Un mot de Damas

Mes amis,

Un mot de Damas

Vous me sollicitez pour une intervention personnelle de Damas, au cours de votre colloque.

Je vous remercie et vous réponds par écrit. J’aurais bien voulu être avec vous, mais pour le moment, ma santé ne me le permet pas. J’espère que ce n’est que partie remise pour octobre.

Laissez-moi vous préciser que je ne m’en prendrai qu’à une seule facette de cette guerre menée depuis bientôt 7 ans, par 140 pays membres des Nations-Unies, contre mon pays la Syrie.

Cette facette n’est autre que le mensonge que l’on vous dessert nuit et jour, par tous les moyens de communication, pour vous convaincre que la guerre en Syrie est une guerre civile, voire religieuse entre chrétiens et musulmans d’un côté, et entre musulmans sunnites et chiites de l’autre. Quant à l’Occident, dont la France, il n’y intervient, dit-on, que pour sauver en Syrie les droits de l’Homme, la liberté et la démocratie !

Je me hâte de déclarer que je ne vous tiendrai aucun discours politique, ni aucune analyse religieuse.

Je me contente de vous présenter deux volets de faits, pour en tirer des conclusions sans détour :

Le premier, celui de l’incontestable et multiséculaire convivialité historique entre musulmans, chrétiens et juifs, depuis l’arrivée des arabes à Damas, en 636, à Jérusalem en 638, en Égypte en 641, en Espagne en 711.

Le second, bien plus modeste, mais tout aussi vrai, est celui de ma propre expérience de prêtre arabe de Syrie, pays originellement entièrement chrétien, mais habité aujourd’hui par une majorité de musulmans.

Touchant le premier point :

Les historiens sont unanimes à reconnaître ce fait unique dans l’histoire des conquêtes, au point qu’ils ont dit des arabes qu’ils furent « les plus tolérants des conquérants ».

J’en prends à témoins deux historiens seulement, que je choisis expressément juifs. Le premier est même israélien, M. Abba Eban, le second est le rabbin français Josy Eisenberg.

Abba Eban, ancien ambassadeur d’Israël à Washington, de 1950 à 1959, a publié en 1975, aux Éditions « Buchet / Chastel », deux volumes, dont le premier porte le titre de « Mon peuple », le second celui de « Mon pays ».

Le chapitre 11 du premier volume, consacre 26 pages à ce qu’il appelle « l’Avènement de l’Islam ». En voici quelques paragraphes :

« Abba Eban écrit à la page 137:

« Le rajeunissement de la communauté palestinienne fut tout aussi spectaculaire. Opprimée et même décimée sous les empereurs de Byzance, elle connut sous l’occupation musulmane un essor telle qu’elle semblait sur le point de retrouver son autorité sur l’ensemble du monde juif… Malgré la vieille loi d’Adrien interdisant aux Juifs de résider à Jérusalem – interdiction maintenue par les chrétiens et, en théorie tout au moins, par les musulmans –, le nombre des Israélites dans cette ville augmentait rapidement. À la suite des négociations avec le calife, soixante-dix familles furent autorisées à s’établir dans la Ville sainte; par la suite, ce groupe fut considérablement renforcé par l’afflux des « Affligés de Sion »… Les Juifs de Jérusalem subsistaient grâce aux dons de leurs coreligionnaires du monde entier… la colonie juive survécut jusqu’à ce qu’en 1099, elle fût massacrée par les Croisés… »

Abba Eban écrit à la page 138:

« Les communautés juives de Syrie connurent un élan similaire. À la suite de l’évacuation massive des chrétiens, plusieurs vagues d’immigrants juifs étaient arrivés à Tripoli, à Tyr, à Alep, villes considérées comme faisant partie de la Terre promise. En Syrie même, Damas occupait une position prépondérante en tant que foyer essentiel de la vie et de la pensée juives, surtout après l’occupation de Jérusalem par les Seldjoukides, en 1071.

En Égypte également, le renouveau de la gloire d’autrefois s’accompagnait d’un bel essor économique. Le Caire, cité aussi florissante, aussi raffinée que Bagdad, était devenu un centre de la vie intellectuelle juive dès l’avènement de la dynastie des Fatimides, en 969. Opposés à tout ce qui venait de Bagdad, les souverains fatimides accordaient l’indépendance à tous les chefs religieux, au Caire aussi bien que dans les provinces de Syrie et de Palestine. Les diverses communautés juives avaient ainsi la possibilité de se consolider et, au besoin, de se concerter entre elles. … ».

