« Assassinat judiciaire »: Les circonstances de la mort de Slobodan Milosevic

Lettre ouverte à Madame Del Ponte, procureur au TPIY,

Lettre ouverte à Madame Del Ponte, procureur au TPIY,

Et aux médecins désignés par le TPIY

Maître Jacques Vergès et Docteur Patrick Barriot

     Les médecins possèdent l’art de soigner et d’atténuer les souffrances de leurs patients au moyen de médicaments donc l’efficacité ne cesse de croître. Malheureusement ce pouvoir thérapeutique est parfois utilisé pour réduire au silence des prisonniers irréductibles.

Le cas du prisonnier IT.02.54.T

     Slobodan Milosevic souffrait d’une hypertension artérielle sévère et mal équilibrée (pression artérielle systolique atteignant fréquemment 220 à 230 mmHg), aggravée par ses conditions de détention. Cette hypertension artérielle avait des répercussions cardiaques et cérébrales : hypertrophie ventriculaire gauche, troubles de la repolarisation dans les dérivations précordiales de l’électrocardiogramme pouvant faire évoquer une ischémie, athérosclérose des vaisseaux du cou (en particulier de la carotide droite) et des vaisseaux intracrâniens. Cette hypertension sévère justifiait un traitement lourd associant : un béta-bloqueur (metoprolol : 200 mg), un inhibiteur calcique (amlodipine : 20 mg), un inhibiteur de l’enzyme de conversion (enalapril : 40 mg) et un diurétique (hydrochlorothiazide : 50 mg).

     Au cours du deuxième semestre de l’année 2005, Slobodan Milosevic présenta également des signes de souffrance cochléo-vestibulaires, en particulier des signes auditifs, devenant progressivement invalidants : bourdonnements d’oreilles (acouphènes), diminution de l’acuité auditive de type surdité de perception prédominant à droite, douleurs auriculaires droites aggravées par le port des écouteurs, vertiges. Il s’agissait selon toute vraisemblance d’une atteinte de l’oreille interne d’origine vasculaire.

Une pathologie vasculaire aggravée par le stress

     Les conditions de la détention de Slobodan Milosevic ont joué un rôle dans l’aggravation de sa pathologie vasculaire, en particulier le stress lié à l’isolement familial. Depuis son enlèvement et son incarcération à La Haye, soit depuis près de 5 ans, Slobodan Milosevic n’avait pas été autorisé à recevoir la visite des membres de sa famille. Il y a quelques mois, Slobodan Milosevic écrivait en français à monsieur Javier Solana, secrétaire général du Conseil de l’Union Européenne (UE) et Haut Représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la lettre suivante : « Monsieur Solana. Vous savez bien que je dirigeais mon pays et ses forces armées au moment où vous avez déclenché les frappes contre la Yougoslavie et vous n’ignorez pas qu’à présent je me trouve dans votre prison de Scheveningen. La différence fondamentale entre ma personne et les autres détenus qui m’entourent ne réside pas seulement dans le fait que je suis le seul chef d’Etat emprisonné ici mais également dans le fait que je suis la seule personne qui se voit privée de la possibilité de voir sa famille. Je vous décris ma situation car je ne suis pas sûr que vous soyez informé des conditions de ma détention et je ne peux imaginer qu’un homme digne de respect puisse se rendre responsable d’une telle vilenie. Les mesures de rétorsion à l’encontre de l’épouse et des enfants d’un adversaire sont indignes d’un homme d’honneur. Au regard des hautes fonctions qui furent les vôtres et qui sont également les vôtres aujourd’hui, je ne peux douter que vous prendrez les mesures nécessaires afin que les membres de ma famille puissent se rendre et séjourner librement aux Pays-Bas pour me rendre visite. Slobodan Milošević. » A l’évidence ces mesures nécessaires n’ont jamais été prises.

     Le stress lié à l’organisation de sa défense a également joué un rôle délétère de l’avis même du cardiologue hollandais nommé par le TPIY, peu suspect, nous le verrons, de compassion à l’égard de son « Accusé ». Dans une lettre datée du 23 novembre 2005, le Dr. P. Van Dijkman (service de cardiologie de l’hôpital Bronovo) écrit au Dr. P. Falke (médecin du Centre de détention) : « Au regard du programme de travail, il est normal que le patient se sente fatigué. Il participe à trois sessions par semaine et passe le reste du temps à les préparer, en interrogeant, entre autres, ses témoins. Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour se reposer. Il est probable que la pression artérielle va augmenter à nouveau au cours de sessions génératrices de stress » (1).

L’expertise médicale du 4 novembre 2005

     Trois médecins spécialistes indépendants ont examiné, à sa demande, Slobodan Milosevic le 4 novembre 2005 : le Dr. M. Shumilina, angéiologue, spécialiste de la circulation veineuse cérébrale à l’Institut de chirurgie cardio-vasculaire Bakoulev de Moscou ; le Pr. V. Andric, oto-rhino-laryngologiste (service d’ORL, hôpital VMA de Belgrade) et le Pr. F. Leclercq, chef de service de cardiologie à l’hôpital Arnaud de Villeneuve (CHU de Montpellier).

