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50 vérités sur Gabriel García Márquez
Par Salim Lamrani
Mondialisation.ca, 04 août 2017

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L’écrivain colombien, génie du réalisme magique dont les écrits ont marqué à jamais l’histoire littéraire universelle, s’est éteint au Mexique le 17 avril 2014 à l’âge de 87 ans.

1. Né le 6 mars 1927 à Aracataca, département de Magdalena, en Colombie, au sein d’une famille modeste de 16 enfants, Gabriel José de la Concordia García Márquez, surnommé Gabo par ses proches, est sans doute l’un des plus grands écrivains latino-américains.

2. Peu après sa naissance en 1929, ses parents Gabriel Eligio García et Luisa Santiaga Márquez Iguarán sont contraints de déménager à Barranquilla pour des raisons professionnelles. Le petit Gabriel est alors confié à ses grands-parents maternels.

3. Son grand-père, le colonel Nicolás Ricardo Márquez Mejía, surnommé Papalelo, vétéran de la Guerre des mille jours – conflit fratricide qui a opposé le Parti Libéral au Parti National entre 1899 et 1902 –, excellent conteur, a une grande influence sur lui et devient le « cordon ombilical avec l’histoire et la réalité ». Progressiste, il s’était insurgé contre le massacre des bananeraies en décembre 1928, où plus de 1 000 ouvriers agricoles grévistes de la United Fruit Company avaient été massacrés par l’armée colombienne, suite aux menaces de Washington d’envoyer ses propres troupes pour protéger les intérêts de la multinationale. Le colonel raconte cette tragédie à son petit-fils. Il lui fait également découvrir les trésors du dictionnaire. « Il est difficile d’oublier un tel grand-père », confiera García Márquez.

4. Sa grand-mère Tranquilina Iguarán Cotes, affectueusement surnommée « mamie Mina » par le jeune Gabriel, est une « femme superstitieuse et dotée d’une grande imagination ». Elle le passionne elle aussi par ses histoires et ses récits extraordinaires ainsi que par sa manière de les conter. Elle devient ainsi sa première source d’inspiration. « Depuis que je suis né, je savais que j’allais être écrivain. Je voulais être écrivain. J’avais la volonté, la disposition, la motivation et l’aptitude pour être écrivain. Je n’ai jamais pensé que je pouvais faire autre chose que cela. Je n’ai jamais pensé que je pourrais en vivre. Mais j’étais disposé à mourir de faim pour être écrivain ».

5. A la mort de son grand-père en 1936, le jeune Gabriel, alors âgé de 9 ans, rejoint ses parents à Sucre. Il est envoyé en internat à Barranquilla, situé sur la rive du fleuve Magdalena, puis au collège des jésuites San José en 1940. Il obtient une bourse et poursuit ses études secondaires au Lycée national de Zipaquirá, situé à une heure de Bogotá.

6. En 1947, il entreprend des études de Droit à l’Université nationale de Colombie, à Bogotá et s’adonne à la lecture. Il dévore Ernest Hemingway, James Joyce, Virginia Woolf et surtout William Faulkner, son « maître ». Il est également marqué par Franz Kafka et son livre La métamorphose, qui lui inspirera son premier conte. Il se passionne également pour les classiques de la tragédie grecque tels qu’Oedipe roi de Sophocle.

7. Le jeune García Márquez est profondément marqué par le mouvement poétique Piedra y Cielo qui a vu le jour en 1939. Il avouera plus tard : « Sans Piedra y Cielo, je ne suis pas sûr que je serais devenu [un bon] écrivain. J’y ai appris non seulement un système pour métaphoriser, mais plus important encore, un enthousiasme pour la poésie qui, chaque jour qui passe, me manque davantage et me rend profondément nostalgique ».

8. S’inspirant des récits de sa grand-mère, il décide de se lancer dans l’écriture et publie son premier conte, La tercera resignación, dans le journal El Espectador, le 13 septembre 1947.

9. Le 9 avril 1948, Gabriel García Márquez est pris dans le tourbillon du Bogotazo, une explosion sociale sanglante qui fait suite à l’assassinat du leader politique socialiste Jorge Eliécer Gaitán. L’université est fermée et la pension où il est logé est ravagée par les flammes. Il décide donc de s’inscrire à l’Université de Carthagène.

