Qassem Souleimany et Hassan Nasrallah, les nouveaux Giap et Cienfuegos.

QASSEM SOULEIMANY, LE NOUVEAU GIAP DU MOYEN-ORIENT.

Inconnu des bonimenteurs médiatiques, méconnu d’une large fraction des crypto-spécialistes de la communauté du renseignement, connu et reconnu des connaisseurs, respecté ou redouté selon le positionnement de ses interlocuteurs, il est le cauchemar des Israéliens, le croquemitaine de l’Occident, l’enfant chéri des laissés pour compte de la société consumériste et de la civilisation des loisirs, le porte étendard des contestataires de l’ordre israélo-américain.

A rebours du transfuge socialiste Bernard Kouchner, «deux fois juif car à moitié juif», à rebours de son rival Bandar Ben Sultan, le cappo di tutti capi de la nébuleuse islamiste qui inondera la planète de ses djihadistes erratiques sans tirer le moindre coup de feu contre Israël, son ennemi supposé, ce fils d’un père paysan juif de Kerman est triplement farsi, en tant que chiite, en tant que révolutionnaire, en tant que combattant pour la libération de la Palestine.

Commandant de l’ombre (1), sa rigueur, sa discrétion et son efficacité l’imposent comme le Giap du Moyen Orient, du nom du vainqueur des Français, en 1955, le général Vo N’Guyen Giap à Diên Biên Phú (2), première défaite militaire majeure d’une puissance atomique de la sphère occidentale, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, face aux peuples basanés, «la seule bataille rangée et perdue par un armée européenne durant toute l’histoire des décolonisations», selon l’expression de l’historien Jean Pierre Rioux.

Lui, Qassem Souleimany, 56 ans, chef de la prestigieuse «Brigade de Jérusalem» des Pasdarans, dont la transcription en arabe claque comme baïonnettes aux vents, «Faylaq Al Qods Lil harath As Saouri Al Irani». Faylaq Al Qods, «Jerusalem brigade» et non «Jobhat an Nosra» ou «Jound As Sham», voire  Ansar Eddine» ou les horribles borborygmes de Boko Haram ou de Da’ech, comme pour rappeler la permanence de la revendication iranienne et chiite dans le combat pour la libération de la Palestine.

Du vaste polygone de tir permanent du Moyen Orient, Qassem Soleimany émerge comme le grand vainqueur de la confrontation régionale du printemps arabe, le verrou de l’Irak, malgré les coups de butoirs sanglants et les attentats répétitifs des takifiristes contre la communauté chiite depuis dix ans, malgré toutes les tentatives de déstabilisation menée par les Etats Unis et Israël depuis le Kurdistan irakien, malgré la guerre psychologique menée par les monarchies arabes contre le «péril chiite».

Lui, l’allié indéfectible de la frange résistante de la population libanaise, le sauveur de la Syrie, celui qui tiendra tête à la coalition islamo-atlantiste dans les mémorables batailles de Syrie durant trois ans:  De Bab Amro, en Février 2012, à Al Qoussayr, en Mai 2013, et à Yabroud, au printemps 2014.

Bab Amro, qui se devait d’être «le Stalingrad du Moyen Orient», selon les assurances de l’ancien premier ministre du Qatar Hamad Ben Jassem à la diplomatie française, qui sera, par les abus de la brigade Al-Farouk du commandant dissident Abdel Kader Tlass, le Trafalgar de la stratégie franco turque. Une défaite cuisante de l’opposition off-shore mercenaire du Qatar, doublée deux ans plus tard d’une défaite aussi retentissante à Homs. Vouée à devenir la «capitale de la révolution», la ville pliera, elle, sous la pression des assauts syriens. Ses djihadistes évacués sous bonne escorte, le 7 Mai 2014, le jour même du 3eme tour du scrutin présidentiel libanais, implosant la candidature à la magistrature suprême libanaise de Samir Geagea, l’homme lige des Israéliens et des Américains au Liban.

