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Agent Orange, chronique 14 : Du déni aux preuves, de preuves en dénis
Par André Bouny
Mondialisation.ca, 08 novembre 2013

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Le 16 décembre 2011, vietnamplus, annonce la Construction d’un lieu de traitement de l’Agent Orange/dioxine à Binh Dinh

Un lieu d’enfouissement et de traitement de l’agent orange/dioxine a été mis en chantier le 16 décembre à l’aéroport de Phu Cat, district du même nom, dans la province de Binh Dinh (Centre), dans le cadre du projet de « Traitement de la dioxine dans les zones gravement contaminées », lancé en 2010. Ce premier lieu de traitement de la dioxine au Viêt Nam construit avec l’aide financière du Fonds global de l’Environnement (GEF), par l’intermédiaire du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), vise à régler définitivement la pollution par l’Agent Orange/dioxine dans cet aéroport. Concrètement, une fosse de 5.600 m² dont la conception est assurée par le Commandement de la chimie du ministère de la Défense sera construite. Située à grande distance de toute zone habitée, elle recevra 5.400 m3 de terres contaminées de l’aéroport de Phu Cat d’ici fin 2012, lesquelles subiront en outre un traitement chimique.

Cet aéroport est l’un des trois sites les plus gravement contaminés par l’Agent Orange/dioxine au Vietnam, avec l’aéroport de Bien Hoa dans la province de Dong Nai (Sud) et celui de Da Nang. Ceux-ci étaient les bases principales utilisées par l’Armée américaine pour le stockage et l’approvisionnement en défoliants au Sud du Viêt Nam.

La coordinatrice permanente de l’ONU au Viêt Nam et représentante en chef du PNUD au Viêt Nam, Mme Pratibha Mehta, a déclaré qu’environ 200.000 m3 de terres contaminées demeurent à Phu Cat, Da Nang et Bien Hoa, lesquelles présentent des risques pour la santé des populations locales comme de l’environnement de ces lieux.

Les résultats de cette première opération permettront ensuite de traiter les aéroports de Bien Hoa et de Da Nang, ainsi que d’autres zones contaminées, a dit le professeur associé Le Ke Son, directeur du projet de traitement de la dioxine dans les zones gravement contaminées, et chef adjoint du Département général de l’Environnement.

Le projet de « Traitement de la dioxine dans les zones gravement contaminées » bénéficie d’un budget total de 4,9 millions de dollars. –AVI

Le 18, france24, diffuse Monsanto : retour sur trois décennies de polémiques

Pour la première fois en France, un particulier a assigné en justice le géant agrochimique américain Monsanto. Il s’agit de la dernière affaire en date impliquant la firme américaine, qui défraie la chronique depuis trente ans. Par Gaëlle LE ROUX

Après le PCB, l’Agent Orange et les OGM, c’est désormais avec le Lasso que Monsanto défraie la chronique. Depuis le 12 décembre, le géant mondial de l’industrie phytosanitaire américain est poursuivi par un agriculteur français, Jacques Maret, pour une intoxication aiguë qu’il impute à ce désherbant, aujourd’hui interdit dans l’Hexagone. L’agriculteur, qui a souffert de graves troubles neurologiques après avoir inhalé des vapeurs du produit par accident, accuse la firme d’empoisonnement.

Une nouvelle affaire qui n’est que la dernière d’une longue série de scandales rattachés au nom de Monsanto. Ses produits traînent en effet une réputation sulfureuse depuis plusieurs décennies, comme le démontre « Le Monde selon Monsanto », une enquête menée par la journaliste indépendante Marie-Monique Robin en 2008 et qui dresse un portrait au vitriol de la compagnie.

Selon elle, Monsanto est coutumière des dissimulations de données, des falsifications de tests cliniques ou des rétentions d’informations relatives à des pollutions ou des empoisonnements aigus que ses produits auraient provoqués.

L’agent orange : un redoutable poison

La première affaire impliquant l’entreprise remonte à 1978. Cette année-là, c’est son tristement célèbre « Agent Orange », un défoliant utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Viêt Nam, qui fait la Une des journaux. Plusieurs milliers de vétérans du conflit portent plainte contre Monsanto et six autres entreprises agrochimiques pour empoisonnement. Tous sont atteints de maladies graves – cancers, maladies de la peau, défaillances du système immunitaire…- imputées à la dioxine, composé chimique hautement toxique et présent en masse dans le défoliant. « Les dirigeants de

Monsanto savaient que l’Agent Orange était contaminé à la dioxine, mais ils n’ont rien dit et ont même réalisé de fausses études scientifiques pour montrer qu’il n’y avait aucun lien avec le cancer », affirme Marie-Monique Robin dans une interview diffusée sur la chaîne franco-allemande Arte – après avoir soumis des études sponsorisées par Monsanto à des chercheurs indépendants. En 1984, Monsanto et six autres firmes agrochimiques ont fini par verser 180 millions de dollars à un fonds de compensation destinés aux soldats américains.

