Arabie saoudite: une autorisation illégale

L’appui du gouvernement du Canada à la vente de véhicules blindés légers (VBL) par General Dynamics Land Systems Canada à l’Arabie saoudite en a fait sourciller plusieurs au cours des derniers mois. Nous nous serions en effet attendus à ce que le nouveau gouvernement de Justin Trudeau, s’autoproclamant « le gouvernement du vrai changement », remette en question la décision prise par son prédécesseur de soutenir une telle vente. De toute évidence, l’idée que du matériel militaire fabriqué au Canada puisse contribuer à commettre des violations des droits fondamentaux des populations civiles en Arabie saoudite et dans les pays voisins est immorale. Nous sommes aussi d’avis que l’autorisation d’exporter des chars d’assaut en Arabie saoudite est illégale.

La preuve que l’Arabie saoudite viole les droits les plus fondamentaux de la personne humaine est accablante. Son historique en la matière de violation des droits est de notoriété publique. La liste est longue. On parle de torture et traitements cruels, inhumains et dégradants, et notamment dans l’imposition de la peine de mort ; du mépris total de l’égalité hommes-femmes ; d’exécutions et de détentions arbitraires ; d’atteinte à la liberté de religion et à la liberté d’expression ; du déni des droits des défenseurs des droits fondamentaux, de la liberté de presse, du droit à un procès juste et équitable.

Depuis le début de l’année 2016, 58 exécutions sommaires ont eu lieu et neuf personnes ont été emprisonnées pour avoir défendu les droits fondamentaux. Condamné à 10 ans de prison et à 1000 coups de fouet, le blogueur Raïf Badawi, de même que son avocat Waleed Abulkhair, est incarcéré en violation de ses droits. Un rapport de l’ONU confirme que l’Arabie saoudite bombarde des écoles au Yémen et un rapport d’Amnistie internationale rappelle les violations constantes du gouvernement saoudien à l’égard des droits de sa propre population. […]

Si le gouvernement du Canada refuse de faire preuve de cohérence entre les idéaux de respect des droits fondamentaux et ses décisions en matière d’exportation de matériel militaire, il est néanmoins tenu de se conformer au droit. Dans un État de droit, le gouvernement doit respecter le principe constitutionnel de la primauté du droit et veiller au respect de ses lois et de la législation dans son ensemble.

Existe-t-il alors des normes interdisant l’exportation de matériel militaire à un pays violant de façon systématique les droits fondamentaux de ses citoyens et de ceux des pays voisins ? Adoptées par le cabinet en 1986, des lignes directrices énoncent que « le Canada contrôle étroitement l’exportation de produits militaires vers les pays […] dont les gouvernements commettent constamment de graves violations des droits de la personne contre leurs citoyens, à moins que l’on ne puisse prouver que les produits ne risquent pas d’être utilisés contre la population civile ».

L’Arabie saoudite a commis et continue de commettre de telles graves violations, et il existe un risque réel que les véhicules blindés légers fabriqués par General Dynamics servent à commettre des exactions contre la population civile d’Arabie saoudite et de ses États voisins. De plus, la décision d’autoriser la vente d’armes canadiennes à l’Arabie saoudite pourrait contrevenir à certains engagements internationaux du Canada en matière de droits fondamentaux et de contrôle des exportations d’armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage.

Soucieux des enjeux juridiques soulevés par l’exportation des véhicules blindés en Arabie saoudite, nous avons décidé de lancer l’opération « Droits blindés ». En clair, nous comptons contester, par tous les moyens juridiques à notre disposition, la légalité de l’exportation de ce matériel militaire.

Daniel Turp – Professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, au nom des signataires de l’opération Droits blindés: Élyès Ammar, Debra Bruman,  Daiana Crisan, Vincent Dubuc Cusick, Olivier Dulude, Jeremy Flauraud, Ivan da Fonseca, Anastasia Kalmykov, Sandra Lando, Timothy Li, Louis Lyonnais, Marilynn Morin, Marcela Pena Vega, Louis Poissant Lespérance, Juliette Pré, David Rathé, Étienne Rivet, Jérôme Tremblay et Arianne Vanasse

 

Photo : Un transport blindé léger fabriqué par General Electric à son usine de London, en Ontario. Photo Mike Hensen / The London Free Press / Agence QMI

Voir l’article de Michel Chossudovsky :

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Le Canada vend des armes à un État soutenant le terrorisme: recours collectif contre Ottawa au sujet d’un contrat de vente d’armes aux Saoudiens de plus de 15 milliards de dollars

 



Articles Par : Daniel Turp

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