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Un scénario de secours aux sinistrés d’Haïti était prévu par les militaires étasuniens un jour avant le tremblement de terre
Par Prof Michel Chossudovsky
Mondialisation.ca, 10 janvier 2020
25 janvier 2010
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/un-sc-nario-de-secours-aux-sinistr-s-d-ha-ti-tait-pr-vu-par-les-militaires-tasuniens-un-jour-avant-le-tremblement-de-terre/17200

Il y a dix ans, un tremblement de terre à Haïti de magnitude 7,0 à 7,3 est survenu dans ce petit pays des Caraïbes, l’un des plus pauvres au monde, le 12 janvier 2010. Ce sinistre a fait plus de 200.000 morts. Nous publions de nouveau le texte de Michel Chossudovsky publié en français le 25 janvier 2010.


Un scénario de secours aux sinistrés avait été envisagé pour Haïti au quartier général de l’US Southern Command (SOUTHCOM), basé à Miami, un jour avant le tremblement de terre.

Les simulations de préparation à un désastre étaient celles d’un ouragan frappant Haïti. Elles se sont tenues le 11 janvier (Bob Brewin, Defense launches online system to coordinate Haïti relief efforts (15/1/10) — GovExec.com, le texte complet de l’article se trouve dans l’Annexe).

L’Agence des systèmes d’information de la Défense (DISA, Defense Information Systems Agency), sous la juridiction du Département de la Défense (Department of Defense, DoD), a mis au point ces scénarios pour le compte de SOUTHCOM.

Connue comme une « Agence d’Appui Tactique », la DISA est mandatée pour mettre à la disposition de l’armée états-unienne des systèmes informatiques, de télécommunication et des services logistiques. (Voir le site de la DISA : Defense Information Systems Agency).

La veille du tremblement de terre, lundi [11 janvier 2010], Jean Demay, directeur technique de la DISA pour le Projet de Coopération et de Partage d’Informations Transnationales de l’agence, se trouvait au quartier général de l’US Southern Command à Miami, afin de tester le système avec un scénario comportant un plan de sauvetage d’Haïti, après le passage d’un ouragan. (Bob Brewin, op cit, soulignement ajouté par l’auteur).

Le Projet de Coopération et de Partage d’Informations Transnational (Transnational Information Sharing Cooperation Project, en anglais, TISC), est un outil d’information-communication qui « relie des organisations non gouvernementales et les Etats-Unis [le gouvernement et l’armée] et d’autres pays, pour acheminer, coordonner et organiser des opérations de secours ». (Government IT scrambles To Help Haïti [Les technologies de l’information du gouvernement se précipitent au chevet d’Haïti], TECHWEB 15 janvier 2010).

Le TISC est un composant essentiel de la militarisation des secours d’urgence. Au travers de la DISA, l’armée étatsunienne surveille le système de communication et d’information des organisations humanitaires impliquées dans les secours. Il s’agit essentiellement d’un système de partage des communications contrôlé par les militaires US, qui est mis à la disposition des partenaires approuvés parmi les organisations non gouvernementales. Par ailleurs, la DISA “fournit la largeur de bande passante nécessaire pour aider les organisations impliquées dans le sauvetage d’Haïti. »

Il n’y a aucun détail sur la nature des tests réalisés au QG du SOUTHCOM le 11 janvier.

Jean Demay, de la DISA, devait coordonner les tests. Il n’y a aucun rapport sur les participants impliqués dans les scénarios de secours aux sinistrés.

Tout le monde s’attendrait, étant donné le mandat de la DISA, à ce que les tests aient concerné des simulations sur les communications, la logistique et les systèmes d’information dans le cadre d’un programme d’aide urgente et massive à Haïti.

Le concept le plus important sur lequel s’appuie le Projet de Coopération et de Partage d’Informations Transnational (TISC) de la DISA est de «réussir à coordonner les actions des forces militaires, des partenaires de coalition et des ONGs » (Defense Daily, 19 Décembre 2008).

Durant le déroulement des tests et des simulations de secours, le 11 janvier, le TISC s’était révélé, en rapport avec le désastre envisagé sur Haïti, « en parfait état de fonctionnement ». Le 13 janvier, le lendemain du tremblement de terre, le SOUTHCOM prit la décision d’utiliser son système TISC, qui avait été testé à Miami deux jours plus tôt :

« Après le tremblement de terre ce mardi [12 janvier 2010], Demay a déclaré que le SOUTHCOM avait décidé de se déplacer là-bas, avec le système. Mercredi [le lendemain][13 janvier 2010], la DISA rendit opérationnel son réseau d’accès pour tous ses partenaires [ All Partners Access Network – APAN], reposant sur le Projet de Coopération et de Partage d’Informations Transnational (TISC), disponible pour toutes les organisation impliquées dans le sauvetage d’Haïti.

