Syrie : Discours du Président au soir de la « Nuit du Destin »

Je suis heureux de rencontrer une telle assemblée de patriotes en cette nuit bénie du Ramadan, cette « Nuit du Destin » [Laylat al-Qadr : nuit de l’avènement de la prophétie], qui nous conforte dans notre volonté de rester unis autour du bien, de l’amour de la patrie, et du pacte sans cesse réaffirmé pour sa défense avec encore plus de détermination malgré tous les défis et quels que soient les dangers.

Aujourd’hui, nous sommes réunis pour honorer la mémoire de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour que la nation gagne en dignité, pour que la parole soit celle de la vérité, pour que notre solidarité entoure leurs familles qui ont perdu ce qu’elles avaient de plus précieux alors qu’ils empruntaient le chemin de la gloire et de la fierté, sans oublier tous ceux qui sont désormais dans le besoin et affrontent avec foi et ténacité les fardeaux qui s’accumulent jour après jour.

Nous sommes réunis pour leur témoigner notre solidarité en leur assurant que la patrie n’abandonne pas ses enfants dans les épreuves et les difficultés mais, au contraire, elle les soutient tant sur le plan moral que sur le plan financier. Nous ne sommes pas là pour célébrer une fête, d’une part parce que la tristesse et la désolation n’ont épargné aucune maison et aucune âme de ce pays, d’autre part parce que le mois de Ramadan n’est pas nécessairement propice à la fête comme le voudraient certains rituels. C’est un mois de recueillement et d’adoration destiné à se purifier l’âme des impuretés accumulées toute l’année, un mois consacré à s’éduquer et à revoir ses comportements pour les corriger ou les récupérer, un mois pour restaurer son humanité et en témoigner en s’occupant des autres, de ceux qui ont faim et de ceux qui endurent toutes sortes de souffrances partout en Syrie.

Oui le mois de Ramadan est un mois de compassion, mais c’est aussi un mois de pardon, de dialogue, de sacrifice et de Jihad au sens propre de ce terme ; celui qui dicte de travailler, d’aimer, de se construire, de se réaliser, et que je résumerai en disant que c’est le mois de la régénération du corps et de l’esprit. Pour la société, comme pour l’individu, il est impossible de régénérer l’un sans régénérer l’autre, l’équilibre de la société résultant de la force de chacun et inversement. Ce qui fait que si nous voulons réformer la société, nous devons encourager le dialogue entre tous ses éléments et toutes ses tendances. Mais pour que ce dialogue soit utile et fructueux, pour qu’il ait du sens et de l’essence, il faut qu’il soit franc et transparent.

Oui nous avons besoin de la franchise et de la sincérité enseignées et consacrées par toutes les religions célestes, notamment dans les circonstances que nous traversons. Parler de ce qui se passe dans le pays, de ses causes et des solutions proposées, ne peut se faire qu’en dialoguant franchement loin de toutes fausses courtoisies ; lesquelles, en l’occurrence, reviendraient pour la société à faire la politique de l’autruche, car si la société faisait le choix d’enfouir sa tête dans le sable cela reviendrait à enterrer la patrie.

C’est pourquoi je continuerai à vous parler en toute franchise, d’autant plus que les circonstances font que la tâche est maintenant plus facile qu’il y a deux ans et quelques mois. À l’époque l’agression était si incroyable et la désinformation si énorme que beaucoup de Syriens ont été dupés et sont tombés dans le piège de l’incompréhension de ce qui se passait. Que nous racontent-ils encore ? Chaque chose qui nous arrive est reprochée à l’étranger ? Aujourd’hui, c’est tout le contraire. C’est eux qui nous disent qu’il y a conspiration, et c’est nous qui leur rappelons qu’il y a aussi des raisons internes à cela.

Nous devons voir les choses de nos deux yeux pour en imprimer une vision à trois dimensions. Nous pouvons beaucoup discuter des choses liées à la crise que nous traversons ; mais moi, je pars toujours des questions posées par l’homme de la rue directement en ma présence ou par l’intermédiaire de personnes qui me les rapportent. Je pense que nous pouvons résumer toutes les questions en une seule : « Quand est-ce que la crise prendra fin ? ». C’est une question qui se pose depuis le début, voire depuis les premières heures de cette crise en Syrie. Nous ne pourrons y répondre tant que nous ne serons pas capables de préciser qui devra y mettre fin en premier, puis comment… et ce n’est qu’ensuite que se posera la question du quand.