10. Après deux années d’études de Droit, il abandonne l’Université pour se dédier à son autre grande passion : le journalisme. « Quand j’ai commencé la troisième année de Droit, cela ne m’intéressait plus car j’étais totalement passionné par la littérature et le journalisme ». Entre 1948 et 1952, il travaille en tant que reporter pour les journaux El Universal puis El Heraldo à Barranquilla. « Je suis arrivé au journalisme car il permet de raconter des choses […]. Il faut considérer le journalisme comme un genre littéraire », souligne-t-il.

11. En 1954, il retourne à Bogotá où il est engagé comme reporter et critique de cinéma par le journal El Espectador. En 1955, García Márquez révèle la vérité sur la tragédie du navire de guerre A.R.C. Caldas. Il publie une série de quatorze chroniques à ce sujet, basées sur des entretiens avec Luis Alejandro Velasco, un marin ayant survécu au drame qui a coûté la vie à sept personnes tombées à la mer. García Márquez y démontre non seulement tout son talent d’écrivain et de conteur mais détruit également la version officielle du naufrage selon laquelle la tragédie serait due aux mauvaises conditions climatiques. En réalité, le pont du navire était surchargé de marchandises de contrebande (appareils électroménagers ramenés des Etats-Unis) et la rupture d’un câble avait fait tomber huit hommes à la mer. La révélation de ce scandale suscite l’ire du régime militaire et García Marquez est envoyé à Europe en tant que correspondant pour fuir d’éventuelles représailles. En 1970, ce récit sera publié sous le titre Journal d’un naufragé.

12. Avant de s’envoler pour l’Europe, Gabriel García Márquez publie en 1955 son premier roman, Des feuilles dans la bourrasque, qui est salué par la critique, mais qui est un échec commercial. Pour ce roman, « le plus sincère et le plus spontané », où il évoque pour la première fois ce village imaginaire appelé Macondo, le jeune écrivain ne reçoit « même pas un centime de droits d’auteur ».

13. Garcia Márquez visite plusieurs pays d’Europe occidentale et du monde socialiste et publie plusieurs reportages dans El Espectador.

14. L’écrivain colombien s’installe ensuite à Paris en 1957. Son séjour dans la capitale française revêt une importance transcendante : « Ce qui a été important pour moi à Paris a été la perspective que la ville m’a donnée de l’Amérique latine. Là-bas, je n’ai pas cessé d’être un caribéen, mais un caribéen qui s’est rendu compte de ce qu’était sa culture ». C’est dans la capitale française, berceau de la Révolution, que débute son engagement politique : « J’ai pu me passer de tous les engagements que j’avais avec la littérature et je me suis centré sur l’engagement politique ». Grâce à son ami Nicolás Guillén, poète cubain, il s’intéresse à la Révolution de Fidel Castro qui secoue le joug de la dictature militaire de Fulgencio Batista.

15. A Paris, Gabriel García Márquez vit dans des conditions économiques précaires et il est contraint de fouiller les poubelles pour s’alimenter. En pleine guerre d’Algérie, il fréquente les indépendantistes du Front de Libération Nationale. Il est même arrêté et malmené par la police française qui l’avait pris pour un « rebelle algérien ».

16. En décembre 1957, García Márquez obtient un poste au sein du journal Momento, à Caracas. Un mois plus tard, il est témoin direct du soulèvement populaire contre le dictateur vénézuélien Marcos Pérez Jiménez, qui se réfugie en République dominicaine. En mai 1958, il devient rédacteur en chef de Venezuela Gráfica.

17. En 1958, il épouse Mercedes Barcha, qu’il connait depuis sa vie d’étudiant et à qui il voue un amour passionné . Elle l’accompagnera tout au long de sa vie. Il explique le secret de sa réussite matrimoniale : « Il y a trois vies : la vie publique, la vie privée et la vie secrète. Les femmes sont présentes dans toutes les trois. Je m’entends mieux avec les femmes qu’avec les hommes. Il y a une clé matrimoniale importante : les femmes disent que l’on résout les problèmes avec le dialogue. C’est tout le contraire : si l’on discute d’un problème, on débouche obligatoirement sur une dispute. Il faut faire confiance, oublier et aller de avant ».