En 2004, une association vietnamienne a, à son tour, a porté plainte contre les fabricants de l’Agent Orange. Mais elle a été classée sans suite. Au Viêt Nam, selon la Croix-Rouge, environ un million de personnes souffrent des conséquences d’intoxications aiguës à la dioxine : malformations congénitales, cancers, problèmes neurologiques, lésions nerveuses…

Pollution massive au PCB

Simultanément, une autre affaire vient entacher la réputation de la firme agrochimique. Cette fois, c’est le PCB, plus connu sous le nom de Pyralène en France ou d’Aroclor aux États-Unis, qui est au cœur de ce nouveau scandale. En 2002, Monsanto est reconnue coupable par la justice américaine d’avoir « pollué le territoire d’Anniston [une ville d’Alabama où la firme a fabriqué du PCB pendant près de cinquante ans] et le sang de sa population avec les PCB ». Elle est condamnée à verser 700 millions d’euros de dommages et intérêts à ses habitants. L’enquête révèle en outre que Monsanto a agi en toute connaissance de cause, puisqu’elle met en lumière que la firme connaissait la dangerosité du PCB depuis…1937. Pendant près de cinquante ans, Monsanto a donc déversé des eaux contaminées au PCB dans la rivière traversant la ville d’Anniston, sans tenir compte de la pollution massive de l’eau et des sols – désastreuse pour l’homme et l’environnement – que cela engendrait.

Intimidation et falsification d’études

Et plus le temps passe, plus les polémiques autour de Monsanto – que France 24 a cherché à contacter à plusieurs reprises, sans succès – se multiplient. Après l’hormone de croissance bovine – une substance inoculée aux vaches pour qu’elles produisent davantage de lait – dans les années 1990, c’est le Roundup, désherbant le plus vendu au monde, qui a été pointé du doigt. Comme la justice américaine onze ans plus tôt, la justice française a ainsi condamné Monsanto pour publicité mensongère en 2007, estimant que, dans son spot vantant les mérites du Roundup, la firme présentait à tort son désherbant comme biodégradable et sans danger pour l’homme… En 2009 ensuite, une plainte a été déposée devant le Conseil d’État français contre 3 des 37 formules du produit commercialisées dans l’Hexagone. « La molécule glyphosate, qui entre dans la composition du Roundup, a été testée lors de la création du produit en 1974. Mais, depuis, la formule du désherbant a été modifiée par petites touches, sans jamais faire l’objet de nouvelles études d’impact. Du coup, on ne connaît pas l’effet des interactions entre les composants qui ont été progressivement ajoutés et le glyphosate », explique Jacques Maret, auteur de la plainte et « paysan bio » installé en Charente (Centre ouest de la France).

Les nouveaux ennuis de Monsanto

Aujourd’hui, c’est avec l’arrivée sur le marché de ses semences transgéniques que la multinationale s’attire les foudres de plusieurs syndicats agricoles et associations écologistes. Selon eux, les organismes génétiquement modifiés (OGM) qui sortent des laboratoires de Monsanto auraient contaminé le patrimoine génétique de plants non modifiés artificiellement, du fait d’études d’impact bâclées. Pour les anti-OGM, l’innocuité de ces semences pour l’homme n’est pas prouvée. Des accusations que la firme américaine réfute sur son site, justifiant son recours aux biotechnologies en expliquant qu’il s’agit d’aider « les agriculteurs du monde entier à produire plus en préservant plus », dans un contexte de raréfaction des terres arables. Pour autant, la polémique autour des OGM, comme le procès contre le Lasso intenté par le paysan charentais en début de semaine, ne devrait pas entamer la puissance financière et le quasi-monopole de Monsanto. En avril 2011, en effet, le géant américain a prévu un bénéfice net d’1 milliard de dollars (700 millions d’euros) pour l’exercice en cours. Quant à sa position de leader sur le marché des semences, elle n’est pas remise en cause. Au sein de l’association France Nature Environnement, l’optimisme n’est pas de mise : « Aujourd’hui, on peut encore se passer de Monsanto, assure Lionel Vilain, conseiller technique de l’association. Mais la firme règne avec un quasi-monopole sur le marché des semences transgéniques et conventionnelles. Elle partage le marché avec seulement quatre autres multinationales aux pratiques sûrement similaires aux siennes. La question est de savoir si, demain, on pourra faire sans ces multinationales. »