Le projet de partage d’informations, développé avec l’appui du SOUTHCOM et du Centre de Commandement Européen du Département de la Défense (Defense Department’s European Command), existe depuis trois ans. Son but est de faciliter une collaboration multilatérale entre les agences fédérales et non gouvernementales.

Demay a déclaré que, depuis que la DISA avait fourni à l’Aide Humanitaire et à la Communauté des Secours aux Sinistrés pour Haïti l’accès à l’APAN ce mercredi [le lendemain du tremblement de terre], près de 500 organisations et particuliers les avaient rejoint, incluant des unités de Défense et diverses organisations non gouvernementales (ONG) et groupes de secours. (Bob Brewin, Defense launches online system to coordinate Haïti relief efforts [la Défense lance en direct un système pour coordonner les efforts de sauvetage d’Haïti] (15/1/2010) – GovExec.com soulignement par l’auteur)

La DISA a un bureau régional du SOUTHCOM à Miami.

En rapport avec le Programme de Secours d’Urgence pour Haïti, mis en route le 12 janvier, le mandat de la DISA comporte en partie une opération militaire soigneusement planifiée :

« La DISA fournit à l’US Southern Command (SOUTHCOM) des capacités d’information qui permettront à notre nation d’être rapidement à la hauteur de la situation critique en Haïti, » a déclaré Larry K. Huffman, le directeur principal, à la DISA, pour les opérations d’information globale sur le terrain. « Notre expérience dans le déploiement de supports aux opérations en cours autour du monde nous permet de répondre au mieux aux besoins de l’US SOUTHCOM. »

La DISA, une Agence d’Appui Tactique, élabore et [sic] fournit des capacités de commandement, de contrôle, de création d’infrastructures pour rester opérationnel et assurer un service global et de support direct, basé sur le net, pour relier les forces militaires, les chefs d’état, et tout autre partenaire de mission ou de coalition à travers l’ensemble des opérations. En tant que leader des communications, rattaché au Département de la Défense, la DISA utilise le système de communications satellite de la défense (Defense Satellite Communications System) pour mettre à disposition de toutes les organisations de sauvetage d’Haïti toutes les fréquences et largeurs de bande nécessaires.

Cela inclut des missions de supra hautes fréquences qui fournissent une largeur de bande pour les bateaux de la US Navy et pour une unité de la Marine Expéditionnaire, qui doit arriver bientôt sur les lieux pour renforcer la sécurité, amener de l’aide médicale et des hélicoptères, entre autres supports.

Cela inclut également la mise de toutes les communications satellites à disposition de l’US Air Force engagée dans le contrôle du trafic aérien et des opérations de transport à l’aéroport saturé de Port-au-Prince. La DISA fournit également des canaux d’ultra haute fréquence (UHF) militaires et s’engage dans des missions SATCOM additionnelles, commerciales, qui améliorent encore leur capacité à faciliter les efforts de sauvetage. (DISA –Press Release, Janvier 2010, non daté, soulignement par l’auteur).

Tout de suite après le tremblement de terre, la DISA a joué un rôle clé dans le support du SOUTHCOM, qui fut désigné de facto par l’administration Obama comme « l’agence principale » dans le programme de secours états-unien à Haïti. Le système sous-jacent consiste à intégrer les agences de secours civiles à l’intérieur d’un système avancé de communications et d’information contrôlé par l’armée états-unienne.

« La DISA est en train de développer une nouvelle technologie à Haïti, qui relie déjà des organisations non gouvernementales (ONG), d’autres nations et les forces états-uniennes, unies pour acheminer, coordonner et mieux organiser les efforts des secours » (Ibid)

Michel Chossudovsky

 

Article original en anglais, A Haiti Disaster Relief Scenario Was Envisaged by the US Military One Day Before the Earthquake, publié le 25 janvier 2010.

Traduction : Pascal Sacré pour Mondialisation.ca.

Article relié :

La militarisation de l’aide d’urgence à Haïti : opération militaire ou invasion ?  par Michel Chossudovsky, le 21 janvier 2010.

Annexe

La Défense lance en direct un système de coordination des efforts de sauvetage à Haïti
Par Bob Brewin, Govexec.com 15/01/2010
http://www.govexec.com/story_page.cfm?articlaid=44407&dcn=e_gvetwww

Comme des centaines de représentants d’agences gouvernementales et non gouvernementales du monde entier se sont précipitées au secours d’Haïti dévastée par un tremblement de terre, la Defense Information Systems Agency (DISA) a initié un portail web avec de multiples outils de travail en réseau pour aider à coordonner leurs efforts.

