninsule coréenne sans intervention étrangère, c’est-à-dire sans que Washington ne dicte ses conditions. Il exigerait aussi le retrait simultané des forces armées étasuniennes de la RC et l’abrogation de l’accord sur le contrôle opérationnel (OPCON).

Politique du rayon de soleil 2.0. et Mouvement des chandelles. La démilitarisation de la péninsule coréenne.

Jouissant du soutien du Mouvement des chandelles, la présidence de Moon Jae-in pourrait constituer un tournant, un repère de nature politique et géopolitique.

Le président Moon Jae-in a travaillé étroitement avec Roh Moo-hyun (qui a mené la Politique du rayon de soleil). Moon était son chef de cabinet.

Le président Moon a confirmé son engagement sans équivoque en faveur du dialogue et de la coopération avec Pyongyang, dans le cadre de ce qui est qualifié de Politique du rayon de soleil 2.0, tout en maintenant la relation de la RC avec les USA.

La volonté de coopération avec la Corée du Nord du président Moon, conjuguée avec la démilitarisation, nécessitera une redéfinition de la relation RC-USA en ce qui concerne les affaires militaires. Cette question est cruciale.

En outre, il y a des signes de dissension (et de conflit) à l’intérieur du gouvernement de la RC avec le ministre de la défense sud-coréen Song Young-moo, qui reproche ouvertement au président Moon d’aller dans « une direction qui renforce l’impasse militaire au lieu du (…) dialogue ».  

Dans le contexte actuel, Washington contrôle le ministère de la Défense de la RC et exerce un contrôle de facto de sa politique étrangère ainsi que des relations de la Corée du Sud avec la Corée du Nord. Dans le cadre de l’accord sur le contrôle opérationnel (OPCON), le Pentagone contrôle la structure de commandement des forces armées de la RC.

En fin de compte, c’est ce qui devra être réglé en vue de l’établissement d’une paix durable dans la péninsule coréenne et en Asie orientale.

L’abrogation de l’accord sur le « contrôle opérationnel » (OPCON) et du commandement des forces combinées USA-RC (CFC)

En 2014, le gouvernement de la présidente Park Geun-hye a retardé l’abrogation de l’accord OPCON (contrôle opérationnel) « jusqu’au milieu des années 2020 ». Ce qui voulait dire qu’« en cas de conflit », toutes les forces armées restent sous le commandement d’un général étasunien nommé par le Pentagone, plutôt que sous le commandement du président et commandant en chef de la RC.

Il va sans dire que la souveraineté nationale ne peut raisonnablement exister sans l’annulation de l’accord OPCON et de la structure de commandement des forces combinées USA-RC (CRF).

 


Rappelons-nous qu’en 1978, une structure de Commandement des forces combinées Corée du Sud-États-Unis (CFC) a été créée sous la présidence du général Park (dictateur militaire et père de la présidente Park Guen-hye, qui a été destituée). En substance, il s’agissait d’un changement d’étiquette se rapportant au soi-disant commandement de l’ONU.

« Depuis la guerre de Corée, les alliés ont convenu qu’un général quatre étoiles étasunien assurerait le « contrôle opérationnel » (OPCON) des forces militaires de la RC et des USA en temps de guerre (…). Avant 1978, ce commandement était assuré par les Nations Unies. Depuis, c’est le CFC [structure de Commandement des forces combinées]. » (Brookings Institute)

De plus, le commandement du général étasunien en vertu de l’accord OPCON renégocié (2014) demeure pleinement opérationnel, puisque l’Armistice de 1953 (qui constitue juridiquement un cessez-le-feu temporaire) n’a pas été remplacé par un traité de paix.

Observations finales

Il convient de préciser qu’une guerre contre la Corée du Nord dirigée par les USA, telle que le conçoit le secrétaire à la Défense Mad Dog James Mattis, embraserait tout le peuple coréen.

Étant donné la géographie de la péninsule coréenne, l’utilisation d’armes nucléaires contre la Corée du Nord enflammerait inévitablement la Corée du Sud. C’est un fait que les planificateurs militaires aux USA savent et comprennent.

