Alerte! Désinformation éhontée sur la situation au Honduras!

Le Honduras est au bord du précipice et la désinformation médiatique atteint des proportions ignominieuses. La narration qu’elle nous impose est celle d’un chaos que sèment dans le pays des bandes de délinquants qui pillent et incendient des bâtiments et manifestent violemment contre les forces de l’Ordre.

La réalité est tout autre. Pour l’immense majorité de la population, le pays est un enfer dans lequel les habitants sont soumis au règne de la terreur. La violence ciblée – contre tous ceux qui s’opposent aux exactions et aux pillages d’un narco-gouvernement, qui se confond avec le crime organisé et à ceux que pratiquent les Corporations auxquelles ce gouvernement à littéralement livré le pays – s’accompagne d’une violence aveugle, arbitraire, terreur sur fond de désolation, de ruine et d’une profonde misère.

C’est la cause de l’exode massif des honduriens, les nombreux enfants qui partent seuls inclus. Des personnes entament cette longue et dure marche avec l’infime espoir que, peut-être, avec beaucoup de chance, ils feront partie des quelques rares qui parviennent au but, la terre promise du mieux vivre, le mythe étasunien. Pour beaucoup partir, c’est fuir sans se retourner, parce que de toute façon, quoiqu’il arrive, cela ne pourrait être pire… pas même le grand risque de mourir, de disparaître en chemin. Un pas après l’autre pendant des milliers de kilomètres de privations et de dangers permanents, où comme victime de traite humaine, si pour ces migrants le Honduras est un enfer, le chemin ne l’est pas moins, la différence c’est qu’au bout du chemin il y a la faible lueur d’espoir qui n’existe plus dans leur pays.

J’ai entendu beaucoup d’appels venus du Honduras, au cours des derniers jours, ils viennent des voisins du plus pauvres des barrios écartés du fin fond du pays, ils viennent des paysans, des populations indigènes et garifunas, il viennent du corps médical, de celui des professeurs, d’autres corporations professionnelles et syndicats et autres associations, ils viennent aussi de membres de Partis politiques Traditionnels comme le Parti Libéral ou d’entrepreneur, de membres des corps de police et des groupes d’élites, de militaires actifs ou retraités,… ils disent à l’unisson :

« Le pays est au bord du précipice, nous ne sommes ni des délinquants ni des terroristes, nous somme le peuple du Honduras qui d’une seule voix demande d’être entendu par la communauté internationale : le Président Juan Orlando Hernandez doit partir. Le pays doit avoir une chance de se reconstruire en mettant un terme à la corruption, au narcotrafic, à l’infiltration du crime organisé dans tous les rouages de l’état. Le pays doit avoir une chance de se reconstruire en consacrant les sommes démesurées qui ont été consacrées à la militarisation de la sécurité à des projets d’espoir, des projet de travail, d’éducation, de santé, de culture. »

La dégradation elle n’est pas neuve, alors que Manuel Zelaya, élu président en 2006 sur les listes du Parti Libéral avait entamé un redressement du pays, avec l’accent posé sur la justice sociale, le 28 juin 2009, il est renversé par un coup d’état militaire. Alors que l’ONU condamne le coup d’état à l’unanimité -tous les délégués se lèveront pour lui rendre hommage, quand Zelaya en exil s’y présentera – le tandem Clinton-Obama manœuvrera pour que ce pérennise le coup d’état. Cette fois encore ils seront aidé par la « communauté médiatique de propagande » qui désinformera massivement dans une opération éhontée de manipulation des inconscients collectifs : « Manuel Zelaya, le président déchu du Honduras » est matraqué de toute part, alors qu’officiellement sont toujours en cours les négociations qui devraient lui permettre de rentrer dans la légitimité de sa fonction de président. L’administration Obama contribuera activement à la réalisation des fraudes électorales qui permettront que le coup d’état se perpétue pendant 10 ans. Ce sont les mêmes qui construiront les cages où sont encore enfermés les enfants (et les adultes) du Honduras qui depuis fuient le pays, arrivent épuisés aux USA et se font capturer par la « Migra » ou les « bons citoyens » qui lui viennent en aide.

