« America first », la rencontre d’Helsinki et la menace existentielle de Trump contre l’Empire

La principale, peut-être la seule, vertu rédemptrice du programme de campagne du Donald était son intention proclamée de chercher à se rapprocher de la Russie, de revoir les engagements de l’Amérique envers l’OTAN et autres reliques de la guerre froide et d’arrêter d’utiliser le « changement de régime »comme outil principal de politique étrangère. En gros, « America First » devait devenir la nouvelle manière d’assurer la sécurité et le bien être du pays.

Ce programme éminemment sensé touchait de plein fouet la raison d’être de l’État profond ; et les actions rapides de Donald en faveur de ces objectifs, depuis avril, provoquent un choc palpable dans la Cité Impériale.

Il est clair qu’il espère retirer les 29 000 militaires américains actuellement stationnés en Corée du Sud en échange d’une sorte de traité de paix, d’une normalisation économique et d’un accord de dénucléarisation avec Kim Jong-un.

De même, il a raisonnablement laissé entendre que la diabolisation de la Russie et de Poutine n’a mené à rien et qu’elle devrait être invitée à réintégrer le G-8. Et dès que Robert Mueller en aura fini avec sa farce du RussiaGate, Trump pourra se débarrasser des inutiles sanctions prises actuellement contre divers officiels russes et amis de Poutine.

Nous savons aussi maintenant, grâce au terne reportage du Washington Post, que Trump a harcelé la bureaucratie de la sécurité nationale au sujet d’un autre artefact tout à fait ridicule de l’Empire. À savoir, le fait que 73 ans après qu’Hitler est retourné en enfer et 27 ans après que l’Union soviétique a quitté les pages de l’histoire, il y a toujours 35 000 soldats américains stationnés en Allemagne :

« Le Pentagone est en train d’analyser le coût et l’impact d’un retrait ou d’un transfert à grande échelle des troupes américaines stationnées en Allemagne, dans un contexte de tensions croissantes entre le président Trump et la chancelière allemande Angela Merkel, selon des personnes au courant de ce travail.

‘L’effort fait suite à l’intérêt manifesté par Trump pour le retrait des troupes, lors d’une réunion avec les aides militaires de la Maison-Blanche, plus tôt dans l’année’, ont déclaré des responsables américains. Trump aurait été déconcerté par la taille de la présence américaine, qui compte environ 35 000 soldats en service actif, et s’est plaint que d’autres pays ne contribuaient pas équitablement à la sécurité commune ou ne contribuaient pas assez à l’OTAN.

La nouvelle de cette évaluation a alarmé les fonctionnaires européens, qui s’affolent… »

Qui s’affolent ?

Nous doutons que les vrais Européens s’affolent,  Le Washington Post a sûrement dû se contenter de se faire la chambre d’écho de l’OTAN.

Encore une fois, cette dernière est absolument l’institution multilatérale la plus inutile, obsolète, gaspilleuse et dangereuse du monde actuel. Mais comme le proverbial empereur sans vêtements, l’OTAN n’ose pas prendre le risque de voir l’amateur prétendûment « non informé » qui siège dans le Bureau ovale montrer la nudité de cette organisation.

Les groupes de réflexion de l’OTAN et les apparatchiks de l’establishment en font bien sûr toute une affaire, mais la plupart des politiciens élus d’Europe n’ont plus le gout de cette plaisanterie. Ils sont débordés fiscalement par leurs États providence et ne sont pas prêts à pressurer leurs budgets déjà serrés, encore moins leurs contribuables, pour muscler une armée contre une menace inexistante.

Comme Justin Raimondo le note avec justesse,

« Enfin, un président américain a réalisé que la Seconde Guerre mondiale, sans parler de la guerre froide, est terminée : les troupes américaines n’ont plus besoin d’occuper l’Allemagne.

Vladimir Poutine ne va pas entrer dans Berlin, et jouer une reconstitution de l’Armée rouge s’emparant du bunker du Führer. Même s’il était si enclin à le faire, pourquoi l’Allemagne ne se défendrait-elle pas elle-même ? »

Exactement. Si leur histoire prouve quoi que ce soit, les Allemands ne sont pas une nation de pacifistes, docilement disposés à plier face à de vrais agresseurs. Pourtant, ils ont dépensé la somme dérisoire de 43 milliards de dollars pour la défense en 2017, soit à peine 1,1 % des 3.800 milliards de dollars du PIB allemand, qui est environ trois fois plus élevé que celui de la Russie.

