Du droit de la force à la force du droit. Le Conseil de sécurité du XXIe siècle.
«Je ne sais pas comment la troisième guerre mondiale sera menée, mais je sais comment le sera la quatrième avec des bâtons et des pierres.» Albert Einstein
Le Conseil de sécurité organe émanant de la Charte des Nations unies est en principe garant de la stabilité du monde. Dans la réalité, il n’en est rien. Les pires travers sont à signaler, notamment l’abus du droit de véto qui fait qu’il n’y a pas à titre d’exemple de solution pour la cause palestinienne Déjà à l’époque, l’Assemblée des Nations unies «le grand machin» pour reprendre une expression du président français De Gaulle, était vue comme quantité négligeable et on se souvient que l’inscription de la question algérienne à l’ONU a été traitée par le mépris par la France, membre permanent du Conseil de sécurité intronisé au lendemain de la défaite de l’Allemagne contre les Alliés (Etats-Unis France, Grande-Bretagne) et la Russie.
Pour, rappel, le Conseil de sécurité des Nations unies est l’organe exécutif de l’Organisation des Nations unies (ONU). Le Conseil est défini comme ayant «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale» selon la Charte des Nations unies et dispose pour cela de pouvoirs spécifiques tels que le maintien de la paix, l’établissement de sanctions internationales et l’intervention militaire. Certaines décisions, appelées résolutions, du Conseil de sécurité ont force exécutoire et «les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité». «Le Conseil de sécurité est composé de 15 membres: cinq permanents pourvus du droit de veto (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie).() ce sont les principaux vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, et parce que représentant à ce moment-là la majorité de la population mondiale (en comptant les empires coloniaux), chacun à peu près à égalité. et dix élus pour une durée de deux ans (renouvelés par moitié tous les ans)» (1)
Au fil des ans et depuis plus de 70 ans, le Conseil de sécurité ne répond plus à la physionomie actuelle du monde d’autant que les membres du Conseil de sécurité profitent de leur puissance réelle ou supposée et au lieu de mettre en oeuvre la force du droit c’est le droit de la force, nous l’avons vu avec la quarantaine de résolutions pour faire entendre raison à Israël chaque fois bloquées par le veto américain. La nécessité de changer à la fois la composition et l’usage du droit de veto a commencé au début des années 90. Un groupe de travail, créé en 1993, a proposé en 1996 d’inclure cinq nouveaux membres permanents, comprenant l’Allemagne, le Japon et trois nations du tiers- monde, et suggéré de créer quatre autres sièges de membres non permanents dans le but d’accroître la représentativité du Conseil. Pour sa part, en 2005 Koffi Annan, le septième secrétaire général des Nations unies, soutient un plan comprenant l’ajout de six nouveaux membres permanents. l’Allemagne, le Brésil, l’Inde et le Japon avec deux sièges à l’Afrique. Les États pouvant y prétendre seraient l’Afrique du Sud, et l’Égypte.
Réforme du Conseil de sécurité :le long chemin
On se retrouverait ainsi avec 21 membres dont 11 permanents. S’agissant du droit de veto des propositions ont été faites, la plus étrange venant d’une organisation pacifique. En 2012, lors de la guerre imposée à la Syrie, le secrétaire général d’Amnesty International Salil Shetty a déclaré qu’«il doit y avoir un moyen qui, lorsqu’il s’agit d’abus de droits de l’homme à l’échelle dont nous parlons, rend l’utilisation du droit de veto tout simplement inacceptable». Il voulait que le Conseil de sécurité vote une résolution à la libyenne, votée et exécutée quelques heures après. Il y a quelques années en juin 2011 Joseph Deiss, président de l’Assemblée générale des Nations unies, avait déclaré que, si l’on veut que les Nations unies conservent leur crédibilité, les pays doivent cesser de parler et entamer de vives négociations sur une réforme du Conseil de sécurité tenant compte des nouvelles réalités politiques. «La réforme du Conseil de sécurité de l’ONU est un sujet depuis environ deux décennies déjà, sans aucun progrès significatif. Nous devons maintenant entamer des négociations », a déclaré l’économiste et homme politique suisse. Appelant à un rôle accru des puissances économiques émergentes sur la scène mondiale, M. Deiss a néanmoins souligné que ce rôle s’accompagnait de devoirs et de responsabilités». (2)
Il est temps de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU
Voulons nous la paix pour le Monde , étant convaincu que le Conseil de Sécurité actuelle a rempli sa fonction historique ? Le moment est venu de faire preuve d’imagination Pour faire face aux problèmes du monde du XXIe siècle, le Conseil doit être mieux représenté et travailler plus efficacement, relève une déclaration commune du groupe G4 à l’issue d’une réunion à New York le samedi 26 septembre. Dans leur forme actuelle, les réformistes estiment que le Conseil de sécurité manque de légitimité. La déclaration commune a clairement indiqué la position du groupe des pays du G4 qu’il était préoccupé par le fait qu’il n’y avait pas eu de progrès substantiels depuis que l’ONU avait promis une «réforme rapide» en 2005. Le G4 insiste maintenant pour qu’un calendrier de réforme contraignant soit adopté. L’Italie s’oppose à l’adhésion de l’Allemagne, tandis que l’Argentine et la Chine s’opposent respectivement à l’adhésion du Brésil et du Japon. En outre, les pays africains n’ont pas encore pu se mettre d’accord sur le choix du représentant.