Le Pr. F. Leclercq confirmait la présence de signes électrocardiographiques suspects et prescrivait des examens complémentaires (scanner coronaire, scintigraphie myocardique) afin de mieux évaluer la circulation coronaire (2). Peu après l’annonce du décès de Slobodan Milosevic, le Pr. F. Leclercq nous a adressé un message précisant : « Je suis triste que les examens que nous avions demandés n’aient pas été réalisés ». En outre, le Pr. F. Leclercq insistait sur la nécessité d’une période de repos efficace: « Il est incontestable que le stress participe aux irrégularités de la pression artérielle et qu’une période de repos doit être prescrite ».

     Le Dr. M. Shumilina et le Pr. V. Andric confirmaient l’origine vasculaire des signes cochléovestibulaires invalidants (3, 4). Au vu des examens réalisés, en particulier l’imagerie par résonance magnétique (IRM), le Dr. M. Shumilina mettait en évidence des anomalies vasculaires à plusieurs niveaux : tronc brachiocéphalique, artère carotide interne droite, artère vertébrale droite, artères coronaires. Il existait en outre, selon elle, des anomalies de la circulation veineuse cérébrale liées à un traitement inadéquat de la pathologie vasculaire dont souffrait Slobodan Milosevic. Le Dr. M. Shumilina et le Pr. V. Andric prescrirent également des examens complémentaires (doppler des vaisseaux du cou, artériographie cérébrale).

     Le point crucial de cette expertise indépendante est que les trois spécialistes établissaient un lien entre les signes cochléovestibulaires (en particulier la surdité de perception) et l’hypertension artérielle. Or ce lien a été vigoureusement nié par les médecins hollandais désignés par le TPIY, à l’exception du Dr. J. De Laat (Leiden University Medical Centre) qui écrivit le 28 novembre 2005 au Dr. P. Falke : « Il est probable que l’état cardiovasculaire du patient joue un rôle dans cette atteinte auditive » (5). Mais son avis fut ignoré.

     La conclusion du rapport des médecins indépendants était sans ambiguïté : « Compte tenu des résultats des examens médicaux consultés dans le dossier et réalisés lors de la visite du 4 novembre 2005, nous pouvons conclure que l’état de santé du patient n’est pas stabilisé et que des complications sont possibles. Son état nécessite la poursuite des explorations avec pour objectif de préciser l’origine des troubles présentés. Il est nécessaire de proposer au patient une période de repos, c’est-à-dire la cessation de toutes les activités physiques et de tous les efforts intellectuels pendant au moins 6 semaines» (6). Le rapport du groupe d’experts soulevait donc des problèmes non résolus, à la fois d’ordre diagnostique et thérapeutique. Il soulignait également la gravité et l’urgence de la situation. Il fut cité à l’appui d’une demande de mise en liberté provisoire en vue d’une hospitalisation à l’Institut Bakoulev de Moscou, la Russie offrant toutes les garanties de sécurité pour le retour de Slobodan Milosevic à La Haye, une fois le traitement effectué. L’Institut Bakoulev possède un plateau technique offrant à la fois les possibilités diagnostiques (coronarographie, artériographie cérébrale) et thérapeutiques (dilatation coronaire, endartériectomie carotidienne) requises, ainsi que des spécialistes du plus haut niveau sous la direction du Pr. L. Bockeria. Le Pr. L. Bockeria qualifiait l’état de Slobodan Milosevic de « critique » et prédisait une « catastrophe cardio-vasculaire » (7).

Désaccords et controverses

     Les conclusions du groupe d’experts indépendants furent contestées par les médecins hollandais assignés par l’autorité pénitentiaire et firent l’objet d’une double controverse. D’abord une controverse opposant le Pr. F. Leclercq au Dr. P. Van Dijkman. Dans un rapport adressé à H. Holthuis, greffier du TPIY, daté du 14 novembre 2005, le Dr. P. Falke déclare : « Contrairement à la conclusion commune des médecins examinateurs (V. Andric, F. Leclercq et M. Shumilina), le spécialiste traitant (P. Van Dijkman) conclut qu’il est peu probable que les anomalies vasculaires aient un lien direct avec les symptômes présentés. Le spécialiste traitant estime qu’une période de repos n’aura pas d’influence positive sur ces symptômes» (8, 9). Cet avis est confirmé quelques jours plus tard par une lettre du Dr. P. Van Dijkman, datée du 18 novembre 2005 et adressée au Dr. P. Falke. Voici ce que déclare dans cette lettre le Dr. P. Van Dijkman à propos des prescriptions du Pr. F. Leclercq (examens complémentaires et repos) : «  Ce dernier point me semble quelque peu excessif au vu des examens déjà réalisés (…). A ce jour, je ne vois aucun argument pour modifier la procédure et, de mon point de vue, il n’y a pas d’élément d’ordre cardiologique pour modifier le déroulement actuel du procès » (10). Position réaffirmée quelques jours plus tard dans une lettre datée du 1er décembre 2005, adressée à nouveau par le Dr. P. Van Dijkman au Dr. P. Falke : « Dans mon courrier du 18 novembre 2005, je signalais que je ne voyais pas de raison de modifier la prise en charge et que, d’un point de vue cardiologique, il n’y avait pas de raison non plus de modifier le déroulement du procès (…). Les trois médecins étrangers qui ont examiné Mr. Milosevic recommandent qu’une période de repos de 6 semaines lui soit accordée immédiatement. Il s’agit d’une durée déterminée de façon arbitraire et à l’appui de laquelle, à mon avis, aucun argument solide n’est apporté » (11). Le Dr. P. Van Dijkman, nous le voyons, conteste de façon péremptoire l’avis d’un professeur de cardiologie. Il conteste à la fois la prescription d’examens complémentaires chargés de préciser le diagnostic et l’octroi d’une période de repos nécessaire au plan thérapeutique. Il se déclare néanmoins incompétent sur la pathologie cochléo-vestibulaire et il ne se prononce pas sur l’avis du Dr. M. Shumilina concernant les troubles vasculaires. Il aurait dû prendre en compte les avis de ses confrères ou demander l’avis d’un interniste. Trop sûr de lui, il semble plus à l’aise pour réduire le temps de repos d’un homme malade que pour établir un bon diagnostic. Il est important de préciser que, de l’avis même du Pr. J.H. Kingma (ancien Inspecteur-général de la Santé des Pays-Bas), le Dr. P. Van Dijkman aurait dû prendre l’avis d’un autre spécialiste : « Le Pr. Kingma estime qu’un avis spécialisé supplémentaire devrait être requis pour conseiller le Dr. P. Van Dijkman dans le traitement de l’Accusé. Un spécialiste en médecine interne serait probablement de bon conseil à ce stade parce que l’Accusé souffre d’hypertension artérielle, affection qui touche tous les organes et pas seulement le cœur. Le Pr. Kingma propose de parler au Dr. P. Van Dijkman de la possibilité de demander un avis supplémentaire » (12, 13).