Sur la défensive au début du printemps arabe, avec un bloc atlantiste le vent en poupe, et des alliés en difficulté en Syrie et au Liban (le hezbollah), Qassem Souleimany a réussi à opérer un retournement en faveur de son camp en portant la menace sur le flanc sud de l’Arabie saoudite, son espace vital, le Yémen, où ses sympathisants houthistes (chiites) ont obtenu, à la mi octobre 2014, la tête du chef de file du camp saoudien, le premier ministre Mohamad Ba Soundah, aux termes de violents combats dans le périmètre de défense de Sana’a, la capitale, le jour même de la rencontre à New York entre les ministres des affaires étrangères d’Iran et d’Arabie saoudite Jawad Zarif et Saoud Al Faysal.

Giap et Cienfuegos

Jihad Moughniyeh, assistant de Qassem Souleymani, et le missile Fateh 110 à Hezbollah

Luxe de détail, soucieux sans doute d’assurer la relève d’un commandement de qualité, Qassem Souleimany s’est doté depuis la guerre de Syrie, en 2011, d’un assistant de choix en la personne de Jihad Moughniyeh, fils d’Imad Moughnyieh, Hajj Radwane, le fondateur de la branche militaire du Hezbollah, tué dans un attentat à Damas, en 2008, dont la progéniture  fait désormais office d’agent de liaison avec la formation de son père.

No passaran: Par deux fois, rompant son mutisme habituel, il fixera la ligne rouge de la stratégie occidentale. En Syrie, en septembre 2013, alors que le croassement de la bulle médiatique occidentale prédisait un bombardement massif du bloc atlantiste des centres de pouvoir de Damas avec la caution des pétromonarchies du Golfe, en guise de représailles contre l’usage supposé d’armes chimiques par le régime de Bachar Al Assad,  Qassem Soleimany met le holà, avisant qu’un bombardement de la Syrie embraserait le Moyen-orient.

A Gaza, en juillet 2014, alors qu’une conjuration s’appliquait à désarmer les Palestiniens en vue de leur finlandisation, le sphinx iranien rompait à nouveau le silence pour rendre  son verdict: Pas question de désarmer ni le Hamas ni le Jihad Islamique, citant nommément ces deux formations, en hommage implicite à ses alliés Mohamad Deif, le chef de la branche militaire du Hamas, et Ramadan Challah, le chef du djihad islamique, comme pour signifier la fin de l’ostracisme dont était l’objet le Hamas, la branche palestinienne des Frères Musulmans, déconsidéré par son alignement sectaire sur le Qatar, l’autre pôle du salafisme wahabite du Monde arabe.

No Passaran, le mot d’ordre tonné à deux reprises a entraîné un rétropédalage en douceur du camp atlantiste et de ses supplétifs arabes, d’une manière d’autant plus accélérée  que dans l’épreuve de force, les Pasdaran ont livré subrepticement au Hezbollah gardiens des missiles à moyenne portée Fateh 110, plaçant l’Etat major israélien à Tel Aviv à portée des tirs de la milie chiite. Disposant d’un rayon d’action de 350 km, propulsé par du carburant solide, à une vitesse de mach 3,5 soit 4.500 km/heure, Fateh 110 a entrainé un bouleversement des rapports de force sur le front nord de la confrontation israélo-arabe.

Récidiviste en Irak, comme en auparavant en Syrie, l’homme procédera à un déploiement furtif de ses hommes autour du sanctuaire chiite de la ville sunnite de Samarra brisant net la marche de Da’ech sur Bagdad. Il récidivera en pleine négociation de Vienne sur le nucléaire iranien, le 22 novembre 2014, freinant l’offensive de Da’ech contre Ramadi, clé de la région sunnite d’Al Anabr qui aurait permis le déferlement djihadiste vers l’Arabie saoudite.

Il savourera alors avec une particulière délectation l’appel de Laurent Fabius à l’Iran de se joindre à la coalition occidentale dans le combat contre Da’ech, c’est à dire contre le monstre engendré par le bloc atlantiste et les pétromonarchies pour combattre précisément l’Iran, via son allié syrien dans une guerre de substitution. Cet appel lancé par une des personnalités européennes les plus en pointe contre l’Iran a retenti comme un désaveu de la diplomatie française dans la guerre de Syrie, un constat d’impuissance et, dans le cas de Laurent Fabius, une reddition sans condition à la prépondérance de l’Iran dans la gestion des affaires de la zone.