Il écrit à la page 139:

«Dans tous les pays musulmans, la position sociale des Juifs se trouvait déterminée par une législation discriminatoire …

En fait, les autorités appliquaient ces mesures de façon sélective. Les Juifs n’étaient pas contraints à s’entasser dans un ghetto, ils pouvaient conserver leurs propres institutions communales. Leurs tribunaux continuaient à juger en toute liberté, ce qui évitait le recours aux juridictions arabes. Quant à la taxe spéciale, elle était prélevée par capita, sur les Juifs aussi bien que sur les chrétiens. Si bien que, dans l’ensemble, les communautés juives jouissaient d’une appréciable autonomie interne. … ».

Il écrit à la page 140:

« En fin de compte,… Ni les autorités arabes ni les rabbins ne parvenaient à empêcher une certaine fraternisation. Juifs et Gentils étaient de plus en plus amenés à se fréquenter, que ce fût par des intérêts communs sur le plan des affaires ou par simple curiosité. Surtout dans les couches les plus aisées. …

En effet, les musulmans nommaient volontiers des Juifs à des postes importants. À Byzance tout comme en Perse, aucun Juif ne pouvait être fonctionnaire. À présent, les califes et les gouverneurs arabes recouraient fréquemment à leurs services, faisant constamment appel à leurs conseils, surtout en matière de finance et de politique étrangère. … ».

Il écrit à la page 142:

« Les nouveaux maîtres musulmans de l’Orient accordaient aux Juifs la liberté du culte, le libre choix de résidence et de la profession, la liberté des déplacements. Accédant aux postes les plus élevés, les Juifs allaient se distinguer surtout dans le secteur économique. Toutefois, en tant qu’Infidèles, ils ne pouvaient évidemment servir dans l’armée, ni exercer des fonctions gouvernementales. … ».

Il écrit à la page 155:

« Pourtant, les faits sont là: pendant deux siècles, sous la tutelle sourcilleuse des Arabes, les communautés juives d’Espagne et du Maghreb connurent un épanouissement jusqu’alors sans pareil dans la Diaspora, et qui devait rester inégalé même dans l’Allemagne et l’Autriche du XIXe siècle, dans l’Amérique du XXe siècle. … ».

Quant au rabbin français, Josy Eisenberg, je récolte dans son livre « Une histoire des Juifs », paru en 1970, dans la collection « Livre de Poche », des deux chapitres qu’il consacre à l’Islam (p. 199-252), les paragraphes suivants :

« Avant d’être arrêtés par Charles Martel, les Arabes constituèrent en moins d’un siècle un empire prodigieux: la Perse, la Syrie, la Palestine, l’Égypte, l’Afrique du Nord et l’Espagne devinrent terres d’islam. Tantôt les Juifs s’opposèrent à cette conquête; en Afrique du Nord ils firent cause commune avec les Bédouins. Le plus souvent, ils la favorisèrent, par hostilité à l’Empire byzantin, à la Perse et aux Wisigoths. En Espagne, ils ouvrirent les portes de Tolède aux envahisseurs et leur témoignèrent une sympathie profonde au point de se voir confier la garde des villes conquises. En Palestine, leurs sentiments étaient plus partagés. Ils défendirent Gaza contre les conquérants, mais leur ouvrirent les portes de Césarée. En Perse, Juifs et chrétiens nestoriens – qu’opprimaient les orthodoxes byzantins – accueillirent les conquérants en libérateurs.

Les envahisseurs n’étaient pas assez nombreux pour imposer une conversion générale qu’ils souhaitaient pour des raisons politiques autant que religieuses. Ils s’efforcèrent donc d’attirer leurs nouveaux sujets dans le giron de l’islam par la promesse d’immunités fiscales. De nombreux Juifs et chrétiens se laissèrent tenter. Mais soucieux d’ordre et d’efficacité, les conquérants s’assurèrent la loyauté des nombreuses minorités religieuses, qu’ils contrôlaient dorénavant, en respectant leur autonomie et en conservant leurs structures socio-religieuses. Le concours des populations conquises était d’ailleurs indispensable à la prospérité du nouvel empire. Plus civilisées que les envahisseurs, les élites autochtones possédaient une technique éprouvée des méthodes de gestion et d’administration; et le maintien des populations laborieuses sur les terres qu’elles exploitaient en garantissait la productivité. Dans l’esprit des successeurs de Mahomet, les pays conquis avaient pour première fonction d’assurer aux Arabes les ressources nécessaires à leur établissement et à l’expansion de leurs conquêtes. Quand ils ne se convertissaient pas, les nouveaux sujets de l’islam étaient donc invités à pactiser avec leurs maîtres. En échange d’un certain nombre de taxes et par l’acceptation de diverses contraintes, ils jouissaient de la protection des lois. Ainsi naquit le statut des dhimmis (protégés) qui allait régir, jusqu’aux temps modernes, les diverses minorités juives et chrétiennes en terre d’islam. »