Abordons ce sujet selon une séquence logique. Celui qui mettra fin à la crise c’est nous les Syriens, personne d’autre que les enfants de cette patrie par eux-mêmes et de leurs propres mains. Il est vrai que les facteurs externes sont fort puissants et influents. Aujourd’hui, nous le savons tous. Mais aussi important que soit le rôle de l’étranger, il n’est que catalyse ou obstruction. Il peut allonger ou raccourcir la durée de la crise mais, comme nous l’avons souvent dit et répété, il s’appuie sur nos propres faiblesses.

Si nous nous adressions à des étrangers, nous leur parlerions de tous ces terroristes qui débarquent en Syrie, des dizaines de nationalités étrangères qu’ils portent, du rôle joué par les États arabes, régionaux ou occidentaux. Mais il se trouve que nous nous adressons aux fils d’une seule et même société. Par conséquent, lorsque nous mettons tous les facteurs externes de côté et que nous constatons qu’il y a aussi parmi les Syriens, un terroriste, un voleur, un mercenaire qui tue pour l’argent, un extrémiste, pouvons-nous dire qu’il s’agit d’une importation étrangère ? Non. C’est une fabrication de notre société. Nous devons être clairs sur ce point. C’est l’une de nos failles. Si ces individus n’avaient pas existé, les étrangers ne seraient pas entrés en Syrie.

D’autres spécimens existent. Je n’en citerai rapidement que quelques exemples sans m’attarder sur les multiples détails de « la grisaille nationale »… J’ai déjà évoqué la « grisaille politique » lorsque j’ai dit que si tout citoyen a le droit de choisir la nuance qui lui convient dans le large spectre des options politiques, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de la patrie où il n’y a que deux choix possibles : blanc avec la patrie ou noir contre la patrie ! Au début de la crise celui qui était dépourvu d’une conscience nationale suffisante a pu opter pour le gris ou la grisaille nationale devenue, en pratique, le giron du chaos et de la terreur. Ses multiples « incubateurs » ont alors lâché les monstres dans l’arène. Aujourd’hui, nombre de ceux qui ont adopté cette option ont compris leur erreur. Ils se sont ravisés pour revenir dans le droit chemin. Ils sont revenus dans le giron de la patrie, mais trop tard ! Les monstres avaient creusé leurs antres, s’étaient multipliés et n’avaient plus besoin de « couveuses ». Très vite, ils ont lancé d’autres monstres et ont même importés quantité d’autres de par delà les frontières de la patrie.

Je répète et j’insiste, ceux-là qui se sont égarés n’ont pas intentionnellement fait fonction d’incubateurs. Ils le sont devenus par ignorance. Certes, l’État fait partie intégrante de la société, mais il n’en demeure pas moins que la société dispose d’un plus large espace. Disant cela, je ne charge pas la société pour nier la responsabilité de l’État. Non. Je veux dire qu’en tant que membres d’une même famille, la famille syrienne, nous sommes responsables à des degrés divers et selon la position que nous occupons.

Sur ce point précis, je dis que l’Histoire démontre que pas une superpuissance n’a été capable de vaincre un petit État resté solidaire. Je le dis, parce que devant l’ampleur de l’agression extérieure, certains en sont arrivés à baisser les bras et à s’en remettre à Dieu. Autrement dit, ils s’en sont remis au principe de la délégation et non au principe de l’action, oubliant que c’est lorsque nous faisons notre devoir que Dieu est de notre côté et que la victoire est à nous. C’est pourquoi si nous avons suffisamment conscience de ce point précis et que nous nous tenons ensemble, le blanc contre le noir, je suis persuadé sans aucune hésitation ou exagération que nous serons en mesure de sortir facilement de cette crise, malgré et à cause du sang versé et du prix cruel que nous avons payé.

C’est en toute simplicité et avec le pragmatisme qui convient que je vous répète que nous n’exclurons aucun moyen susceptible de nous sortir de cette crise qui nous affecte tous et qui risque d’encore plus détruire notre pays. C’est absolument ainsi que nous nous comportons depuis le début et c’est ainsi que nous continuerons.

