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Sri-Lanka : Pêcheur tué lors d’une manifestation contre la flambée des prix du carburant et les politiques d’austérité
Par Correspondants du WSWS
Mondialisation.ca, 24 février 2012
wsws.org 24 février 2012
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L’enterrement d’Antony Fernando Warnakulasuriya, un pêcheur tué le 16 février par la police, a eu lieu samedi au cimetière d’Egodawatte à Chilaw.

Antony Warnakulasuriya

Warnakulasuriya a été tué par balle durant les manifestations des pêcheurs à Chilaw-Wella contre la hausse des prix du carburant appliquée par le gouvernement dans le cadre des mesures d’austérité exigées par le Fonds monétaire international (FMI). Trois autres personnes furent gravement blessées lors de la fusillade et sont soignées au Colombo National Hospital.

Les pêcheurs, fortement touchés par la flambée des prix du carburant, surtout dans les zones côtières du Nord-Ouest, avaient régulièrement organisé des manifestations depuis le 12 février.

Le matin de l’enterrement, quelque 30.000 personnes s’étaient rendues chez Warnakulasuriya pour lui rendre un dernier hommage et montrer leur opposition au gouvernement. Environ 20.000 personnes se rassemblèrent au cimetière. Une telle foule immense est exceptionnelle à Chilaw. Des autocars bondés de pêcheurs venant des villages tout le long de la côte Nord-Ouest, de Negombo à Kalpitiya, étaient arrivés à la maison funéraire.

Une partie de la foule au cimetière

La veille des funérailles, la police avait obtenu un ordre rendu par le tribunal de district de Chilaw selon lequel « le corps du défunt ne peut servir à des fins de violence. » L’ordonnance a servi à justifier une vaste présence sécuritaire pour interdire effectivement toute protestation. Environ 1.500 policiers étaient en alerte à Chilaw et dans les alentours de la ville. Des centaines de soldats furent déployés et des véhicules blindés étaient en attente sur place.

Craignant d’éventuelles protestations des pêcheurs, l’armée et la police gardèrent leurs distances de l’endroit où les funérailles avaient lieu. Il incomba aux prêtres catholiques de contrôler les arrangements funéraires et de bloquer toute expression de colère.

L’épouse en deuil de Warnakulasuriya (à droite) et ses deux enfants

Sur conseil de l’évêque de Chilaw, Walence Mendis, la famille avait fait enlever le corps de la maison de la victime à 14.30 heures et l’enterrement eut lieu à 16.00 heures. Aucun discours des proches, du syndicat des pêcheurs ou de partis politiques ne fut autorisé de peur que le gouvernement et les forces de sécurité soient critiqués.

Bien que les jeunes du village aient voulu donner au Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité socialiste, PES), l’occasion de s’exprimer, le curé Claude Hysin y fit obstacle en disant : « On ne peut pas le permettre. Aujourd’hui, il faut que le calme règne. »

Parfaitement conscient de la colère populaire, pas un seul ministre du gouvernement ou politicien local n’a assisté aux funérailles. Vendredi dernier, les gens avaient hué Milroy Fernando, un ministre du gouvernement et un autre député de la région lorsqu’ils s’étaient rendus chez Warnakulasuriya.

Le dirigeant du parti d’opposition United National Party (UNP), Ranil Wickremesinghe, était arrivé avant les derniers sacrements et promit de soulever la question de l’indemnisation de la famille de Warnakulasuriya.

Wickremesinghe et l’UNP ont rejeté la faute de la flambée des prix du carburant sur le gaspillage et la corruption du gouvernement dans le but de tirer profit de la grande colère contre les mesures d’austérité du FMI tout en détournant l’attention de la crise sous-jacente au capitalisme. Au pouvoir, l’UNP avait résolument appliqué un programme de restructuration de libre marché du FMI.

La procession funéraire

La flambée des prix du carburant n’est qu’une mesure parmi d’autres imposées par le gouvernement. En font partie entres autres, la dévaluation de la roupie par rapport au dollar américain, l’augmentation du prix des autobus et de l’électricité et la réduction drastique des dépenses gouvernementales. Tout cela affectera le niveau de vie de la population laborieuse. Le FMI insiste sur ces mesures en échange de l’octroi d’un prêt de 800 millions de dollars américains payables par tranches.

Le recours de la police à des balles réelles contre des manifestants sans armes n’aurait pu se faire sans l’approbation des responsables au plus haut niveau du gouvernement. Il s’est agi d’un avertissement conscient à l’adresse de la population laborieuse à savoir que le gouvernement ne tolérerait aucune opposition aux conditions dictées par le FMI. L’avertissement avait aussi pour but d’assurer le patronat et les investisseurs internationaux que le programme d’austérité sera appliqué, quels qu’en soit le coût politique.

L’attaque perpétrée contre les pêcheurs qui protestaient a été identique à la violence policière conduite en mai dernier envers les travailleurs de la zone de libre échange Katunayake lorsque ces derniers avaient manifesté pour de meilleurs salaires et des retraites. La police avait alors utilisé des balles réelles pour disperser la foule, tuant un travailleur, Roshen Chanaka.

Une personne de Chilaw a dit au WSWS: « Antony est mort pour une cause qui ne concerne pas seulement les pêcheurs. Les prix du carburant affectent la population en général. Hier, les tarifs de l’électricité ont également été augmentés. Ces choses se passent parce ce qu’il n’y a pas de forte opposition qui puisse défier le gouvernement. »

Le SEP avait fait campagne dans cette région avant, et le jour de l’enterrement, en distribuant des copies de l’article du WSWS intitulé « Fisherman killed as Sri Lankan police fire on protest » (La police sri lankaise tire sur une manifestation : un pêcheur tué ». L’article a suscité une forte réaction de la part des travailleurs et des jeunes.

Durant la campagne, un conseiller de Chilaw et membre du parti au pouvoir United Peoples Freedom Alliance a menacé des membres du SEP en disant que les tracts antigouvernementaux ne devraient pas être permis. Il a mis en garde qu’il en informerait la police. Un groupe de jeunes pêcheurs est intervenu pour défendre les membres du SEP en leur disant de poursuivre leur campagne.

En parlant au WSWS, de nombreux pêcheurs et femmes au foyer présents aux funérailles ont exprimé des sentiments tels que : « Le gouvernement doit assumer la responsabilité de ce meurtre. Antony Warnakulasuriya a sacrifié sa vie pour toute la communauté de pêcheurs. »

Un jeune pêcheur de Chilaw a dit: « Nous ne luttons pas simplement pour une subvention. Les prix du carburant doivent au moins être ramenés au niveau précédent pour que nous puissions faire notre travail. Nous luttons pour cela. Nous appelons les médias à nous soutenir. »

La police a tenté de désamorcer la colère contre la mort de Warnakulasuriya en ordonnant une enquête bidon sur la fusillade et en versant un demi-million de roupies à ses proches. Dans le même temps, pour rejeter la faute sur les manifestants, la police a affirmé avoir trouvé des épées, des cocktails Molotov et des gourdins à l’endroit où avait eu lieu la fusillade. Les médias à Colombo ont scrupuleusement répété les dires de la police en publiant des articles sur « des pêcheurs devenus violents. »

En réalité, le meurtre d’un pêcheur innocent alors qu’il proteste contre les attaques menées par le gouvernement contre les niveaux de vie a renforcé la profonde hostilité à l’application, par le gouvernement, du plan d’austérité drastique exigé par le FMI.

Article original, WSWS, paru le 21 février 2012

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