      La deuxième controverse opposait le Dr. M. Shumilina au Dr. N. Aarts (neuroradiologue hollandais) sur le lien entre les symptômes cochléo-vestibulaires observés et l’hypertension artérielle mal traitée. Pour le Dr. M. Shumilina et le Pr. V. Andric, l’origine vasculaire des troubles sensoriels auditifs ne faisait pas de doute et ils contestaient l’interprétation du médecin hollandais (14). Un document du TPIY daté du 14 décembre 2006 précise sans la moindre ambiguïté : « Le Dr. N. Aarts, spécialiste agréé par le tribunal, estime que Mr. Milosevic ne présente aucune pathologie nécessitant un traitement » (15). Seul le Dr. J. De Laat, nous l’avons dit, a confirmé le lien entre la pathologie vasculaire et les signes cochléo-vestibulaires, mais son avis n’a pas été pris en considération.

     L’assurance, l’arrogance dirons-nous, avec laquelle le Dr. P. Van Dijkman a contesté l’avis du Pr. F. Leclercq et l’arrogance avec laquelle le Dr. N. Aarts a contesté l’avis du Dr. M. Shumilina et du Pr. V. Andric sont suspectes. Ces « experts agréés par le TPIY » n’ont pas accordé la moindre place au doute diagnostique ni aux règles de déontologie, que ce soit à l’égard d’un homme malade, dont ils avaient en charge la santé, ou à l’égard de confrères, dont l’avis aurait dû être pris en compte au vu de leur expérience et de leur compétence. En réalité ces médecins ont été beaucoup plus influencés par les arguments du procureur que par ceux de leurs confrères. Notons à nouveau que la seule fois où un médecin désigné par le tribunal s’est déclaré incompétent et a confié le dossier à un autre collègue, ce dernier est allé dans le sens des experts indépendants. L’avis du Dr. J. De Laat avait été sollicité par le Dr. H. Spoelstra (service ORL de l’hôpital Bronovo) dans une lettre datée du 21 novembre 2005 car ce dernier, mandaté par le TPIY, estimait que certains troubles présentés par Slobodan Milosevic sortaient de son champ de compétence et il souhaitait l’avis d’une tierce personne (16).

Des accusations non fondées concernant la non-observance du traitement

     Au mois de juillet et au mois d’août 2004, le Dr. P. Van Dijkman et le Pr. R. Tavernier ont adressé des rapports au TPIY exprimant des doutes sur le fait que l’« Accusé » prenait bien son traitement (17). Il est important de noter qu’à la suite de cette accusation médicale, plusieurs mémorandums confidentiels ont été rédigés par les autorités du centre de détention : mémorandum du 31 août 2004 signé T. McFadden, directeur du Centre de détention, mémorandum du 14 octobre 2004 signé T. McFadden, mémorandum du 26 octobre 2004 signé J. Hocking, greffier-adjoint du TPIY (18, 19, 20). Ces mémorandums accréditaient la thèse des médecins et proposaient des mesures de rétorsion visant à empêcher Slobodan Milosevic d’assurer seul sa défense (21) et à supprimer les facilités qui lui avaient été accordées pour préparer ses témoins.