Il y a ceux qui ont dit que le problème venait de la Loi, nous avons modifié les lois ! Il y a ceux qui ont dit que le problème venait d’un article de la Constitution, nous avons modifié toute la Constitution et ceci après consultation référendaire ! Il y a ceux qui ont fait de mauvaises propositions par manque de compétences ou ignorance, et ceux qui les ont posées par hypocrisie ou mauvaise foi… Malgré cela nous en avons tenu compte partant du principe que l’État ne doit pas négliger une solution proposée par un Syrien convaincu qu’elle pourrait améliorer la situation.

Puis, il y a toutes les solutions qui sont venues de l’étranger. Nous les avons traitées de la même manière, sans cependant perdre de vue la souveraineté de la Syrie définitivement non négociable. Cette restriction étant précisée, nous avons clairement annoncé que nous ne refuserons aucune initiative et nous avons commencé par accepter « l’Initiative arabe ». Nul parmi vous n’ignore les intentions cachées des principaux États concernés qui ont exigé l’envoi d’une mission d’observateurs avec laquelle nous avons coopéré et qui s’est soldée par un échec.

Suite à cette première Initiative qui n’a pas réussi à condamner la Syrie dans les termes prémédités par les États arabes en question, M. Kofi Annan est venu, accompagné des observateurs onusiens. Là aussi, nous avons coopéré et cette deuxième initiative a abouti un à nouvel échec toujours fomenté par des États de la Ligue arabe. Ensuite, nous sommes passés à « l’Initiative de Genève » et à M. Lakhdar Brahimi. De nouveau, nous avons coopéré et annoncé que nous nous rendrions à Genève en sachant parfaitement avec qui nous aurions à négocier. On dit qu’une personne ne représente qu’elle-même, mais ces gens là n’en sont même pas capables et ne représentent que les États qui les ont créés, qui les payent, et qui leur dictent ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire.

Nous avons donc dit que nous irions dialoguer avec ceux-là qui, comme vous le savez, prétendent représenter le peuple syrien tout en appelant à une intervention étrangère. Ce n’est pas disserter que de dire que lorsqu’on est soutenu par la force du peuple, nul besoin d’aide étrangère. Contre cela, leur argument devient « l’armée tue le peuple », comme s’il existait un seul exemple étayant l’idée que dans un tel cas de figure l’armée ne s’écroulerait pas aussitôt. Une armée du peuple, issue du peuple, ne s’importe pas de l’étranger ni ne se fabrique dans leurs officines.

Si nous avons réellement coopéré, ce n’était ni par naïveté, ni parce que nous nous faisions des d’illusions, mais d’abord et avant tout parce que nous croyons en l’action politique. C’est là une conviction à condition que les intentions sous-jacentes aux déclarations soient sincères. D’ailleurs, nous reconnaissons qu’un certain nombre de pays qui ont collaboré aux initiatives successives ont sincèrement travaillé à trouver une solution, mais ils n’ont pas réussi à l’emporter sur le terrain de la réalité. Néanmoins, répondre favorablement à ces initiatives était nécessaire pour aider certains Syriens à découvrir une vérité cachée qui leur avait échappé et qui veut que l’action politique et la solution politique soient deux choses distinctes, cette dernière étant plus globale, car si l’action politique peut aider à la solution, elle n’est pas la solution. Elle fait partie de la solution.

D’autre part, répondre favorablement à ces initiatives était nécessaire pour permettre aux Syriens dupés ou égarés de découvrir toutes les autres vérités de la situation et aussi pour permettre à ceux qui, comme dans toute société, ne raisonnent qu’avec des hypothèses et des  si… « Si vous aviez agi autrement, nous n’en serions pas là ! »… Des suppositions à n’en plus finir jusqu’à ce que les hypothèses deviennent réfutables, pour la bonne raison qu’elles ne correspondent pas à la réalité.

