A quoi joue l’Union Européenne… et notre Ministre de l’intérieur ?

Me Maurice Buttin est Président par intérim du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR PO), Membre du Conseil d’Administration de l’Association de Solidarité France Palestine (AFPSD) et des «Amis de Sabeel-France», une association œcuménique créée en juin 2010. Son conseil d’administration est composé de chrétiens engagés dans les diverses Églises de France. A l’instar d’autres associations d’Amis de Sabeel dans une dizaine de pays, en Europe, en Amérique, en Océanie et en Afrique, l’association «Amis de Sabeel France» a pour objet de développer des liens de solidarité avec l’ensemble des Églises présentes en Palestine-Israël, certaines depuis les tout premiers temps du christianisme.

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Un accord de trêve a été passé en janvier 2025 dernier entre Israël et le Hamas au terme duquel la première période de couvre-feu s’achevait le samedi 1er mars. Le lendemain devait commencer la deuxième période.

Dès le dimanche, le bureau du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, faisant fi de sa signature à l’accord initial, déclarait: «adapter le plan de l’envoyé américain Steve Wiktoff pour un nouveau cessez-le -feu pendant la période du Ramadan et de la Pâque juive».

Selon cette proposition le cessez-le-feu, échelonné sur 42 jours, permettrait la libération de la moitié des 59 otages restant à Gaza, libérés dès le premier jour». Le Hamas, je le comprends, refusant d’accepter le plan étasunien, a dénoncé un «coup d’état contre l’accord de ce plan en 3 étapes, Israël rejetant un accord qui était censé apporter un peu de stabilité et de sécurité à tout le monde et ouvrir la voie à l’avenir».

Israël décidait alors, un comble, d’interrompre l’aide humanitaire aux Gazaouis! Et reprenait déjà, en sommation, quelques bombardements.

Ainsi une fois de plus, appuyé par le grand allié états-unien, Israël prenait une nouvelle fois une décision contraire au droit international.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, appelait dès le dimanche au rétablissement « immédiat » de l’accord initial. L’envoyé spécial des Nations Unies au Moyen-Orient appelait de son côté les deux signataires à honorer pleinement leur engagement et à conclure les négociations pour passer à l’étape suivante, la deuxième censée se solder par le retour de tous les otages et le retrait complet des forces israéliennes de Gaza.

Comme l’a dit l’analyste israélien Michaël Horowitz, rapporte le journal La Croix du 3 mars: «C’était clair depuis des semaines, la phase 2 signifierait la fin officielle de la guerre, ce que Netanyahou rejette, en grande partie pour des raisons politiques et des raisons personnelles”. (Ndlr : Cela conduirait probablement à l’effondrement de son gouvernement)..

De fait, le fasciste Bezalel Smotrich, l’allié d’extrême droite menaçant de quitter le gouvernement, si Israël se retire de Gaza avant d’avoir «éradiqué» le Hamas.

Il est évident qu’en agissant ainsi Israël porte une grande responsabilité, appuyée par son allié étasunien, quant au sort de la population de Gaza, et, de facto, des otages encore en vie

Ces faits rappelés, qu’elle a été la décision de l’Union Européenne ?

Une fois de plus, faisant fi d’un accord entre les deux belligérants, donc du droit international, elle a condamné la décision de refus du Hamas – tout en dénonçant aussi la décision israélienne de bloquer l’entrée de toute l’aide humanitaire à Gaza.

Ainsi, l’Union Européenne, comme toujours, est restée entre deux eaux. Il est tout de même étonnant, c’est le moins qu’on puisse dire, de la voir condamner le Hamas sur une proposition d’un envoyé présidentiel étasunien, alors qu’elle critique vertement, par ailleurs, le président des États-Unis Donald Trump, et ses services, de supprimer toute aide aux Ukrainiens!

J’en viens au ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Il ne cache pas sa religion, ce qui l’honore, je ne cache pas la mienne qui est la même. Mais je suis né au Maroc, ce qui explique sans doute notre différence de vision quant aux problèmes de l’immigration, ou du Hamas.

Sur le premier point, trop jeune à l’époque, Bruno Retailleau n’a pas connu les «trente glorieuses» et le rôle très important joué par les immigrés à la base dans la remise sur pied de notre pays. Je me souviens encore de l’étude faite en 1967, avec l’ami Robert Buron, ancien ministre, alors président d’Objectif 72, qui concluait à un arrêt total de l’économie française, si les immigrés avaient, tous ensemble, décidé un jour une grève générale ! Et la manière dont il traite aujourd’hui les immigrés est quelque peu scandaleuse, raciste ont dit certains.

Sur le deuxième point, je conteste les affirmations de notre ministre quant à la députée Rima Hassan, membre de la France insoumise (LFI), dont je ne suis pas.

Celle-ci, invitée de Sud Radio avait déclaré, «le Hamas mène une action légitime et détient «un droit de résister contre une occupation étrangère». Elle justifiait ses propos en application du droit international.

Notre ministre y voyait des déclarations «proprement inacceptable». «Le Hamas est une organisation terroriste qui piétine le droit international, quand elle tue des otages, quand elle commet des attentats, quand elle propage la haine antisémite et quand elle appelle à la destruction d’un État». Et de préciser qu’il allait signaler les propos de la députée « qui relèvent de l’apologie du terrorisme» à la procureure de la République.

Bruno Retailleau, «oublie» simplement de dire que dans son intervention Rima Hassan avait condamné la mort et l’enlèvement d’otages civils, qui relevaient de crimes de guerre.

Par ailleurs, si notre ministre connaissait la charte révisée du Hamas en 2017, il saurait que celui-ci, désormais, comme l’Autorité palestinienne, accepte pour aujourd’hui l’indépendance de la Palestine sur les frontières de 1967 ; qu’il ne demande plus la «destruction d’un État» ; et qu’il a supprimé tous les articles de la charte initiale, en effet, à caractères antisémites.

Je suis né au Maroc, ai-je dit. Avocat à la Cour d’Appel de Rabat, j’ai eu l’occasion de défendre en 1955 des nationalistes résistants marocains, poursuivis devant le Tribunal militaire de Casablanca. Tous, naturellement, étaient traités de «terroristes» par les autorités françaises …

ILLUSTRATION

Rima Hassan, eurodéputée LFI et juriste franco-palestinienne, 2024 – Paris. (VIRGINIE HAFFNER / HANS LUCAS)



Articles Par : Me Maurice Buttin

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