HASSAN NASRALLAH, À L’ÉGAL DU MYTHIQUE CAMILO GORRIARÁN CIENFUEGOS., LA «SENTINELLE DE L’INDÉPENDANCE LIBANAISE».

hassan-nasrallahEn tandem avec son alter ego iranien, le Hezbollah se distinguera par une série de magistrales et époustouflantes victoires, tant contre Israël qu’en Syrie, suscitant l’admiration de bon nombre de spécialistes militaires occidentaux, s’offrant le luxe, cas unique dans les annales militaires, de faire sauter le verrou de Damas, Yabroud, le 15 mars 2014, le jour même du référendum de rattachement de la Crimée à la Russie, à la date commémorative du 3eme anniversaire du soulèvement populaire en Syrie.

«Le Hezbollah a réussi à assumer un rôle distinctif croissant dans la direction des opérations de l’armée syrienne lors d’offensives majeures des forces gouvernementales. A Qoussayr (Juin 2013), le Hezbollah a pris directement en main le commandement des opérations, assumant, parallèlement, la surveillance aérienne permanente du champ de bataille, via des drones», relèvera «The Brookings Doha Center Report», dans sa livraison de Mai 2014 signée de Charles Lister.

Au 9 juin 2014, le bilan des pertes s’élevait à 162.402 personnes, dont plus de 53.978 civils, parmi lesquels 8.607 enfants, tuées dans ce conflit opposant régime et rebelles mais devenu complexe avec des combats également entre rebelles et djihadistes en majorité étrangers, selon un bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), sis au Royaume Uni. Parmi les morts figurent 42.701 combattants rebelles, dont plus de 13.500 djihadistes du Front Al-Nosra et de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), ainsi que 61.170 membres des forces gouvernementales: 37.685 soldats et 23.485 miliciens. http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/09/le-regime-decrete une-nouvelle-amnistie-en-syrie_4434798_3218.html

En deux ans (2012-2014), le Hezbollah mettra ainsi en échec six offensives majeures des djihadistes de Syrie visant à percer les lignes de défense du parti chiite, à coups de vagues humaines, dans la zone frontalière syro libanaise, dans le secteur Ersal-Brital, décimant les unités d’élite des assaillants takfiristes, constituées de troupes coinjontes de Da’ech et de Jobhat An Nosra… avec le soutien d’Israël. Par trois fois en Syrie (Al-Qoussayr, Yabroud, et dans le périmètre de la base militaire de Menagh, dans la région d’Alep, assiégée de nombreux mois par le géorgien Tarkhan Batirashvili – Abou Omar al-Shishani), Hassan Nasrallah, à la tête  de ses hommes, fera la preuve de sa science militaire et de la maîtrise du commandement.

Se posant en égal des mythiques «barbudos» cubains, il assumera un rôle comparable au légendaire Camilo Gorriarán Cienfuegos, l’adjoint opérationnel de Fidel Castro et d’Ernesto Che Guevara de La Serna, le voltigeur de pointe de l’armée révolutionnaire cubaine, le commandant de l’avant, celui qui opéra, à la tête de la Colonne n°2 «Antonio Maceo», la percée décisive vers La Havane, dont il s’emparera le 2 janvier 1959, à 27 ans.    Rompues à la guerre de guérilla, ses troupes d’élite réussiront l’exploit non seulement de renverser le cours de la guerre, mais de modifier radicalement les règles d’engagement des combats dans la zone de confrontation israélo-libanaise, tenant en respect Israël, la principale puissance militaire du Moyen-Orient, la terreur absolue des Arabes, qu’il narguera avec un drone de sa fabrication, le drone «Ayoub», tandis que son complice iranien détournait, à son profit, un drone américain, faisant tous les deux la preuve de la maîtrise technologique de la surveillance aérienne.