Plus important encore, cette souplesse syrienne a aidé les amis de la Syrie du monde entier, que ce soit des individus, des partis ou des pays à pouvoir travailler à la défendre dans les différents forums. Mais malgré leurs performances, je n’ai pas cherché à nourrir les illusions parce que les données concrètes dont nous disposions n’étaient pas en faveur du succès de leurs entreprises et que la partie adverse refusait toute solution politique. Ainsi, à chaque fois que nous avons répondu favorablement à une proposition elle versait dans la dépression, voire l’hystérie comme ce fut le cas de certains pays arabes en particulier.

Il n’empêche qu’avec le temps et malgré les vents contraires, notre attitude a fini par faire tomber les masques de tous ces responsables qui s’acharnaient à prétendre que l’État syrien ne cherchait qu’à détruire le pays et même à qualifier de terrorisme la solution sécuritaire qu’il a adopté, comme si le terrorisme pouvait se régler par la politique ! Je ne pense pas qu’une personne saine d’esprit puisse le croire, la politique pourrait éventuellement jouer son rôle avant qu’il n’apparaisse. Ce qui nous ramène à la prévention par l’éducation, le dialogue, l’économie performante, les services sociaux… Les moyens sont nombreux, mais une fois que le terrorisme est apparu, s’est répandu, et a commencé à détruire et à assassiner la seule solution est de le frapper d’une main de fer !

Il est important de comprendre que le terrorisme et la politique sont absolument antagonistes. Il n’est pas possible de s’engager dans une voie politique alors que le terrorisme frappe partout où il peut. Il est impératif de le frapper pour que la politique puisse correctement suivre son cours. Cela n’empêche pas d’emprunter cette voie parallèle de la politique, à condition qu’elle ne serve pas de prétexte à arrêter le combat contre le terrorisme !

Par conséquent, si nous voulons trouver une solution nous devons partir des faits et non des illusions, comme c’est le cas de certains. Nous pouvons comprendre que dans ces conditions difficiles ils puissent en arriver à se raccrocher à des vétilles. Mais l’État ne peut pas se comporter de la sorte et entrainer la société dans sa chute. L’État doit traiter avec la réalité.

Et la réalité, c’est aussi la situation internationale avec d’une part des États amis et honnêtes ayant adopté à notre égard une position invariable basée sur leurs principes qui se trouvent être compatibles avec leurs intérêts, ce qui est excellent ; et d’autre part, des États ennemis et perdus après avoir mal estimé la situation et avoir compté sur des agents qui les ont encore plus induits en erreur, si bien qu’ils se retrouvent aujourd’hui complètement déséquilibrés.

Quant à la situation régionale au bout de ces deux ans et demi, la majorité des États de la région ont désormais une vision différente et presque claire de la réalité à l’exception de quelques-uns, peu nombreux, qui ont adopté la doctrine wahhabite et l’idéologie des Frères Musulmans. Ceux-là ont versé et continueront à verser le sang syrien parce qu’ils considèrent que ce qui se passe en Syrie est une occasion unique qui consacrerait leurs doctrines dévoyées et assassines, d’où leurs déclarations hystériques suite à la nouvelle donne internationale.

Ce qui fait qu’à l’échelle nationale nous avons toujours à combattre les gangs coupeurs de têtes et de revenus ou des deux à la fois, des mercenaires payés de l’intérieur ou de l’extérieur, des voleurs, des repris de justice en fuite depuis des années, des extrémistes religieux selon l’appellation consacrée mais qui n’ont rien à voir ni avec la religion, ni avec l’Islam.

Nous avons aussi une opposition syrienne nationale qui s’est impliquée dès le début de la crise dans l’action politique et patriote, certains de ses représentants sont présents dans cette salle. Mais il existe une autre opposition qui ne travaille pas dans l’intérêt de la patrie mais pour ses propres bénéfices. Certains de ses représentants se sont empressés de nous provoquer en demandant des postes dans les institutions d’État et au gouvernement contre l’arrêt des manifestations, alors qu’ils n’avaient aucune réelle influence sur quoi que ce soit ! D’autres se sont fait grassement payer par les pays du Golfe directement ou indirectement par l’intermédiaire de fonctionnaires de la Ligue arabe pour qu’on ne dise pas quel était l’État payeur. Ensuite, ils se sont mis à courtiser les bandes armées et à accuser l’Etat de terrorisme plutôt que de les condamner. Leurs prises de positions ont souvent changé en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire et militaire sur le territoire national et au gré de la situation internationale. Aujourd’hui, certains refusent le dialogue, d’autres disent l’accepter mais en secret s’attirant pour cela les foudres de leurs comparses. Au total, il ne faut rien attendre de cette deuxième opposition de façade, elle est perdante tant du point de vue moral que du point de vue populaire et n’a aucun rôle à jouer dans la résolution politique de la crise.