La puissance du lobby Monsanto : l’exemple de la mise sur le marché des OGM

Lors de la mise sur le marché de semences OGM à la fin des années 1990, plusieurs voix au sein de la FDA – l’agence sanitaire américaine – ont souhaité que des études de dangerosité plus poussées soient menées. Elles n’ont pas été écoutées. Dans son documentaire, Marie-Monique Robin interroge Dan Glickman, ministre américain de l’Agriculture entre 1995 et 2000, sous Bill Clinton. « On aurait dû faire davantage de tests, mais les firmes ne voulaient pas, avoue-t-il. J’ai subi trop de pressions. » Également interrogé par la journaliste, Jeremy Rifkin, président de la Fondation pour les tendances économiques et auteur, à la fin des années 1970, d’un livre sur les dangers des manipulations génétiques, assure n’avoir « jamais vu une société qui ait une influence aussi déterminante et à un niveau aussi élevé sur les autorités que Monsanto avec ses OGM ».

Le 28, aafv publie Un lien établi entre pesticides et cancer

On sait la catastrophe humanitaire que fut la guerre américaine au Viêt Nam. 35 ans après la fin de la guerre, l’Agent Orange tue encore. Le gouvernement américain et les entreprises américaines n’ont toujours pas indemnisé les victimes vietnamiennes. Pour cela ils arguent qu’il n’y aurait pas de preuves scientifiques de l’effet des pesticides sur les êtres humains, seulement des corrélations. Des travaux récents constituent un point d’appui pour qu’enfin justice soit rendue aux victimes des crimes de guerre américains.

L’équipe lauréate du Prix La Recherche en 2009 a montré comment les pesticides agissent sur le système immunitaire, faisant naître des globules blancs protégés de la mort cellulaire et susceptibles de devenir cancéreux (1).

Les études épidémiologiques sont délicates à interpréter. Il faut donc comprendre l’effet biologique des pesticides sur l’organisme, ce que l’équipe lauréate a entrepris de faire, suivant 128 agriculteurs pendant dix ans. Elle a montré que les agriculteurs exposés à certains pesticides présentent selon toute vraisemblance un risque plus élevé de développer un lymphome, cancer du système immunitaire. En effet, cette catégorie professionnelle présente fréquemment une altération chromosomique connue pour être une première étape vers la cancérisation de cellules lymphocytaires. Chez la plupart des gens, l’anomalie en cause est présente dans moins d’une cellule sur un million. Les chercheurs marseillais ont montré qu’elle était jusqu’à mille fois plus fréquente chez les agriculteurs exposés aux pesticides. De plus, l’analyse précise de leurs cellules altérées montre, et c’est une première, que certaines d’entre elles ont déjà les caractéristiques du lymphome et pourraient ainsi constituer de réels précurseurs tumoraux.

Mais l’anomalie chromosomique en cause est une condition nécessaire mais pas suffisante au développement du lymphome. D’autres altérations génétiques doivent se produire pour engendrer, à partir des cellules qui refusent de mourir, des cellules cancéreuses. Le sang des agriculteurs exposés aux pesticides présente un grand nombre de lymphocytes ayant une survie prolongée. Et cette longue durée de vie augmente les risques qu’ils subissent une ou plusieurs altérations génétiques supplémentaires, leur conférant par exemple la capacité à se multiplier indéfiniment, l’autre grande caractéristique des cellules cancéreuses.

Il reste à quantifier ce risque. Existe-t-il un moyen simple de distinguer parmi les lymphocytes incriminés ceux qui évolueront en tumeur de ceux qui ne le feront pas ? Le processus de cancérisation peut prendre plus de vingt ans. Il faut trouver le moyen de prédire à quel moment un individu « sain » devient un « patient ».

Jean-Pierre Archambault Secrétaire général de l’AAFV

D’après article La Recherche n°436, décembre 2009

(1) Equipe lauréate : Sandrine Roulland (porte-parole), Bertrand Nadel (directeur d’équipe, Jean-Marc Navarro ; centre d’immunologie de Marseille-Luminy – Inserm-U631, CNRS-UMR6102

En janvier 2012, le monde diplomatique publie « Agent Orange »

D’après une enquête du Japan Times, les habitants de Chatan, ville touristique sur la côte d’Okinawa, courent un risque d’empoisonnement. Des dizaines de barils d’ »Agent Orange », un défoliant toxique, ont été enfouis à la fin des années 1960 sous ce qui est devenu un quartier actif de la ville de Chatan, au centre de l’île d’Okinawa. (…) En août, un vétéran [américain] a raconté avoir, avec d’autres, déchargé [ces barils] d’un navire américain qui avait heurté un récif. (…) Incapable d’identifier l’endroit exact sur les cartes récentes, à cause des modifications du paysage depuis quarante-deux ans, [il] est parvenu à le localiser sur une carte de 1970 fournie par un résident inquiet. (…) Le Pentagone nie que l’ »Agent Orange » aie jamais été présent sur l’île d’Okinawa.