     Fin 2005 et début 2006 une nouvelle série de mémorandums émanant des autorités du centre de détention visait une fois de plus à réduire les droits de la défense : mémorandum du 7 mars 2005 signé J. Hocking, mémorandums du 6 décembre et du 19 décembre 2005 signés T. McFadden, mémorandum du 20 décembre 2005 signé H. Holthuis, mémorandum du 6 janvier 2006 signé P. Falke, mémorandum du 1er février 2006 signé F. Gilmour, directeur-adjoint du centre de détention, mémorandum du 13 février 2006 signé F. Gilmour (22, 23, 24, 25, 26, 27). Tous ces mémorandums accusaient à nouveau Slobodan Milosevic d’aggraver volontairement son état de santé en refusant d’absorber les médicaments prescrits par le Dr. P. Van Dijkman et en absorbant d’autres médicaments non prescrits. Ces mémorandums s’appuyaient sur des rapports médicaux précisant que les taux sanguins des médicaments prescrits étaient anormalement bas. De bonne foi, Slobodan Milosevic proposa alors de se soumettre à des examens sanguins, sous strict contrôle médical, afin de doser les médicaments prescrits et de rechercher d’éventuels médicaments non prescrits. L’examen le plus important fut réalisé le 12 janvier 2006 (28, 29, 30). Le rapport émis le 24 janvier 2006 par le Dr. D. Uges et le Dr. D. Touw (pharmaco-toxicologues, experts en médecine légale) concluait qu’« il y a de solides arguments dans les données pharmacologiques issues de ces tests pour soutenir que l’« Accusé » ne prend pas ou prend de façon irrégulière son traitement, et qu’il semble évident que ce peut être la cause de l’hypertension artérielle persistante ». Ce rapport mettait, une fois de plus, en évidence des taux anormalement bas de médicaments prescrits, alors qu’ils avaient été absorbés sous strict contrôle médical dans le cadre d’examens sanguins librement acceptés, et même réclamés par Slobodan Milosevic. Notons par ailleurs que les toxicologues se sont limités au dosage du metoprolol et de l’amlodipine et qu’ils n’ont pas jugé utile de doser l’enelapril (élément pourtant essentiel du traitement) ni l’hydrochlorothiazide. Le rapport stipule clairement : « Nous avons décidé de ne pas doser l’enalapril ni l’hydrochlorothiazide ». En outre, la sensibilité des méthodes de mesures utilisées est sujette à caution, le laboratoire du Dr. D. Uges et celui du Dr. D. Touw n’utilisant pas les mêmes méthodes. Le Dr. D. Touw semble avoir utilisé une méthode de détection en chromatographie UV peu sensible et non une méthode séparative de chromatographie en phase liquide. Or l’interprétation des résultats diffère en fonction de la sensibilité des méthodes de mesure, une activité hémodynamique pouvant être observée à partir de 6 microgrammes par litre pour l’amlodipine et à partir de 20 microgrammes par litre pour le metoprolol.

     Un point capital doit être souligné à propos de la prise de sang du 12 janvier 2006 : à aucun moment n’apparaît dans le bilan émis par le laboratoire au mois de janvier la mention de la découverte de rifampicine. En revanche, cet antibiotique, réputé pour son aptitude à déclencher un phénomène d’induction enzymatique, est cité dans la discussion visant à trouver une explication aux taux anormalement bas de metoprolol et d’amlodipine. Un taux sanguin abaissé peut en effet résulter, entre autres, d’une mauvaise absorption digestive, d’interactions médicamenteuses variées, d’un mécanisme d’induction enzymatique ou d’une métabolisation rapide par duplication génique (CYP2D6, CYP3A4). Il est écrit dans le rapport : « Dans la mesure où l’amlodipine est un substrat de l’enzyme CYP3A4, la concentration d’amlodipine peut baisser en cas d’induction enzymatique liée par exemple à une prise de rifampicine », et plus loin : « A ce stade, nous ne pouvons pas fournir d’explication satisfaisante pour ces taux bas de metoprolol et d’amlodipine ». En d’autres termes, lorsqu’ils rendent les résultats des tests sanguins, au mois de janvier 2006, les experts en toxicologie n’ont aucune certitude, seulement des suppositions. Ils évoquent la possibilité d’une induction enzymatique et ils citent « à titre d’exemple » un bon inducteur enzymatique : la rifampicine. Mais ils ne signalent à aucun moment la présence de rifampicine dans les échantillons de sang. Curieusement, deux mois plus tard, ils annoncent avoir découvert un taux élevé de rifampicine dans les prélèvements du 12 janvier, à savoir 0,8 mg/l de rifampicine et 1,1 mg/l de désacétyl-rifampicine, ce qui correspond selon eux à l’absorption d’une dose thérapeutique (environ 10 mg/kg/j soit 2 gélules de 300 mg en une seule prise pour un adulte). Or ce résultat, qui apparaît dans une lettre du Dr. D. Touw au Dr. P. Falke datée du 23 février 2006 (31), puis dans une lettre du Dr. P. Falke au greffier H. Holthuis datée du 3 mars 2006 (32), n’a été communiqué à Slobodan Milosevic que le 7 mars 2006.

     Slobodan Milosevic n’a jamais absorbé de rifampicine dans le but d’aggraver son état de santé et il na pas absorbé le moindre antibiotique durant ses années de détention. Soulignons à nouveau que la pathologie cardiovasculaire dont souffrait Slobodan Milosevic ne constituait ni une contre-indication absolue ni même une contre-indication relative à la prise de cet antibiotique actif contre de nombreuses maladies bactériennes, pas seulement la tuberculose ou la lèpre. La rifampicine, en cas de prises répétées, est seulement capable de diminuer (et non d’annuler) l’efficacité de certains traitements par un mécanisme d’induction enzymatique. Plusieurs questions viennent naturellement à l’esprit concernant les méthodes des « experts toxicologues » : comment se fait-il que la présence de rifampicine n’ait pas été contrôlée sur différents échantillons de sang ? Comment peut-on affirmer qu’une prise occasionnelle de rifampicine peut annuler les effets d’une puissante association thérapeutique (diurétique, inhibiteur calcique, beta-bloqueur, inhibiteur de l’enzyme de conversion) ? Pourquoi ne pas avoir réalisé un bilan hépatique à la recherche d’une augmentation des transaminases ? Pourquoi ne pas avoir dosé l’enalapril et l’hydrochlorothiazide ? Pourquoi ne pas avoir dosé les métabolites de ces médicaments ? Pourquoi ne pas avoir dosé les médicaments avec une méthode séparative plus sensible telle que la chromatographie en phase liquide ? Pourquoi avoir attendu le 7 mars pour rendre à l’intéressé les résultats d’une prise de sang remontant au 12 janvier ? Pourquoi la feuille informatisée attestant le dosage de rifampicine n’a-t-elle jamais été produite par le Dr. D. Uges ? On reste stupéfait devant tant de légèreté, de lacunes et d’incompétence.