En bref, l’action politique du gouvernement allemand montre bien qu’il n’envisage pas  que Poutine est sur le point d’envahir la Rhénanie ou de reprendre la Porte de Brandebourg. Et cette preuve directe par les actes montre aussi le coté risible de toutes ces alarmes émanant des groupes de réflexion de Washington et des 4 000 bureaucrates de l’OTAN qui parlent au nom de leurs confortables sinécures bruxelloises.

Et voilà maintenant le plat de résistance. Le Donald va à Helsinki pour faire la paix avec Vlad Poutine, et au bon moment.

Espérons que d’un seul coup, ils puissent parvenir à un accord pour évacuer les militaires américains de Syrie ; normaliser le retour de la Crimée et de la base navale historique de Sébastopol à la mère patrie russe ; arrêter la guerre civile en Ukraine par une partition de facto convenue d’un commun accord ; arrêter les incessantes provocations militaires de la Baltique à la mer Noire ; et ouvrir la voie à la levée des absurdes sanctions contre les hommes d’affaires et les citoyens russes.

Inutile de dire que le temps est un facteur essentiel. Chaque heure que le Donald gaspille en tweets, en fanfaronnant sur son bien-aimé mur mexicain, en sabotant les exportations et les emplois américains et en regardant les rediffusions de Fox & Friends n’est qu’une occasion de plus pour le vaste appareil de l’État profond (et la plupart de ses propres hauts fonctionnaires) d’enterrer son tout juste bourgeonnant programme America first, programme qui est tout à fait le bienvenu.

Par exemple, le même article du Washington Post cité plus haut est truffé de citations officieuses de responsables déterminés à maintenir le statu quo de l’OTAN et, par conséquent, à poursuivre les provocations inutiles contre la Russie.

« Le Pentagone envisage continuellement des déploiements de troupes américaines », dit l’article, et de tels « exercices d’analyse » ne sont pas « hors norme ».

« Plusieurs fonctionnaires ont suggéré que les décideurs politiques du Pentagone pourraient avoir accélérer l’évaluation pour prouver la valeur de l’arrangement actuel et dissuader Trump d’aller plus loin dans l’idée d’un retrait.

Le porte-parole du Pentagone, Eric Pahon, a rejeté toute suggestion de retrait total ou partiel de l’Allemagne et a qualifié cette analyse de ‘simple routine’ ».

Surmonter les forces inertielles et intéressées de l’État profond et de son vaste syndicat d’entrepreneurs, de fournisseurs d’armes, de dessous de table militaires et de fournisseurs de groupes de réflexion est, bien sûr, son propre défi, monumental. Pourtant, le chemin de Donald vers America First est encore plus obstrué par le fait que les Démocrates sont complètement hystériques, pour des raisons purement partisanes.

C’est-à-dire que les politiciens démocrates, y compris la plupart des soi-disant libéraux et progressistes, se sont transformés en servants de l’État de guerre en raison de leur chagrin et de leur colère inconsolables d’avoir perdu les élections de 2016 au profit de Donald Trump. Par conséquent, ils sont pratiquement incapables de penser rationnellement à la Russie, ou même de penser tout court.

Néanmoins, si le Donald a une qualité, c’est celle d’être un homme de spectacle. Et il a grand besoin de voler le spectacle d’Helsinki aux saboteurs de Washington qui ne reculeront devant rien pour que l’actuelle résurgence de guerre froide, basée sur rien et inutile, continue de monter en régime.

Après tout, pour paraphraser Randolph Bourne, la santé du complexe militaire/industriel/intelligence/think tank dépend de l’ogre russe. Ainsi, même un rapprochement,  pour ne pas dire la paix, avec la Russie est une menace existentielle pour l’État profond ; cela diminuerait nécessairement la pression fiscale qui sert à alimenter l’affreux appareil de défense, de renseignement et d’aide étrangère, c’est-à-dire 800 milliards de dollars par an.

Nous ne savons donc pas si le Donald peut réussir un second Singapour à Helsinki ou pas, mais nous sommes convaincus que l’américain moyen se rallierait à sa cause – tout comme il l’a fait pour sa séance de photos historique avec Kim Jong-un.