Nous sommes en décembre 2018, le dossier pendant depuis plus de 25 ans refait surface. A une période où un nouveau monde est apparu après l’an 2000, l’hyper-puissance américaine est obligée de composer avec l’apparition de nouveaux acteurs puissants économiquement, technologiquement, et militairement. Certains même dépassant les deux anciens membres l’Angleterre et la France. Angela Merkel est l’un des leaders qui frappent le plus souvent à la porte des membres permanents de l’ONU. Et pour cause, le pays le plus peuplé, le plus riche, le plus économiquement abouti, qui a la capacité de fabriquer les bombes – puisque c’est le critère sous-entendu des cinq pays actuels du Conseil de sécurité. Encore une fois, c’est par l’Allemagne que le scandale arrive! Coup de tonnerre en France: le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a proposé mercredi 29 novembre à la France de renoncer à son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et de le transformer en siège de l’Union européenne afin de permettre au bloc de parler d’une seule voix sur la scène mondiale. Après le Brexit, le seul pays de l’UE disposant d’un siège permanent et d’un droit de veto au sein du conseil de sécurité de l’ONU sera la France. Pour alléger la peine de perdre son siège puissant, la France pourrait devenir «l’ambassadeur permanent de l’UE auprès des Nations unies», a ajouté Scholz, qui est également vice-chancelier de l’Allemagne. (…) L’Allemagne commencera son mandat au Conseil de sécurité en janvier, en tant que membre non permanent. En 2010, Barack Obama, alors président des États-Unis, a exprimé son soutien aux efforts déployés par l’Inde pour devenir membre permanent du Conseil de sécurité.» (4)
Les élites allemandes ne se contentent plus de jouer les seconds rôles dans les relations internationales, elles veulent concilier leur puissance économique à une puissance politique qui pèse sur le plan géostratégique. De plus, le couple franco- allemand paraît de plus en plus comme une improbabilité et seule une Europe forte pourra être l’égal en termes de puissance des autres géants du Conseil de sécurité. On peut penser cependant que les élites allemandes veulent s’émanciper de leurs conditions qu’elles traînent comme un boulet depuis 1945. Bien qu’elles soient les meilleures, surtout depuis la réunification dont ne voulait pas la France de Mitterrand et que George Bush père a encouragée. Il est un fait, qu’il existe une tendance au sein du patronat allemand qui a tout intérêt à établir un partenariat stratégique avec la Russie.
La France ne cédera jamais son siège !
On l’aura compris, les élites françaises n’ont veulent à aucun prix de ce scénario, Ils y voient une démonétisation du sacerdoce de de Gaulle dont l’obsession est de sortir de l’orbite américaine en ayant sa propre défense sa capacité nucléaire inaugurée après le premier essai nucléaire dans le Sahara algérien à Reggane en pleine guerre le 13 février 1960 le général de Gaulle adresse un message de félicitations à Pierre Guillaumat en ces termes : « Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière. Du fond du cœur, merci à vous et à ceux qui ont pour elle remporté ce magnifique succès. » Ce n’est certainement pas l’avis des populations de Reggane qui continuent à souffrir dans leur chair a vue des multiples maladies et des malformations congénitales tout cela pour l’hubris des hommes !