Disant cela, je n’agresse pas une personne en particulier. Dans aucun de mes précédents discours, je n’ai attaqué l’opposition. Mais nous ne pouvons franchement pas aborder la situation intérieure sans donner à voir au citoyen syrien toutes les données qui existent réellement sur le terrain. Je dis que je n’agresse personne, parce que si je le voulais je pourrais citer des noms… Je me contente d’exposer des faits.

Mais en fin de compte, malgré la souplesse et le pragmatisme du gouvernement syrien, rien de ce qui a été entrepris de l’intérieur ou de l’extérieur n’a amélioré la situation. L’escalade continue, et chaque Syrien quelle que soit son affiliation politique, géographique, ethnique, religieuse… en paye le prix. Les massacres ambulants fauchent toujours la vie des Syriens. Inaugurés à Jisr al-Chogour, ils sont passés par Karm el-Zeytoun, Hatla, Khan al-Assal, et tant d’autres endroits… La cause est désormais entendue et très claire pour tous : la Syrie sera ou ne sera pas, elle restera libre et indépendante ou sera aux bottes de l’ennemi, elle restera gouvernée par un État de droit et des institutions ou deviendra un état dirigé par des voleurs et bandits de grand chemin.

La confrontation est entre la patrie et ses ennemis, entre l’Armée et les terroristes, entre l’État et les hors-la-loi. À ce titre, absolument aucune autre annonce n’est désormais acceptable. Nous ne pouvons plus témoigner de notre complaisance aux égarés et aux inconscients. Ce serait, sans exagérations, laisser détruire à jamais l’identité culturelle syrienne et notre tissu national. Nous Syriens devons être pleinement conscients que dans ces combats nous gagnerons ensemble ou perdrons ensemble. Il n’y a pas d’autres alternatives.

Nous avons tout essayé, et il ne nous reste plus qu’une seule option, celle de nous défendre et de défendre notre pays par nous-mêmes. Naturellement, tous les Syriens attendent beaucoup de leur Armée nationale. Tous fondent leurs espoirs sur sa force. Tous espèrent que cette institution pourra mettre fin à cette situation aujourd’hui avant demain. Tous espèrent que le combattant syrien sera suffisamment puissant pour écraser les terroristes. Mais nous savons tous que la réalité est plus dure à vivre que le rêve.

Ce que nos Forces armées ont accompli relève presque de l’impossible. Cette institution née au lendemain de l’Indépendance, et surtout suite à la création d’Israël, a été formée pour la défense de la patrie contre ce seul ennemi, contre un seul front de longueur et de profondeur bien délimitées. Ses structures combattantes, ses tactiques, sa stratégie, son armement n’avaient pas d’autre objectif. Tout à coup, la voilà qui doit faire face à quelque chose de différent, quelque chose que très probablement aucun autre État et aucune autre armée de l’Époque moderne n’a eu à affronter. Elle se devait de s’y adapter le plus rapidement possible et en pleine bataille, et ce fut le plus dur ! Mais elle l’a fait avec brio et a réalisé des percées très importantes sur tous les terrains.

L’Histoire et les romans historiques regorgent d’actes héroïques qui néanmoins restent exceptionnels. En toute honnêteté, sachez que le nombre d’actes héroïques accomplis par nos Forces armées est difficilement croyable, tant au niveau opérationnel qu’au niveau des sacrifices consentis. Savoir qu’on va à la mort, y aller, exécuter sa mission, risquer d’être blessé… Nombreux sont les officiers, et les simples soldats qui après leur convalescence d’une première blessure, sont repartis au combat une deuxième, une troisième, une quatrième fois ; avec à chaque blessure encore plus de détermination. Certains d’entre eux combattent toujours, alors que d’autres sont tombés. Oui l’héroïsme est un symbole !