Le lancement le 2 octobre 2012 d’un avion sans pilote du Hezbollah en direction d’Israël a constitué la première incursion aérienne réussie de l’aviation arabe depuis la guerre d’octobre 1973, il y a 40 ans. Son survol du site nucléaire de Dimona, dans le Néguev, a démontré l’absence d’étanchéité du «dôme d’acier» israélien, édifié avec de coûteux moyens avec l’aide américaine en vue d’immuniser le ciel israélien de toute attaque hostile. Cet exploit militaire du Hezbollah, et par voie de conséquence de l’Iran, est apparu comme une spectaculaire démonstration de leur capacité technologique à forte portée psychologique tant à l’égard d’Israël que des États-Unis, qu’à l’encontre du groupement des pays sunnites gravitant dans l’orbite atlantiste. Une percée technologique attestée deux ans plus tard par le Hamas dans son combat à Gaza, en juillet 2014, infligeant un camouflet majeur à Israël en apportant la preuve manifeste de l’absence total d’étanchéité de son «dôme d’acier», qui s’est révélé en fin de compte un parapluie troué.

Le Hezbollah est certes inscrit sur les «liste des organisations terroristes» tant de l’Union européenne, à tout le moins sa branche militaire, que de l’Arabie saoudite, au même titre d’ailleurs que les anciens pupilles de l’Occident, les Frères Musulmans, Jobhat An Nosra et Da’ech.

Mais par rapport aux organisations sunnites, le Hezbollah dispose d’un avantage comparatif incontestable en termes de crédibilité dissuasive concrétisée par sa présence, solitaire, sur l’ultime champ de bataille contre Israël, en tant qu’ultime barrage de retenue à une reddition générale arabe face au diktat israélo américain.

Une crédibilité concrétisée par le fait que de tous les protagonistes du conflit, Hassan Nasrallah ne désertera jamais le champ de bataille, alors que ses contestataires sunnites Saad Hariri, le chef du camp saoudo américain au Liban, se planquera en Arabie saoudite, et le chef politique du Hamas Palestinien, Khaled Mecha’al, à Doha, à une trentaine de kms de la plus importante base militaire américaine du tiers-monde et le prédicateur Ahmad Al-Assir, la dague salafiste du Qatar sur le flanc du hezbollah, evaporé dans la nature.  Une crédibilité dissuasive concrétisée enfin par le fait que la formation chiite est la seule instance arabe à proclamer son attachement effectif au combat pour la libération de la Palestine, matérialisé par ses combats contre Israël et son attachement à la célébration de la journée mondiale d’«Al Qods», commémorée chaque année le dernier vendredi du mois de Ramadan, en l’absence de la moindre participation sunnite, alors que la Palestine est dans sa très grande majorité peuplée de sunnites et d’une minorité chrétienne arabe, dont la population ne comporte aucun chiite; et que la responsabilité de la défense des Lieux Saints Musulmans incombe aux vingt pays arabes qui se réclament du sunnisme, la branche majoritaire de l’Islam.

Alors qu’Israël parachève la phagocytose de la Palestine, démarche ultime avant l’estocade finale, la reconnaissance d’Israël comme «État Juif», verrouillant ainsi toute revendication future des Palestiniens à un hypothétique «Droit au retour» sur la terre de leurs ancêtres, le Hamas, de même que les autres déclinaisons de la nébuleuse islamiste sunnite se sont curieusement engagés dans le combat anti Assad, plutôt que de se lancer à la reconquête de sa terre natale, la Palestine, en un tragique dévoiement de sa stratégie.

NASRALLAH VERSUS BANDAR: CHAOS DÉBOUT

Fruit d’une copulation ancillaire du Prince Sultan Ben Abdel Aziz avec une roturière d’extraction modeste, l’ancien «Great Gatsby» de la vie diplomatique américaine s’est imposé comme l’homme fort du Royaume du fait de la maladie d’une large fraction de l’équipe dirigeante frappée de pathologie handicapante, que cela soit le Roi Abdallah d’une lourde cardiopathie que le prince héritier Salmane, atteint d’Alzheimer, voire même le ministre des Affaires étrangères Saoud Al-Faysal.

Intronisé par le général David Petraeus, en personne, avant que l’ancien chef du renseignement américain ne soit emporté par un jeu de galipettes inconsidérées, une affaire d’Embedded à l’américaine, Bandar passait pour être le nouvel homme providentiel de la stratégie saoudo américaine. Pour beaucoup d’observateurs occidentaux cités par le journal néo conservateur «The Wall Street Journal», l’homme des rétro-commissions des transactions militaires saoudiennes, de l’ordre de 13 milliards de dollars, du retentissant scandale Tornado, pouvait réussir là où la CIA a échoué.

