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Un an depuis le séisme en Haïti
Par Bill Van Auken
Mondialisation.ca, 14 janvier 2011
WSWS 14 janvier 2011
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En cette date l’année dernière, un tremblement de terre de magnitude 7,0 dévastait Haïti, causant la mort d’un quart de million de personnes et faisant plus de 300.000 blessés et environ un million et demi de sans-abris.

Un an après cette catastrophe naturelle, les horreurs vécues par la population haïtienne ne sont que pires, des milliers de personnes ayant succombé à une épidémie de choléra et un million de gens ayant été abandonnés dans des campements misérables.

Cette crise qui s’envenime fait ressortir les sources sociales et politiques de la souffrance infligée à la classe ouvrière et aux masses opprimées d’Haïti. La prédominance de telles conditions tout juste à côté des États-Unis, un pays qui possède la plus grande part de la richesse du monde, est un crime d’ampleur historique et mondiale et un réquisitoire contre le système de profit.

Ceux qui connaissent les conditions sur le terrain en Haïti font une description scandaleuse de l’indifférence et de la négligence de l’impérialisme américain et mondial envers le peuple du pays.

 « Les tas de décombres sont toujours là; la situation désespérée des victimes qui ne semblent pas avoir accès à un abri temporaire acceptable favorise les conditions pour la propagation du choléra; et la menace de nouvelles épidémies se fait plus sérieuse de jour en jour », a dit l’ancien premier ministre jamaïcain P.J. Patterson représentant spécial de la communauté caribéenne pour Haïti. « Bref, le traumatisme et la misère vécus par la population haïtienne n’ont jamais été soulagés. »

Roland Van Hauwermeiren, directeur d’Oxfam en Haïti, a décrit 2010 comme ayant été « une année d’atermoiements » qui a « mis la reconstruction d’Haïti en suspens ». «  Près d’un million de personnes vivent encore dans des tentes ou sous des bâches et les centaines de milliers d’autres qui vivent dans les décombres de la ville ne savent toujours pas quand ils pourront rentrer chez eux », a-t-il ajouté.

Des quelque un million de personnes vivant dans des tentes improvisées ou sous des bâches dans les camps surpeuplés de Port-au-Prince, plus de la moitié sont des enfants.

La capitale haïtienne demeure ensevelie sous les décombres. On estime à moins de cinq pour cent la quantité de débris qui ont été ramassés par les travailleurs haïtiens. Ceux-ci s’attaquent au tas de morceaux de béton et de métal tordu avec des pelles ou à mains nues. Il n’y a pas eu présence significative de machinerie lourde depuis le retrait de l’armée des États-Unis voilà plus de six mois.

Au plus fort de la mobilisation, les États-Unis ont déployé quelque 22.000 soldats de l’armée de terre et de l’air, de marines et de matelots, pour prendre le contrôle unilatéral du principal aéroport et des installations portuaires et stratégiques du pays. La priorité de l’armée américaine était de sécuriser le pays contre la menace d’un soulèvement populaire et de déployer la Garde côtière et une force navale pour empêcher les réfugiés haïtiens d’atteindre les États-Unis.

À ces fins, dans les premières semaines cruciales après le tremblement de terre, au moment où l’aide était le plus nécessaire pour empêcher la perte de vies ou de membres de centaines de milliers de blessés, le Pentagone a détourné à plusieurs reprises des avions transportant de l’aide et du personnel afin de garder les pistes libres pour l’équipement militaire américain.

Seulement 11 jours après le séisme, le gouvernement haïtien, soutenu par les États-Unis, du président René Préval avait mis fin à l’opération de recherche et de sauvetage alors que seulement 132 personnes avaient été sorties vivantes des décombres. Si une réaction adéquate avait été organisée, beaucoup plus de gens auraient pu être sauvés. Des décisions ont été prises à Washington, basées non pas sur des considérations humanitaires, mais plutôt sur le calcul insensible des intérêts nationaux et des profits. Sans nul doute, on considérait que le sauvetage d’Haïtiens blessés ne ferait que drainer davantage les ressources.

À l’opposé, la réaction spontanée du peuple américain et du monde a été solidaire des masses haïtiennes souffrantes. Une effusion de soutien sans précédent a abouti à 1,3 milliard de dollars en contributions des États-Unis seulement, la grande majorité de celle-ci venant de travailleurs ordinaires.