« Agent Orange buried at beach strip ? », The Japan Times, 30 novembre 2011.

Le 2 Janvier 2012, le journal l’Humanité, publie Agent Orange « Le tueur sévit encore, Joan Baez soutient ses victimes »

André Bouny, fondateur du Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange (CIS) et auteur d’ « Apocalypse Vietnam, Agent Orange », dénonce les effets des épandages américains. Joan Baez se déclare solidaire.

 Entretien :

La Fête de l’Humanité a été pour vous l’occasion d’une rencontre avec Joan Baez, au cours de laquelle la chanteuse a exprimé sa solidarité avec les victimes de l’Agent Orange en adhérant à leur comité de soutien. Comment s’est passée cette rencontre ?

André Bouny. En effet, c’est la Fête de l’Humanité où j’étais invité au village du livre pour signer mon livre qui a permis cette entrevue. L’occasion de rencontrer Joan Baez est rare. Y parvenir ne fut pas simple, 100 000 personnes l’attendaient devant la Grande Scène. J’ai pu l’approcher (1) après son concert. Je n’avais pas bougé de place depuis son arrivée dans la loge et, à son retour de scène, elle m’adressa un clignement des yeux et prit mes mains qui l’applaudissaient. Je lui remis les papiers préparés à son intention, précisant que bon nombre de ses concitoyens fameux, comme Angela Davis ou Noam Chomsky, par exemple, faisaient partie de ce comité, et demandai: « Madame Joan Baez, acceptez-vous de soutenir les victimes vietnamiennes de l’Agent Orange ?

– Oui, je les soutiens », me répondit-elle sans hésitation.

Compte tenu de ses actions pacifistes face à la guerre du Viêt Nam, Joan savait parfaitement de quoi il s’agissait, puis le combat des vétérans étasuniens, eux-mêmes contaminés par leur propre épandage, fut retentissant chez eux: je n’eus pas besoin de la convaincre.

Qu’est-ce que le CIS, quel est son rôle et ses objectifs, et quelle importance revêt un tel soutien dans votre lutte ?

André Bouny. Le Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange (CIS) regroupe des sommités de tous les continents dans différents domaines liés à cette catastrophe, mais pas seulement. Ses objectifs sont d’apporter, d’appuyer et de renforcer les demandes légitimes des victimes lors d’interventions auprès de décideurs ou hauts responsables politiques (la plupart du temps étasuniens). D’où l’importance de l’engagement de Joan Baez. Sa notoriété mondiale ne peut que favoriser le soutien des anciens combattants alliés de l’époque des États-Unis, à savoir les Néo-zélandais, Sud-Coréens, Australiens, eux mêmes victimes…

Le premier épandage de la dioxine a eu lieu en 1961. Il y a cinquante ans. Qu’en est-il aujourd’hui des conséquences ?

André Bouny. En août 2010, la vice-présidente de l’Assemblée nationale du Viêt Nam a déclaré que son pays comptait 4 millions de personnes contaminées par l’Agent Orange. Les conséquences sont tout simplement catastrophiques ! Un nombre considérable de maladies systémiques sont désormais récurrentes du fait de la contamination environnementale durable provoquée par la dioxine contenue dans l’Agent Orange. Son transport dans la chaîne alimentaire et sa bioaccumulation dans les organismes provoquent les dommages d’un perturbateur endocrinien, et ses effets tératogènes font naître des enfants aux formes inhumaines. Mais le constat ne s’arrête pas là, des liens de cause à effet entre dioxine et d’autres pathologies sont établis par l’Académie nationale des sciences de Washington. Et la liste s’allonge sans cesse au fil des ans. Outre les handicaps physiques et mentaux, on dénombre d’autres conséquences sanitaires : maladies urogénitales, malformations cardiaques et cancers de toutes sortes viennent grossir le calvaire dans des proportions considérables. C’est sans fin… la guerre américaine au Viêt Nam s’éternise.

Les victimes qui avaient déposé plainte devant un tribunal américain de New York ont été déboutées. Quelles sont les alternatives ?