Il dit aussi aux pages 214-215:

« En contrepartie de la protection des lois, les dhimmis doivent se montrer des sujets loyaux et ne point pactiser avec l’ennemi; surtout, ils doivent s’acquitter de multiples taxes et impôts, dont les deux principaux sont un impôt foncier et une capitation qui affectent souvent une part considérable de leurs revenus.

Certes, ces lois sont loin d’être rigoureusement et uniformément appliquées. L’histoire des Juifs en terre d’islam est fertile en dérogations de toutes sortes. Les Juifs ne se privèrent point de porter des noms arabes ni de critiquer le Coran lors de leurs polémiques publiques ou dans leurs écrits; ils furent aussi fréquemment nommés à des postes de confiance. La réalité sociale atténuait souvent la rigueur des lois. De nombreux facteurs y concouraient.

Réalités économiques: présents dans toutes les professions, pionniers dans certaines activités, les Juifs étaient nécessaires au bon fonctionnement de la vie économique et fréquentaient naturellement les musulmans. Des liens se formaient, des amitiés parfois profondes se nouaient. …

Ce qui constitue un facteur particulièrement favorable, c’est l’importance numérique de certaines grandes communautés juives, à Bagdad, en Égypte, en Espagne. Par commodité politique et administrative, le pouvoir est amené à reconnaître leur représentabilité et leur personnalité juridique, et à maintenir leurs prérogatives. Il entend de la sorte éviter toute dissolution de l’ordre social. C’est ainsi que les biens juifs sont protégés; ils doivent rester dans la communauté, même en cas de conversion.

Le statut des dhimmis sert les intérêts du pouvoir. … ».

Il dit enfin aux pages 217-218:

« Les communautés juives eurent ainsi tout pouvoir pour administrer leurs fidèles conformément à la loi juive. Il ne s’agissait pas seulement du culte, des synagogues ou des écoles talmudiques; le droit familial, l’état civil, les transactions commerciales; l’ensemble de la vie socio-économique était de leur ressort. Les communautés avaient leurs administrateurs, dont le nombre varia de trois à sept. C’étaient généralement des notables réputés pour leur influence ou leur richesse et qui représentaient la communauté auprès du pouvoir. Les communautés étaient également dotées de tribunaux qui jugeaient au pénal comme au civil. Les pouvoirs de ces tribunaux étaient très étendus, et tous les Juifs en étaient justiciables. Leurs décisions avaient force de loi pour les problèmes complexes du droit familial, notamment les successions, pour la législation du travail, les salaires, les contrats de location, les contrats commerciaux, le change, etc.

Enfin, la communauté était un remarquable foyer d’entraide sociale. Outre les caisses de bienfaisance et soupes populaires qui existaient dans toute communauté depuis toujours, on vit se développer de nouvelles institutions: asiles, hospices, hôpitaux souvent confondus. Ces dernières institutions étaient plus répandues en

Occident qu’en Orient, où la discrimination raciale était moins forte à l’égard des Juifs et où les voyageurs, les pauvres et les malades pouvaient bénéficier aussi des institutions musulmanes. »

Avouons, mes amis, que ces témoignages plus qu’explicites sur la convivialité réelle entre musulmans, juifs, et donc chrétiens, se passent de tout commentaire, et sont aux antipodes de l’antisémitisme féroce pratiqué à l’égard des juifs, par tout l’Occident, depuis Constantin jusqu’à Hitler.

Maintenant, permettez-moi de passer à un registre bien plus simple. C’est celui de mon expérience personnelle de prêtre arabe deSyrie. Je m’en tiendrai aux grands traits.

