Réflexions sur la révolution islamique iranienne

Le journaliste reporter Thierry-Desjardins, envoyé par le Figaro à Téhéran, assista à l’arrivée de Rouhollah Khomeiny à Téhéran, après un séjour par simple visa touristique prolongé, de 118 jours à Neauphle-le-Château, une commune française, à vingt kilomètres de Versailles. Sa résidence française était le pavillon d’un professeur français mariée à un Iranien. Cette bâtisse fut détruite par des terroristes de la secte des Monafarin ou Moudjahidine du peuple que l’Union européenne vient de supprimer de la liste des organisations criminelles et qui ont aidé les U.S.A. en Irak. L’ayatollah Khomeiny atterrissait, un  jeudi premier février 1979, à bord d’un Boeing 747 d’Air France. 

Le journaliste n’en croyait pas ses yeux et ses oreilles : il ne trouvait point de mot pour dire suffisamment ce phénomène qui dépassait la manifestation indienne des funérailles de Gandhi, le retour de Mohammed V au Maroc ou celles de Nasser, mais il ajoutait que cette idée de gouvernement islamique selon le slogan « Une seule loi le Coran, un seul parti celui de Dieu » est évidemment inadmissible.  

Toute société a ses racines au « Ciel », et la philosophie elle-même serait de la partie, si elle n’avait été convié par le Figaro qui a sombré depuis  dans les eaux du groupe américain Carlyle et un alignement sans réserve sur les positions de la défunte quatrième république ! Cette répulsion de l’Islam est devenue la chose la plus commune; le christianisme est acceptable depuis qu’il est une coque vide qui flotte sur les eaux des intérêts. Je ne citerai pas Schopenhauer, enfant de Dantzig,  qui vantait la supériorité de la condition féminine en Asie sur cette émancipation européenne ou  idéalisation  libertine de la féminité, dont 1968, fut une des marches de l’escalier conduisant au « sans fond » ou abîme, et qu’il formulait à peu près ainsi : « l’infatuation des femmes a donné comme contre-coup 70.000 prostituées à Londres au XIXème  siècle ! »Il disait bien sûr, que le Coran pouvait donner exemple d’un besoin métaphysique insatisfait, à la condition, précisait-il en Allemand loyal, qu’il ait été bien traduit.  

Posons la question : la révolution iranienne et la personnalité de son chef ont-elles été bien traduites, sinon simplement connues ?

La prison iranienne, dorée ou rouillée ?  

Aucunement.  

D’abord quel était l’état de l’Iran ? Ou plutôt son histoire ?

Pour Khomeiny le Chah était un usurpateur. Le leader musulman devait affronter l’hostilité de ses pairs et subir longtemps des persécutions dans son enseignement à Qom, ville sainte où il professait la théologie, la philosophie et la jurisprudence. Il ne s’agit pas de parler ici du père du Chah qui fut protégé des Anglais en prenant le pouvoir après une première guerre mondiale où une fraction importante du pays qui se mobilisa pour le soutenir, avec l’aide d’officiers suédois, l’Allemagne et l’Empire musulman ottoman, mais de sa destitution en 1941 par l’effet d’une triple invasion soviétique, anglo-américaine plaçant, par une sorte de parricide, le jeune homme sur le trône de la soumission.  

Voulut-il se dégager de ses protecteurs ?

Cela eût été concevable s’il avait été indépendant. Or l’occupation américaine, avec l’instructeur colonel Schwarzkopf, père du général de l’opération tempête du désert, formait ses cadres de gendarmerie, les Kurdes du Maréchal Barzani, père du leader kurde ; se mettait à la tête d’un Etat soviétique, l’Azerbaïdjan était communiste un temps, le parti Toudeh se proposait de céder les pétroles du Nord à Staline et les autres formations au « monde libre ». L’armée était encadrée par les instructeurs d’Israël et la police politique aussi. Les instruments de torture électriques que chacun peut voir dans ces endroits qui ressemblent à de simples usines, et n’ont aucune apparence de prison, étaient amenées par eux.

