Argentine-Fonds Vautours : Un nouveau cadre légal de paiement de la dette

La loi argentine dite de « paiement souverain » suit son chemin afin d’éviter le lockout du juge étasunien Griesa, et ainsi assurer le paiement de la dette aux créanciers pour les prochaines échéances, alors que la bataille juridique continue. Les Nations Unies se saisissent de la question pour établir un cadre plus sécurisé pour les dettes souveraines.

Un nouvel épisode se dessine dans le feuilleton qui oppose l’Argentine aux Fonds Vautours et au juge new-yorkais Griesa, qui a bloqué le versement de 539 millions de dollars aux créanciers des intérêts la dette restructurée argentine, les sommes restant bloquées sur les comptes de laBank of New-York (Lire Après le Griefault le feuilleton continue. El Correo, 31-07-2014) ; la décision du juge new-yorkais ayant plongé l’Argentine dans une situation inédite dite de « défaut technique  » alors que le pays a versé à ses créanciers l’argent dû.

L’Argentine a lancé ces dernières semaines plusieurs procédures notamment auprès de la Cour de justice de La Haye, mais aussi à l’encontre de la banque BoNY en suspendant son autorisation d’exercer en Argentine, de même que ses créanciers, dont Georges Soros et le fondHayman Capital, représenté par Kyle Bass, concernés par les fonds bloqués ont saisi la justice étasunienne contre BoNY qui n’a pas exécuté le paiement de leur dû (en l’occurrence les deux plaignants ont plus de 225 millions de dollars ainsi retenus).

Si les rencontres tant avec les représentants de l’Argentine, que ceux des fonds vautours se poursuivent avec le médiateur désigné par le juge Griesa, Daniel Pollack, pour le moment elles n’ont débouché sur rien, et il est peu probable que cela évolue prochainement, alors que le prochain rendez vous avec la justice new-yorkaise est le 18 septembre devant la Cour d’Appel du 2ème circuit de New York concernant la requête faite par l’Argentine et la Citibank (Lire El Correo).

Loi du paiement souverain

L’Argentine cherche désormais à contourner le « lockout » imposé par le juge Griesa, notamment pour les prochaines échéances de sa dette qu’elle souhaite honorer, aussi a-t-elle envisagé de délocaliser le paiement de la dette restructurée et en même temps de changer d’agent payeur ; une façon de contourner l’application notamment extraterritoriale du jugement de Griesa.

Le Sénat argentin a donc voté un texte de loi paiement souverain, afin de créer des instruments légaux de paiement au service de tous les détenteurs de titres de dette restructurée argentine -2005 et 2010- et la réouverture de l’échange de titres pour les détenteurs de titres qui souhaiteraient rejoindre l’échange (7%) ; en prévoyant le rapatriement du paiement en Argentine – à travers Nación Fideicomisos S.A., et avec une alternative qui serait le paiement en France, voire un autre lieu selon le désir des créanciers.

La France comme alternative

Trois éléments peuvent expliquer le choix de la France. Tout d’abord il faut rappeler qu’une décision de la Cour de Cassation française du 28 mars 2013 a rejeté la demande de saisie de fonds relevant de l’Argentine – sommes dûes notamment par Total, BNP Paribas, et Air France- sur le territoire français, faite par les mêmes fonds vautours, une décision d’ailleurs qui avait été à l’époque fort commentée.

Il ne faut pas oublier aussi que la France a été un soutien de l’Argentine dans la procédure d’« Amicus Curae » devant la Cour suprême étasunienne. Enfin les négociations avec le Club de Paris, groupe informel de 19 pays créanciers, ont abouti en mai dernier à un accord historique avec l’Argentine pour apurer une dette de 9,7 milliards d’euros, dont celle-ci a payé la première échéance cet été.

La Chambre des députés argentine devrait donc se prononcer sur ce texte de loi prochainement, le temps presse car au 30 septembre le pays doit honorer une nouvelle échéance, de l’ordre de 200 millions de dollars, et ne veut pas prendre le risque de voir à nouveau ces fonds bloqués.

Un groupement de 450 000 petits porteurs italiens et le milliardaire mexicain David Martinez Guzman, représentant du fonds Fintech Advisory, ont d’ores et déjà manifesté l’intention de répondre de façon positive à la solution proposée par Buenos Aires.

L’ONU se saisit de la question

Par ailleurs, le cas de l’Argentine et de son « Griefault » continue de susciter l’émotion de la communauté internationale, après la mobilisation d’économistes de renom à commencer par les deux Prix Nobel Joseph Stiglitz et Robert Solow, qui ont alerté notamment les Nations Unies sur l’impact de cette affaire sur la restructuration des dettes souveraines et la nécessité de garantir les accords passés dans ce domaine, avec une plus grande équité, et sécurité. Une session spéciale sur la dette souveraine se teindra dans les prochains jours aux Nations Unies, afin d’y dessiner un nouveau cadre .

Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo

Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune.

El Correo. Paris, le 7 septembre 2014

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