Nous sommes également convaincus que même son propre gouvernement fera de son mieux pour saboter le sommet d’Helsinki, car la prospérité même de la ville impériale dépend de la diabolisation de Poutine et de la Russie. Comme Justin Raimondo l’a encore observé :

« Le sommet d’Helsinki avec Poutine est le coup d’éclat. Et les hurlements de douleur de nos médias haineux et bellicistes, les politiciens du parti démocrate qui sont sous leur emprise, et les escrocs bidons des ‘droits de l’homme, se font de plus en plus bruyants. Nous devrions tous nous délecter de leur misère.

Trump a fait campagne pour faire la paix avec la Russie : il a le mandat pour le faire. Mais cela n’a guère d’importance pour la ‘communauté du renseignement’ et sa camarilla médiatique, qui est parti en guerre contre la perspective même d’un partenariat russo-américain pour la paix. La bureaucratie de la sécurité nationale et les commandos de l’ordinateur portable qui hantent le monde des Think-tanks ont tout intérêt à maintenir le statu quo de la guerre froide qui aurait dû prendre fin avec la chute du mur de Berlin. Ils sont horrifiés par le point de vue de Trump sur la politique étrangère, et ils sont prêts à tout pour l’arrêter, parce que sa victoire signifierait la fin de leur vision du monde et de leur carrière. »

Entre-temps, on ne saurait trop insister sur l’importance d’Helsinki. Si tout se passe bien, ce sera une preuve que l’Amérique n’est pas confrontée à un grand ennemi étatique. Cela mettra en lumière ce fait que l’on nous cache toujours, c’est à dire que ni la Russie ni la Chine (d’ailleurs) n’ont, même de loin, l’intention ou les moyens de menacer la patrie américaine.

De même, un éventuel retrait américain de la Syrie et un nouvel accord avec la Russie pour désamorcer les tensions au Moyen-Orient rappellerait aux États-Unis que la politique de changement de régime a été un échec total.

Car sans une politique étrangère impériale qui est implicitement conçue pour intimider ou éliminer les gouvernements récalcitrants de moindre importance n’importe où sur la planète, qu’ils aient ou non l’intention ou la capacité de nuire à la patrie américaine, il n’y aurait aucun besoin de 11 groupes aéronavals, d’une capacité massive de transport aérien et maritime et d’une vaste chaîne de bases militaires réparties sur plus de 100 pays autour de la planète.

Il y a donc beaucoup dans la balance à Helsinki, y compris la possibilité qu’une belle réussite puisse ouvrir la porte à une politique réelle, beaucoup plus systématique et intellectuellement plus convaincante de l’America first, sur le long terme.

À cette fin, nous vous proposons donc de creuser plus en profondeur pour découvrir toutes les possibilités d’une politique étrangère dans un cadre America first, maintenant que le Donald a réussi, d’une manière ou d’une autre, à rapprocher son généreux ventre du bar.

En premier lieu, il faut observer que le slogan America First de Donald n’est pas éloigné du fantôme du sénateur Robert Taft et de sa politique de non intervention.

Dans les années 1950, ce grand homme d’État de l’Ohio comprenait parfaitement que la prospérité de la libre entreprise, un gouvernement minimal et une liberté personnelle maximale étaient incompatibles avec ce Leviathan d’état de guerre permanent, fiscalement débilitant, et conçu pour fonctionner comme l’hégémon militaire du monde.

Par conséquent, Taft s’est fortement opposé à une grande marine en temps de paix, à une grande armée permanente avec un stationnement avancé et des capacités de déploiement rapide à l’échelle mondiale et à la prolifération de traités avec l’étranger et d’engagements en matière d’aide.

Au contraire, il estimait qu’à l’ère nucléaire, une force de bombardiers et de missiles basée aux Etats-Unis, dotée d’une capacité de frappe incontestée, protégerait plus qu’adéquatement la patrie d’une agression militaire étrangère ; et qu’elle pourrait le faire pour une fraction de ce que coûtent les légions impériales permanentes chargées de patrouiller la plus grande partie de la planète.

Aujourd’hui, la vision de Taft pour la défense de la patrie serait plus pertinente que jamais. Cela constituerait un garant encore moins cher et plus efficace de sûreté et de sécurité pour le peuple américain qu’à son époque. Car il n’y a plus de superpuissances rivales possédant même une fraction de la puissance militaire et économique de l’ex-Union soviétique.