Le farming de la Révolution blanche, la gestion et le profit des fermes industrielles, le leader musulman, le redit dans ses sermons de Nadjaf en Irak où il était exilé avant de venir en France, faisait de l’Iran une Palestine en devenir. A quoi s’ajoute dans le tableau que l’information était aussi dans les mailles semblables, mais par la couverture d’une sorte de maçonnerie typique de l’Iran ou née en son sein au XIXème siècle, le Babisme ou bahisme, réprimé par la dynastie du XIXème siècle, des Khadjars, car elle était terroriste, mais soutenue par les Anglais, aujourd’hui essaimée en Afrique et dont le siège mondial est en Palestine, à Haïfa, où le mouvement s’était installé lors de l’occupation anglo-sioniste de ce morceau de l’Empire Ottoman.

Une fois aperçu cette prison iranienne, les Iraniens se divisèrent en deux camps, ceux dont la cage était dorée, et  tous les autres.  

Michel Foucault a compris cette situation, car il était esprit libre plus qu’esprit fort, au sens des libertins. Il avait des inclinations que condamne Platon, plusieurs fois dans son œuvre et que les plus avisés ne demanderont plus à leurs maîtres de philosophie du jour, car les plus instruits savent que la République est aussi intraitable contre  Socrate que le fut la ville d’Athènes. Mais il était instruit, comme tous ceux qui dans Platon même apprenaient le rôle de l’Iran dans la création de l’Etat, la religion etc. Car il est inutile de dire que les grandes figures de la philosophie grecques furent, avec l’Iran, collaboratrices.

En se soulevant, les Iraniens se disaient, et c’est peut-être là l’âme du soulèvement : « Il nous faut changer, bien sûr, de régime et nous débarrasser de cet homme, il nous faut changer ce personnel corrompu, il nous faut changer tout dans le pays… Mais surtout il nous faut changer nous-mêmes. Il faut que notre manière d’être, notre rapport aux autres, aux choses, à l’éternité, à Dieu, etc.. soit complètement changé et il n’y aura de révolution réelle qu’à la condition de ce changement radical dans notre expérience ».  

Je crois que c’est là que l’Islam a joué un rôle par rapport à la forme de vie qui était la leur.

La religion était la promesse et la garantie de changer complètement leur subjectivité. Le chiisme est justement une forme d’Islam avec son enseignement et son contenu exotérique, à savoir son initiation à des vérités  plus profondes, c’est-à-dire au sentiment que le monde est un miracle et non une machine. Et le dogme un mystère résolu dans la réflexion et non pas une évidence monnayée en paroles, qui distingue entre ce qui est la simple obéissance externe au code et ce qui est la vie spirituelle profonde (voir « L’esprit d’un monde sans esprit », paru en appendice au livre des Claire Brière et Pierre Blanchet.)

Ensuite Claire Brière-Blanchet se métamorphosera, avec l’âge, en  partisane de l’occupation américaine de l’Irak ( « Iran, la révolution au nom de Dieu » édition du Seuil, 1979)

Le premier exil de Khomeiny en Turquie (1964).

Il vint en Iran, au terme d’un « odyssée », comme l’écrit le reporter Thierry Desjardin. Le mot est juste. L’exil  turc dura  près de six mois, et ensuite l’Imam Khomeiny dut se réfugier en Irak pendant 13 ans, au sanctuaire de Nadjaf, où il enseigna à l’école théologique et au sanctuaire musulman des  « compagnons »  (Shia, ou compagnie en arabe, d’où  shiites) d’Ali, cousin du Prophète et premier converti par lui à l’Islam. Ce fut en 1978 que le gouvernement irakien fit partir Khomeiny qui lui portait ombrage et que Giscard d’Estaing lui offrit de rester en France.

Qu’apporta et que refusa l’Imam Khomeiny qui revenait ainsi chez lui après quinze ans d’exil ?

Le shah disait de lui qu’il était étranger en Iran parce qu’il venait du Cachemire. C’est en suivant la route de l’exil qu’il sera compris du lecteur européen, car il mit ses pas dans ceux  que la première guerre mondiale avait bouleversé et anéanti. La Turquie nouvelle terre d’accueil, était une communauté maintenue à l’abri des Croisades successives pendant plus de cinq siècles.

Le peuple turc était son préféré en Islam et il mentionnait que les plus nombreux pèlerins de la Mecque étaient de cette nation. Le plus grand des Iraniens étonna son auditoire en prenant la parole à la mosquée parce qu’il avait apprit le Turc tout seul, avec la méthode Teach Yourself. Il n’eût pas été surpris de la colère du Premier ministre Erdogan (appartenant à un système laïque ou plutôt sous la surveillance de l’armée qui est un pôle maçonnique en Turquie, mais lui-même très pieux musulman ) devant Simon Pérès  à Davos !  

