Algérie. Célébration du double anniversaire du 24 février. Place à l’intelligence et à la connaissance.

«…Je proclame officiellement, au nom du Conseil de la révolution et du gouvernement, que les décisions suivantes sont applicables à compter de ce jour: la participation algérienne dans toutes les sociétés pétrolières françaises est portée à 51 pour cent, de façon à en assurer le contrôle effectif; la nationalisation des gisements de gaz naturel; la nationalisation du transport terrestre, c’est-à-dire de l’ensemble des canalisations se trouvant sur le territoire national.» Discours du Président Boumediene le 24 Février 1971
24 Février 1971, un coup d’éclair dans un ciel serein. Peu de personnes savaient que le Président Boumediene allait annoncer la nationalisation des hydrocarbures, Que resterait-il, en effet, de cette notion de souveraineté, dernier rempart contre une recolonisation qui nous revient sous le couvert de la mondialisation et brade notre maillon fort constitué par les hydrocarbures? Sous toutes les latitudes, sous tous les régimes, le pétrole et le gaz sont considérés comme ressources stratégiques, défenses immunitaires vitales, pour l’économie du pays, que l’Etat doit impérativement préserver et exploiter rationnellement. Souvenons-nous, les accords du 29 juillet 1965- remise en cause des accords d’Evian- qui avaient permis à l’Algérie de cesser d’être un simple percepteur d’impôts, de bakchich et de remettre en cause le système de concessions, puis de se lancer dans l’aventure industrielle en prenant directement en main, sur le terrain, les opérations d´exploration et de production. Afin d’affirmer son indépendance vis-à-vis des puissances les plus influentes en Algérie, les Etats-Unis et la France, le régime de Houari Boumediene avait développé une coopération très dense avec l’Union soviétique également. Le 24 Février 1971, lors d’un discours mémorable prononcé devant les cadres de l’Ugta, après avoir dressé un constat d’échec des discussions algéro-françaises menées jusque-là,
Faut-il ne plus commémorer le 24 Février?
Cette sentence provocatrice pour susciter le débat n’est pas de moi. En tant qu’ancien du pétrole, faisant partie, à la marge, du Club Energie des anciens du pétrole qui ont capitalisé une expérience globale de 2000 ans, en regrettant qu’elle ne soit pas sollicitée, je me sens interpellé et je me propose d’y répondre. Le 24 Février il n’y eut ni coup d’Etat externe ni arrestation ni des morts, Ce fut un coup d’Etat scientifique qui surprit les compagnies concernées. On rapporte qu’il n »y eut que peu de personnes à être au courant. Ceci rappelle la nationalisation du canal de Suez par Nasser. Mohamed Hassanne Heykel, le grand journaliste, ami du président Nasser, raconte dans son ouvrage: «Les Documents du Caire» comment l’opération fut préparée. Nasser devait tenir un discours dans lequel il donnerait par la prononciation d’une phrase le feu vert pour la prise en charge du fonctionnement du canal par les ingénieurs et les techniciens égyptiens aidés par l’armée.
Les pionniers fondateurs de l’IAP
Parmi les pionniers de l’après-nationalisation, qui ont donné un sens à cette aventure pétrolière, citons les pionniers de la formation dans le domaine pétrolier et dans le domaine académique. Il faudrait citer d’abord notre aîné l’honorable Djelloul Baghli, ancien ministre. Il fut l’artisan de la formation des hommes qui eurent à prendre en charge les destinées pétrolières de l’Algérie. Il nous raconta en termes simples comment il contribua pendant la guerre de Libération à envoyer des étudiants partout dans le monde. Monsieur Baghli nous apprit que la Révolution a permis la formation de près de 900 cadres à comparer avec les 580 diplômés formés en 132 ans par la France. L’IAP-créé, lui aussi, à partir de rien et ayant démarré six mois après sa création, fut à bien des égards l’un des pourvoyeurs en cadres. Il démarra l’IAP Dar Beida à partir de rien… Ni structure ni budget, avec quelques mois pour le faire démarrer avec l’aide de l’Institut français du pétrole (IFP).