     Si Slobodan Milosevic avait vraiment voulu diminuer l’efficacité de son traitement, il était plus facile de ne pas absorber le traitement que d’absorber à la fois son traitement antihypertenseur et un médicament non-prescrit (la rifampicine), difficile à se procurer, susceptible d’être découvert lors d’une fouille (comprimés généralement faciles à reconnaître et colorés en rouge), qui colore les urines en rouge et qui peut être facilement décelé par les examens sanguins. Rappelons également que, contrairement à ce qui a été publié, Slobodan Milosevic ne pouvait recevoir de l’extérieur ni médicament ni alcool. Les médicaments étaient absorbés avec un verre d’eau, en présence d’un infirmier. Sa chambre était régulièrement fouillée en son absence, ce qui est illégal. Quant au taux de nordiazepam, métabolite actif de plusieurs benzodiazépines, découvert dans les échantillons de sang, il était trop bas pour avoir des effets pharmacodynamiques. Ces effets auraient été, de toute façon, plutôt bénéfiques sur l’hypertension. Les traces de nordiazepam correspondaient à des prescriptions anciennes de diazepam par le Dr. P. Falke. 

     L’Ordre du TPIY du 26 janvier 2006, citant en référence le mémorandum de H. Holthuis du 20 décembre 2005, revenait sur les accusations de 2004 : « L’accusé a volontairement manipulé le déroulement du procès et a volontairement manipulé son état de santé en ne prenant pas les médicaments qui lui avaient été prescrits et en prenant d’autres médicaments qui n’avaient pas été prescrits par des médecins désignés par le tribunal. L’Accusé a été trouvé en possession de quantités potentiellement mortelles de médicaments non-prescrits à deux reprises en 2004 (à l’occasion d’une fouille de son bureau au mois d’août et à l’occasion d’une inspection de sa cellule dans la semaine du 29 novembre. Les rapports médicaux établis après la découverte du mois d’août font mention de traces de médicaments non prescrits dans le sang de l’Accusé » (33).

     Le traitement régulier de Slobodan Milosevic comportait les médicaments antihypertenseurs que nous avons cités, un médicament traitant l’hypercholestérolémie (simvastatine : 40 mg), de petites quantités d’aspirine (ascal : 300 mg), un antihistaminique (cinnarazine : 25 mg), et à l’occasion du diazepam et du diclofenac. Quels sont donc ces médicaments « potentiellement mortels » que l’on a trouvés chez Slobodan Milosevic ? Durant l’été 2004, les gardiens du centre de détention ont trouvé dans son bureau une enveloppe marquée « Misha » contenant des comprimés de benzodiazépines (midazolam et prazepam). Il s’agissait d’une enveloppe appartenant à l’avocat Dragoslav Ogjanovic, que ce dernier avait oubliée dans le bureau de Slobodan Milosevic. En tout état de cause, ces médicaments étaient inoffensifs voire bénéfiques. Le 1er février 2006, 21 comprimés d’un médicament antihypertenseur, le Prilazid Plus (association de cilazapril et d’hydrochlorothiazide), ont été découverts dans la cellule de Slobodan Milosevic. Cette découverte a fait l’objet d’un nouveau mémorandum le 2 février 2006 signé J. Hocking (34). En fait, ces comprimés, trouvés avec une notice écrite en cyrillique, étaient périmés depuis le mois de mars 2003. Il s’agissait de comprimés que Slobodan Milosevic avait dans sa poche lors de son enlèvement au mois de juin 2001 et qui avaient été confisqués à son arrivée au centre de détention. Curieusement, ces comprimés sont réapparus lors de la fouille du 1er février 2006 pour étayer la thèse de la manipulation de son état de santé. Une fois de plus, il s’agissait de médicaments dont l’effet ne pouvait être que bénéfique pour un patient souffrant d’hypertension artérielle.