De plus, la technologie balistique est devenue si avancée qu’une poignée de sous-marins et de sites de lancement peut dissuader toute menace étrangère concevable, qui serait intrinsèquement une menace nucléaire, pour la sécurité du territoire américain.

C’est-à-dire qu’à notre époque, il n’y a absolument aucune menace militaire conventionnelle pour la sécurité et la liberté des citoyens d’Omaha NE, de Spokane WA ou de Springfield MA. Car il n’existe aucun pays sur terre qui puisse monter une armada navale et aérienne géante suffisante pour envahir la patrie américaine. Ou, s’il était assez fou pour essayer, pourrait-il survivre à l’attaque de missiles guidés qui enverrait ses forces par le fond bien avant qu’elles n’aient achevées leur traversée des eaux bleues qui entourent le continent nord-américain.

Autrement dit, la dissuasion nucléaire, les grands fossés océaniques et une défense militaire territoriale sont tout ce qu’il faut pour assurer la sécurité de l’Amérique dans le monde d’aujourd’hui.

Il n’y a pas besoin de Pax Americana, même si celle-ci pouvait réussir, ce qui n’est manifestement pas le cas ; et même si nous pouvions nous le permettre, ce qui n’est manifestement plus le cas non plus.

Certes, le Donald est plein de fanfaronnades égoïstes et trop épris de fantaisies militaristes pour aller jusqu’au bout de la doctrine de non-intervention plaidée par Taft mais, si on lui en laisse l’occasion, il pourrait au moins se lancer dans cette direction. Il est clair qu’un rapprochement avec la Russie permettrait de désamorcer la présence impériale de Washington au Moyen-Orient et d’éviter une dangereuse accumulation de tensions et de dépenses militaires en Europe de l’Est.

Quoi qu’il en soit, aussi grossière et pétulante qu’elle puisse paraître, la mise en place de la proposition America First équivaut à une attaque frontale contre la superstructure intellectuelle qui maintient la Cinquième Flotte dans le Golfe Persique, 35 000 hommes en Allemagne, 29.000 en plein danger sur la péninsule coréenne, 11 armada navale ratissant les océans, une force expéditionnaire permanente de 100 000 soldats, du personnel de soutien au Japon et des opérations d’aide militaires et économiques dans plus de 100 autres pays de la planète.

Sous ce vaste Empire, bien sûr, se cache l’idée complètement bidon que l’Amérique est la Nation indispensable et que le leadership de Washington est toujours et partout indispensable à la stabilité, l’ordre et la paix sur la planète.

Par la nature très odieuse de sa personnalité et de son modus operandi, cependant, le Donald a beaucoup fait pour ternir l’idée du leadership étasunien ; et c’est en soi un pas considérable vers la paix mondiale.

Parce que la meilleure façon d’arrêter de lancer plus de guerres américaines est que personne ne suive la prochaine fois que Washington lance un appel, et que la soi-disant Coalition of the Willing se réduise à une peau de chagrin.

Cette perspective est certainement ce qui terrifie l’establishment de la politique étrangère. Même si, jusqu’à présent, le Donald a été gêné systématiquement par le Parti de la guerre dans l’application déconcertante et amateur de sa politique América First, cela n’a pas empêché les médias de le critiquer pour avoir soi-disant sali le rôle autoproclamé de « leader du monde ».

À cet égard, il y a peu de hérauts du Parti de la guerre qui incarnent mieux les prétentions arrogantes de l’Imperium américain que l’odieux président du Conseil des relations étrangères, Richard Hass.

Selon ce dernier, le problème avec Trump, c’est qu’après 16 mois en poste, il ne comprend toujours pas ; il a tourné le dos au prédicat central qui anime la Cité Impériale :

« Trump est le premier président de l’après-guerre à considérer que le fardeau du leadership mondial l’emporte sur les avantages. Les États-Unis sont passés du statut de principal gardien de l’ordre à celui de principal perturbateur. »

Mais nous prend-il vraiment pour des imbéciles ?

Qu’est ce que la guerre au Vietnam, la première guerre du Golfe pour sauver la richesse pétrolière de l’émir du Koweït, l’occupation futile de l’Afghanistan pendant 17 ans, la destruction de l’Irak, l’assassinat de Kadhafi après qu’il ait abandonné ses bombes nucléaires, l’anéantissement d’une grande partie de la société civile et de la vie économique en Syrie, le génocide saoudien au Yémen supporté par les États-Unis et le coup d’État parrainé par Washington et la guerre civile aux portes de la Russie en Ukraine, pour ne citer que quelques exemples du prétendu « leadership mondial » de Washington, ont à voir avec la préservation de « l’ordre » sur la planète ?