18. En 1959, suite au triomphe de la Révolution cubaine, il participe à la fondation de l’agence de presse Prensa Latina et en devient le correspondant à Bogotá. En 1961, il est nommé correspondant à New York et s’y installe en famille. Mais, suite aux intimidations des autorités et aux menaces des exilés cubains, il est contraint de quitter les Etats-Unis.

19. Gabriel García Márquez se rend à Mexico avec sa famille, « inconnu et sans un sou en poche ». C’est dans la capitale mexicaine qu’il passera une grande partie de sa vie. En 1962, son roman La mala hora remporte le prix de l’Académie colombienne des Lettres.

20. Gabriel García Márquez est également un passionné de cinéma : « J’ai tellement aimé le cinéma que je m’y suis lancé pour les mêmes raisons que j’ai écrit des romans et des contes et que j’ai fait du journalisme : c’était une autre façon de raconter la vie ». Il a suivi des études de cinéma au Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, en compagnie du Cubain Julio García Espinosa et de l’Argentin Fernando Birri, les futurs créateurs du Nuevo Cine Latinoamericano. Il est marqué par le néoréalisme italien et collabore avec Cesare Zavattini. Il a été le scénariste de plusieurs œuvres. Son premier court-métrage, La langosta azul, a été réalisé en 1954. A partir de 1963, il se consacre au septième art et rédige de nombreux scénarios tels que El gallo de oro de Roberto Gavaldón en 1964, En este pueblo no hay ladrones d’Alberto Isaac en 1965, Tiempo de morir de Arturo Ripstein en 1966 qui reçoit le premier prix au Festival international du Film de Carthagène, Pasty, mi amor de Manuel Michel en 1968, Presagio de Luis Alcoriza en 1974, entre autres.

21. Gabriel García Márquez sera également à l’origine de la création de la Fondation du Nouveau Cinéma Latino-américain en 1986, dont le siège se trouve à La Havane et en sera le Président jusqu’à sa mort. La même année, il fonde l’Ecole internationale de cinéma et de télévision à San Antonio de Los Baños à Cuba, qui deviendra une référence mondiale. Grand admirateur de Woody Allen, il collabore également à de nombreuses reprises avec la télévision.

22. En 1967, après plus d’une année entièrement dédiée à l’écriture, ce qui le plonge dans le dénuement économique le plus total, García Márquez publie le chef-d’œuvre qui fera de lui l’un des plus grands écrivains latino-américain. Cent ans de solitude est publié en juin 1967 à Buenos Aires. Le succès est immédiat. Le livre, qui révèle le réalisme magique dans toute sa splendeur, est traduit en près de 40 langues et vendu à plus de 30 millions d’exemplaires. Il remporte de nombreux prix internationaux et l’écrivain colombien acquiert alors une renommée planétaire. Pablo Neruda fait part de son admiration pour l’œuvre : « C’est la plus grande révélation en langue espagnole depuis le Don Quichotte de Cervantès ». De son côté, William Kennedy l’a qualifié de « première œuvre depuis la Genèse dont la lecture est indispensable à toute l’Humanité ».

23. La problématique de la solitude marquera la plupart des œuvres de Gabriel García Márquez. L’auteur colombien s’est expliqué à ce sujet : « Je crois qu’il s’agit d’un problème que tout le monde rencontre. Chaque personne dispose de sa façon et de ses moyens pour l’exprimer. La sensation imprègne le travail de tant d’écrivain ». García Márquez en a fait le thème de son discours lors de la remise du Prix Nobel de littérature sous le titre La soledad de América Latina : « L’interprétation de notre réalité à travers des patrons, qui ne sont pas les nôtres, ne fait que nous rendre de plus en plus inconnus, de moins en moins libres et de plus en plus solitaires ».