     Le rapport médicolégal du Dr. W. Zwart Voorspuij, daté du 11 mars 2006, concerne la découverte du corps de Slobodan Milosevic dans la cellule E04 du centre de détention. Avant même de décrire la découverte du corps, le Dr. W. Zwart Voorspuij déclarait dans son rapport : « La non-observance du traitement et la prise de médicaments non-prescrits ont été signalées. Un bilan sanguin réalisé au mois de janvier 2006 révélait la présence de rifampicine (à un taux thérapeutique) et de diazepam. De plus, il prenait un médicament qui n’est pas disponible aux Pays-Bas (Vascase Plus, comparable au Co-Renitec). La rifampicine peut déclencher une induction enzymatique conduisant à une augmentation du métabolisme des autres médicaments. Certains des médicaments prescrits n’ont pas été retrouvés dans le sang ou ont été retrouvés à des taux anormalement bas. » (35). On peut s’étonner qu’un médecin chargé de constater le décès d’un détenu qu’il ne connaît absolument pas, reprenne en tête de son rapport des accusations non fondées suggérées par le TPIY. A ce stade des investigations, son rôle se limitait à constater les faits, seulement les faits. Le Dr. W. Zwart Voorspuij signale que Slobodan Milosevic prenait un médicament, le Vascase Plus, non disponible aux Pays-Bas. Or le Vascase Plus (association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, le cilazapril, et d’un diurétique, l’hydrochlorothiazide) apparaît sur les fiches de prescription, en particulier celles du mois de juillet et du mois d’août 2002 (36). Comment un médicament, censé ne pas être disponible aux Pays-Bas, pouvait-il être prescrit dans le centre de détention ? Le Dr. W. Zwart Voorspuij a-t-il commis une erreur en citant le Vascase Plus ? Voulait-il parler du Prilazid Plus, évoqué précédemment, qui comporte également une association de cilazapril et d’hydrochlorothiazide ? Une telle confusion est grave dans un rapport de médecine légale. En tout état de cause, il s’agissait d’un médicament ayant été prescrit à Slobodan Milosevic aussi bien à Belgrade, avant son enlèvement, que dans le centre de détention de Scheweningen. Notons enfin qu’aucun dosage d’inhibiteur de l’enzyme de conversion (qu’il s’agisse de Vascase, de Prilazid ou de Renitec…) ne semble avoir été réalisé par les « experts toxicologues ».

Des journalistes et des médecins « embedded » par le TPIY

     Les accusations non fondées des médecins à l’encontre de Slobodan Milosevic ont permis au bureau du procureur de réduire les droits de sa défense. Comme d’ordinaire les thèses du Procureur ont été reprises et largement diffusées par les médias, en particulier par les médias français. En voici quelques exemples. L’hebdomadaire Le Point du 16 mars 2006 évoqua les « mélanges médicamenteux auxquels se livre le détenu en prison afin de réduire l’efficacité des traitements qu’on lui administre », allant jusqu’à affirmer qu’« à force d’ingérer des substances chimiques, le dictateur serbe aurait ainsi été pris à son propre piège ». Jacques Amalric écrivit dans Libération du 16 mars 2006 : « Milosevic en a profité pour se procurer des médicaments contre-indiqués dans l’espoir d’altérer son état de santé afin de favoriser sa demande de liberté provisoire pour se faire soigner à Moscou ». Cette thèse a également été développée par Stéphanie Maupas qui a suggéré dans les colonnes du Monde que Slobodan Milosevic absorbait des médicaments non prescrits pour fomenter son « évasion » vers la Russie. Stéphanie Maupas signalait des « traces de rifampicine, un médicament contre la tuberculose, annulant les effets du traitement prescrit contre les problèmes cardiovasculaires » (Le Monde, 19-20 mars).

Les soupçons d’empoisonnement.

     Slobodan Milosevic, dont l’état de santé ne cessait de se dégrader au début de l’année 2006, semblait convaincu que le tribunal voulait l’empoisonner. Le 11 novembre 2005, le Dr. P. Falke, constatant un état d’épuisement de Slobodan Milosevic, déclara qu’il était incapable d’assister à l’audience (37). Le 21 novembre 2005, le même Dr. P. Falke avertit H. Holthuis que Slobodan Milosevic souffrait d’une poussée hypertensive, que sa « pression artérielle était au-delà des paramètres acceptables » et qu’il ne pouvait pas assister à l’audience (38). Les signes auditifs étaient devenus invalidants. Pour Slobodan Milosevic, les soupçons d’empoisonnement était fondés en grande partie sur le fait que la découverte d’un taux efficace de rifampicine dans le bilan sanguin du 12 janvier ne lui avait été signalée que deux mois plus tard, le 7 mars 2006. Or il savait pertinemment qu’il n’avait jamais absorbé volontairement ce produit.

     Il semble peu probable que le TPIY ait voulu aggraver l’état de santé de Slobodan Milosevic en lui administrant de la rifampicine pour réduire les effets de son traitement anti-hypertenseur. En effet, la rifampicine aurait due être administrée régulièrement et à son insu. Il y a d’autres inducteurs enzymatiques plus faciles à manier et surtout, il y a des molécules bien plus efficaces et bien plus difficiles à dépister si l’on veut aggraver l’état cardiovasculaire d’un patient. Enfin, on comprend mal pourquoi le TPIY aurait demandé des recherches de médicaments non prescrits dans les bilans sanguins (en particulier celui du 12 janvier 2006), sachant que la rifampicine serait certainement découverte. En revanche le tribunal avait tout intérêt à « découvrir » de la rifampicine pour étayer la thèse de la non-observance et de la manipulation du traitement par Slobodan Milosevic. Pour le TPIY, dans la mesure où Slobodan Milosevic aggravait volontairement son état de santé, il ne méritait pas la moindre mesure de clémence et il devenait licite de réduire les droits de sa défense.