L’état de guerre soutenu par les USA est de facto dirigé à la fois contre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Il se caractérise par une menace militaire perpétuelle (y compris l’utilisation d’armes nucléaires) contre la RPDC. La menace s’étend aussi à la RC, sous occupation militaire étasunienne depuis septembre 1945.

À l’heure actuelle, 28 500 militaires étasuniens sont en Corée du Sud. Mais en vertu de l’accord OPCON USA-RC (accord conjoint portant sur la défense) dont il a été question précédemment, l’ensemble des forces armées de la RC est sous commandement militaire des USA.

Ce qu’il faut retenir en ce qui concerne la Politique du rayon de soleil 2.0, c’est que les USA et la RC ne peuvent être des « alliés » tant et aussi longtemps que les USA laissent planer une menace de guerre sur la Corée du Nord et la Corée du Sud.

La « véritable alliance », c’est ce qui unifie et réunit la Corée du Nord et la Corée du Sud au moyen d’un dialogue contre l’intrusion et l’agression étrangères.

Les USA sont en état de guerre contre l’ensemble du peuple coréen.

Cette situation exige la tenue de pourparlers bilatéraux entre la RC et la RPDC, en vue de la signature d’un accord qui annulerait l’Armistice et établirait les modalités d’un « traité de paix » bilatéral.

Cet accord préparerait le terrain en vue de l’arrêt de la présence militaire étasunienne et du retrait des 28 500 militaires étasuniens qui s’y trouvent.  

De plus, dans le cadre des négociations de paix bilatérales, l’accord OPCON USA-RC, qui place les forces armées de la RC sous commandement étasunien, devrait être abrogé. Le commandement de l’ensemble des forces armées de la RC reviendrait alors au pays.

Des consultations bilatérales devraient aussi être engagées dans le but d’étendre la coopération économique, technologique, culturelle et éducative entre la RC et la RPDC.

Sans les USA qui tirent les ficelles en coulisse en vertu de l’accord OPCON, la menace de guerre laisserait place au dialogue. La priorité fondamentale serait d’abroger cet accord.  

Michel Chossudovsky

Ce qui précède est un résumé d’un texte plus long préparé dans le cadre d’une allocution du Prof. Michel Chossudovsky lors de la conférence de commémoration du 10 juin organisée par le Forum coréen international pour la paix, qui soulignait le 30e anniversaire du soulèvement démocratique de juin 1987 (6 민주항쟁), Assemblée nationale de la RC, Séoul, 10 juin 2017.

 

Article original en anglais :

Proposal for a Lasting Korea Peace Agreement: Signing of a Bilateral North-South Korea Peace Treaty

Traduit par Daniel pour Mondialisation.ca



Articles Par : Prof Michel Chossudovsky

A propos :

Michel Chossudovsky is an award-winning author, Professor of Economics (emeritus) at the University of Ottawa, Founder and Director of the Centre for Research on Globalization (CRG), Montreal, Editor of Global Research.  He has taught as visiting professor in Western Europe, Southeast Asia, the Pacific and Latin America. He has served as economic adviser to governments of developing countries and has acted as a consultant for several international organizations. He is the author of eleven books including The Globalization of Poverty and The New World Order (2003), America’s “War on Terrorism” (2005), The Global Economic Crisis, The Great Depression of the Twenty-first Century (2009) (Editor), Towards a World War III Scenario: The Dangers of Nuclear War (2011), The Globalization of War, America's Long War against Humanity (2015). He is a contributor to the Encyclopaedia Britannica.  His writings have been published in more than twenty languages. In 2014, he was awarded the Gold Medal for Merit of the Republic of Serbia for his writings on NATO's war of aggression against Yugoslavia. He can be reached at [email protected] Michel Chossudovsky est un auteur primé, professeur d’économie (émérite) à l’Université d’Ottawa, fondateur et directeur du Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) de Montréal, rédacteur en chef de Global Research.

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