Mais si nous voulions opter pour un seul symbole, nous pourrions difficilement le choisir tant les actes héroïques sont nombreux. Qui le pourrait ? C’est la vérité et nous devons en être fiers aujourd’hui et pour des générations à venir. Certes, nous savions que nos soldats étaient courageux, mais nous n’avions pas imaginé jusqu’où ils iraient dans leur héroïsme. Bien sûr, leur performance reflète celle du peuple Syrien étant donné que l’institution militaire est issue de ce peuple et n’est pas isolée de la société syrienne. Si donc vous me demandiez d’évaluer nos Forces armées je vous répéterais qu’elle a presque atteint l’impossible dans les conditions les plus dures d’une agression menée par diverses grandes puissances et leurs agents et leurs terroristes !

Si maintenant nous cherchions à répertorier les exploits de nos combattants sur une carte de la Syrie, nous constaterions des différences d’une région à l’autre, car dans une bataille les facteurs en jeu sont multiples. Il y a le facteur humain lié aux officiers et aux soldats eux-mêmes, il y a l’environnement lié à la géographie et à la technicité militaire, etc… Il est donc normal qu’existent des variations régionales, mais le plus important reste le facteur populaire. J’en suis d’autant plus convaincu que, bien avant la crise en Syrie, lorsqu’on me parlait de la victoire de la Résistance libanaise, de ses tactiques et de ses armes, je répondais invariablement que la Résistance avait vaincu grâce à son peuple. Aujourd’hui, nous retrouvons cette même vérité en Syrie.

Ce soutien populaire est partout présent dans le pays. Nous l’avions constaté dès les premiers jours du combat mené par les Forces de l’armée nationale contre les terroristes. Ce soutien se renforce de jour en jour parallèlement à la prise de conscience de plus en plus aigüe de la population. Désormais, il y a une quasi-unanimité qui évidemment conforte le moral du combattant. Ne dit-on pas que le moral des combattants est pour moitié dans la bataille ? Mais même si nous admettions que ce soutien ne concerne que les trois quart ou la moitié de la population, il n’en demeure pas moins que les résultats sont là avec un taux de réussite d’autant plus significatif qu’un soutien logistique était présent.

La guerre à laquelle est confrontée l’Armée arabe syrienne et nos Forces armées en général, est une « guérilla ». La majorité des gens savent que c’est l’une des guerres les plus difficiles et les plus dangereuses pour n’importe quelle armée, aussi puissante soit-elle. Un seul autre type de guerre la dépasse, c’est la « guerre populaire » menée à la fois par le peuple et l’armée. C’est ce qui se passe en Syrie et qui nous a réussi jusqu’ici.

En cette année 2013, les forces ennemies ont senti qu’elles n’étaient pas en mesure de remporter la victoire décisive qu’elles escomptaient. Il y a eu quatorze batailles pour la libération de Damas avant le Ramadan, et trois ou quatre autres batailles l’année dernière. La semaine dernière il y a eu la bataille de Badr, et hier celle d’Ababile… À chaque fois, les forces ennemies ont perdu, c’est pourquoi les États concernés sont arrivés à la conclusion qu’ils n’obtiendront pas ce qu’ils cherchent. Leur restait la solution de la « guerre d’usure », celle qui prolongerait la crise, celle qui rongerait et saignerait la Syrie. Pour eux c’est désormais la solution qui reviendra au même indépendamment de la chute de l’État syrien et c’est ce qu’ils ont décidé de poursuivre !

De notre côté, il ne nous reste plus que « la guerre populaire » dont je viens de parler. Il est vrai que la bataille fait rage dans les médias, sur les sites des réseaux sociaux, et même au sein de la société réelle ; mais la bataille décisive ne s’emporte que sur le terrain. Les difficultés économiques que nous endurons, le recul des services publics et privés et tous nos soucis de la vie quotidienne en tant que Syriens, sont liés à la situation sécuritaire. Nous n’avons pas d’autre solution que de frapper le terrorisme. Si nous réussissons à intégrer encore plus de régions, et si nous gagnons notre guerre populaire, la solution sera facile et la Syrie pourra sortir de la crise en quelques mois avec la grâce de Dieu. C’est une autre vérité. Je n’exagère pas.