André Bouny. Elles ont été déboutées à trois reprises. Une première fois par le tribunal de première instance, puis par la cour d’appel fédérale et, en dernier recours, par la Cour suprême. Suite à ce triple déni de justice, il est toujours possible d’ouvrir un front judiciaire au Viêt Nam (politiquement difficile) et/ou en Europe. Mais, dans chacun de ces cas, la procédure resterait aléatoire, les États-Unis n’ayant pas signé la plupart des textes qui constituent le droit international… La pression de l’opinion publique internationale serait certainement la meilleure solution. Cependant, bien que de nombreuses organisations et personnes se mobilisent à travers le monde, on est loin du compte… Pourquoi ? Parce que les médias complaisants envers la diplomatie et, surtout, obéissants aux intérêts de leur actionnariat croisé se taisent d’eux-mêmes. À l’instar de toutes les transnationales, les grands groupes de la chimie, comme Dow Chemical et Monsanto, entre autres, fabricants historiques de l’Agent Orange et responsables des polluants organiques persistants (POP) utilisés dans l’agriculture intensive et l’industrie agroalimentaire actuelles, voire pharmaceutique, diversifient le placement de leurs avoirs dans tous les compartiments d’activité de l’économie mondiale, abaissant ainsi le risque que représenterait l’effondrement de leur secteur en particulier et consolidant de ce fait l’ensemble des domaines. Or les médias vivent essentiellement de leurs annonceurs et les donneurs d’ordres sont ces grands argentiers (quand ils ne possèdent pas en propre des chaînes de télévision, des radios, des magazines et des journaux). Les grands groupes de la chimie pèsent sur/et dans tous les compartiments de la consommation planétaire. Ainsi les victimes vietnamiennes de l’Agent Orange sont prises dans le filet de la financiarisation de l’économie mondiale, à laquelle les médias sont partie prenante. Dans la catastrophe qui nous intéresse, informer à tout va risquerait de porter atteinte à leurs intérêts (car un jour il faudrait dédommager des millions de victimes et décontaminer les sols à l’échelle d’un pays).

Aussi, malgré l’ampleur du crime, ils semblent ne plus pouvoir informer.

(1) à ce sujet, André Bouny précise : «L’environnement de la Grande Scène oblige à traverser cette foule, et les services de sécurité et secours sont autant d’obstacles supplémentaires à franchir. Je dois remercier Josiane Comet, Michel Laviec, Alain et Jocelyne Grimaud, Joël Lumien et Michel Decker qui, ayant bien compris l’importance de la cause, facilitèrent la chose.»

Entretien réalisé par Dominique Bari

Le lendemain, 3 janvier, greenpeace annonce Bientôt des OGM tolérants à l’Agent Orange par Eric Darier, Directeur

En plein milieu des vacances de Noël, le gouvernement américain a annoncé son intention d’autoriser des OGM tolérants à l’un des ingrédients toxiques de l’ « Agent Orange ». Rappelons que l’armée américaine a utilisé massivement l’herbicide Agent Orange durant la guerre du Viêt Nam, ce qui aurait engendré des malformations congénitales chez 400 000 personnes (The Globe & Mail).

Dow AgroSciences (propriété de Dow Chemicals) a néanmoins annoncé son intention de mettre bientôt en marché du maïs, du soya et du coton OGM résistants à l’un des ingrédients de l’Agent Orange : l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (2,4-D). Le 2,4-D est considéré comme étant un perturbateur endocrinien, et causerait des cancers et autres maladies. Même le ministère des Vétérans des États-Unis a un site Internet spécialement dédié aux conséquences de l’Agent Orange.

Toujours des fausses promesses sur les OGM

À la fin des années 1990, lorsque le lobby des biotechnologies (principalement Monsanto) tentait de convaincre les gouvernements d’autoriser les plantes génétiquement modifiées (OGM), les industriels prétendaient que les plantes OGM résistantes aux herbicides permettraient de réduire l’utilisation de ces produits toxiques. (En fait, l’utilisation des herbicides a atteint des records au Québec récemment) En particulier, Monsanto voulait faire croire que l’herbicide Roundup (glyphosate) qui accompagne la plupart des OGM de Monsanto était moins nocif que d’autres herbicides. Quinze ans plus tard, les effets négatifs des herbicides à base de glyphosate commencent à être bien documentés… Greenpeace avait alors exigé du gouvernement fédéral une « réévaluation urgente de toutes les formulations d’herbicides à base de glyphosate et un moratoire sur tous les nouveaux OGM tolérants au glyphosate ». On attend toujours une réponse. La seule bonne nouvelle est la décision d’un tribunal de la Colombie-Britannique qui a obligé les autorités canadiennes à réévaluer le Roundup pour ses impacts négatifs sur la santé. De plus, les mauvaises herbes commencent à être résistantes aux herbicides à base de glyphosate, ce qui pousse les agriculteurs à utiliser plus d’herbicides et encore plus toxiques comme … le 2,4-D! En mettant sur le marché du maïs, du soya et du coton OGM tolérant au 2,4-D, on peut donc prédire qu’à terme, les mauvaises herbes deviendront également tolérantes à ce produit toxique ; c’est d’ailleurs ce que certains scientifiques indépendants prédisent (lire l’article publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States). Le 2,4-D devra-t-il alors être remplacé par des herbicides encore plus toxiques ? Bref, nous sommes engagés dans une spirale sans fin que les OGM ont permis d’accélérer. En plein milieu des vacances de Noël, les autorités américaines ont ouvert une période de consultation publique de 60 jours (jusqu’au 27 février 2012) pour autoriser les OGM de Dow.

