Afghanistan: Violations du droit de la guerre

Allemagne.  Nos troupes coalisées et la FIAS s’en prennent consciemment à certaines parties de la population civile et détruisent ainsi les germes de la société civile

Sonia Mikisch (présentatrice): «Les voilà, les soldats allemands dans leur linceul. La guerre sévit en Afghanistan, aussi dans le nord où se trouvent les troupes allemandes. Il y a peu, trois soldats allemands furent victimes d’un attentat mené par un kamikaze. Mais on continue de jeter un voile sur ce qui se passe et de se gargariser de belles paroles. On continue d’enjoliver la réalité sur place. On veut nous faire croire que les soldats allemands sont des coopérants ou des travailleurs sociaux en uniforme. Ni le gouvernement ni la direction militaire n’ont intérêt à divulguer les vraies raisons de cette guerre. Et de plus, une muselière fut décrétée au groupe parlementaire socialiste.

Un officier de haut rang a voulu parler. Il envoya un avertissement brûlant au ministre des affaires étrangères, juste avant l’attentat contre les soldats allemands. On a fait parvenir maintenant cette lettre explosive à Monitor.» 

Ils ont survécu, alors que beaucoup dans leur village sont morts. Après un bombardement qui devait atteindre les Talibans. Personne ne sait vraiment combien de victimes la guerre d’Afghanistan a causées. Mais, il y a une personne qui ne veut pas se taire plus longtemps, parce qu’elle vit quotidiennement la réalité de ce pays. C’est un appel, un avertissement, adressé au ministre des affaires étrangères, rédigé par un officier allemand, le conseiller militaire du gouvernement fédéral à Kaboul.

Voici un extrait de cette lettre: «Il n’y a aucune excuse valable pour tout le mal causé par les militaires occidentaux à une population innocente.»

L’OTAN ne cesse de parler, à propos de l’Afghanistan, de stabilité et de reconstruction à l’aide de l’armée allemande. Des ­écoles, des hôpitaux, des ponts. Dans Internet, l’alliance militaire présente son engagement comme une réussite humanitaire.

Une localité au nord de la capitale Kaboul: après une opération menée par les troupes de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). Des villages détruits, des civils tués. La guerre est menée avec une brutalité croissante non seulement par les unités anti-terroristes américaines, mais aussi par ­celles de la FIAS. Les prétentions de l’OTAN et la réalité d’une sale guerre. Le conseiller en politique militaire du gouvernement fédéral lance de vifs reproches, également aux ­troupes de l’OTAN.

Voici un extrait de sa lettre: «C’est pour moi une profonde contradiction, en ce qui concerne le comportement des troupes occidentales en Afghanistan. […] Il est insupportable de constater que les troupes de la coalition et de la FIAS s’en prennent con­sciemment à certaines parties de la population civile et détruisent ainsi les germes de la société civile.»

Des soldats britanniques, dans la région de Helmand dans le sud du pays. Le mandat des troupes de la FIAS a été élargi plusieurs fois. Il y a déjà quelque temps que les troupes de l’OTAN sont devenues partie prenante dans la guerre dans le sud et dans l’est du pays. Des combats quotidiens contre les insurgés et des attaques aériennes aux conséquences dramatiques, selon les critiques émises par les organisations humanitaires.

Martin Bröckelmann-Simon, de l’aide catholique Misereor: «Nous constatons que la façon de mener la guerre prend un caractère de plus en plus radical. Particulièrement du fait que le nombre de victimes parmi la population civile augmente gravement.» Par ailleurs, le conseiller politique en questions militaires du gouvernement fédéral parle dans sa lettre de violations contre le droit international humanitaire.

Voici un extrait de sa lettre: «Les bombardiers et les hélicoptères de combats des forces occidentales répandent la terreur parmi la population. […] Nous sommes en train de perdre la confiance des Afghans, du fait de cette violence guerrière disproportionnée.»

Martin Brökelmann-Simon approuve: «Cet homme a raison! Cet homme décrit de l’intérieur de son organisation une situation émotionnelle et une perception des choses à l’intérieur même de la population afghane, qui est parfaitement réaliste.»

Leur colère s’adresse aux troupes occidentales. Jalalabad dans l’Est, mars 2007: le déversement de mitraille a coûté la vie à 19 innocents et en a blessé cinquante. Il s’agissait là des Américains, mais la colère des Afghans se tourne depuis longtemps aussi contre les soldats de la FIAS, venus d’Europe. Pour les victimes il importe peu de savoir qui a donné l’ordre de bataille. Ni à Jalalabad ni à Herat. Dans cette dernière ville, cinquante personnes furent tuées lors de combats et d’attaques aériennes, selon des sources afghanes. Des Talibans? Des insurgés? «Il n’y avait pas de Talibans», assure cet homme. «Dans ma famille il y eut 10 tués.» Pour les militaires occidentaux, de telles pertes sont le résultat regrettable d’attaques militaires menées avec succès dans la lutte contre le terrorisme. Le conseiller politique en affaires militaires du gouvernement fédéral estime, lui, que ces communiqués officiels ne sont rien d’autre qu’une propagande belliciste.

Voici un extrait de la lettre: «Je constate que la présentation de la situation militaire est enjolivée de manière inadmissible. Des généraux allemands eux aussi enjolivent la situation ou taisent leurs propres problèmes.»

L’armée allemande dans le nord du pays. Après les récents attentats, cette armée risque de se laisser prendre de plus en plus dans les activités guerrières. De nombreux projets de reconstruction sont ainsi remis en question. De plus, les troupes allemandes ne se contentent pas de s’engager dans le Nord. Les généraux allemands sont aussi responsables d’attaques militaires dans le Sud. Ils contribuent, au quartier général de la FIAS, à renforcer la guerre dans le sud du pays. On se demande ce que cette guerre a à faire avec le mandat de l’ONU et les décisions du parlement allemand qui avait dressé des limites précises pour cet engagement en Afghanistan. Qu’en est-il de la reconstruction et de la stabilité?

Le conseiller militaire à Kaboul lance un appel urgent au ministre des Affaires étrangères pour agir immédiatement.

Voici un extrait de sa lettre: «Les militaires risquent de s’affranchir et d’aller à l’encontre des conditions politiques et humanitaires qui leur sont imposées par le droit international. […] Veuillez veiller, grâce à vos relations politiques, à remettre ces militaires à leur place!»

L’Allemagne a voulu assurer la sécurité et la paix en Afghanistan. Le résultat en est la guerre et le chaos. La lettre du conseiller se trouve sur la table du ministre des Affaires étrangères Steinmeier, qui a refusé d’émettre un commentaire.

Source: l’émission de télévision Monitor, N° 563, du 31/5/07.

Traduction Horizons et débats.

 



Articles Par : Markus Zeidler et Georg Restle

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