L’histoire retiendra que c’est le professeur Abdelaziz Ouabdesselam, premier recteur de l’Algérie indépendante et premier directeur de l’ Ecole polytechnique qui mit à la disposition de l’IAP naissant, le hall de génie chimique de l’Ecole pendant la première année scolaire.
Le discours de Boumediene avec son fameux «Kararna te’mim el mahroukate» nous l’avons écouté à l’Académie militaire de Cherchell (deuxième promotion). Quinze jours après, tout ce qu’il y avait comme matière grise futs envoyé sur le front du développement. C’est ainsi qu’une centaine d’ingénieurs et de techniciens furent envoyés en renfort dans le Sud pétrolier, des ingénieurs furent envoyés sur le Barrage Vert, d’autres sur la Transsaharienne, d’autres enfin sur le chantier des 1000 Villages agricoles qui devaient contribuer à reconstituer le tissu social de la paysannerie, détruit par les bombardements sauvages de l’aviation coloniale.
Avec quelques condisciples, je fus envoyé enseigner dans un lycée militaire et contribuer ainsi à la formation des hommes, autre défi majeur de l’Algérie. J’ai rappelé au passage que l’Ecole polytechnique fut aussi la colonne vertébrale de l’encadrement du secteur de l’énergie et de Sonatrach; elle donna au pays plus de 2000 ingénieurs dont certains occupèrent de hauts postes (ministres, P-DG, DG…).
Parmi les milliers de pionniers sur le front pétrolier, il me plaît aussi de citer Mohamed Fechkeur créateur de l’IAP de Hassi Messaoud (devenu Naftogaz):
«Il n’y a de richesse que d’homme, dit le dicton. El Hadj Mohamed Fechkeur fait partie de cette richesse algérienne. Il vaut, à lui seul, avec ses qualités humaines, son accueil, son endurance, sa consécration à la formation d’hommes… tous les gisements de la terre. Mohamed Fechkeur, qui a consacré sa vie entière au service de la jeunesse et de sa formation dans un domaine vers lequel peu d’Algériens osaient s’orienter: le forage pétrolier, métier éprouvant et présentant des risques pouvant être mortels. Il a su, grâce à sa force de persuasion et à ses grandes qualités humaines et de management faire adhérer à son projet des milliers de jeunes qui, une fois terminée leur formation au sein de l’institut algérien du pétrole de Hassi Messaoud, ont occupé et occupent toujours des postes importants de cadres techniques dans le secteur des hydrocarbures en Algérie et dans les pays du Golfe. une école reconnue au plan arabe et africain, comme l’une des meilleures écoles de formation de techniciens et d’ingénieurs dans le domaine du forage pétrolier. La rigueur et la discipline sont les fondements de son management et de sa conduite des hommes.» (1) (2)
«Quelques sagesses et une lueur d’espoir: «Dans la vie, nous sommes tout le temps au maquis», me confie-t-il. Nous avons appris beaucoup de choses. Ce que nous recherchions, c’était d’avoir des opérationnels. La formation se déroulait carrément sur le terrain. De 1967 à 1998.31 années dans la formation. J’étais surtout intéressé par le Sahara, le pétrole et l’exploration. Nous étions envoyés dans le temps, par le GPRA, c’était avant l’indépendance. J’ai d’abord fait mes études en Allemagne. «Les gens formés étaient prêts pour aller se battre et on avait un règlement intérieur où tout était interdit. Pour manipuler un appareil de forage, il fallait porter un sac de ciment. Je leur disais que c’est comme cela que vous construirez votre propre maison de demain. Il fallait des hommes convaincus. Il y avait beaucoup d’anciens P-DG qui étaient des anciens élèves de l’IAP. Tout au long de ma carrière, j’ai formé plus de 5000 techniciens. On n’avait pas besoin de tous les moyens qu’il y a aujourd’hui, tout a été fait en ramassant par-ci et par-là les ingrédients de la réussite. Monsieur Fechkeur restera unique.» Il est de la trempe des hommes exceptionnels dont la devise a toujours été: servir, servir et encore servir et ne rien attendre en retour si ce n’est la satisfaction de Dieu et sa conscience.» (1) (2)
La situation actuelle du pays et l’addiction à la rente
Depuis 1971, nous avons extrait du sous-sol près de 2 milliards de tep. Si on continue à ce rythme de production débridée, sans nouvelle découverte significative, nous en aurons pour une vingtaine d’années. De 1965 à 1978, l’Algérie a engrangé 22,5 milliards de dollars. Il y eut la création d’une trentaine d’entreprises d’envergure internationale dont la Sonatrach, la Sonelgaz et la Snvi. L’essentiel de l’industrie date de cette époque. Nous sommes bien contents d´avoir une capacité de raffinage de 24,5 millions de tonnes. Nous n’avons développé que l’amont uniquement pour rendre disponible les hydrocarbures et rien de significatif dans l’aval Depuis, nous avons engrangé plus de 1000 milliards de dollars. Rente qui ne nous a pas permis de sortir du sortilège du farniente trompeur de la rente qui a donné à l’Algérien que «tout lui est dû sans effort».
