6 des 12 causes de l’accident d’avion polonais de Smolensk en 2010

L’accident d’avion à Smolensk dans laquelle le président polonais est mort ainsi que l’élite politique du pays, continue à ce jour à susciter la controverse. Ce qui suit est l’opinion, dans le cadre de ce tragique accident, d’un spécialiste dans l’aviation, Valentin Vasilescu, pilote et ancien commandant adjoint de l’ militaire Otopeni, diplômé en sciences  en 1992 de l’Académie des Hautes Etudes  de  Bucarest.  Avic


Le 10 Avril 2010 10h50 heure locale (09h50 GMT) un  Tu-154 du 36ème Régiment Spécial de l’Armée de l’Air Polonaise s’est écrasé à la lisière d’une forêt  près de la piste militaire de l’aéroport de Smolensk en Russie. Alors qu’il approchait de la piste, l’avion heurte plusieurs arbres, perd l’équilibre et se désintègre en heurtant le sol. Cet accident causa la mort de 88 passagers, dont les huit membres de l’équipage. Dans l’avion il y avait le président polonais Lech Kaczynski, les membres de son cabinet, des parlementaires, des commandants des forces armées et d’autres dignitaires polonais.  devaient assister à la commémoration du 70e anniversaire du massacre de Katyn. Dans ce qui suit, je vais présenter six des 12 éléments qui ont concouru à la survenue de cette tragédie aérienne.

La première cause

Le vol de l’avion TU-154 entrait dans le cadre d’une opération particulière sous la responsabilité directe du commandant polonais des forces aériennes (),  qui était lui-même à bord de l’avion présidentiel. Etant un avion d’état, et non un avion civil soumis aux règles de l’ (Organisation Internationale de l’Aviation Civile), la Fédération de Russie ne pouvait pas lui interdire l’.

Avant le décollage, quel que soit l’avion, les pilotes reçoivent toutes les données et les  tout au long de la trajectoire de vol, (ce que l’on appelle le METAR). En outre, pendant le temps du vol, des vérifications sont faites par les contrôleurs aériens dans chaque zone de contrôle de la région survolée. Le METAR avec des données sur la situation météorologique de l’aéroport de destination montrait la présence de brouillard, déjà au moment du décollage de Varsovie.

En règle générale, un jour avant le vol, une équipe d’experts de la flotte présidentielle fait une reconnaissance des aérodromes du pays. Ils se familiarisent avec les parties de la trajectoire de descente et définit la sécurité à prendre pour le vol, si le temps est mauvais. Les responsables des forces aériennes de l’armée polonaise, lorsqu’elles ont prévu d’atterrir à l’aéroport militaire de Smolensk Nord, savaient qu’il n’était pas équipé d’un système d’atterrissage aux instruments (ILS : instrumental landing system) civil, compatible avec les instruments de bord de l’avion présidentiel.

Le FAM polonais n’avait pas prévu de vol de reconnaissance, 24 heures avant, avec la même équipe. Et la décision du voyage du président polonais  à Smolensk a été prise sans que le SPP polonais en avise ceux du FAM. Les responsables FAM, étant dans des délais restreints, ont été forcés de sauter certaines étapes dans la planification du vol. Une de ces étapes qui a été sautée par le FAM polonais était de prévoir un autre aérodrome où pouvait attendre un autre cortège officiel pour le transport de la délégation à la cérémonie.

2ème cause

L’équipage et les représentants FAM ont appris l’existence de brouillard (Portée Visuelle de Piste : 500 m; RWR) avant de décoller de Varsovie. Normalement, dès lors qu’il s’agit d’un aéroport inconnu, on n’atterrit pas avec une visibilité à RWR 500, s’il n’y a pas un système d’atterrissage aux instruments (ILS) de catégorie II au minimum, et encore moins quand il n’y en a pas du tout. L’ILS est basé sur l’électronique montée au sol, qui émet des signaux précis en direction de l’avion  qui s’affichent à bord, permettant de lui donner la pente optimale et la direction pour le guider vers le centre de la piste d’atterrissage. Selon ces directives, les pilotes peuvent faire des atterrissages avec une faible visibilité ou un plafond nuageux très bas.