Maintenant, si les média entendent ce discours, ils se précipiteront pour dire que le Président syrien a appelé le peuple à la guerre populaire… Nous n’appelons pas à la guerre pour la bonne raison que cette guerre a commencé il y a plus d’un an et qu’elle se déroule sur le sol syrien ! Je mets les points sur les « i » pour que les choses soient bien claires. Comment pourrions-nous mettre fin à cette guerre et « renverser la table » sur les autres pour rétablir la stabilité et la sécurité, la Syrie ayant été avant qu’ils ne débarquent un modèle de sécurité non seulement au niveau du monde arabe et du Moyen-Orient mais au niveau du monde entier ? Nous n’avons plus que cette solution, celle d’unir l’armée et le peuple pour éliminer le terrorisme. Je n’ai pas inventé cette idée, elle est issue de notre expérience. Dans les provinces où nous l’avons mise en application, elle a réussi à des degrés divers, mais elle a réussi !

Puisque nous sommes réunis en cette « Nuit du Destin » de la dernière semaine du Ramadan, le mois du pardon, nous ne pouvons pas ne pas rappeler ce que j’ai dit et répété à plusieurs occasions. La Syrie en tant qu’État ne cessera pas de suivre cette voie parallèlement à la frappe du terrorisme, mais le pardon sera réservé à ceux qui ont été trompés, non à ceux à qui ont versé le sang, commis des assassinats et des actes terroristes. Au début, cette réserve a été refusée par beaucoup de Syriens qui pensaient qu’elle ne pouvait qu’encourager le terrorisme. Mais après une si longue période de crise, je peux dire que cet acte de pardon a donné de bons résultats sur le terrain. Le résultat n’est pas garanti à cent pour cent car il y a toujours quelqu’un de prêt à revenir vers la déviance et la traitrise. Il n’empêche que dans la majorité des cas les efforts sont couronnés de succès.

De temps à autre, vous entendez les médias parler de personnes qui se sont rendues aux autorités compétentes et ont régularisé leur situation. Là aussi le pourcentage de réussite est en nette augmentation, ceci parce que la confiance dans l’État s’est renforcée. On leur disait de ne surtout pas se rendre parce que l’État se vengerait. Mais l’État syrien a prouvé qu’il protégeait tous les Syriens quelle que soit leur appartenance politique.

Et aujourd’hui, avec le déclin des « couveuses » le tableau est devenu moins sombre. Dans certaines régions, des jeunes gens qui s’étaient rendus et avaient déposé les armes se sont engagés dans les premiers rangs de nos Forces armées et sont tombés au combat. Ils sont morts en héros non en criminels, la nuance étant importante ici-bas et dans l’au-delà.

Je suis convaincu que nous devons continuer à encourager au pardon et au dialogue en les associant aux initiatives sociales et politiques menées par un certain nombre de Syriens, parce qu’elles se sont révélées essentielles à la réussite des deux à la fois. Nous avons, nous-mêmes, procédé de cette manière après avoir accordé de nombreuses amnisties sans nécessairement les rendre publiques. Ce n’est donc pas une question de publicité mais une question d’action sur le terrain. Là aussi les résultats ont été bons. C’est pourquoi j’insiste à soutenir ces initiatives sans relâche, car ce qui ne pourra s’accomplir aujourd’hui le sera demain. Et c’est pourquoi j’encourage à rentrer chez eux les nombreux indécis qui disent vouloir s’en sortir et retourner à leur vie, mais qui ne le font pas parce qu’ils ont peur. Je les encourage à regagner leur place naturelle sans crainte. Sinon, le combat sera sans fin, nous serons les perdants avec pour seul gagnant l’ennemi israélien.

Nous sommes dans le mois du bien, c’est à nous de l’atteindre. Dieu nous a offert le bien, mais si nous le voulons nous sommes tenus de le chercher. Mais alors il faut que nous sachions que nous ne pouvons le trouver au mauvais endroit. Le bien ne nous viendra pas de certains pays arabes ou régionaux qui disent se soucier du moindre petit village syrien, mais restent très rassurés sur le statut de Jérusalem et l’avenir des enfants palestiniens sous occupation israélienne. Le bien ne nous viendra pas de ces pays qui se disent impatients d’offrir la démocratie au peuple syrien, mais qui privent leurs peuples du minimum de droits humains et qui sont déterminés à leur infliger des systèmes politiques du Moyen-Âge et probablement de l’époque de l’ignorance [Al-Jâhilîya], sans parlement, sans partage des décisions, sans partage des richesses ni même de la patrie, sans partage de quoi que ce soit.