L’Algérie est encore un pays qui se cherche, qui n’a pas divorcé avec ses démons du népotisme ? Qui peine à se déployer, qui prend du retard, qui vit sur une rente car elle n’est pas celle de l’effort, de la sueur, de la créativité ? C’est tout cela en même temps ! Malgré une chute drastique des revenus du pétrole, elle ne prend pas assez compte du danger et les réformes tardent à venir, bloquées d’une façon incompréhensible alors qu’il s’agit de ne pas perdre du temps car le monde bouge. Nous n’avons plus le droit de continuer à vivre sur notre passé et penser que la rente réglera nos problèmes.
Malgré les moyens mis à disposition , l’école a été qualitativement un échec. Le niveau est déplorable, nous le voyons dans le supérieur. Justement, l’enseignement supérieur est analogue à un train fou que personne ne peut arrêter. On comprend alors pourquoi la formation d’ingénieurs a été supprimée dans les universités au profit d’un LMD dont on découvre graduellement les errements et les limites.
L’Algérie de 2019 importe pratiquement tout, a perdu son savoir-faire Elle n’a plus la foi, ce feu sacré qui nous faisait espérer en l’avenir avec 100 fois moins de moyens actuellement. Le jeune Algérien de 2019 bavarde avec un portable vissé à l’oreille, il tchatche sur Internet, roule pour certains en 4×4, et pense que tout lui est dû. Il ne sait pas ce que c’est que l’effort, l’honnêteté, les économies, il pense que l’école et l’université ne servent à rien prenant l’exemple sur les troubadours et les footballeurs qui gagnent en une saison ce que gagne un enseignant en une vie…
Qu’est-ce qu’être indépendant quand on est dépendant à 80% pour sa nourriture, à 100% pour sa construction, les transports, quand on est dépendant à 100% pour ses achats de tous les jours. 80% de notre nourriture dépend de l’étranger, l’industrie ne participe qu’à 5% de la richesse malgré la richesse des effets d’annonce dans le domaine industriel qui sont sans lendemain parce qu’indexés sur une vision qui ne fait pas appel aux Algériens. L’Etat est artificiellement riche, une population en majorité prête toujours à l’émeute, pour n’importe quoi.
Qu’est-ce qu’être indépendant quand nous ne pouvons plus défendre notre territoire qu’avec des armes classiques face aux drones, aux fusils laser, aux avions F16 et autres foudres ? Qu’est-ce qu’être indépendant quand notre système éducatif est en miettes et que l’on casse les dernières défenses immunitaires que sont les formations technologiques (ingéniorat). Sommes-nous devenus plus autonomes ? Avons-nous un taux d’intégration et un savoir faire réel ? Avons-nous des hôpitaux de qualité, une école qui fait réussir ? Une université vue comme un ascenseur social ? Rien de tout cela !