Les même ce ne sont pas tant les présidents que ces structures inamovibles du pouvoir qui à travers les alternances présidentielles poursuivent depuis des décennies les politiques impérialistes des USA en Amérique Latine (et dans le monde). Mais cela n’excuse en rien, ceux qui assumant des fonctions officielles de gouvernements contribuent à rendre cela possible. En ce qui concerne le Honduras, activement Hillary Clinton, et Obama par sa passivité son discret retrait depuis le coup d’état.

Où je veux en venir, ici spécifiquement : Est-il possible de renverser cela ?

Le premier acte de politique étrangère du Président des États-Unis du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador a été d’initier un programme de lutte contre la migration forcée qui prétend attaquer le mal à la racine sous forme d’un plan commun de développement pour les pays d’Amérique Centrale (Guatemala, Salvador et Honduras) et le Sud du Mexique. Pourquoi le Sud, parce que le Mexique est un pays balkanisé. Schématiquement : alors que les états du nord ont des croissances économiques positives qui peuvent atteindre un taux de +11 %, ceux du Nord subissent des croissances négatives qui peuvent être de l’ordre de -11 %. Ils sont donc eux aussi un des lieux d’origine de la migration qui « affecte » les USA.

Et ce plan prétend être un modèle pour le monde : Arrêter de lutter contre la migration forcée en luttant contre les migrants avec des mesures coercitives, prendre le mal à la racine, permettre à des personne qui n’ont aucune envie de partir de chez elles d’habiter leur pays dans des conditions de bien vivre.

(Cela vous semble évident ? Je ne sais combien de fois, j’ai posé la question à des militants des droits des immigrés « Que faites-vous pour que dans leur pays existent des conditions de vie décente ? » Pas un(e) n’a pu répondre à ma question de manière convaincante. Et pourtant c’est la vraie question et c’est une question d’équité. )

Ce plan a été conçu sous égide de la CEPAL (la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes de l’ONU), en faisant appel aux pays concernés, à toute organisations, associations, nations et organisations de nations prêts à le soutenir. Il a été présenté au mois de mai dernier. J’y reviendrai certainement. Ce que je veux mettre en évidence ici, c’est que la mise en œuvre de ce plan au Honduras sera impossible tant que ce pays sera soumis à la dictature d’un narco-gouvernement corrompu. C’est clair, net, sans appel. Pas un dollar, un lempira qui serait accordé au gouvernement du Honduras où à ses représentants qui contrôlent les rouages de l’état (la corruption et le crime organisé infiltrent jusqu’aux municipalités et leur forces de répressions), n’a aucune chance de parvenir à ses destinataires.

La semaine dernière les prémisses de la mise en pratique du plan ont été initiées, par un accord de coopération signé entre le présidents des EU du Mexique et celui du Salvador. « Sembrando vida » consiste en l’ensemencement et la culture de 200 000 mille hectares au Sud du Mexique et 50 000 au Salvador avec des arbres fruitiers et d’autres fournisseurs de bois. Ce plan, qui donnera du travail productif dans la durée à des centaines de milliers de personnes, est aussi un plan de lutte contre le réchauffement climatique qui affecte sévèrement les agriculteurs de la région. Le Mexique accordera une aide de 30 millions de dollars au Salvador pour la réalisation de ce projet. J’ai appris depuis que déjà la Communauté Européenne a décidé d’apporter son soutien à ce projet, elle ne sera certainement pas la seule.

Bukele a dit de AMLO : « Il veut vraiment le bien de son pays ». Je le pense aussi. Je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne Bukele qui vient d’accéder au pouvoir et est le président qui a le meilleur taux d’approbation d’Amérique Latine, Lopez Obrador en tout cas a choisi de lui faire confiance.

Il existe au Honduras une volonté majoritaire de réunir les forces pour concevoir et mettre en place un projet d’union nationale pour la régénération du pays comme celui qui se met en place au Mexique. Mais ces forces potentielles de transformation ont besoin du soutien de la communauté internationale et des personnes de bonnes volonté.

Ce que chacun peut faire, c’est chercher à s’informer sur la réalité de l’enfer que traverse le pays et sur la vitalité d’une résistance qui puise toujours au plus profond de la terreur, de la douleur, la force de chanter et de rire face aux armures des militaires. Le monde a laissé tomber le Honduras en 2009. L’enfoncera-t-il d’avantage encore par son silence et sa passivité en 2019 ?

Anne Wolff


Articles Par : Anne Wolff

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