Triste scrutin

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Le handicap d’un mensuel est qu’il ne colle pas à l’actualité. En ce qui concerne nos candidats présidentiels, quand ce journal sortira, les Français auront trié ; il sera encore en circulation quand ils auront choisi. Impossible donc de commenter le scrutin. Mais nous pouvons revenir sur la campagne avec une constatation et deux remarques.

La constatation est que le menu proposé aux électeurs n’était guère gastronomique. Entre les fayots avariés du chef Le Pen, les Big-Macs frelatés de chez Sarko, le couscous Royal rechauffé, la soupe pâteuse à la Bayrou et les quelques zakouskis parfois goûteux mais peu nourrissants, les votants sont restés sur leur faim. Ils ont fini par déterminer ce qu’ils mettront dans leur frigo pendant cinq ans : espérons qu’ils n’en auront pas une indigestion.
 
La première remarque est que nos postulants ont tout à coup découvert l’existence de la patrie. Les chanteurs de l’Internationale ont entonné la Marseillaise, les atlantistes de l’Euroland ont eu la révélation de “l’identité française”. Mais quel crédit accorder à cette trouvaille tardive et opportuniste ? Comment faire confiance à des gens qui n’ont cessé de vouloir dissoudre la nation républicaine dans une Europe néolibérale, au sommet bureaucratisé, conçue à l’image du mercantilisme financier américain ? Qui ne rêvent que de faire partie du mondialisme des néocons ? Qui se sont rendus complices des aventures militaires de l’OTAN et qui n’imaginent pas de s’en dissocier ? Qui ne conçoivent comme à la rigueur acceptable qu’un pseudo-nationalisme évoqué chez eux, et condamnent les résistances de patriotes qui les dérangent ou attribuent des Etats à des minorités qui leur conviennent ? Celui (ou celle) qui émergera du scrutin aura toujours été pour l’Europe des banques et des transnationales, aura dénoncé comme “ultranationalistes” les opposants au démantèlement de la Yougoslavie, aura pris le parti des indépendantistes monténégrins, kosovars, tchétchènes, tibétains et autres, bref aura agité (faiblement) son drapeau et (fortement) celui d’ethnies peu gênantes, tout en s’agenouillant devant les ennemis globalistes de la nation. Ce nationalisme-là n’est pas le nôtre. Il n’est qu’une fourberie de politicien.

La seconde remarque a trait à la mémoire. Jacques Chirac, dans son testament télévisé d’“amoureux de la France”, s’est félicité du demi-siècle de paix dans lequel a vécu l’Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Nos dociles médias ont repris en chœur ce satisfecit. Une touchante unanimité qui laisse incrédule et stupéfait devant une telle nappe de mensonge recouvrant la réalité. Un épisode majeur de la dernière décennie du XXe siècle a été totalement oblitéré. Supprimé. Effacé. La Yougoslavie n’a pas existé. Elle n’a pas été démembrée par des sécessions orchestrées à l’étranger, étranglée par un embargo occidental avant d’être agressée par la plus forte concentration militaire de tous les temps. Des bombardements n’ont pas eu lieu. Des milliers de civils n’ont pas été tués par l’intervention “humanitaire” de l’OTAN. Des multitudes de réfugiés n’ont pas fui des combats meurtriers ou des “nettoyages” ethniques. Un Etat souverain n’a pas été ravagé. Rien ne s’est passé dans les Balkans. Rien. La paix a régné pendant un demi-siècle en Europe.

Pas un seul des candidats n’a relevé ce trou noir de l’histoire. Pas un seul n’a eu l’honnêteté de rappeler qu’un crime contre l’humanité avait été commis par l’Occident, le pire crime de tous, celui de déclencher une guerre. Une guerre, une vraie, sanglante, féroce, qui a plongé dans la souffrance des millions de malheureux. Une guerre que nos candidats ont tout simplement oubliée.

Et c’est à un de ces politiciens peu appétissants, fourbes et amnésiques qu’on confie la République…



Articles Par : Louis Dalmas

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