Abou Ghraib à Chicago

En avril 2004, le monde a été choqué et horrifié par la dissémination de photographies des tortures sadiques pratiquées par les militaires américains à la prison d’Abou Ghrib en Irak. Les détenus de la prison, dont la plupart étaient enfermés pour s’être opposés à l’occupation militaire américaine, y étaient battus, torturés, soumis à des sévices sexuels et tués.

À l’époque, le World Socialist Web Site avait expliqué que les crimes révélés par ces photos et la psychologie dont ils procédaient ne pouvaient être compris qu’en rapport avec la brutalité des relations sociales aux États-Unis et avec les sales objectifs coloniaux de la guerre elle-même.

Le WSWS avertissait en outre de ce qu’« une telle armée, accompagnée d’une foule grandissante de mercenaires professionnels ‘civils’, représentait un danger non seulement pour les peuples opprimés du Moyen-Orient, de l’Asie centrale et d’ailleurs, mais encore pour les droits démocratiques de la population aux États-Unis ».

Une décennie plus tard, cette évaluation était entièrement confirmée. Mardi 24 février, le journal The Guardian révélait l’existence de ce qu’il décrit comme un « site noir » dans un quartier de l’ouest de Chicago, ‘West Side’, où la police détient, bat et torture des prisonniers, tout en cachant à leurs familles et à leurs avocats où ils se trouvent.

Le journal écrit: « Le service de police de Chicago exploite un centre d’interrogatoire officieux, rendant les citoyens américains introuvables pour leur familles ou leurs avocats tout en étant enfermés dans ce que les avocats disent est l’équivalent d’un site noir de la CIA sur le sol américain. »

Parmi les personnes détenues dans cette installation il y avait Jacob Brian Church, l’un des « Trois de l’OTAN » qui avaient été piégés par une machination de la police de Chicago en 2012 dans le cadre de manifestations contre l’alliance militaire menée par les Etats-Unis, alors en réunion à Chicago.

Church a été emmené au centre secret et menotté à un banc pendant 17 heures. La police a monté, sur la base d’accusations de terrorisme, un coup contre lui et deux autres manifestants et ils furent par la suite condamnés à cinq ans de prison.

Vic Suter, autre participante aux manifestations, a dit qu’elle avait été emmenée dans ce centre, enchaînée à un banc et interrogée pendant dix-huit heures avant d’être autorisée à voir un avocat.

Le Guardian écrit que des détenus emmenés dans ce centre signalent avoir été battus et avoir subi d’autres tortures aux mains de la police. En 2013, un détenu a été trouvé inconscient dans une salle d’entrevue de l’installation. Il est mort par la suite.

Jeudi, le site web The Intercept, a corroboré l’article du Guardian en interviewant une autre victime de torture dans ce centre. Cette personne avait été menottée sur un banc et frappée au visage et à l’aine jusqu’à ce qu’elle accepte de fournir un faux témoignage à la police.

Les révélations suivent l’article du Guardian de la semaine dernière révélant que Richard Zuley, un des principaux tortionnaires du centre de détention de Guantanamo, avait utilisé des techniques similaires pour arracher de faux aveux à des suspects dans des affaires de meurtre quand il était enquêteur de la police de Chicago.

Chicago a une longue histoire de violence policière. C’est également le fief politique de Barack Obama et la ville est gérée depuis 2011 par Rahm Emanuel, ancien chef du personnel de la Maison Blanche d’Obama.

L’administration Obama, loin de répudier les actes horribles et criminels de son prédécesseur, a déployé de plus en plus directement la violence de l’appareil policier contre le peuple américain. L’application de plus en plus ouverte des méthodes meurtrières de la « guerre contre le terrorisme », testées et perfectionnées en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, en Libye, en Syrie, en Somalie et au Yémen, sur le sol des Etats-Unis, a été marquée par une suite d’événements.

En septembre 2010, l’administration Obama a ordonné des descentes dans les domiciles des dirigeants de l’Anti-War Committee et de la Freedom Road Socialist Organization à Minneapolis et Chicago sur des accusations de « soutien matériel au terrorisme. »

En mai 2012, la police de Chicago a arrêté les « Trois de l’OTAN, » les accusant de complot en vue de commettre des actes terroristes.

. En mars 2013, le procureur général américain, Eric Holder, a déclaré que le président avait le droit de tuer des citoyens américains sans procès ou autre procédure juridique légitime, y compris à l’intérieur des frontières des États-Unis.

. Un mois plus tard, en avril 2013, la ville de Boston était placée de facto sous la loi martiale à la suite des attentats du marathon de Boston; on a ordonné aux habitants de « chercher refuge là où ils se trouvaient », tandis que véhicules blindés et hélicoptères patrouillaient la ville et que la police faisait, sans aucun mandat, des fouilles de maison à maison.

. En juin 2014, l’American Civil Liberties Union (ACLU) a publié un rapport intitulé « La guerre retourne au pays : la militarisation excessive de la police américaine. » L’ACLU a signalé que le ministère de la Défense avait transféré 4,3 milliards de dollars de matériel militaire, y compris des véhicules blindés, des hélicoptères, et des mitrailleuses lourdes, aux services de police locaux.

En août 2014, les autorités ont réagi aux protestations contre l’assassinat par la police d’un adolescent non armé, Michael Brown, par une répression policière de style militaire. On a arrêté des centaines de manifestants pacifiques, tirés sur eux avec des balles de caoutchouc ou on les a aspergés de gaz lacrymogènes et plus d’une dizaine de membres de la presse ont été arrêtés.

L’administration Obama est actuellement à la recherche d’une nouvelle Autorisation pour l’utilisation de la force militaire, officiellement pour lutter contre l’Etat islamique en Irak et en Syrie (EI), mais sans limites géographiques définies. Le mercredi 25 février, trois habitants de Brooklyn ont été arrêtés dans le cadre de cette nouvelle guerre contre l’EI, ce qui soulève clairement la possibilité que cette seconde « guerre contre le terrorisme » devienne l’occasion de mener des opérations de police de type militaire sur le sol américain.

Cette évolution montre la convergence croissante du militarisme à l’étranger et de l’attaque des droits démocratiques aux Etats-Unis mêmes. Ce qui unit ces deux processus ce sont les intérêts de classe de l’aristocratie financière et les méthodes criminelles qu’elle emploie dans la défense de sa richesse et de son pouvoir.

Dans la poursuite de ces objectifs, la classe dirigeante cherche à mobiliser les secteurs les plus rétrogrades et les plus réactionnaires de la population, y compris des gardiens de prison sadiques et des enquêteurs de police aux idées fascistes. Mais la responsabilité ultime de ces crimes incombe à des éléments qui se trouvent aux plus hauts niveaux de l’Etat.

Il est utile de rappeler que l’année dernière, le Sénat américain a publié un rapport mettant en cause l’administration Bush dans un régime brutal de torture mené à Guantanamo et dans des centres de torture de la CIA à travers le monde (« sites noirs »). Aucun de ceux qui se sont rendus coupables de ces crimes n’ont été appelés à rendre des comptes. Au contraire, ceux qui les ont ordonné et réalisés ont défendu leurs actes et l’administration Obama elle, a cherché à bloquer toute poursuite contre eux.

Les actes de la classe dirigeante expriment le caractère fondamental du capitalisme américain, basé sur le parasitisme, la fraude, la criminalité et un ordre économique en profond déclin. La classe dirigeante américaine n’a pas de réponse autre que la violence et la répression à la crise de son système et à la croissance inévitable de l’opposition sociale.

Andre Damon

Article original, WSWS, publié le 27 février 2015



Articles Par : Andre Damon

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