On comprend les réactions violentes des partisans de la force. La Foudre s’est abattue et les articles au vitriol n’ont pas cessé. Même Merkel est clouée au piloris. Comment ose-t-elle proposer qu’il y ait un siège pour l’Europe au détriment de la France. Nous allons résumer quelques analyses où on apprend que la haine du boche, n’est jamais loin! Nous lisons quelques morceaux d’anthologie qui nous confortent que le couple franco- allemand voulu par De Gaulle et Adenauer est une utopie pratiquement depuis la réunification.
L’auteur convoque le passé et assigne l’Allemagne actuelle à sa situation de pays défait en 1945. «Sauf cataclysme planétaire majeur ou une guerre thermonucléaire globale, la France ne cédera jamais son siège au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies et ne le fera jamais tant que l’Organisation continuera à exister avec ses statuts actuels. Déjà qu’elle avait failli ne pas y être; Roosevelt n’était pas pour et paradoxalement, c’est grâce au «petit père des peuples soviétiques», Staline, que la France est l’un des cinq membres permanents du Conseil. (…) La proposition allemande de céder le siège de la France au Conseil de sécurité au profit de l’Union européenne avec un représentant français aurait pu déclencher une quatrième guerre franco-allemande à une autre époque. Ladite proposition émane moins d’un certain esprit européen que d’un amalgame maladroit entre la puissance économique actuelle de l’Allemagne et l’amnésie de la défaite de mai 1945. Berlin feint d’ignorer qu’il a perdu la guerre et que de ce fait, il n’a aucunement à prétendre à occuper un siège au Conseil de sécurité des Nations unies sous couvert de l’Union européenne. Car au final, c’est de cela qu’il s’agit. L’idée du Reich est toujours dans l’inconscient politique allemand. Alors, si des conseillers de la chancelière croient vraiment que Paris leur cédera un strapontin «au machin» des Nations unies au nom des idéaux de Robert Schuman, c’est qu’ils croient encore au Père Noël en version Disney!». (5)
Tant que le Royaume-Uni était dans l’Union européenne, cela n’était pas envisageable car deux pays de l’Union, la France et ledit Royaume-Uni, ont un siège permanent. On ne voit donc pas lequel des deux pays devrait accepter de perdre son siège et selon quel principe? Après le Brexit, les choses deviennent terriblement faciles. Il ne reste plus qu’un seul siège, celui de la France, et les pressions exercées par les autres pays pour que le siège permanent de la France soit transformé en siège permanent de l’UE vont devenir importantes
Même le ministre Jean Pierre Chevènement -que nous avons connu une fois plus inspirée quand il n’a pas voulu cautionner la démolition de l’Irak ne 1991 en démissionnant de son poste de ministre de la Défense – y est allé aussi de son couplet « nationaliste » voire souverainiste agitant l’argument fallacieux de l’affaiblissement de l’Europe si elle n’avait qu’un siège aux Nations Unies ; Alors que dans le même temps le président Macron martèle que l’avenir de l’Europe c’est la nécessité d’avoir une défense commune, s’attirant indirectement les foudres des Etats Unis qui n’ont veulent pas pour cause de double emploi avec l’Otan. Ce qui s’expliquerait , d’après les médias russes, cette Révolution de couleur ( jaune) en France fomentée d’après eux par l’Oncle Sam…
Conclusion
De notre point de vécu, le Conseil de sécurité de papa a vécu! Au nom de quels droits les cinq actuels gouvernent le monde? La bombe? Que fait-on du Pakistan? de l’Inde?de la Corée du Nord Le seul à faire fructifier ce spectre est Israël qui n’a pas besoin d’y être, les Etats-Unis veillant sur ses intérêts. La puissance économique? Beaucoup de pays dépassent les trois membres, à l’exception de la Chine et des Etats- Unis, Allemagne, Inde et même Brésil Représentativité: l’Inde avec 1,3 milliard d’individus, le Brésil 200 millions, le Japon 120 millions ne sont pas représentés. Il est clair que les critères ayant prévalu au siècle dernier n’ont plus cours. Sur la base des propositions de Koffi Annan, les cinq actuels auxquels s’ajoutent l’Allemagne, le Japon et les trois membres des Brics, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Nous aurons à la fois une représentation par continent et par puissance économique.