L’ILS de catégorie I (CAT I) permet une approche et un atterrissage avec une hauteur de décision de 60 m, et une portée visuelle de piste supérieure à 550 m. L’ILS Catégorie II ( Cat II) est utilisé lorsque la portée visuelle de piste est comprise entre 550 et 350 m. La catégorie III (Cat III)  permet d’amener l’avion à une hauteur de 30 m de la piste, où le pilote peut prendre la décision d’atterrir ou de remettre les gaz, dans des conditions où la portée visuelle de piste ne tombe pas en dessous de 200 m. Pourtant, le FAM polonais a autorisé l’équipage à tenter l’atterrissage. Les contrôleurs aériens (ATC : Air Traffic Control) de Minsk en Biélorussie ont, durant le vol, à nouveau mis en garde l’équipage de l’avion présidentiel sur les conditions météorologiques à l’aéroport de Smolensk et ont suggéré d’atterrir à Minsk. Quand le contrôle a été repris par les ATC russes, les conditions biélorusses ont été répétées et il a été suggéré, cette fois, d’atterrir à Moscou-Vnukovo. Recommandation que l’équipe présidentielle refusa de nouveau.

3ème cause

Ce matin-là, dans la région de Smolensk, il y avait un champ de haute pression, condition favorable à la formation et au maintien de nuages denses et des bancs de brouillard. Trois Heures avant la catastrophe, les deux aérodromes de Smolensk (Civil au sud et militaire au nord) étaient toujours maintenus ouverts, avec une visibilité de 4 km, permettant au moins l’atterrissage. L’humidité avait atteint 92 %, un signe clair de l’évaporation de l’eau du sol, qui donnerait une brume encore plus dense.

À 09:15, à l’aéroport civil de Smolensk-Sud s’est posé à un autre avion polonais, un Yak-40, avec des équipes de journalistes. Le Yak-40 est un petit avion (capacité 30 passagers) qui, à la différence du TU-154, a un atterrissage court dans des conditions de visibilité Cat II dans des aéroports de classe 5 (pistes de 700 mètres minimum). À 09:40, les deux pistes d’atterrissage à Smolensk étaient enveloppées dans un nuage dense de brouillard. Au moment de la catastrophe, les conditions météorologiques étaient les suivantes : le ciel avait une couverture nuageuse de 10/10, autrement dit, la limite du plafond était à 80 m au-dessus du sol et la visibilité au-dessous de 800 m, descendant, à certains moments à moins de 400-500 m. Même dans ces conditions, l’équipage n’a pas accepté d’atterrir à un autre aérodrome.

4e cause

L’aéroport sur lequel l’avion TU-154 présidentiel tentait d’atterrir était l’aéroport militaire (Smolensk-Nord) avec une piste de 2500 m de long. D’emblée, il y eu confusion car l’avion tenta d’atterrir sur Smolensk Sud, l’aéroport civil, qui dispose d’une piste de seulement 1600 mètres, trop courte pour le Tu-154 présidentiel.

Le guidage à l’atterrissage sur l’aérodrome militaire était de type RSBN / PRMG différent et incompatible avec l’équipement ILS civil à bord du Tu-154 présidentiel. Le système dispose également d’un radar calibré pour l’approche d’atterrissage de type RPS. Cela signifie que pour transmettre au pilote les corrections de commande pour la pente et la direction, il faut que l’opérateur militaire parle le russe.