Et en quoi les « avantages » de ces tentatives de destruction en série l’emporteraient sur les « fardeaux » pour les contribuables américains ; sans parler des coûts pour les morts et les citoyens mutilés, par millions, qui ont le malheur de vivre sur ces terres traumatisées ?

De même, en quoi les millions de réfugiés qui ont fui les guerres que Washington mène contre la Syrie, la Libye, le Yémen, l’Irak et d’autres pays du Moyen-Orient favorisent-ils la paix et la stabilité de l’Europe, où ils courent se réfugier ?

Pourtant, il n’y aurait pas eu de guerre civile de longue durée en Syrie sans les milliards de dollars et d’armes fournis aux soi-disant rebelles et aux jihadistes par Washington et ses vassaux du golfe Persique ; le Yémen, ne s’’enfoncerait pas non plus dans la famine et les épidémies de choléra, sans les bombes, missiles et drone américains envoyés par les pilotes saoudiens fonctionnant essentiellement comme des mercenaires du Pentagone.

En effet, les ruines fumantes de Mossoul, Alep, Falloujah, Benghazi et des milliers d’autres lieux de moindre importance ne montrent guère une hégémonie bienfaisante.

De plus, si Washington n’avait jamais amené ses flottes et ses forces d’occupation au Moyen-Orient, après 1970, et si la région n’était pas passée sous la lourde botte du commandement central et des divers proconsuls et plénipotentiaires de Washington, le fléau du djihadisme sunnite radical n’aurait jamais vu le jour. Il est aussi peu probable que l’ancien clivage entre les confessions sunnites et chiites se soit transformé en conflits armés meurtriers.

Il est bon de noter qu’en temps de paix, avant 1970, aucun soldat américain n’a été tué au Moyen-Orient. Par contre, après 1990, pratiquement tous les militaires américains tués ou blessés au combat étaient stationnés dans le Grand Moyen-Orient.

Il convient également de noter que la réponse à des prix élevés du pétrole n’est qu’un prix final élevé, et pas la cinquième flotte. En fait, la production mondiale de pétrole a doublé depuis 1973 en raison des prix, de la technologie et de la recherche mondiale de profits par les compagnies pétrolières publiques et privées, même si les prix constants en dollars par baril sont bien inférieurs aux sommets atteints au cours de cette décennie.

Il n’y a donc jamais eu d’impératif économique pour amener l’armada américaine dans la région.

Ainsi, lorsque le candidat Trump dit que l’invasion de l’Irak était une erreur stupide, que la guerre d’Hillary contre Kadhafi a été mal planifiée, qu’il aimerait coopérer avec Poutine pour pacifier la Syrie et que l’OTAN est obsolète, il remet en question les principes fondamentaux de l’Imperium américain.

Et cela nous amène à la menace du croque-mitaine russe, à la diabolisation risible de Vladimir Poutine par le Parti de la guerre et à l’histoire bâclée de l’ingérence du Kremlin dans les élections de 2016, tous ces éléments que le prochain sommet d’Helsinki pourrait bien mettre à nu.

Lorsque Trump s’est emparé de la nomination du GOP, contre toute attente, au printemps 2016, le Parti de la guerre s’est mis en mode hyper propulsion. Tous ces thèmes bidon ont été promus à un rythme effréné dans toute la presse aux ordres fin de faire dérailler sa candidature ; puis, après coup, de le délégitimer et de mettre en péril sa présidence.

Pourtant, le vernis qui cache chacun de ces mensonges est vraiment fin. Il est donc juste de dire que puisque le Donald fait trembler la ville impériale elle-même, il est également possible qu’un coup d’éclat réussi à Helsinki puisse puissamment aider l’américain moyen à y voir plus clair.

Dans le cas de la narrative sur l’ingérence électorale russe, il y a peu d’exemples plus hypocrites d’hôpital se foutant de la charité que celui-ci. En d’autres termes, le budget total de la communauté américaine du renseignement s’élève à plus de 75 milliards de dollars,  supérieur de 25% au budget militaire totale de la Russie, y compris les navires, avions, chars, munitions, carburant, rations, opérations, maintenance et même les bottes de rechange, et une grande partie de ces 75 milliards servent à, eh bien, l’ingérence, le piratage et le sabotage de nations étrangères !