Quelle serait l’instance de recours au dessus de celles des nations « élues »- ce terme a une connotation biblique- dans ce Conseil ? Comment hiérarchiser les étapes jusqu’au recours ultime censé être l’horizon indépassable. Justement La notion de hiérarchie des normes a d’abord été formulée par le théoricien du droit Hans Kelsen (1881-1973), , qui tentait de fonder le droit sans faire appel à la morale et au jus naturalisme, ceci afin d’élaborer une science véritable du droit (donc axiologiquement neutre, c’est-à-dire indépendante des présupposés subjectifs et des préjugés moraux de chacun). Selon Kelsen, toute norme juridique reçoit sa validité de sa conformité à une norme supérieure, formant ainsi un ordre hiérarchisé. Plus elles sont importantes, moins les normes sont nombreuses: la superposition des normes (circulaires, règlements, lois, Constitution) acquiert ainsi une forme pyramidale, ce qui explique pourquoi cette théorie est appelée pyramide des normes. (…) La norme placée au sommet de la pyramide étant, dans de nombreux systèmes juridiques, la Constitution. Puisque la Constitution elle-même ne pouvait recevoir son caractère obligatoire que d’une norme supérieure, et qu’une telle norme n’existait pas, Kelsen faisait intervenir le concept de « norme fondamentale », qui consiste principalement en un présupposé méthodologique nécessaire afin de donner un caractère cohérent à la théorie du droit. C’est pourquoi la constitution a une force juridique particulière, supérieure aux autres normes, qui devront dès lors la respecter. Plusieurs théoriciens de la hiérarchie des normes placent un bloc supplémentaire au-dessus du bloc de constitutionnalité : pour les athées et les laïques ce bloc est dénommé « Droit naturel », tandis que pour les croyants ou les religieux il s’agit du « Droit Divin ». » (6)
Cela pose en définitive la question primaire qui surveille les surveillants de la paix du Monde. ? On est bien obligé de faire confiance tout en mettant des gardes fous Parmi ceux là le Droit de veto . L’histoire récente a montré les dégâts qu’il a fait. C’est de fait le droit de vie et de mort sur les peuples et leurs dirigeants Ce droit de véto est à géométrie variable on le brandit quand il s’agit de l’impunité d’Israël on l’ignore quand il faut passer outre. A tel point que même avec le veto, on a eu la démolition de l’Irak qui n’en finit pas de souffrir. Il serait salutaire que le veto soit supprimé, que le vote ait lieu à la majorité des deux tiers. Les Etats-Unis ou la Russie se font peur en terrorisant les autres, ils ne donnent pas l’exemple, en détruisant leurs stocks d’armes.
Tous les membres du Conseil mettent au point des armes nucléaires plus performantes, plus intelligentes… Ils en font un fonds de commerce. En même temps, ils menacent de châtiment fire and fury quiconque aurait la velléité de fabriquer sa bombe à part eux . Le monde est sur une trajectoire guerrière. Quelles sont les chances pour l’humanité de parvenir à une égale dignité à la paix, au vivre ensemble non pas face à face, mais côte à côte? Nous n’en savons rien. Imaginons une société humaine apaisée. La fonction du Conseil de Sécurité serait une sinécure du fait que les peuples mettraient en avant l’empathie Si tel était le cas, nous passerions alors du droit de la force, à la force du droit, à l’apaisement, à la sagesse. Amen!
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
Notes
1.https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_des_Nations_unies
2.https://www.euractiv.com/section/global-europe/news/time-to-reform-un-security-council-says-ga-chief/ 8 juin 2011.
3.https://www.upr.fr/actualite/france-europe/couple-franco-allemand-alliance-germano-americaine-1-ans-le-27-fevrier-2014/https://www.euractiv.com/section/global-europe/news/un-security-council-reform-back-in-the-limelight/
4.https://www.euractiv.com/section/global-europe/news/germany-urges-france-to-turn-its-un-seat-into-eu-one/?utm_source=EURACTIV 28 nov. 2018
5.https://strategika51.blog/2018/11/29/la-france-ne-cedera-jamais-son-siege-au-conseil-de-securite-des-nations-unie
6.https://fr.wikipedia.org/wiki/Hi%C3%A9rarchie_des_normes
Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _chitour/305050-le-conseil-de-securite-du-xxie-siecle.html