Cela précipita son expulsion de Turquie. Un jour, raconte Khomeiny, dans un sermon tenu à Nadjaf, il vit le long d’une mosquée turque des tombes de religieux qui avaient été tués par les hommes de Mustapha Kemal, natif de Salonique dont on dit qu’il était de tous les sangs, sauf du turc. En tout cas, il fut initié, la chose est connue, dans une loge maçonnique de Naples et appartint à ce mouvement qui comprenait plus de Grecs et d’Arméniens que des turcs et se nommait « Jeune Turc ».

Cette expérience turque conduit l’Imam Khomeiny, père de la Révolution, a estimer illusoire le combat arabe de 1917 qui avait gagné ses galons politiques, au prix du sang versé, mais en détruisant la maison de la spiritualité musulmane. Allez à Londres, chez Harold’s, montez les étages, regardez les Golfiens et Golfiennes, ainsi qu’on nomme les gens du Golfe persique, et concluez ! Lawrence d’Arabie auraient eu de telles pensée, dit-on, et cette méditation trop forte aurait causé son accident de moto !  

Révolution française et iranienne : l’ombre et la lumière.  

Une révolution consiste à tourner « autour de soi-même », cette expression philosophique  de Kant vise la révolution de Copernic transposée à la réflexion humaine et a été en ce sens le contraire des autres. La révolution iranienne est opposée à la révolution française, puisqu’elle n’écarte pas la religion ou n’en fait pas un cadre de l’administration, mais son essence.

Dire qu’elle n’est pas comparable à la révolution russe, nous amène à citer le peintre Dali qui a traité du rapport entre la révolution française et la révolution bolcheviste ou « russe communiste ». Ce sont les soldats gelés de l’armée impériale tricolore qui se réveillent et poursuivent jusqu’à Moscou au nom du peuple, mais au profit d’une minorité !

Mon camarade d’études Alfred Fierro de l’Ecole des Chartes, me disait : « Songez que sur 85.000 électeurs parisiens pendant la Révolution, guidée longtemps par le duc d’Orléans, Philippe-Egalité (la plus grande fortune de France appuyée sur ses locations de magasins du Palais Royal et la prostitution de luxe) 12.000 seulement osaient voter, sans bulletin secret, à bras levé ! »

Parler de la guillotine est indécent dans nos festivités républicaines, mais cet instrument qui fonctionna à raison de 2000 exécutions environ pendant les deux derniers mois de son existence fut si odieux qu’on l’ôta de la vue des Parisiens pour exécuter des couturières, modistes et femmes de chambres, cochers et autres simples gens, place de la Nation d’aujourd’hui.

Il y a contradiction en effet entre une Révolution qui amène des millions d’Iraniens à  accueillir un théologien  et une  Révolution qui amena des Carmélites à l’échafaud, celles de Compiègne dont parle Bernanos, de Montmartre, d’Abbeville etc. …

Il y a aussi contradiction entre une Révolution « russe » qui amène Staline à ordonner, par son ministre Gromyko, aux Nations Unies, le 15 mai 1947, de proposer la création étatique d’une entité sioniste, en faisant taire les délégués musulmans aux Nations Unies, et une Révolution qui demande à ce que chaque vendredi dernier de Ramadan une pensée soit pour « la ville sainte » (en arabe « La  Sainte » Al Qods) de Jérusalem. 

Il y a un gouffre, séparant le Paradis et l’Enfer. Mais cette vérité serait incomplète si l’on ne mettait pas en relief deux phénomènes.

Il y a les éléments révolutionnaires qui prirent le pouvoir dans les premiers pas de la mise en  œuvre du Gouvernement Islamique, dont Bani Sadr, premier président de la république, apparurent bientôt étrangers à la guidance de la  Révolution incarnée par l’Imam, dont le successeur est l’ayatollah Khamenei.  

Les révolutionnaires politiques étaient là, comme sous la Révolution française, pour occuper une place vide, soutenus depuis longtemps par Brezinski et sa doctrine de la « ceinture verte » d’encerclement et de dépeçage de la Russie.  