Mais celui qui avait vocation à devenir le sauveur suprême de l’Occident et de l’Islam wahhabite, s’est révélé piètre stratège, et, dans sa confrontation avec le Hezbollah, son bilan, un piètre bilan.

Par cinq fois, Bandar a mordu la poussière face Hassan Nasrallah, le contraignant à prendre le chemin de l’exil, entraînant dans sa chute l’ensemble de sa fratrie, son aîné, Khaled Ben Sultan, vice-ministre de la défense et propriétaire du journal «Al Hayat» et son cadet, Salman Ben Sultan, le chef opérationnel du PC conjoint islamo atlantiste à Amman.

En 2006, la riposte balistique victorieuse du Hezbollah libanais face à l’aviation israélienne, de même que la destruction du navire amiral de la flotte israélienne, ont semé la consternation dans le camp saoudo américain, fragilisant l’héritier politique du clan Hariri.

En 2007, la neutralisation du camp palestinien de Nahr el Bared, (Nord du Liban), en neutralisant le chef de file des djihadistes Chaker Absi, à la solde de l’Arabie saoudite, a mis en échec d’en faire voulait une zone de non droit, en vue de parasiter le Hezbollah sur son arrière garde.

En 2008, l’affaire du réseau des transmissions stratégiques du Hezbollah s’est soldée par une capitulation en rase campagne de ses adversaires, particulièrement le chef druze Walid Joumblatt, à l’époque le fer de lance du clan Hariri.

Enfin en 2013-2014, les revers de Syrie, en complément de la perte considérable représentée par l’assassinat de sa dague sécuritaire, le capitaine Wissam Hassan, chef de la section des renseignements des forces de sécurité intérieure libanaise, dynamité trois mois après la décapitation de la hiérarchie militaire syrienne. Ce bilan ne tient pas compte de l’éradication de l’excroissance salafiste du Qatar, Ahmad al Assir, le 25 juin 2013, le jour même de la destitution déguisée de son commanditaire l’Emir du Qatar, Cheikh Khalifa Ben Hamad Al Thani, à la date anniversaire du 13 me anniversaire du dégagement militaire israélien, sous l’effet des coups de butoir du Hezbollah.

Dernier intervenant sur le champ de bataille syrien, après les escouades de djihadistes de Tchétchénie à la Tunisie en passant par la Belgique, le Kosovo et la France, de même que les Moudjahidines Khalq, formation de l’opposition iranienne islamo marxiste, et le clan Hariri, le Hezbollah a brisé net la stratégie islamo-atlantiste, écrabouillant au passage ses anciens compagnon d’armes, les soldats perdus du Hamas, dans la mémorable bataille des tunnels de Qoussyar: «Par ses brillantes performances non seulement à Qoussayr, à Lattaquieh et Homs, mais aussi dans sa contribution à la défense de la base aérienne de Menagh, (Nord Syrie), Hassan Nasrallah a bien mérité le titre de «Seigneur de la résistance», admettra le site nassérien du Caire.

CF. Hassan Nasrallah, Le seigneur de la résistance http://www.al-akhbar.com/node/190273

Invincible à ce jour, artisan de deux dégagements militaires israéliens du Liban sans négociation ni traité de paix, ferme soutien du Hamas face aux offensive israéliennes, le Hezbollah demeure, n’en déplaise aux esprits chagrins, le phénomène politico-militaire majeure de l’histoire arabe contemporaine; l’ultime digue de retenue face au grand naufrage arabe, glanant au passage le titre envié de «sentinelle de l’indépendance libanaise».

LE HAMAS, DANS L’ATTENTE DE SON CHEMIN DE CANOSSA, GARDE-FRONTIÈRE D’ISRAËL.

En comparaison, le Hamas, unique mouvement de libération nationale de confession sunnite, a déserté la Syrie après 16 ans d’hospitalité, par alignement sectaire, pour installer son QG à Doha à 35 km de la base du Centcom, la plus importante base du tiers monde des États-Unis, le protecteur d’Israël, la caution de tous les assassinats extrajudiciaires des pères fondateurs du mouvement palestinien.