Si les États-Unis autorisent ces plantes OGM tolérantes au 2,4-D, il est presque certains que le gouvernement canadien suivra.

Le 6 du même mois, vietnamplus publie Les victimes de l’Agent Orange ont besoin de beaucoup plus de soutien

 « C’était une rencontre pleine d’émotion », a confié le député américain Robert Earl Filner lorsqu’il a vu lui-même et pris dans ses bras des enfants vietnamiens victimes de l’Agent Orange/dioxine, le 5 janvier dans le village de Hoa Binh de l’hôpital de Tu Du à Ho Chi Minh-Ville. Observant en silence et écoutant avec attention, puis, en s’arrêtant devant chaque enfant, il se renseignait précisément sur sa naissance, ses infirmités et l’état de sa santé. Il est resté plus longtemps dans la chambre où sont conservés des fœtus difformes, preuves conservées depuis des années par le médecin Mme Nguyen Thi Ngoc Phuong, ex-directrice de l’hôpital de Tu Du et vice-présidente de l’Association des victimes de l’Agent Orange/dioxine du Viêt Nam, ainsi que ses collègues.

À la sortie de cette chambre, le député Roberb Earl Filner a parlé à voix basse avec ses collaborateurs, laissant échapper « c’est trop triste ».

Selon le docteur Nguyen Thi Ngoc Phuong, il y a des amis étrangers qui ont vomi, ne pouvant supporter l’épouvantable réalité des faits se trouvant dans cette chambre.

Selon des statistiques sommaires, le Viêt Nam compte environ 3 millions de victimes de l’agent orange/dioxine, les premières générations contaminées, atteintes de diverses formes de cancer, disparaissant peu à peu, a ajouté le médecin Nguyen Thi Ngoc Phuong.

Le gouvernement américain qui a accordé au Viêt Nam un soutien financier pour régler les conséquences de l’Agent Orange l’a augmenté progressivement ces derniers temps, en les portant de 3 à 6 millions de dollars, avant que le président Barack Obama n’accorde en 2010 une aide de 20 millions de dollars pour décontaminer l’aéroport de Da Nang. Néanmoins, ces aides demeurent insuffisantes pour pallier à toutes les conséquences que ce défoliant a eu pour notre pays, a déclaré Nguyen Thi Ngoc Phuong.

Répondant à une question du journal « Sai Gon Giai Phong », Roberb Earl Filner a indiqué que les victimes de l’Agent Orange/dioxine du Viêt Nam ont besoin de plus de soutien et qu’il fera tout ce qu’il peut afin d’obtenir davantage de soutien de la part de son gouvernement, mais aussi des particuliers et organisations caritatives, notamment de médecins. Expliquant l’objet de sa visite, il a confié qu’il voulait se renseigner et apprécier de visu la situation pour conclure que « nous devons faire plus pour aider le Viêt Nam à surmonter ce fléau ». –AVI

Le 13, thanhniennews publie Le débat sur les cultures transgéniques de Monsanto rouvre les blessures de l’Agent Orange

 Les militants sont malheureux qu’une société qui a mutilé tant de civils vietnamiens puisse un jour bénéficier de l’autorisation d’exercer dans le pays. Par An Dien

Aucune société de biotechnologie n’a encore obtenu le feu vert officiel pour la vente d’organismes génétiquement modifiés (OGM ), mais cela n’a pas apaiser les craintes que le Viêt Nam pourrait se retrouver avec un autre héritage tragique à cause de cette compagnie qui a fait tant de morts dans le pays, disent les militants écologistes.

Il serait ironique que le Viêt Nam devienne un marché d’un produit  » mortel  » conçu par la même société américaine qui a fabriqué l’Agent Orange, un défoliant toxique utilisé pendant la guerre du Viêt Nam, ont-ils souligné.
Un militant a déclaré qu’il était « malheureux » de la manière dont les hauts fonctionnaires parlaient sans cesse des OGM, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Cao Duc Phat, a éludé la question sur Monsanto à l’Assemblée nationale.