L’Algérie est devenue un immense tube digestif, décervelé, l’Algérien veut, sans effort, tout et tout de suite. L’Algérie peine toujours à se redéployer dans un environnement mondial de plus en plus hostile. Avec une mondialisation dimensionnée à la taille des plus grands, des plus forts, des plus intelligents la lutte est implacable. Des alliances se nouent, d’autres se dénouent. Quoi qu’on dise, les regards sont braqués sur l’Algérie. L‘échec du vivre-ensemble, l’appât du gain et pour notre malheur, l’étendue du pays, sa richesse en hydrocarbures et en terres agricoles, sont autant de critères de vulnérabilité. On ne laissera pas tranquille un pays de 2 387 642 km² – le premier pays d’Afrique après la partition du Soudan- avec sa profondeur stratégique, son potentiel énergétique, ses différents climats… son potentiel archéologique et touristique.
Comment se présente le futur?
Le monde de l’énergie est plus chaotique que jamais. Les guerres pour l’énergie vont continuer, il y aura des guerres qui seront dues au climat, des guerres de l’eau, des guerres pour la nourriture. La situation est totalement différente de 1971 où le marché était plus cohérent, sans contrainte en termes d’approvisionnement. Imaginons un gouvernement fasciné par l’avenir. Imaginons que nous ayons des dirigeants fascinés par l’avenir et par la nécessité de graver dans le marbre un itinéraire pour l’Algérie dans un monde de plus en plus fluctuant. Le premier secteur à secourir est l’éducation qui n’arrête pas de péricliter. L’enseignement supérieur devrait être revu pour impliquer l’université. Un autre défi majeur que connaîtra notre pays dans une génération, du fait que le pétrole et le gaz auront disparu de notre paysage énergétique d´une façon significative, est celui de l’approvisionnement en énergie et la réponse appropriée aux changements climatiques.
Posons-nous très concrètement la question de savoir comment nous allons nous en sortir si nous n´avons pas, à titre d´exemple, une vision d´avenir. Nous avons une population de 43 millions d’habitants, des habitudes de consommation de pays riches que l’on se permettait tant que le baril valait 100 dollars et plus. En 2014, nous avons perçu 55 milliards de dollars de rente et en 2018, 35 milliards. Dans une conjoncture marquée par la conjugaison des prix erratiques, une production nationale qui stagne et la hausse de la consommation, l’Algérie se trouve devant un dilemme. Comment satisfaire la demande locale tout en préservant ses parts de marché à l’export? La consommation d’électricité augmente de 8% par an, la consommation de gasoil a triplé entre 2000 et 2014, et celle de l’essence a plus que doublé durant cette période. Imaginons que nous sommes en 2030. La population sera de 52 millions de personnes. Pour la consommation interne, en supposant un modeste développement qui nous fera passer de 1 tonne de pétrole consommée par habitant et par an à seulement 2 tonnes, c’est 100 millions de tonnes à mobiliser. Nous les aurons de moins en moins, ce qui va se ressentir d’une façon drastique sur notre rente car étant mono-exportateur. A ce rythme de gaspillage frénétique de nos ressources, l’Algérie aura épuisé sans discernement ses ressources, véritables défenses
L’économie de la connaissance est notre nouvelle renaissance
« Dans un discours prononcé à la Maison-Blanche, le président Jimmy Carter en 1977 évoque la crise énergétique qui frappe alors les économies occidentales et il y glisse cette réflexion sibylline : si nous indexons le dollar sur les matières premières, son potentiel est grand, mais limité ; si nous indexons le dollar sur la connaissance, alors son potentiel est infini. »
La flamme de la Révolution s’est refroidie en rites sans conviction, pour donner l’illusion de la continuité. Mieux encore, le moteur de la Révolution qu’était le FLN a été confisqué au profit d’une caste pendant un demi-siècle. Le FLN post révolution s’accroche au pouvoir-, n’a pour programme que l’opportunisme- et ceci il faut bien le dire, d’un manque cruel de compétence de ceux qui se l’ont approprié. Pour le regretté Boudiaf : « Le FLN est mort en 1962. » Le FLN qui a rempli son immense tâche historique qui a abouti à l’indépendance est la propriété de tous les Algériens. Il doit laisser la place à d’autres partis politiques qui ont pour légitimité l’intelligence, le savoir, le Web2.0
Pour avoir une idée de ce que c’est que le pouvoir de l’intelligence, nous devons prendre exemple sur les meilleurs et non sur les rentiers du Golfe. En 2011, l’Ocde a classé Israël le pays au niveau d’éducation le plus élevé au monde, après le Canada. (taux d’alphabétisation de 97,1% contre 40% dans les pays arabes). Alors que l’Europe y a consacré 3% de son PIB, Israël 5%, soit 2 fois plus que la moyenne des pays de l’Ocde. Israël détient le record du nombre de start-up par habitant : 3850, soit une start-up pour 1844 habitants.