Ma première enfance s’écoula dans un modeste quartier chrétien, qui débouchait directement sur les premiers vergers de l’Immense Oasis qui ceinturait Damas. C’est dire que tous les habitants de ce quartier avaient nécessairement des contacts quotidiens avec les paysans musulmans, qui devaient traverser ce quartier pour aller en ville et revenir à leurs champs. Les visites des deux côtés étaient devenues familières. Les gosses, garçons et filles, ne se privaient pas de jouer ensemble dans la confiance générale. Aux jours des fêtes, tant chrétiennes que musulmanes, les visites étaient choses régulières. J’aime ajouter que ces amitiés d’enfance ont, pour tous ceux qui restent en vie jusqu’à ce jour, gardé toute leur chaleur.

Dans les écoles, même celles tenues par des prêtres ou des religieuses, aucun problème sérieux ne se posait au niveau des étudiants, tant chrétiens que musulmans, tout comme au niveau des enseignants, dont une bonne partie était des musulmans.

À Jérusalem où, à partir de 1952, j’ai fait mes études de philosophie et de théologie, chez les Pères Blancs, et où même notre coiffeur était musulman, nous avions durant six ans, noué des amitiés profondes avec de nombreux amis musulmans dans la ville, ainsi qu’avec des palestiniens, condamnés à vivre dans des camps de réfugiés. Les visites réciproques n’étaient pas rares.

Prêtre en 1959, c’est en 1962, que je fus affecté à Damas. Fidèle à tout ce passé, j’ai tenu à me présenter et à agir avant tout en tant qu’être humain, ayant à traiter avec des êtres humains. Des êtres humains dont nul n’a choisi ni sa vie, ni sa famille, ni sa religion, ni le pays qui lui est échu.

Du coup, je me suis trouvé comme naturellement pris dans un réseau commun d’amitiés, d’activités, de recherches, de sollicitations, mais aussi d’interrogations, de souffrances et d’espérances. Tout cela m’a permis, jour après jour, de me trouver aussi bien dans l’Église que dans la société et les différents milieux du pays, comme en famille.

Laissez-moi aussi vous avouer que je me suis souvent découvert en prêtre engagé dans cette vaste société, mieux compris, désiré, voire recherché en milieu musulman qu’en milieu chrétien, où toute ombre de nouveauté risque de paraître incongrue, bizarre, déplacée, et donc sujette à condamnation.

Ce message d’amour, de vérité, d’entente, de conciliation et d’amitié, j’ai essayé, et j’essais toujours de le vivre en plénitude, contre vents et marées, avec tous les milieux sans exception, tant chrétiens et musulmans, que ceux religieusement neutres, voire hostiles. Et je suis heureux de le vivre à travers tout ce que je suis, ainsi qu’à travers l’écoute, la prière, la prédication, le théâtre, les détentes, les articles de journaux, les lettres ouvertes aux « Grands » de ce monde, les entrevues télévisées, les messages rapides de l’internet, les conférences, les chants religieux en église, et le chant profane, que pratique une chorale que j’ai fondée il y a quarante ans, et qui compte aujourd’hui, entre gosses, jeunes et adultes, des deux sexes, 620 chanteurs, cette même chorale qui s’appelle « Chœur-Joie », et dont 114 gosses ont fait une tournée de chants en France, au mois de mars 2016, qui a grandement étonné tous ceux et celles qui les ont entendus.

Mes amis, je dois terminer.

N’était ce qui se passe d’infernal, d’innommable, tant dans mon pays qu’au niveau du monde entier, par la faute surtout de l’Occident, je me serais considéré comme l’un des hommes les plus heureux du monde.

Car il faut savoir et dire tout haut que le monde entier a,aujourd’hui plus que jamais, besoin d’Amour.

Et l’Amour c’est rien moins que le respect, la dignité et la paix pour tout être humain.

Sachez qu’en dehors de l’Occident, il y a aussi des êtres humains qui vous réclament ce respect, cette dignité et cette paix.

Mais si vous continuez en Occident à vous repaître du sang des Peuples, et à semer partout la terreur, la haine, l’errance, le désespoir et la mort, sachez que vous aussi, oui vous tous en Occident, tout gavés d’arrogance et de certitudes que vous êtes, vous plongerez tôt ou tard, tête baissée dans ce volcan d’atomes que vous amassez sous vos pieds, depuis des années, avec une fébrilité de fous inconscients.

Et en prêtre, je ne cesse de crier tout haut qu’il est grand temps que l’Église d’Occident, à commencer par le Vatican, se réveille de son impardonnable coma.

Demain, il sera trop tard !

Père Elias Zahlaoui Damas, le 23/6/2017



Articles Par : Pr. Elias Zahlaoui

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