Ceci avait été vu par celui qui avait bien analysé les menées des jeunes turcs, des cols révolutionnaires, quand  il déclare, après avoir été conduit en Mercédès, de l’avion d’Air France à la salle de réception de l’aéroport : « C’est l’unité de notre peuple qui a permis notre victoire. Nous remercions tous ceux qui ont participé à ce combat juste. Il faut maintenant que tous les intellectuels, toutes les oppositions à la tyrannie, que toutes les minorités s’unissent avec le grand mouvement religieux pour abattre la dynastie et établir la république islamique. Tous les partisans du Chah, ce traître qui a fait reculer  notre pays, qui a soumis notre armée à une armée étrangère, seront chassés. Le chah ne reviendra jamais, jamais, jamais, jamais. Ni aucune dynastie. Mais il faut encore combattre. » (Voir la citation dans  Le Figaro, vendredi 2 février, p.5.)

Le combat de Brzezinski et la résistance de  l’alliage iranien.

Il y a une autre conséquence de ce Gouvernement Islamique, c’est qu’il ruine le projet  de la déclaration Balfour, des stratèges de la Première Guerre de plier l’Asie à un gouvernement mondial, c’est une contre-offensive de l’Islam sunnite et chiite uni, tant une guerre n’est jamais finie quand couve le feu de la résistance ; et, au contraire, les hommes derrière Zbigniew Brzezinski et son fils qui formatent leur candidat « démocrate » Obama, et appliquent leur programme défini dans le rapport Gates Brzezinzki « attitude towards Iran » de 2004, s’ils reconnaissent momentanément, comme l’indique ce rapport la force de la révolution, ne désespèrent pas de continuer le combat lancé par eux en 1914.  

Zbigniew Brzezinski, natif de la Pologne et guide depuis plus de trente ans de la politique américaine est aidé de son fils. Tous deux avec l’équipe de George Soros, venu aussi de l’Est européen, sont les inspirateurs de la stratégie américaine qui formatent leur candidat  « démocrate » Obama.

Leur but matériel était de former, selon l’expression de Brzezinski, une ceinture verte, islamique de façade, autour de la Russie, pour la dépecer en profitant de l’intolérable écrasement russe des populations musulmanes qui les firent, en effet, se tourner vers les Allemands, des Tatares de Pologne musulmane, à ceux de Crimée qui perdirent un temps leur patrie par déportation massive au Kazakhstan, et retournés en Crimée depuis 1956 à nos jours.  

Ce n’est pas contre le communisme que Brzezinski en a, car il sait que ce n’est qu’un fantôme, mais il a, au contraire, les mêmes ennemis que le communisme, les Russes, les Slaves premières victimes du communisme, bref tout ce qui n’est pas du milieu ou de l’élite américanisée de son monde.

Il s’agit de digérer de vastes ensembles, de piller les matières premières, non pas, précisons-le, d’étendre leur filet sur la Russie et la Chine, car le communisme a affaibli les structures par sa démoralisation irréligieuse, au sens latin de religion signifiant le scrupule, le sérieux.

Il est plus exact de dire qu’ils veulent resserrer ces chaînes mises autour de ces peuples. Ils pensaient qu’un peu de poudre aux yeux abuserait les Iraniens. Ils comptent les serrer par le blocus, les sommes importantes versées aux débris sociaux, aux hypocrites, à ceux, comme les Monafarin qui firent exploser la maison de l’Imam Khomeiny à Neauphle-le-Château en 1979.

L’arme  de la stratégie américaine en question?  

La même qu’en 1916, oui, la même stratégie élaborée depuis le Caire par La Grande-Bretagne d’alors en lançant le Chérif de la Mecque contre l’Empire ottoman, le même piège dans lequel Brzezinski a fait tomber l’Irak et entretenu le conflit durant des années, avec l’Iran : séparer l’ambition politique des Musulmans de leur guidance spirituelle. C’est cette double autorité, que Foucault qualifiait de « spiritualité politique » qui oppose jusqu’à ce jour un alliage résistant aux adversaires de l’Iran et confie ce pays et l’ordre du monde à la garde de Dieu. Sans elle, les dirigeants politiques et musulmans d’Iran et d’Asie ne seraient pas différents de nous, tous égaux, comme les pions sur un jeu d’échec, qui sont mus et croient avancer d’eux-mêmes ! Seul l’homme de foi sait  plus que ce que signifie  échec et mat, il sait quelle est la main  qui joue en dernier ! Et cela les Brzezinski l’ont toujours ignoré, de là leur arrogance creuse.



Articles Par : Pierre

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