24. Gabriel García Márquez voyage à travers le monde et se lie d’amitié avec Fidel Castro, leader de la Révolution cubaine, pour lequel il ne cachera jamais son admiration. Cette amitié durera des décennies : « Ce qui a réellement consolidé cette amitié ont été les livres. J’ai découvert qu’il était si bon lecteur qu’avant de publier un livre, je lui fais parvenir les originaux. Il signale des contradictions, des anachronismes, des inconsistances que même les professionnels de l’édition ne remarquent pas. C’est un lecteur très minutieux. Les livres reflètent très bien l’amplitude de ses goûts. C’est un lecteur vorace. Personne ne parvient à expliquer comment il arrive à trouver le temps ni quelle méthode il utilise pour lire autant et aussi rapidement. Souvent, il prend un livre le matin et le commente dès le lendemain. Sa vision de l’Amérique latine dans l’avenir est la même que Bolívar et Martí, une communauté intégrale et autonome, capable de changer le destin du monde. Voici le Fidel Castro que je crois connaître : un homme aux coutumes austères et aux illusions insatiables, avec une éducation formelle à l’ancienne, aux paroles prudentes et aux manières fines et incapable de concevoir une idée qui ne soit pas démesurée ». Tout au long de sa vie, Gabriel García Márquez séjournera régulièrement à Cuba.

25. Cette amitié avec Fidel Castro et ses idées progressistes suscitent l’hostilité des Etats-Unis qui le déclarent persona non grata et lui interdisent l’entrée sur leur territoire dès 1961. Il faudra attendre l’élection de Bill Clinton, grand admirateur de l’écrivain colombien, pour que cette prohibition soit levée. García Márquez tissera également une relation amicale solide avec le Président des Etats-Unis.

26. Gabriel García Márquez a toujours affirmé ses opinions politiques progressistes. Il les a publiquement assumées : « [Mes détracteurs ont] réalisé des efforts constants pour diviser ma personnalité : d’un côté, l’écrivain qu’ils n’hésitent pas à qualifier de génial, et de l’autre, le communiste féroce […]. Ils commettent une erreur de principe : je suis un homme indivisible, et ma position politique obéit à la même idéologie avec laquelle j’écris mes livres ». Il déclarera également : « Je continue à croire que le socialisme est une possibilité réelle, que c’est la bonne solution pour l’Amérique latine ».

27. De 1967 à 1975, Gabriel García Márquez réside à Barcelone la plupart du temps et s’inspire de la figure du dictateur vénézuélien Juan Vicente Gómez pour rédiger L’automne du patriarche. En Espagne, l’écrivain colombien fréquente de nombreux intellectuels progressistes opposés à la dictature du général Franco.

28. En 1974, avec plusieurs intellectuels et journalistes, Gabriel García Márquez fonde la revue Alternativa en Colombie qui durera jusqu’en 1980. L’écrivain y publie des articles politiques sur la Révolution des Œillets au Portugal, s’intéresse à la Révolution Sandiniste, dénonce la dictature de Pinochet et exprime son soutien pour la Révolution cubaine.

29. En 1981, il profite d’une visite officielle de Fidel Castro en Colombie pour retourner dans son pays. Néanmoins, l’Armée et le Président Julio César Turbay Ayala l’accusent de financer la guérilla M-19. Alerté par des amis de son imminente arrestation, il parvient à obtenir l’asile politique au Mexique. Reconnaissant, il dira à ce sujet : « Il n’y a pas de meilleur service de renseignements que l’amitié ».

30. En 1982, Gabriel García Márquez devient le premier Colombien à obtenir le Prix Nobel de littérature « pour ses romans et histoires courtes, où le fantastique et le réel sont combinés dans un monde tranquille de riche imagination, reflétant la vie et les conflits d’un continent ».