Lundi [11 janvier 2010, la veille du tremblement de terre), Jean Demay, directeur technique de la DISA pour le Projet de Coopération et de Partage d’Informations Transnationales de l’agence, se trouvait au quartier général de l’US Southern Command à Miami, afin de tester le système avec un scénario comportant un plan de sauvetage d’Haïti, après le passage d’un ouragan. Après le tremblement de terre de ce mardi [12 janvier 2010], Demay a déclaré que le SOUTHCOM avait décidé de se déplacer là-bas, avec le système. Mercredi [13 janvier 2010], la DISA rendit opérationnel son réseau d’accès pour tous ses partenaires [All Partners Access Network – APAN], reposant sur le Project de Coopération et de Partage d’Informations Transnational (TISC), disponible pour toutes les organisations impliquées dans le sauvetage d’Haïti.

Le projet de partage d’informations, développé avec le support du SOUTHCOM et du Centre de Commandement Européen du Département de la Défense (Defense Department’s European Command), existe depuis trois ans. Son but est de faciliter une collaboration multilatérale entre les agences fédérales et non gouvernementales.

Demay a déclaré que, depuis que la DISA avait fourni à l’Aide Humanitaire et à la Communauté des Secours aux Sinistrés pour Haïti, l’accès à l’APAN ce mercredi [le lendemain du tremblement de terre], près de 500 organisations et particuliers les avaient rejoint, incluant des unités de Défense et diverses organisations non gouvernementales et groupes de secours.

L’APAN fournit une série d’outils de collaboration, incluant des systèmes d’information géographique, des pages Internet de type MySpace, YouTube, wikis, et des espaces de discussion (chatroom) multilingues.

En attendant, d’autres organisations abordent des défis technologiques différents. Gianluca Bruni, la responsable des technologies d’information pour la préparation et la réponse aux situations d’urgence pour le Programme Alimentaire Mondial (PAM), basé à Dubaï, met au point les réseaux et les systèmes pour aider les Nations Unies et les organisations non gouvernementales à Haïti. Le PAM a déjà envoyé deux trousses de communications à Haïti, avec systèmes de satellites qui opèrent à 1 megabyte par seconde et peuvent supporter jusqu’à 100 utilisateurs.

Il a également envoyé des ordinateurs, des bornes d’accès Wifi, des systèmes de liaison longue distance sans fils pour connecter les utilisateurs éloignés aux terminaux des satellites. Bruni a déclaré par la suite que le PAM planifiait d’installer des cybercafés à Haïti pour tous les secouristes du pays.

John Anderson, un porte-parole de la DISA, a déclaré que l’agence avait consacré 10 megabytes de la capacité satellite aux unités des Forces aériennes et navales impliquées dans l’opération de sauvetage d’Haïti.

Un grand nombre des agences de secours à Haïti apportent leurs propres systèmes radios sur l’archipel. La DISA a déployé une équipe triangulaire de son Joint Spectrum Management Element pour aider à la gestion de tout le spectre de radiofréquences.

L’Elément de Support des Communications (Joint Communications Support Element -JCSE) de l’United States Joint Forces Command (JFCOM), a déployé deux équipes munies de systèmes de communication satellite et téléphoniques VoIP pour appuyer le SOUTHCOM à Port-au-Prince mercredi dernier. Ces systèmes ont été opérationnels « en quelques heures », a déclaré le chef des opérations (JCSE Chief of Staff) Chris Wilson. L’agence enverra une autre équipe à Haïti dans quelques jours.

Wilson a déclaré que le JCSE pouvait se déployer si rapidement à Haïti parce que les systèmes avaient déjà été mis en route à Miami en préparation d’un exercice qui avait été annulé.

Tellement de gouvernements et d’agences du monde entier ont réagi à la crise en Haïti qu’ils ont dépassé les capacités de l’aéroport de Port-au-Prince pour accueillir les avions de sauvetage. La FAA, l’administration fédérale d’aviation, a dû maintenir au sol ses avions en partance pour Haïti pendant plus de deux jours.

La FAA a averti dans un bulletin de renseignements, vendredi, en raison de l’encombrement des pistes d’atterrissage de l’aéroport de Port-au-Prince, à l’exception des avions cargo internationaux, que « les Haïtiens n’acceptaient plus aucun avion dans leur espace aérien. »

Le bulletin d’information ajoutait que les vols réguliers, civils et militaires états-uniens, vers Haïti, devaient être les premiers à être enlevés par leur centre de commande. Les exceptions seront basées uniquement sur l’espace d’atterrissage. L’agence a également averti sans équivoque qu’ « il n’y avait pas assez de carburant disponible » à l’aéroport de Port-au-Prince.

Copyright Bob Brewin, Govexec.com, 2010

 

Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur d’économie à l’Université d’Ottawa. Il est l’auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller international publié en 12 langues).    

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