L’unité chargée des opérations ciblées, unité de la NSA, dispose à elle seule d’un budget de plusieurs milliards de dollars qui finance des milliers d’employés et sous-traitants qui passent jour et nuit à pirater les voies de communication de pratiquement tous les gouvernements du monde, amis, adversaires et ennemis.

Il va sans dire, bien sûr, que le but même de ces intrusions est d’interférer avec la politique intérieure et la gouvernance de la plus grande partie de la population de la planète et, dans certains cas, de saboter des opérations parfaitement appropriées, comme les centrifugeuses de Natanz en Iran qui ont été détruites par le virus stuxnet, mis au point par Washington.

Ainsi, si vous n’êtes pas pris dans la pensée égoïste du parti de la guerre, il semble tout à fait plausible que face à ces cyber-assauts massifs lancés par Washington, les nations ciblées pourraient bien chercher à contre-attaquer, comme l’ont fait apparemment les services de sécurité russes.

Mais cela ouvre aussi une autre possibilité pour Helsinki. Il n’y a rien qui pourrait mieux achever l’ensemble de la farce du RussiaGate (et laisser ces lèches-culs de Démocrates la langue bien sèche) qu’une proposition pour interdire l’ingérence dans les affaires des autres pays, proposition qui, nous sommes tout à fait confiants sur ce point, serait accueillie par le Cool Vlad à bras grand ouverts.

Après tout, cette histoire d’ingérence russe se résume à l’affirmation selon laquelle des agents du Kremlin auraient attaqué l’Amérique à la vue de tous. C’est-à-dire qu’ils ont piraté les commérages trouvés dans les ordinateurs du DNC et ont violé le contenu protégé par un simple mot de passe de Podesta, ce stratège politique. Mais la diffusion du linge sale qui traîne à l’intérieur d’un parti politique ne remet pas en question la sécurité nationale et sa divulgation ne compromet en rien la démocratie américaine.

L’idée même que ces deux actes présumés de piraterie constituent une attaque contre la démocratie américaine est tout simplement ridicule ; et ce n’est certainement pas la douzaine d’enquêtes menées par le Congrès et la chasse aux sorcières que mène Mueller qui empêchera toute future récidive.

Tout ce qu’il faudrait, c’est un accord et une bonne poignée de main à Helsinki, car il est évident que la Russie n’obtient rien de sa ferme à trolls basée à Saint-Pétersbourg ou de toute autre allégation connexe d’« ingérence ».

En fin de compte, nous sommes censés croire qu’un pays avec un PIB de 1.300 milliards de dollars, qui ne représente que 7 % des 19.700 milliards de dollars du PIB étasunien, et qui se compose en grande partie de zones pétrolières vieillissantes, de champs de blé sans fin, de capacités industrielles modestes et d’une main-d’œuvre stagnante qui préfère la vodka, serait une menace pour la sécurité de l’Amérique.

Et nous sommes également censés craindre la capacité militaire d’un pays qui n’a pas de marine de grand large, aucune capacité conventionnelle de transport et d’attaque aérienne qui pourrait menacer à distance les côtes du New Jersey, et qui, de plus, dépense moins, militairement, en une année complète que ce que dépense le Pentagone en 35 jours.

Oh, oui, et ce nain militaire est dirigé avec une main de fer apparente par le Lucky Luke du monde moderne. Pourtant, comme les masses américaines au cerveau non-lavé le verront d’après son comportement à Helsinki, la dernière chose que Poutine va faire est de commettre un suicide national russe en lançant une attaque nucléaire contre l’Amérique.

Mais c’est tout ce qu’il a : à savoir, une menace militaire inexistante et un désir justifiable de protéger les populations russophones à sa porte, en Crimée et dans le Donbass, des déprédations d’une guerre civile que Washington elle-même a provoquée.

Cela aussi deviendra évident à Helsinki.

Que la crise existentielle de l’Empire commence !

David Stockman

 

Article original en anglais : America First, Helsinki, and Trump’s Existential Threat to the Empire, Ron Paul Institute, le 3 juillet 2018

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.



Articles Par : David Stockman

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