Lieutenant Général Nguyen Van Rinh (ancien ministre de la défense, président de l’Association vietnamienne des victimes de l’Agent Orange), rapporte Vietweek, posa une question portant sur l’entreprise Monsanto : «Je parlais de la position de votre ministère sur Monsanto qui essaie de pousser à l’application généralisée de maïs OGM dans le Viêt Nam « , a-t-il dit.
Entre 2,1 à 4.800.000 de Vietnamiens ont été directement exposés à l’Agent Orange et d’autres produits chimiques qui ont été liés à des cancers, des malformations congénitales et d’autres maladies chroniques pendant la guerre qui a pris fin en 1975, selon la Croix-Rouge du Viêt Nam. La réponse du ministre, obtenue par Vietweek, dit: «Les essais sur le terrain ont été effectuées et tous les matériaux et les graines de maïs génétiquement modifié ont été détruits sur place. »Ces cultures OGM devront être sous surveillance stricte, conformément aux lois vietnamiennes avant qu’elles ne soient cultivées et produites sur une grande échelle. »

En 2006, le gouvernement a approuvé un plan qui envisageait la couverture de 30 à 50% des terres agricoles du pays avec le gène altéré controversée d’ici 2020. Seules trois sociétés – Monsanto, Syngenta et Pioneer – ont été autorisées à effectuer des recherches et des tests de laboratoire au Viêt Nam, déclara le ministre. Monsanto représente près d’un quart (23 pour cent) du marché mondial des semences brevetées. Rinh est également préoccupé par le Roundup herbicide Monsanto branche pour une utilisation avec ses cultures. « En introduisant des OGM jumelés avec des désherbants toxiques, l’héritage tragique de l’Agent Orange pourrait se répéter », a-t-il averti.

Selon le site de la société Monsanto basée au Missouri, Roundup fonctionne en étant absorbés par les feuilles des plantes et dans le système SAP. De là, il fait son chemin vers les racines où il tue rapidement la plante. La société affirme que le Roundup est uniquement actif dans les plantes, et qu’il devient inactif une fois qu’il touche le sol. Mais Monsanto a été condamné en France pour publicité mensongère en 2007 pour ses allégations selon lesquelles Roundup était biodégradable et laissait le sol «propre».

Il a également été pris comme falsifiant des données dans ses études. Malgré les affirmations contraires de la société, différentes études indépendantes ont souligné que les animaux de laboratoire consommant le soja ou le maïs traité au Roundup développaient de graves problèmes de reproduction. Il ya eu des changements dans les testicules, utérus, et le fonctionnement de l’ADN de leur progéniture, jusqu’à quintupler la mortalité infantile ou de plus petits bébés, et des descendants stériles.

Il a était démontré que le Roundup est toxique pour l’environnement, causant des anomalies congénitales chez les humains, les militants se méfient d’un autre héritage tragique de l’Agent Orange. Jeffrey Smith, auteur du best-seller Semences de tromperies et fondateur et directeur exécutif de l’US Institute ONG basée en Californie pour Responsible Technology, a déclaré: «Ce n’est pas seulement la conséquence qu’un nouveau maïs génétiquement modifié et conçu pour être tolérant à l’herbicide 2,4-D (un composant de l’Agent Orange), mais cela signifie que des quantités beaucoup plus élevées de substances toxiques 2,4-D devront imprégner les limites des terres agricoles où cette nouvelle culture sera plantée. » Ce serait une conséquence ironique et grinçante si les Vietnamiens souffraient de malformations à la naissance à cause de ces deux produits Monsanto, le Roundup et l’Agent Orange. »
Vietweek a essayé de joindre Monsanto sur les préoccupations des militants, mais n’avait pas encore d’obtenu une réponse au moment de mettre sous presse. VW

Le vendredi 20 Janvier 2012, vned publie Nouvelle analyse du mécanisme de la toxicité de la dioxine, par le Dr Jean Meynard, vice-président de l’association, en charge des questions médicales.

Le mécanisme de la toxicité de la dioxine et de son rôle potentiel sur la survenue d’anomalies néo-natales dans des populations soumises à ce produit chimique a reçu récemment, sans vouloir faire étalage de science et termes techniques, le renfort de la théorie des perturbateurs endocriniens (PE) (endocrine signifie qui a rapport à la sécrétion interne des glandes, le plus souvent des hormones).