31. Dans son discours d’acceptation, Gabriel García Márquez dénonce la tragique réalité politique et sociale latino-américaine : « Il y a onze ans, un des poètes illustres de notre temps, le Chilien Pablo Neruda, a illuminé cette atmosphère avec son verbe. Dans les bonnes consciences de l’Europe, et parfois dans les mauvaises également, les nouvelles fantasmatiques de l’Amérique latine, cette immense patrie d’hommes hallucinés et de femmes historiques, dont l’entêtement sans fin se confond avec la légende, ont surgi depuis avec plus d’énergie que jamais. Nous n’avons pas eu un instant de répit. Un Président prométhéen retranché dans son palais en flammes est mort en combattant seul contre toute une armée, et deux désastres aériens suspects et jamais éclaircis ont ôté la vie d’un autre au cœur généreux, et celle d’un militaire démocrate qui avait restauré la dignité de son peuple. Durant ce laps de temps, il y a eu 5 guerres et 17 coups d’Etat, et a surgi un dictateur luciférien qui, à notre époque, s’est rendu coupable, au nom de Dieu, du premier ethnocide d’Amérique latine. Pendant ce temps, 20 millions d’enfants latino-américains mourraient avant d’atteindre l’âge de deux ans, un total supérieur à ceux qui sont nés en Europe occidentale depuis 1970. Les disparus pour des motifs de répression sont presque 120.000, et c’est comme si aujourd’hui, on ne savait pas où se trouvent tous les habitants de la ville d’Upsala. De nombreuses femmes enceintes ont accouché dans des prisons argentines, mais on ignore toujours l’identité de leurs enfants ni l’endroit où ils se trouvent, car ils ont été clandestinement adoptés ou internés dans des orphelinats par les autorités militaires. Près de 200 000 femmes et hommes dans tout le continent sont morts, et près de 100 000 ont péri dans trois petits pays d’Amérique centrale pleins de bonne volonté, le Nicaragua, le Salvador et le Guatemala, car ils souhaitent le changement. Si cela avait eu lieu aux Etats-Unis, le chiffre proportionnel serait de 1,6 millions de morts violentes en quatre ans. Un million de personnes, soit 10% de sa population, ont fui le Chili, pays aux traditions hospitalières. L’Uruguay, une minuscule nation de 2,5 millions d’habitants que l’on considérait comme le pays le plus civilisé du continent, a perdu en exil 20% de ses citoyens. La guerre civile au Salvador a fait depuis 1979 un réfugié toutes les 20 minutes. Le pays que l’on pourrait constituer avec tous les exilés et émigrés forcés d’Amérique latine aurait une population plus importante que la Norvège. J’ose penser que c’est cette réalité démesurée, et pas seulement son expression littéraire, qui a mérité cette année l’attention de l’Académie suédoise des Lettres. […] Pourquoi l’originalité qui nous est admise sans réserves dans la littérature nous est-elle niée avec toutes sortes de soupçons pour nos tentatives si difficiles de changement social ? Pourquoi penser que la justice sociale que les Européens éclairés essayent d’imposer dans leurs pays ne peut pas être également un objectif latino-américain avec des méthodes distinctes dans des conditions différentes ? »

32. En 1985, García Márquez publie L’amour aux temps du choléra, inspiré de l’histoire de ses parents : « La seule différence est que mes parents se sont mariés. Et dès qu’ils se sont mariés, ils n’étaient plus intéressants comme figures littéraires ».

33. Quatre ans plus tard, en 1989, l’écrivain colombien publie Le Général dans son labyrinthe, une œuvre magistrale sur la figure la plus emblématique d’Amérique latine, le Libertador Simón Bolívar.

34. En 1994, García Márquez crée la Fondation Nouveau Journalisme Ibéro-américain à Cartagena de Indias, dans le but de former les jeunes étudiants et de créer un nouveau type de journalisme plus proche des réalités sociales des peuples.

35. En 1994, Gabriel García Márquez joue un rôle-clé dans le rétablissement des relations diplomatiques entre la Colombie et Cuba, rompues en 1981.

Photo : Andreas Pastrana, Fidel Castro et Gabriel Garcia Marquez

36. En 1996, le Prix Nobel publie Noticia de un secuestro où il raconte la tragique réalité colombienne marquée par la violence et les kidnappings. La violence est également un des thèmes récurrents de l’œuvre de García Márquez.

37. Profondément affecté par le conflit civil sanglant qui frappe la Colombie depuis plus d’un demi-siècle, Gabriel García Márquez a joué le rôle de médiateur à plusieurs reprises lors de pourparlers de paix entre les mouvements de guérilla et le pouvoir central, notamment sous les gouvernements de Belisario Betancourt et d’Andrés Pastrana. « Je conspire pour la paix en Colombie presque depuis ma naissance », aimait-il à rappeler.

38. En 1997, alors que Cuba est frappée par une vague d’attentats terroristes orchestrés par l’exil cubain basé en Floride, Fidel Castro charge Gabriel García Márquez de remettre un message secret à Bill Clinton sur les agissements des groupuscules violents. Cuba avait en effet réussi à recueillir les informations nécessaires grâce à des agents infiltrés à Miami. L’écrivain colombien relate cet épisode : « Lors de mes conversations avec Fidel Castro, je lui ai mentionné la possibilité de m’entretenir avec le président Clinton. De là est née l’idée que Fidel lui ferait parvenir un message confidentiel sur un sinistre plan terroriste que Cuba venant de découvrir ».

