Ukraine: Des manifestants pro-Russes exigent la tenue d’un référendum

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La tension monte entre le gouvernement provisoire, appuyé par l’Occident, à Kiev et les régions de l’est de l’Ukraine qui ont des liens économiques et linguistiques étroits avec la Russie. Cette situation fait non seulement peser la menace d’une guerre civile en Ukraine, mais aussi d’un conflit militaire entre les puissances impérialistes et la Russie.

Lundi, des manifestants pro-Russes de la ville industrielle de Donetsk à l’est de l’Ukraine ont mis sur pied un «conseil populaire» et annoncé la création de la «république de Donetsk».

Trois semaines après le vote de sécession de la Crimée, le conseil de Donetsk appelle maintenant à un référendum semblable pour le 11 mai qui vise l’annexion à la Russie et qui demandera à cette dernière de déployer des «gardiens de la paix» pour en assurer le bon déroulement. On peut lire dans une déclaration du conseil: «Sans appui, il sera difficile de résister à la junte de Kiev… Nous nous adressons au président russe Poutine, car seule la Russie peut garantir notre sécurité.»

Cette annonce faisait suite à l’occupation dimanche de bâtiments des gouvernements municipaux de Donetsk, Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine en importance ainsi que Luhansk, située à l’est, par des manifestants anti-gouvernement. Des images et des vidéos des protestations montrent l’érection de barricades de pneus et de fils barbelés: une situation semblable à ce que les manifestants pro-Occident avaient fait à Kiev contre l’ancien président Viktor Ianoukovitch avant qu’il ne soit renversé par un coup d’État fasciste organisé le 22 février par les États-Unis et l’Union européenne.

L’installation par les puissances impérialistes d’un gouvernement anti-russe d’extrême droite à Kiev, qui s’est empressé de retirer au russe le statut de langue officielle et d’imposer des mesures d’austérité du FMI à la classe ouvrière, a créé une situation encore plus volatile.

À Kharkiv, des affrontements ont eu lieu entre des activistes anti-gouvernement et les forces policières qui tentaient de reprendre le bâtiment administratif. Des protestataires anti-gouvernement ont violemment dispersé une manifestation de partisans du gouvernement à Kiev.

À Luhansk, des manifestants se sont emparés d’un dépôt d’armes. L’agence de presse ukrainienne UNIAN a rapporté que neuf personnes, y compris des policiers, avaient été blessées lors de l’attaque.

La mort d’un officier militaire atteint par balle en Crimée a exacerbé encore plus les tensions entre le gouvernement provisoire à Kiev et la Russie. Selon un porte-parole du ministère de la Défense ukrainien, l’officier aurait été abattu lors d’une dispute avec des soldats russes dans la nuit de dimanche.

La montée des tensions dans l’Est ukrainien montre à quel point les puissances impérialistes sont irresponsables: elles risquent non seulement la guerre civile en Ukraine, mais aussi une guerre contre la Russie pour arriver à leurs fins économiques et géopolitiques. Les manifestations contre le régime à Kiev par des forces pro-Russes situées dans les régions de l’Ukraine qui formaient la base politique de Ianoukovitch sont le résultat du renversement illégal de son régime par les puissances occidentales, à l’aide de troupes de choc ultra-nationalistes et fascistes.

Dans le régime mis en place par Washington et ses alliés européens se trouvent des ministres du parti fasciste Svoboda. Ce dernier a accepté d’imposer une hausse du prix de l’énergie exigée par le Fonds monétaire international qui va ravager les industries et les travailleurs de l’Est ukrainien.

Le régime ukrainien et ses bailleurs de fonds impérialistes accusent la Russie d’être responsable des protestations anti-gouvernement à l’est de l’Ukraine et utilisent celles-ci pour faire monter la tension. Lundi, le président ukrainien par intérim Oleksander Turchinov a menacé de recourir à des mesures d’«antiterrorisme» pour réprimer les manifestations qu’il a qualifiées de complot de la Russie. «Hier, la deuxième phase d’une opération spéciale russe a été déclenchée. Son but est de déstabiliser le pays, de renverser les autorités ukrainiennes, de perturber les élections et de mettre notre nation en pièces», a-t-il déclaré.