Beaucoup ont déploré ce positionnement qui lui vaudra la désaffection de l’Iran et du Hezbollah, davantage en phase désormais avec le Djihad Islamique, l’organisation palestinienne rivale du Hamas sur le plan islamiste.

Le premier percement balistique de l’espace aérien israélien par sa trajectoire transnationale, de Gaza à Tel Aviv, opéré en riposte à «Bordure protectrice» a rompu la réclusion du Hamas consécutive à son alignement sectaire sur les pétromonarchies rigoristes, replacé la revendication palestinienne au centre du débat international et renfloué la branche palestinienne des Frères Musulmans.

En renouant ses relations avec ses anciens frères d’armes le Hezbollah et l’Iran, le Hamas s’est replacé parmi les principaux interlocuteurs de ce conflit. Un exploit technologique réalisé avec le concours exclusif – bien exclusif de l’Iran, du Hezbollah et de la Syrie, c’est à dire «les renégats de l’Islam», selon la nomenclature de l’Islam djihadiste salafiste wahhabite, en gros les pétromonarchies sous tutelle américaine.

Mieux, la destruction d’un drone israélien au dessus de l’espace aérien iranien, le 24 Août 2014, en pleine négociation d’une trêve israélo-palestinienne au Caire sous l’égide de l’Égypte, alors qu’une coalition internationale s’amorçait pour un combat collectif contre Da’ech, a offert à l’Iran l’occasion de refaire un retour spectaculaire sur la scène palestinienne, en s’engageant à amplifier ses fournitures militaires à la résistance palestinienne, se réservant même la possibilité d’une «réponse fracassante», selon le général Amir-Ali Hajizadeh, le commandant des forces aérospatiales des Gardiens de la Révolution», l’armée d’élite du régime islamique iranien.

Le drone furtif de type Hermès, qui échappe au contrôle radar, survolait le périmètre stratégique de Natanz, un site nucléaire qui abrite 16.000 centrifugeuses.

Dans l’attente du feu vert iranien pour emprunter son chemin de Canossa à Téhéran, le Hamas devrait songer au sort respectif du Vietnam et de la Palestine, l’un réunifié par la force de la volonté, l’autre pulvérisée par la force du sectarisme, dont le fer de lance a été réduit quelque temps au rôle de garde-frontières d’Israël.

Cf. à ce propos: «Le Hamas garde-frontière des Israéliens». http://www.al-akhbar.com/node/196947

Certes l’Iran et le Ayatollah ont payé un lourd tribut à la guerre avec l’assassinat du chef de la cyber-guerre iranienne une semaine après le coup de fil Obama-Rouhani au surlendemain du discours de Benyamin Netanyahu à l’ONU, en septembre 2013, ainsi que l’attentat meurtrier contre l’ambassade iranienne à Beyrouth et le meurtre de Hassan Lakiss, le chef de la force balistique du Hezbollah.

Certes l’Iran et le Hezbollah font face à une nuisance permanente de la part des pays occidentaux, qui y mènent une guerre médiatique électronique permanente, via un vaste réseau d’opposants, http://www.elcorreo.eu.org/Ottawa-a-cree-un-vaste-reseau-d-opposants-iraniens, mais, de l’aveu même des experts israéliens, la formation chiite a décuplé ses capacités opérationnelles, de même que sa puissance de feu, sécurisant ses voies de ravitaillement via la Syrie, induisant une nouvelle dissuasion balistique par la guerre asymétrique.

Un risque demeure toutefois: la crainte d’une démobilisation psychologique et politique de l’Iran et du Hezbollah en cas d’arrangement irano-américain qui ouvrirait la possibilité au camp atlantiste de consolider la position d’Israël dans la zone.

A en juger par l’hypothèse émise par un historien américain Gareth Porter, selon lequel la menace nucléaire iranienne aurait été fabriquée de toute pièce par les Américains et les Israéliens en vue de créer le prétexte à une intervention militaire contre la Révolution islamique iranienne en vue de l’anéantir pour y faire coup double: sécuriser les pétromonarchies et sanctuariser Israël dans la foulée de la destruction de l’Irak.