Un an plus tard cependant, seulement 38 pour cent de ces fonds ont été dépensés pour aider à la reconstruction d’Haïti, selon un sondage réalisé par le Chronicle of Philanthropy. En Haïti, on soupçonne largement que de grandes sommes d’argent ont été détournées vers les caisses des ONG et des organisations humanitaires.

La réaction des gouvernements est encore pire. Lors d’une conférence des donateurs organisée au mois de mars de l’année dernière, plus de 5,3 milliards avaient été promis. De cette somme, seulement 824 millions de dollars ont été remis. Le pire de tout est la réponse de Washington, qui s’était engagé à remettre 1,15 milliard de dollars pour 2010, pour ensuite annoncer que le paiement de la quasi-totalité de l’engagement allait être différé jusqu’en 2011.

En juillet dernier, l’ancien président américain Bill Clinton, présentement représentant de l’administration Obama à Haïti, envoyé spécial de l’ONU dans le pays et coprésident, avec le premier ministre haïtien Jean-Max Bellerive, de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH), a exprimé sa frustration devant la lenteur des paiements et a promis de faire pression sur les donateurs afin qu’ils tiennent leurs promesses. Apparemment il a eu peu de succès, y compris avec sa propre femme, la secrétaire d’État Hillary Rodham Clinton. Il a clairement indiqué à maintes reprises que la seule voie acceptable pour la reconstruction d’Haïti passe par l’investissement privé et la garantie de conditions rentables, en substance des salaires de misère,  pour les banques et les sociétés transnationales américaines.

En plus de la dévastation causée par le tremblement de terre, une épidémie de choléra s’est déclenchée. Elle a déjà tué 3600 personnes et il est estimé qu’elle va en infecter au moins 400.000. Les experts en santé publique reconnaissent que la propagation de la maladie n’a pas encore culminé, et pourtant ce bilan dévastateur est à peine soulevé dans les médias américains.

L’indifférence de l’administration Obama aux vies haïtiennes a été mise en évidence par la décision de reprendre les déportations vers ce pays : 350 Haïtiens sont en liste pour être renvoyés ce mois-ci. Plusieurs personnes parmi celles-ci étant destinées à être incarcérées dans les prisons haïtiennes, où le choléra sévit, cette action revient à infliger la peine de mort.

L’épidémie n’est pas le produit du séisme, mais plutôt, comme le nombre de morts extraordinairement élevé causées par le tremblement de terre lui-même, la conséquence de la misère noire et de l’arriération résultant de la domination d’Haïti par l’impérialisme et, en particulier, du rôle joué par le gouvernement des États-Unis et les banques et les sociétés américaines durant le dernier siècle.

Haïti est de loin le pays le plus pauvre dans l’hémisphère occidental. Même avant le séisme, moins de la moitié de la population urbaine et moins du cinquième de celle vivant dans les zones rurales avait accès à des installations sanitaires, rendant ainsi le pays vulnérable au choléra. Avant le tremblement de terre, près des trois quarts de la population d’Haïti vivaient avec moins de deux dollars par jour, alors qu’à peine 20 pour cent avaient des emplois dans l’économie officielle et que 86 pour cent des habitants des villes logeaient dans des bidonvilles.

Ces conditions sont inextricablement liées à l’ordre social et politique d’oppression qui a été forgé par l’occupation militaire des Etats-Unis de 1915 à 1934, les 30 années de dictature sauvage de la dynastie des Duvalier soutenue par les Etats-Unis, et le renforcement subséquent des politiques de « libre marché libéral » par Washington et le Fonds monétaire international.

La colère et la frustration grandissantes du peuple haïtien concernant les politiques criminelles de Washington et de la petite élite financière corrompue du pays ont régulièrement pris la forme de résistance de masse dans les derniers mois. D’abord contre les troupes des Nations Unies et la propagation du choléra, et ensuite en réponse aux élections frauduleuses du 28 novembre.

Cette résistance populaire mérite le plein appui des travailleurs aux États-Unis et internationalement. La demande pour une aide immédiate et massive à Haïti doit être mise de l’avant.

Mais aider le peuple d’Haïti en reconstruisant le pays sur la base des besoins humains plutôt que sur la base des intérêts de l’élite du pays et des banques et des entreprises étrangères ne peut être accompli qu’en en unissant la classe ouvrière en Haïti, aux États-Unis et à travers l’hémisphère dans une lutte commune pour la transformation socialiste de la société.

Article original en anglais,WSWS, paru le 12 janvier 2011.

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