Un PE est donc une molécule ou un agent chimique, véritable leurre, qui a des propriétés hormonomimétiques, ou de blocage ou de dérèglement hormonaux.

Des études scientifiques ont été menées depuis plusieurs décennies dans divers pays sur des anomalies morphologiques détectées dans des espèces animales tant sauvages que d’élevage.

Les produits incriminés à l’origine de ces malformations sont des composés naturels ou synthétiques, des détergents, des pesticides et des plastifiants, dont la liste serait fastidieuse mais parmi lesquels on peut citer : le DDT, interdit dans de nombreux pays à partir de 1970, les dioxines dont la dioxine TCDD contenue dans l’Agent Orange est le plus toxique de tous les produits mentionnés, les PCB (polychlorobiphényles), le bisphénol A et les phtaliques.

Ces diverses molécules agissent sur l’équilibre hormonal d’espèces vivantes, pouvant modifier, altérer la croissance, le développement, le comportement et parfois la fonction sexuelle et reproductrice. Elles agissent à très faibles doses, de façon insidieuse et les perturbations sont d’autant plus graves qu’elles se produisent tôt après la conception chez le fœtus et ensuite parfois chez le nouveau-né.

On peut s’étonner de la discrétion qui entoure la révélation des conséquences potentielles de l’utilisation de ces diverses molécules dans l’environnement humain et animal, mais ayons en mémoire la lenteur de la reconnaissance officielle de la terrible nocivité de l’amiante, plus de 80 ans. Donc, pour la reconnaissance de la toxicité de la dioxine au fil des générations ne perdons pas espoir.

Une semaine plus tard, agentorangerecord , Rapport de presse américain des résultats d’analyses de Camp Carroll, Corée du Sud

L’armée américaine a publié son rapport d’analyse de la contamination à la dioxine et autres substances toxiques à la base militaire américaine de Camp Carroll en Corée du Sud.

KPHO (CBS -5) à Phoenix, AZ a fait état depuis l’année dernière de cette question quand un vétéran militaire de Phoenix a affirmé qu’il faisait partie d’une équipe qui avait reçu l’ordre d’enterrer des barils d’Agent Orange et autres produits chimiques toxiques en 1978.

Plus de 100 barils de produits chimiques toxiques différents, contaminants et solvants auraient été excavés et évacués un an plus tard.

Les États-Unis nient que l’Agent Orange a été parmi les barils de produits chimiques qui ont été enterrés. Le rapport a conclu qu’il y avait des traces de 2,4,5-T trouvées dans la zone 41 sur le côté sud de la base. Toutefois des traces de 2,4,5-T et de 2,4- D ont été trouvés dans l’un des puits d’eau. La dioxine TCDD a été trouvée dans des niveaux faibles dans deux échantillons prélevés près de l’héliport. Un échantillon prélevé à une profondeur de 2 à 5 mètres contenait 7,44 pg /g (0,001 à 10,087 TEQ) et une autre prise dans une profondeur de moins de 0,5 mètres avait 0,57 pg/g TCDD (0,006 à 4,192 TEQ). Des traces d’autres dioxines ont été trouvées dans d’autres domaines de la base, mais aucune d’elles contenaient de la TCDD.
La présence de 2,4-D et le 2,4,5-T ainsi que la TCDD dans des niveaux très bas au Camp Carroll peuvent indiquer qu’il ya eu, à un certain moment, de l’Agent Orange ou autres herbicides similaires à la base. Cependant, aujourd’hui, les niveaux de TCDD trouvés ne constituent pas une menace importante pour la santé publique.

Cependant, le test a également révélé la contamination par d’autres produits chimiques à des niveaux supérieurs aux recommandations de l’EPA et aux normes sud-coréennes dans les puits d’approvisionnement en eau souterraine, y compris la dieldrine, un pesticide interdit au niveau international en 1987, le trichloréthylène et le perchloroéthylène, des niveaux inquiétants de contamination des sols. De l’arsenic [présent dans l’Agent Bleu utilisé au Viêt Nam pour détruire les rizières] a également été trouvé dans cinq des échantillons prélevés. Le journaliste Tammy Leitner a appris qu’il n’y avait pas de plans des États-Unis pour l’assainissement de Camp Carroll.

Enfants victimes de l’Agent Orange, photo par André Bouny

LIRE : http://www.editionsdemilune.com/agent-orange-apocalypse-viet-nam-p-33.html

 

 

André Bouny, pt du Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange, auteur de « Agent Orange, Apocalypse Viêt Nam », Éditions Demi-Lune, 2010, Paris :http://www.editionsdemilune.com/agent-orange-apocalypse-viet-nam-p-33.html#Description-du-livre

 

 

 

 

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