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VI eme Sommet des BRICS : Les graines d’une nouvelle architecture financière
Par Ariel Noyola Rodríguez
Mondialisation.ca, 01 juillet 2014
Contralínea
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Le lendemain de la finale de la Coupe du monde au Brésil, débutera le VI ème Sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Forteleza et Brasilia seront les villes phares de cette rencontre qui aura lieu les 14,15 et 16 juillet pour asseoir enfin une architecture financière d’une nouvelle estampille sous le slogan : « Croissance incluante et solutions durables ». A la différence des initiatives de régionalisation financière asiatique et sudaméricaine, les pays des BRICS, en ne formant pas un espace géographique commun, sont moins exposés à subir des turbulences financières en même temps, accroissent l’efficience de leurs instruments défensifs.

Un Fonds de Réserve monétaire nommé Accord de Fonds de Réserves («  Contingent Reserve Arrangement(CRA) » en anglais) et une banque de développement, appelée Banque BRICS, rempliront les fonctions de mécanisme multilatéral d’appui aux balances des paiements et fonds de financement de l’investissement. De facto, le BRICS prendra ses distances avec le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM), institutions crées il y a 70 ans sous l’orbite du Département d’Etat au Trésor des Etats-Unis d’Amérique. Au milieu de la crise, les deux initiatives ouvrent des espaces de coopération financière face à la volatilité du dollar, et des alternatives de financement pour les pays en situation critique sans les soumettre à conditions à travers des programmes d’ajustement structurel et de reconversion économique.

Comme conséquence de la décélération croissante économique mondiale, il est d devenu plus compliqué pour les pays des BRICS d’atteindre des taux de croissance de 5%. La baisse soutenue du prix des matières premières à usage industriel due à une moindre demande du continent asiatique et le retour de capitaux à court terme vers Wall Street ont eu un impact négatif sur le commerce extérieur et le taux de change. A l’exception de la légère appréciation du yuan, les monnaies des pays des BRICS ont perdu de 8.80 (roupie indienne) à 16 (Rand sud-africain) points en pourcentage face au dollar entre mai 2013 et juin de cette année. Ainsi le CRA BRICS, doté d’un montant de 100 milliards de dollars, avec un apport de 41 milliards de dollars de la Chine, le Brésil, l’inde et la Russie apportant 18 milliards de dollars chacun, et l’Afrique du Sud, 5 milliards de dollars, une fois en marche réduira de façon substantielle la volatilité des changes sur les flux de commerce et d’investissement entre les membres du bloc. Les sceptiques arguent que le CRA aura une importance secondaire et exercera seulement des fonctions complémentaires à celles du FMI. Laissant de coté que, contrairement à l’ « Initiative Chiang Mai » (Chiang Mai Initiative en anglais, dont font partie la Chine, le Japon, la Corée du Sud et 10 économies du l’Association des Nations du Sud Est asiatique), le CRA BRICS pourra se passer de l’aval du FMI pour réaliser ses prêts, ce qui garantit une meilleure autonomie face à Washington. La guerre des devises des économies centrales contre les économies de la périphérie capitaliste exige sa mise en œuvre dans de brefs délais.

Par ailleurs, la Banque BRICS a suscité beaucoup d’attentes. La Banque qui débutera ses opérations avec un capital de 50 milliards de dollars (avec des apports de 10 milliards et 40 milliards en garanties de chacun des membres), aura la possibilité d’atteindre en deux ans 100 milliards de dollars et en 5 ans 200 milliards ; elle comptera avec une capacité de financement allant jusqu’à 350 milliards de dollars pour des projets d’infrastructures, d’éducation, santé, sciences et technologie, et environnement. Néanmoins, en ce qui concerne l’Amérique du sud, les effets à moyen terme ont un double aspect. Tout ne va pas sur des roulettes sur les marchés de crédit. D’un coté, la banque BRICS pourrait bien contribuer à réduire les coûts du financement et renforcer la fonction contre-cyclique de la Coporacion Andina de Fomento (CAF), à travers l’augmentation de crédits en période de crise et ainsi éliminer les prêts de la Banque Mondiale et de la Banque Interaméricaine du Développement (BID). D’un autre coté, nonobstant, comme pourvoyeur de crédit, la Banque BRICS entrera en concurrence avec d’autres entités d’influence considérable dans la région comme la BNDES (Banque Nationale de Développement Economique et Social du Brésil), la CAF, et les banques chinoises avec un plus grand pouvoir de crédit (China Development Bank et Exim Bank of China). C’est invraisemblable que les institutions financières citées fassent converger leurs offres de crédit de façon complémentaires sans affecter leurs portefeuilles d’emprunteurs.

Au sein des BRICS aussi il y a des frictions. L’élite chinoise prétend faire l’apport majoritaire (à la différence de la proposition russe d’établir des apports fractionnés) et que Shanghai soit le siège de l’organisme (au lieu de New Dehli, Moscou ou Johannesburg). Dans le cas où les prêts de la Banque BRICS soient libellés en Yuans, la monnaie chinoise progressera dans son internationalisation et affirmera graduellement sa position comme moyen de paiement et monnaie de réserve au détriment des autres devises. Au-delà de la consolidation d’un monde multipolaire, le CRA et la Banque BRICS, représentent les graines d’une architecture financière qui émerge dans une période de la crise pleine de contradictions, caractérisée tant par la coopération que par la rivalité financière.

Ariel Noyola Rodríguez

 

Article original en espagnol pour la revue Contralínea.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

* Ariel Noyola Rodríguez est membre du projet « Observatorio Económico de América Latina » (OBELA), d’IIEC-UNAM.

El Correo. Paris, le 30 juin 2014.

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