Le premier ministre de l’Ukraine Arseniy Yatsenyuk a accusé la Russie de vouloir «déstabiliser la situation, de vouloir envoyer des troupes étrangères à l’intérieur de la frontière pour s’emparer du territoire». Lors d’une réunion du gouvernement, il a déclaré: «La Fédération de Russie prépare un scénario qui n’a qu’un seul objectif: le démembrement et la destruction de l’Ukraine et sa transformation en un territoire soumis aux diktats de la Russie.»

Le but ultime des puissances impérialistes n’est pas seulement de s’emparer de l’Ukraine, mais de dépecer la Russie elle-même. Elles montent d’un cran leurs provocations, leurs menaces et leurs sanctions afin de miner le régime du président russe Vladimir Poutine. Le Kremlin, pour sa part, qui est bien conscient du mécontentement social qui est généralisé dans la population russe, craint qu’il pourrait être visé par une opération de changement de régime similaire à celle qui a renversé Ianoukovitch.

Lundi, à un réunion du Service fédéral de sécurité russe, Poutine a affirmé que la Russie était sur un pied d’alerte en raison d’agitateurs étrangers qui tentaient de provoquer des conflits ethniques. «Nous devons faire une distinction nette entre une opposition civilisée aux autorités et le fait de servir des intérêts étrangers aux dépens de notre propre pays, a-t-il dit. Nous n’accepterons pas une situation telle que ce qui est survenu en Ukraine, où ce fut souvent à travers des organisations non gouvernementales que des groupes et des militants nationalistes et néo-nazis, qui devinrent les troupes de choc dans le coup d’État anticonstitutionnel, obtinrent du financement de l’étranger.»

Washington et les puissances européennes exploitent les manifestations dans l’Est ukrainien pour intensifier leurs menaces de guerre contre la Russie. Commentant les manifestations survenues à Donetsk, le ministre des Affaires étrangères suédois Carl Bildt a écrit sur Twitter: «Des brutes pro-Russes tentent de causer des troubles en Ukraine de l’Est. Fortement appuyées par la machine de propagande du Kremlin.»

Le président tchèque Milos Zeman est allé plus loin, exigeant qu’il y ait une intervention de l’OTAN en Ukraine si la Russie tentait d’entrer dans l’est du pays. «Si la Russie décide d’orienter son expansion territoriale vers la partie est de l’Ukraine, la situation sera alors sérieuse», a affirmé Zeman à la radio publique tchèque. «J’exigerais alors non seulement les sections les plus sévères de la part de l’UE, mais même que l’Alliance de l’Atlantique Nord soit prête à intervenir militairement; par exemple, que les forces de l’OTAN interviennent sur le territoire ukrainien.»

Washington a averti la Russie de ne pas tenter d’annexer «ouvertement ou secrètement» une autre partie du territoire de l’Ukraine et a accusé les manifestants pro-Russes d’être à la solde de Moscou. «Tout porte à croire que certains de ces manifestants ont été payés et n’habitaient pas la région», a déclaré lundi l’attaché de presse de la Maison-Blanche, Jay Carney. «Plusieurs actes de provocation organisés en Ukraine ce week-end nous inquiètent et nous pensons que c’est le résultat d’une plus grande pression exercée par la Russie sur l’Ukraine.»

Daniel Baer, le représentant des États-Unis dans l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a soutenu que la Russie avait massé des dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne «à des positions ou dans des garnisons qui ne correspondaient pas à la situation normale en temps de paix». Baer a exigé que le gouvernement russe agisse pour «calmer» la situation.

Ces déclarations sont incroyablement hypocrites. Ce dont Carney et Baer accusent le Kremlin (intervenir en Ukraine pour manipuler politiquement les manifestations) est précisément ce que les puissances occidentales ont fait. Des représentants de l’Union européenne et des États-Unis sont allés rejoindre les manifestants anti-Ianoukovitch place de l’Indépendance à Kiev et ont rencontré les dirigeants du parti néofasciste Svoboda. L’administration Obama et ses alliés européens ont, d’après la sous-secrétaire d’État américaine pour l’Europe et l’Eurasie Victoria Nuland, dépensé quelque 5 milliards de dollars depuis les années 1990 pour financer un changement de régime pro-Occident en Ukraine.

Johannes Stern

Article original, WSWS, paru le 8 avril 2014



Articles Par : Johannes Stern

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