Ces pays veulent entrer dans l’Histoire… Ils y entreront certainement, mais dans un sous-chapitre intitulé : MORT, DESTRUCTION, ARRIÉRATION, IGNORANCE. Ce sont pratiquement les seules qualités historiquement présentes chez eux et les seuls cadeaux qu’ils peuvent offrir à l’humanité. Non, le bien ne nous viendra pas de la pensée de ces obscurantistes, fondée par les wahhabites par le feu et le sang puis politisée par les Frères Musulmans par la violence, l’hypocrisie et le crime.

Leur pensée obscurantiste a semé la discorde entre l’arabité de l’Islam, alors que le Coran et le Prophète les avaient unis. Ils sont les premiers à semer la discorde entre le musulman et le musulman, puis  entre le musulman et le chrétien, au moyen de leur confessionnalisme détestable et meurtrier que toutes les religions célestes ont condamné.

C’est cette même pensée qui a inversé le conflit arabo-israélien en conflit arabo-arabe. Ils ont frappé les symboles de l’arabité et de la résistance au colonialisme. Ils ont attaqué les armées arabes comme cela se passe maintenant en Syrie et en Egypte. Ils ont collaboré avec l’armée de l’ennemi israélien. Ils ont trahi dans l’intérêt d’Israël et se sont laissés humilier par les États-uniens pour se garantir un simple siège, leur seul intérêt.

Comment les désigner ? Ce sont les « néo-islamistes » ! Les Occidentaux ont utilisé les « néo-chrétiens » pour servir Israël en usant du christianisme, et les voilà qui utilisent ces « néo-islamistes » pour qu’à travers eux l’Islam soit consacré au même service. À vrai dire, le terme « islamistes » n’est pas correct, nous ferions mieux de les désigner par le terme « néo-ignorants », plus proche de la vérité.

Le bien ne nous viendra pas de ceux-là. Il nous viendra de toutes ces nobles personnes qui se sont dressées partout dans le Monde, aussi bien dans le Monde musulman que partout ailleurs. Elles se sont tenues à nos côtés en parole et en action. Elles ont hissé le drapeau syrien. Elles ont soutenu l’Armée arabe syrienne dans ses combats contre le terrorisme. Elles ont soutenu le peuple syrien qui défend l’indépendance de son pays.

Le bien nous viendra de vous les Syriens ! Il viendra de tous les Syriens chrétiens et musulmans concernés par leur appartenance à ce pays et qui se sont engagés en toute conscience, convaincus que les religions et les lois célestes ne sont descendues que pour un seul objectif, celui de rendre notre vie meilleure. Par conséquent, lorsque ces lois et religions échouent à nous rendre meilleurs et qu’au contraire nous allons vers le pire, le problème n’est pas dans la religion, le problème est en nous.

Le bien nous viendra de ces héros qui valorisent leur patrie et défendent leur peuple. Il viendra de leurs familles qui souffrent patiemment de leur absence pendant qu’ils se battent sur le champ d’honneur, et de leurs parents qui y ont envoyé un deuxième fils pour terminer la mission du premier qui est tombé. C’est de ceux-là que le bien nous viendra, de leur force, leur ténacité, leur foi et leur patriotisme.

Je termine en souhaitant qu’au prochain Ramadan la Syrie aura récupéré sa santé, que la paix et la sécurité règneront sur ce pays cher à nos cœurs. Et à l’occasion d’Id al-Fitr qui nous arrivera dans les prochains jours, je vous dis « Puisse chaque année à venir vous apporter la paix ».

Dr Bachar al-Assad

Président de la République arabe syrienne

04/08/2013

Texte traduit par Mouna Alno-Nakhal

Texte original : Sana-Syrie / Vidéo You Tube

http://sana.sy/ara/2/2013/08/05/495772.htm

http://www.youtube.com/watch?v=k0pPFZaSt8I&feature=youtu.be



Articles Par : DR Bachar al-Assad

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