     Le 24 février 2006, le tribunal a ainsi rejeté la demande d’hospitalisation qui aurait permis à Slobodan Milosevic d’être correctement soigné à Moscou. Slobodan Milosevic a adressé une ultime demande, sous la forme d’une lettre manuscrite datée du 8 mars, au ministre russe des Affaires étrangères, en vue d’une hospitalisation d’urgence dans l’Institut de chirurgie cardio-vasculaire Bakoulev de Moscou. Il est mort trois jours plus tard dans la cellule E04, le samedi 11 mars 2006. Sa mort survenait après celle de Slavko Dokmanovic, après celle de Milan Kovacevic et après celle de Milan Babic. L’autopsie réalisée par l’Institut de médecine légale hollandais a établi que Slobodan Milosevic était mort d’un infarctus du myocarde et qu’il n’y avait pas de trace de médicament toxique dans son sang. Il est clair que la mort subite de Slobodan Milosevic n’aurait jamais pu être mise sur le compte de l’évolution normale et prévisible de sa pathologie cardiovasculaire si cette dernière avait été correctement prise en charge. Il s’agit donc d’un « assassinat judiciaire » provoqué par des conditions de détention inhumaines et des soins médicaux approximatifs et inadaptés, « consentis » par des médecins aux ordres de l’autorité pénitentiaire. 

Le suicide écarté sans l’ombre d’un doute

     Contrairement à ce qui a pu être avancé hâtivement, Slobodan Milosevic ne s’est pas suicidé. D’une part, ceux qui le connaissaient bien savent à quel point il était résolu à se battre jusqu’à l’effondrement d’un TPIY qui échouait à apporter les preuves matérielles de sa culpabilité. Monsieur J. Bissett, ancien ambassadeur du Canada en Yougoslavie, qui témoignait fin février 2006 devant le TPIY, décrivit Slobodan Milosevic toujours acharné au travail et faisant preuve d’un sens de l’humour inaltéré. Le jour précédant sa mort, Slobodan Milosevic eut une conversation téléphonique avec Milorad Vucelic, du Parti socialiste serbe. Il lui déclara énergiquement : « Ne vous inquiétez pas. Ils ne me détruiront pas, ils ne me briseront pas. C’est moi qui les vaincrai ! ». De fait, le procureur G. Nice avait avoué quelques mois auparavant que le « projet de Grande Serbie », clef de voûte de l’accusation, ne reposait sur aucun fait établi. Il est donc stupide de prétendre qu’une prise de rifampicine ou de médicament non-prescrit ait pu être responsable d’une mort subite assimilable à une forme de suicide. La thèse du suicide peut être écartée sans l’ombre d’un doute, d’autant que l’autopsie de Slobodan Milosevic n’a pas révélé la présence de la moindre molécule suspecte.

L’assassinat judiciaire médicalement assisté

     Les médecins n’ont pas une obligation de résultats mais ils ont une obligation de moyens et ils doivent dispenser des soins conformes aux données actuelles de la science. Or, les médecins du TPIY ont fait preuve d’une grande carence diagnostique et thérapeutique, assimilable à une non-assistance à personne en danger. Le seul diagnostic qu’ils ont évoqué, à savoir la manipulation de son traitement par Slobodan Milosevic, est celui qui fournissait un bon motif au procureur pour réduire les droits de la défense. Ils ne se sont pas comportés comme des praticiens responsables de la santé d’un « Patient » mais comme des fonctionnaires chargés de surveiller un « Accusé ». Les documents internes du TPIY montrent la parfaite collaboration entre les médecins hollandais, les procureurs et les responsables du centre de détention, dans le but accompli de réduire les droits de la défense. Ces médecins devraient être poursuivis pour non assistance à personne en danger dans la mesure où des spécialistes indépendants, dont la compétence et l’expérience ne pouvaient être mises en doute, avaient signalé la gravité de la situation et le risque de complications graves.

     Les accusations sans fondement portées contre Slobodan Milosevic avaient pour but (et la plupart de ces buts ont été atteints) :

     1. De lui interdire d’assurer lui-même sa défense et de lui assigner, contre sa volonté, des avocats chargés de le représenter (Steven Kay et Gillian Higgins).

     2. De supprimer les facilités qui lui avaient été accordées pour préparer sa défense par l’« Order concerning the Preparation and Presentation of the Defence Case » du 17 septembre 2003.

     3. De réduire le temps alloué à l’organisation de sa défense et d’augmenter le rythme des audiences avec passage à quatre ou cinq audiences par semaine au lieu de trois, de telle façon que Slobodan Milosevic n’ait pas les moyens matériels et physiques de préparer ses témoins, la fatigue et le stress devenant insupportables.

     4. De rejeter sa demande d’hospitalisation d’urgence à l’Institut Bakoulev. Les médecins désignés par le TPIY ont accusé Slobodan Milosevic de ne pas suivre les prescriptions médicales pour lui faire porter l’entière responsabilité de la dégradation de son état de santé. Ce faisant, ils se dispensaient de rechercher la véritable cause des signes alarmants présentés par Slobodan Milosevic et ils justifiaient le refus d’une hospitalisation d’urgence à Moscou, puisque selon eux il suffisait à Slobodan Milosevic de prendre correctement son traitement pour que tout rentre dans l’ordre. Ils ont ainsi privé Slobodan Milosevic d’une mesure de clémence pour raison de santé accordée à d’autre détenus (V. Kovacevic, P. Strugar).