39. En 1999, Gabriel García Márquez est frappé d’un cancer lymphatique. Craignant de ne pas avoir le temps de terminer ses mémoires et deux livres de contes, l’auteur s’isole et se consacre uniquement à l’écriture : « J’ai réduit au minimum les rapports avec mes amis, j’ai débranché le téléphone, j’ai annulé les voyages et tout type d’engagements prévus, et je me suis enfermé pour écrire tous les jours sans interruption de huit heures du matin à deux heures de l’après-midi ».

40. En 2002, García Márquez publie Vivre pour la raconter, le premier des trois tomes de ses mémoires : « Il débute avec la vie de mes grands-parents maternels et les amours de mon père et de ma mère et s’achève en 1955 quand j’ai publié mon premier livre, Des feuilles dans la bourrasque, jusqu’à mon voyage en Europe en tant que correspondant pour El Espectador ».

41. En 2004, l’écrivain colombien publie son dernier roman Memorias de mis puntas tristes.

42. En 2006, Gabriel García Márquez signe, en compagnie de nombreux intellectuels latino-américains, la « Proclamation de Panama » réclamant l’indépendance de Porto Rico.

43. Gabriel García Márquez a toujours rejeté l’utilisation d’un style bien précis dans son écriture. Selon lui, c’est le thème du livre qui détermine le style : « Dans chaque livre, j’essaye de prendre un chemin différent. On ne choisit pas le style. Les critiques construisent des théories à ce sujet et voient des choses que je n’avais pas vues. Je réponds seulement à notre style de vie, la vie de la Caraïbe ».

44. L’écrivain a également fait part de ses réserves au sujet de l’interprétation de ses œuvres par les spécialistes : « [Les critiques], en général, avec leur droit préétabli à pontifier, sans se rendre compte qu’un roman comme Cent ans de solitude est dénué de sérieux et qu’il est plein de clins d’œil à mes amis les plus intimes, clins d’œil qu’ils sont les seuls à pouvoir découvrir, prennent la responsabilité de décoder le livre et de se couvrir magistralement de ridicule ».

45. Avec le guatémaltèque Miguel Angel Asturias, il est considéré comme étant le génie du genre littéraire dénommé « réalisme magique » qui associe éléments fantastiques et réalité quotidienne. Mais García Márquez se revendique d’abord et avant tout comme un écrivain réaliste : « Il n’y a pas une seule ligne qui ne soit pas basée sur la réalité. La première condition du réalisme magique, comme son nom l’indique, est que ce soit un fait rigoureusement vrai qui, cependant, paraît fantastique. En Amérique latine, la réalité dépasse la littérature, la fiction, le roman ».

46. Gabriel García Márquez a remporté une multitude de prix et de distinctions dans le monde entier. En plus du Prix Nobel de littérature, il a reçu le Prix Rómulo Gallegos, la Légion d’Honneur française, l’Aguila Azteca du Mexique, et a été nommé Docteur Honoris Causa de plusieurs universités dont la prestigieuse Université de Columbia aux Etats-Unis.

47. Gabriel García Márquez est la principale figure du « boom latino-américain » qui inclut des écrivains tels que Jorge Luis Borges, Julio Cortázar, Carlos Fuentes ou Mario Vargas Llosa.

48. Ses livres sont traduits en plusieurs dizaines de langues à travers le monde. Au total, il aura vendu plus de 50 millions d’exemplaires.

49. García Márquez est également passionné de musique, son « vice favori ». Il avoue même qu’il « aime la musique davantage que la littérature ».

50. Gabriel García Márquez restera probablement dans l’histoire comme étant l’écrivain le plus universel du XXe siècle. Ce fut un intellectuel attaché au sort des plus humbles qui a toujours revendiqué ses racines populaires : « Toute ma formation est à base de culture populaire. Ce qui m’a maintenu, ce qui m’émeut et me motive est la culture populaire ».

Salim Lamrani
Université de La Réunion

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.
Contact : [email protected] ; [email protected]
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