Les militaires russes ont un écran devant eux, sur lequel est tracé l’axe d’atterrissage à partir de 10-15 km de de la piste et un graphique représentant la pente optimale. Lorsque l’écran indique une déviation de l’avion par rapport à cet axe, le contrôleur communique au pilote, en russe,  la direction et la valeur en mètres de la déviation. Le pilote  doit obligatoirement confirmer l’information et apporter immédiatement les corrections pour revenir dans l’axe. Dans le même temps il doit signaler au contrôleur russe son altitude affichée sur le radioaltimètre de bord. C’est seulement après avoir reçu ces informations que l’opérateur russe peut voir avec précision, par comparaison avec les données du radar au sol, si la pente de descente de l’avion est optimale, ou combien de mètres sont au-dessus ou au-dessous de la pente.

Les militaires russes n’avaient eu affaire, jusque-là, qu’à des avions russes avec lesquels ils communiquaient exclusivement en russe, avec  la terminologie de l’aviation militaire, et non celle de l’aviation civile, différente en termes de précision dans les systèmes d’atterrissage. Il s’est alors passé une chose déroutante au cours de laquelle le contrôleur était seul à parler en russe, sans que le pilote polonais ne confirme qu’il avait compris avant d’effectuer les corrections et de modifier et d’ajuster  l’altitude de vol. Pour cela il aurait fallu que le commandant Tu-154 maîtrise parfaitement la langue russe.

Dans ces circonstances, les planificateurs du vol spécial polonais auraient dû s’assurer d’un contrôleur pour diriger l’approche, et de la présence de militaires polonais à l’atterrissage, avec un radar (RSP-10, dont est doté le FAM polonais) à l’aérodrome militaire de Smolensk. Ils auraient pu servir d’interface en langue polonaise entre les contrôleurs  et l’avion présidentiel polonais.

5e cause

Par conséquent, ne comprenant pas trop bien le sens des ordres que le contrôleur russe lui donnait pour le diriger, le commandant de l’avion présidentiel a été obligé de se concentrer de manière excessive pour  visualiser les repères au sol, ce qui explique qu’après la balise située à 7 km de piste il a préféré, à cause du brouillard, réduire le plafond de 50-60 m par rapport au vol horizontal initial, puis effectuer une légère descente pour avoir un contact visuel avec les repères au sol. Plus tard, en reconnaissant le marqueur le plus proche (situé à 1 km du seuil de piste) il amorce un virage pour corriger l’axe avant de remettre l’avion en plongée.

6e cause

Il était devenu évident que le pilote polonais n’exécutait pas les ordres du contrôleur russe, lors de l’approche finale à l’atterrissage au fur et à mesure des passages aux kilomètres : 7, 6, 5, 4, 3, 2 km ; il était également évident que le pilote n’avait pas compris et n’avait donc jamais transmis son altitude pour que le russe lui fasse comprendre qu’il volait trop bas.

Tous les appels radio des équipages et des contrôleurs d’avions civils et militaires du monde sont enregistrés sur bande magnétique. Les bouts de conversation radio entre le pilote polonais et le contrôleur militaire russe opérant au radar de guidage, diffusés par les médias internationaux dès les premiers jours après l’accident, relatent le moment de l’entrée de l’avion sous la responsabilité de l’aéroport-Nord, l’aéroport militaire de Smolensk.

La discussion se fait en russe et on y entend que le pilote polonais confirme par un OK sec  à l’information du navigateur russe, à savoir que le banc de brouillard commence à 8 km de la piste, que la visibilité se situe entre 744 et 703 m et continue à baisser, que l’angle d’atterrissage à l’aérodrome est de 259 degrés.

À ce moment-là, l’avion était à 3,300 m et se dirigeait vers la première balise de la procédure d’atterrissage.

Selon les normes imposées dans l’aviation, le pilote polonais devait répéter toutes les indications du contrôleur au sol. C’est dire qu’il faut qu’il comprenne le russe. Mais il s’est clairement avéré, d’après les enregistrements de la bande magnétique, que le pilote polonais n’était pas en mesure de formuler une seule phrase en russe, montrant qu’il avait mémorisé les conditions atmosphériques.

Valentin Vasilescu

 

Traduit du roumain par Avic



Articles Par : Valentin Vasilescu

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