CF. à ce propos: “In a new book and in a conversation with Haaretz, U.S. historian Gared Porter charges that U.S. and Israeli policies on Iran have been based on fabricated evidence. By Shemuel Meir www.haaretz.com/mobile/.premium-1.596104?v=6E194EAD96A098E3E35F468C35E6547 Was the Iranian threat fabricated by Israel and the U.S.?

Quoiqu’il en soit, pour la deuxième fois de son existence, Bandar, au terme de ce printemps calamiteux tant pour sa personne que pour son royaume, prendra le chemin de l’exil. La première  fois en 2008, après la découverte d’un complot ourdi par ses soins avec ses collègues de la base aérienne de Ryad, mais qui sera démasqué par les services russes.

La deuxième fois, en, février 2014, entraînant dans sa chute celle de son clan, le clan sultan, avec l’éviction du ministère de la défense de son demi-frère, Khaled Ben Sultan, le propriétaire du journal «Al Hayat», l’ancien interface du général Norman Schwarzkopf durant la première guerre contre l’Irak, en 1990.

L’Arabie saoudite a perdu la sympathie des Arabes et des Musulmans lorsqu’elle s’est détournée de la Palestine pour attiser les conflits inter arabes, donnant la priorité au châtiment de l’Irakien Saddam Hussein, puis du libyen Mouammar Al Kadhafi, enfin du syrien Bachar Al Assad.

Le Royaume se voulait un géant sur un champ de ruines. Il a obtenu le champ de ruines, le meilleur service rendu à Israël en favorisant la destruction de la Syrie, sans le moindre coup de feu de la part de l’état hébreu, en butte désormais à la concurrence de la Turquie pour le leadership du Monde sunnite, un exploit rare dans les annales de la stratégie militaire de l’histoire de l’humanité.

Ni le Surge de l’ISIS, dont l’acronyme en arabe est Da’ech, dans le nord de l’Irak, en juin 2014, pas plus que la déstabilisation de l’Iran dans le Sistan sunnite, dans l’est du pays, par l’Arabie saoudite, via le Pakistan et leur homme-lige, Abdel Rahim Zadeh, chef de «L’armée de la justice», n’auront eu raison de la détermination iranienne, entraînant même par ricochet une convergence tacite entre l’Iran et les États Unis, pour la première fois depuis l’instauration de la République islamique il y a 34 ans, à l’occasion de cette nouvelle invasion barbare.

A delà de leur dissemblance, le Hezbollah et le Hamas, gros perturbateurs du jeu régional,  font face à une identique menace de désarmement, le sunnite palestinien via le tandem Égypte Arabie saoudite dans le cadre des négociations visant à lever le blocus de Gaza et sa reconstruction; le chiite libanais via le nouveau croquemitaine régional, Da’ech, une excroissance pathologique de l’alliance saoudo-américaine.

Tant sur le plan palestinien, avec son soutien militaire désormais affiché aux combattants palestiniens, que sur le plan irakien, avec son soutien militaire désormais reconnu par Massoud Barzani, l’Iran se pose désormais en acteur incontournable du jeu régional.

L’Iran, de l’aveu même du chef kurde, a été le premier pays à avoir fourni des armes  aux Peshmergas kurdes pour contenir la progression des djihadistes de l’État islamique à Irbil, «un danger non seulement pour les chiites mais aussi pour le Kurdistan, où cohabitent plusieurs  communautés religieuses, un danger pour la Syrie, l’Irak et le reste du Monde». http://www.al-akhbar.com/node/214255

Au delà de la préservation du glacis chiite en Irak, l’Iran a intérêt à contenir les Kurdes en Irak pour éviter toute ferveur nationaliste dans ses propres zones à population kurde. L’empressement de la France a volé au secours des Kurdes répondrait au souci de Paris de se maintenir sur la photo et de ne pas laisser le monopole de l’aide à l’Iran, un pays qu’elle a durement combattu depuis 35 ans depuis sa co belligérance avec Saddam Hussein dans sa guerre contre la révolution islamique iranienne.