Que faut il alors ?Battre sa coulpe ou faire dans la résignation en invoquant un atavique maktoub ( c’est écrit) ; Toute évolution réelle est indexée sur le savoir ou la connaissance Idriss, Aberkane, brillant ingénieur parler avec bonheur de l’économie de la connaissance :
« Imaginez une économie dont la ressource est infinie. Imaginez une économie où, si vous donnez quelque chose, il vous appartient encore. Imaginez une économie où deux et deux font cinq. Imaginez une économie où le chômeur possède plus de pouvoir d’achat que le salarié. Si les matières premières sont finies, la connaissance est infinie. Donc si notre croissance est basée sur les matières premières, elle ne peut pas être infinie. Si elle est basée sur la connaissance, une croissance infinie est très facile à atteindre. Et c’est une bonne chose car l’économie de la connaissance recouvre la totalité du développement durable. Car une économie croissante indexée sur les ressources, même renouvelables, n’est pas durable. Une économie croissante, indexée sur la connaissance, est durable. (…) » (3)
« En 1984 Steve Jobs rencontre François Mitterrand et affirme « le logiciel, c’est le nouveau baril de pétrole ». Trente ans plus tard Apple possède une trésorerie de la taille du PIB du Vietnam ou plus de deux fois et demie la totalité du fonds souverain algérien – basé lui sur les ressources – et l’homme le plus riche du monde n’est pas un pétro-monarque mais un magnat du logiciel. Quand la Corée du Sud, dont l’économie croit exponentiellement depuis les années 1950 sans quasiment aucune réserve de matière première, a expérimenté un Ministère de l’Economie de la Connaissance, ou quand Barack Obama courtise les meilleurs geeks de son pays comme Elon Musk et Taylor Wilson, et qu’il en nomme même – comme Steven Chu et Ernest Moniz – ministre de l’Energie, un poste autrefois dévolu aux vieux briscards des hydrocarbures. »(3)
Idriss Aberkane ajoute : « La connaissance mondiale double environ tous les 9 ans, un chiffre hallucinant qui signifie qu’en moins d’une décennie, l’humanité produit plus de connaissances nouvelles que dans les sept mille dernières années de son histoire. Car si la connaissance est le nouveau pétrole, le Knowledge Flow est le nouveau Cash Flow. L’économie de la connaissance est une révolution. « Quand on partage un bien matériel on le divise, quand on partage un bien immatériel on le multiplie ». Donner 20 euros ou 20 millions d’euros prend virtuellement la même durée : une signature sur un chèque. Les regroupements de connaissance ne sont pas linéaires. Posséder 20 euros et 20 euros c’est en posséder 40. Mais savoir deux choses en même temps c’est plus que savoir deux choses séparément. »(3).
