Une fois de plus on nous fait croire que les «bons» combattent les «méchants»

Parfois, il ne faut que peu de mots pour montrer par quelles méthodes primitives on veut nous faire croire que la guerre soit une bonne chose. Le porte-parole républicain de la Chambre des représentants des Etats-Unis John Boehner a exigé, selon la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» du 20 septembre, que des troupes terrestres américaines interviennent dans la guerre menée contre l’«Etat islamique». Les Etats-Unis n’auraient pas d’autre choix: «Ce sont des barbares. Ils veulent nous tuer. Si nous ne les anéantissons pas les premiers, nous en payerons le prix.»

Cela ne ressemble pas seulement au «Far West», c’est sérieux. Bien sûr, Boehner a évité de mentionner que les souffrances humaines perdurant au Proche et Moyen Orient depuis bien des années résultent de la «malédiction du méfait» (Peter Scholl-Latour). Ce «méfait» connaît beaucoup d’acteurs dans les Etats occidentaux, par exemple les vols de la CIA transportant des combattants libyens en Syrie, comme l’affirme un politologue de l’Université de Bonn qui, par ailleurs, mise complètement sur la guerre, lors d’une interview accordée au Deutschlandfunk. Des politiciens de haut rang américains ont coopéré volontiers avec les «barbares» lorsque ceci paraissait opportun – comme l’article de Thierry Meyssan démontre. Boehner a également oublié de mentionner que c’était un magazine militaire américain qui avait exigé de construire de nouvelles frontières, des soi-disant «bloodborders», au Proche et Moyen Orient et ceci en ayant recours à la force.

Boehner exige «l’extermination» des «barbares» issus de l’«Etat islamique». Rappelons ce que le tueur en série Lénine déclara: «L’objectif commun et unitaire est d’éliminer la vermine de la terre russe.» Qu’est-ce qui sépare ce langage martial de la déshumanisation des humains? Certes, il n’est pas question de minimiser les crimes commis au nom de l’«Etat islamique» ou même de les «comprendre». Mais une «campagne d’extermination» est-elle la bonne voie pour empêcher que des crimes actuellement commis ne soient plus perpétrés à l’avenir? Dans son livre intitulé «From the Ruins of Empire – the Revolt against the West and the Remaking of Asia» Pankaj Mishra décrit de manière pertinente le tort infligé par l’Occident à cette partie du monde et la révolte désespérée contre cela. Serons-nous en mesure de mettre un terme à la violence régnant dans le Proche et Moyen Orient sans comprendre les êtres humains qui y vivent et leur histoire tragique?

En fin de compte: Cui bono? Le public s’intéressant à ce sujet  est au courant qu’aucune guerre, n’a jamais été menée dans un but philanthropique. Cela vaudra également pour la guerre contre l’«Etat islamique». Mais quel est le sens de cette guerre? Quelle logique suit-elle? C’est sur cela qu’on peut également réfléchir. Veut-on par cette voie mener la guerre ouverte contre la Syrie qui n’était pas possible en 2013? Selon la volonté du gouvernement, le parlement turc a donné les pleins pouvoirs à ce dernier pour engager ses troupes en Syrie. Ou bien s’agit-il de montrer à tout le monde que la guerre est une bonne chose – bien que l’humanité entière ne pût pas en être persuadée en dépit de toute propagande poursuivie jusqu’à présent?

Osons faire une prédiction: la guerre contre l’«Etat islamique», elle aussi, n’améliorera rien. Tout au contraire, encore une fois des milliers d’humains mourront, il y aura des souffrances infinies et d’immenses destructions. «War is obsolete», déclara un vétéran américain il y a quelques années, après les guerres menées par les Etats-Unis contre la Yougoslavie, l’Afghanistan et l’Irak. Les destructions et les victimes humaines privées de leurs droits, humiliées et massacrées tout ceci est irréparable. Ces trois pays sont entièrement et à jamais contaminés de radioactivité. Ces guerres n’étaient certainement pas moins «barbares» que les méthodes employées par l’«Etat islamique».



Articles Par : Karl Müller

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