De cette étape, un constat s’impose toutefois: en dépit d’un blocus de 34 ans, de deux guerres de substitution l’une via l’Irak de Saddam Hussein, l’autre contre la Syrie de Bachar Al Assad, aucun conflit régional ne saurait désormais être réglé en l’absence d’un consensus de la totalité des protagonistes de la zone, y compris l’Iran, contestataire à l’ordre hégémonique israélo-américain; une évolution qui marque la fin de la suprématie de ce duo, qui avait imposé son unilatéralisme depuis l’effondrement du bloc soviétique, dans la décennie 1990, de concert avec l’Arabie saoudite, leur supplétif régional.

Pays frontalier de l’Irak et de l’Afghanistan, les deux plus importants abcès de fixation de l’armée américaine de l’époque contemporaine, bordant tout aussi bien le golfe arabo-persique que l’Océan indien, l’Iran représente la plus forte concentration industrielle de la zone intermédiaire qui va du sud de l’Europe aux confins de l’Inde.

La réussite de sa stratégie valoriserait sa politique d’autosuffisance technologie et militaire, de la même manière qu’un succès politique ou militaire du Hezbollah chiite libanais réhabiliterait l’esprit de résistance face à la finlandisation des esprits en cours dans le monde arabe, à l’effet de réhabiliter la guérilla criminalisée sous l’ère Bush au prétexte de la «guerre contre le terrorisme».  Un succès durable de l’Iran pourrait faire perdre à Israël son statut de relais stratégique majeur de l’Occident dans la zone et frapperait de caducité l’option arabe de vassalisation à l’ordre israélo américain, déterminant du coup la nouvelle hiérarchie des puissances dans l’ordre régional. Tel est le véritable enjeu, sans doute le plus important par sa force d’attraction symbolique, de la confrontation irano israélienne, via la Syrie, et la nouvelle opération de police internationale menée par les parrains originels du djihadisme planétaire contre leurs anciens supplétifs.

René Naba

René NabaJournaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de « L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres » (Golias), « Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français » (Harmattan), « Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), « Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David » (Bachari), « Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias).

Pour aller plus loin
Références
  1. Qassem Souleimany: Le commandant de l’ombre : http://www.newyorker.com/reporting/2013/09/30/130930fa_fact_filkins
  2. Diên Biên Phú : La bataille dura 170 jours, du 20 novembre 1953 au Mai 1954, les 57 derniers étant évidemment les plus effroyables. Au gré des mois, le camp de Diên Biên Phú reçut ainsi les effectifs équivalents à quelque 17 bataillons soit plus de 15 700 hommes dont plus de 5 000 légionnaires. Les troupes au sol furent appuyées par 227 avions de combat et bénéficièrent des rotations logistiques d’une centaine d’avions de transport.
  3. Le corps expéditionnaire français fit face à près de 100 000 Vietnamiens, combattants et coolies confondus, qui déplorèrent, pour leur part, entre 8 000 et 12 000 tués et 15 000 à 20 000 blessés, selon les sources les plus autorisées.
  4. Quelle diplomatie occidentale vis-à-vis du Hezbollah : http://www.al-akhbar.com/node/195961
  5. Le Hamas, garde-frontière des Israéliens http://www.al-akhbar.com/node/196947
  6. Des dirigeants du golfe en Israël pour une coordination contre l’Iran http://www.al-akhbar.com/node/192522
  7. Ezzat Ad Doury (Irak) et Moussa Koussa (Libye) enrôlés par Bandar http://www.al-akhbar.com/node/193732
  8. Qatar demande une garantie de Hassan Nasrallah : http://www.al-akhbar.com/node/195894
  9. Haytham Mannah – Hassan Nasrallah http://www.al-akhbar.com/node/194813
  10. Bandar à Moscou: Tentative de coup d’état en Syrie juillet 2012 en rapport avec le transfuge Manaf Tlass http://www.alquds.co.uk/?p=103989
  11. Le plan d’Al Qaida sur trente ans http://www.al-akhbar.com/node/199615
  12. Iran-Frères musulmans http://www.al-akhbar.com/node/203328
  13. Egypte-Hezbollah, premier contact officiel à Beyrouth : http://www.al-akhbar.com/node/203633
  14. Le cadeau empoisonné de l’opposition syrienne à Assad: La vente du Golan à Israël http://www.raialyoum.com/?p=63274


Articles Par : René Naba

A propos :

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de “L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres” (Golias), “Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français” (Harmattan), “Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), “Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David” (Bachari), “Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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