« Voici une économie qui ne ressemble pas à l’économie. Mieux, elle en défie toutes les lois : sa matière première est inépuisable, elle favorise et récompense le partage, et son pouvoir d’achat – infini – ne dépend que de chacun d’entre nous. Idriss J. Aberkane, pressent les dangers et les limites d’une économie droguée aux matières fossiles Dans la Silicon Valley, une poignée d’entrepreneurs partagent le même rêve. De Steve Jobs (Apple) à Sergueï Brin (Google), de Mark Zukerberg (Facebook) à Elon Musk (Tesla), ces « héros de la Valley » vont faire la démonstration que « la connaissance est de loin la ressource économique la plus essentielle à un pays ». Aberkane illustre la « malédiction » du pétrole en comparant les exportations de la Russie et de la Corée du Sud, petit pays qui a osé expérimenter un ministère de l’économie de la connaissance : « En ne possédant qu’un tiers de la population russe et avec un territoire 171 fois plus petit, la Corée du Sud exporte davantage que la Russie, car, au lieu d’entretenir la paresse mentale qu’induit inévitablement l’accès aux ressources naturelles bon marché, elle est forcée d’exporter de la connaissance et du savoir-faire. » (4)
Un gouvernement fasciné par l´avenir, misera sur l´intelligence et le savoir. Nous avons le soleil, donc l’énergie, l’eau, le sol et une jeunesse nombreuse et capable de relever le défi en opérant de fait un nouveau premier novembre du XXIe siècle. Il s’agit de se battre pour exister dans un monde de plus en plus impitoyable. Le développement durable permettra la création de villes nouvelles dans le Sud. Il nous faut donner des opportunités pour les jeunes en leur donnant les moyens de verdir le Sahara. Pourquoi pas un réseau ferré dans le Sud avec la disponibilité de la motorisation électrique (voitures, camions bus, rails…)?
Il est nécessaire d’imaginer un modèle énergétique qui s’inscrive dans la durée, inciter d’une façon ou d’une autre les opérateurs à investir en aval et enfin de miser sur la formation des hommes et la recherche en impliquant de façon déterminante l’université algérienne. Si un cap mobilisateur qui transcende les courants, était tracé, nous aurions la conviction que nous sommes assurément dans la ligne du défunt président, quand il prononça la fameuse phrase: «Kararna taemime el mahroukate».
Au risque de nous répéter, la meilleure banque du pays est son sous-sol, en épargnant encore ce qui peut l’être en laissant un viatique aux générations futures. Tournons nous vers la création de richesse en nous détournant du cours du Brent dont nous ne maitrisons ni les tenants ni les aboutissants. Il est encore scandaleux que notre loi des finances est indexée sur la rente; près de59 ans après l’indépendance ! Il faut être bien naïf pour croire que les multinationales «une fois que nous n’avons plus de défense immunitaire», pourraient venir au secours de l’Etat. Le vrai défi pour le pays, est celui de réussir la mutation de son économie en améliorant progressivement ses performances et sa compétitivité. Nous avons besoin plus que jamais d’un nouveau souffle. De nouvelles légitimités basées sur le savoir et l’amour du pays devraient prendre en main le destin du pays car le monde actuel nous commande d’avoir un cap, un nouveau système de gouvernance pour préparer le futur.
C’est dire si les défis sont immenses et si des décisions courageuses qui transcendent les logiques partisanes et rentières doivent être prises ici et maintenant pour donner une chance à cette jeunesse en panne d’espérance et qui ne demande qu’à donner la pleine mesure de son talent. Le moment est venu de sortir par le haut en permettant l’avènement d’une génération dirigeante dont la légitimité est indexée sur le savoir.
Il n’ y a pas d’hommes providentiels, ni de messie ni de mehdi , il y a le savoir. L’Algérie est une conquête de tous les jours, il y a toujours un avenir si on a la foi chevillée au corps. Pourquoi ne pas alors avoir un nouveau 24 février de l’intelligence qui permette au pays de sortir de la malédiction de la rente, en militant inlassablement pour une Algérie du XXIe siècle et qui fait sienne les conquêtes de la science du Web 3.0 de la 54 G son graal. Une Algérie du travail bien fait, de la sueur, comme l’ont fait ces pionniers qui disent n’avoir fait que leur devoir pour le pays.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
Notes
1.S. Méhalla https://www.cresus.dz/entretiens/2538-hadj-fechkeur-fondateur-du-groupe-redmed
2. Mohamed Fechkeur. Il n’y a de richesse que d’hommes par M. Khiati.Editions A.C.COM 2018
3. http://www.huffingtonpost.fr/idriss-j-aberkane/economie-de-la-connaissance_ b_5443212.html
4.Idriss J. Aberkane La connaissance, le désir et la compétence Le Monde le 29 mai 2015.
Article adapté à partir de l’article http://www.lexpressiondz.com/chroniques/la_chronique_ judiciaire/310668-place-a-l-intelligence-et-a-la-connaissance.html