     Dès le mois d’août 2004, le Dr. P. Van Dijkman et le Pr. R. Tavernier signalaient au tribunal que Slobodan Milosevic ne prenait probablement pas ses médicaments. Or il ne disposait d’aucune preuve pour étayer une telle accusation qui a porté gravement préjudice à Slobodan Milosevic et qui relevait plus de la délation que des obligations de soins. Par la suite, les médecins désignés par le TPIY ont repris cette accusation et ont privilégié ce seul « diagnostic » pour expliquer la dégradation de l’état de santé de Slobodan Milosevic. Le Dr. P. Falke affirmait que « L’Accusé mettait en jeu sa santé et sa vie en ne prenant pas correctement son traitement ». A plusieurs reprises ce médecin généraliste a rendu des avis péremptoires sur des sujets débordant son cadre de compétence (pharmacocinétique du diazepam, validité de la chromatographie UV, etc.). En outre, la fiabilité de ses prescriptions est loin d’être établie : des prescriptions occasionnelles ou « à la demande » n’ont pas notées sur les fiches de prescription. Nous avons également souligné les lacunes diagnostiques des autres médecins désignés par le TPIY, qu’ils soient ORL (Dr. H. Spoelstra), neuroradiologue (Dr. N. Aarts) ou toxicologues (Dr. D. Uges, Dr. D. Touw). L’analyse des documents internes du TPIY montre que les rapports des médecins (1, 8, 9, 10, 11, 17, 25, 28, 29, 30, 31, 32) précédaient voire généraient les mémorandums des autorités pénitentiaires (18, 19, 20, 22, 23, 24, 26, 27, 34) et les charges des procureurs (39). Ces médecins portent une lourde responsabilité dans la mort de Slobodan Milosevic par infarctus du myocarde. Il s’agit indéniablement d’un assassinat judiciaire avec la complicité de médecins, autrement dit d’un assassinat judiciaire médicalement assisté. Nous devons signaler que les avocats Steven Kay et Gillian Higgins, au cours du premier trimestre 2006, ont défendu les droits de Slobodan Milosevic en dénonçant un certain nombre des faits évoqués précédemment (40, 41).

     Tels sont les faits, Madame le Procureur et Messieurs les médecins aux ordres du TPIY, et nous vous mettons au défi de les démentir et de nous poursuivre devant les tribunaux.

     Les documents confidentiels cités en références nous ont été communiqués par des membres du Parquet indignés par le comportement de leur chef.

Références.

1. Lettre du Dr. P. Van Dijkman datée du 23 novembre 2005 et adressée au Dr. P. Falke, IT-02-54-T, pages 45804-45805.

2. Rapport du Pr. F. Leclercq daté du 4 novembre 2005, IT-02-54-T, pages 45840-45842.

3. Rapport du Dr. M. Shumilina daté du 4 novembre 2005, IT-02-54-T, pages 45845-45846.

4. Rapport du Pr. V. Andric daté du 4 novembre 2005, IT-02-54-T, pages 45843-45844.

5. Lettre du Dr. J. De Laat datée du 28 novembre 2005 et adressée au Dr. P. Falke, IT-02-54-T, pages 45800-45801.

6. Conclusion collective (Pr. F. Leclercq, Dr. M. Shumilina, Pr. V. Andric) datée du 4 novembre 2005, IT-02-54-T, page 45839.

7 Lettre du Pr. L. Bockeria datée du 14 décembre 2005 et adressée à Fausto Pocar, président du TPIY, IT-02-54-T, pages 45765-45766.

8. Rapport du Dr. P. Falke daté du 14 novembre 2005 et adressé au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, pages 45822- 45823.

9. Rapport du Dr. P. Falke daté du 14 novembre 2005 et adressé au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, page 45820.

10. Lettre du Dr. P. Van Dijkman datée du 18 novembre 2005 et adressée au Dr. P. Falke, IT-02-54-T, pages 45813-45814.

11. Lettre du Dr. P. Van Dijkman datée du 1er décembre 2005 et adressée au Dr. P. Falke, IT-02-54-T, page 45667 et page 45791.

12. Avis du Pr. J.H. Kingma, ancien Inspecteur-général de la Santé des Pays-Bas, IT-02-54-T, page 45515.

13. Geoffrey Nice, The Prosecutor v. Slobodan Milosevic, 28 février 2006, pages 45514-45517.

14. Rapport du Dr. M. Shumilina daté du 14 décembre 2005, IT-02-54-T, page 45787.

15. The Prosecutor v. Slobodan Milosevic, 2 mars 2006, IT-02-54-T, page 45667.

16. Lettre du Dr. H. Spoelstra datée du 21 novembre 2005 et adressée au Dr. P. Falke, IT-02-54-T, page 45807.

17. Rapport du Dr. P. Van Dijkman daté du 18 août 2004, IT-02-54-T, pages 37641-37643.

18. Mémorandum interne du 31 août 2004 signé T. McFadden, IT-02-54-T, pages 45642- 45644.

19. Mémorandum interne du 14 octobre 2004 signé T. McFadden, IT-02-54-T, pages 45645- 45647.

20. Mémorandum interne daté du 26 octobre 2004 signé J. Hocking, IT-02-54-T, page 45648.

21.Ordre du 22 septembre 2004 « Reasons for Decision on Assignment of Defence Councel.» assignant Steven Kay et Gillian Higgins.

22. Mémorandum interne du 7 mars 2005 signé J. Hocking, IT-02-54-T, page 45508.

23. Mémorandum interne du 19 décembre 2005 signé T. McFadden, IT-02-54-T, page 45640.

24. Mémorandum interne du 20 décembre 2005 signé H. Holthuis, IT-02-54-T, page 45641.

25. Rapport du 6 janvier 2006, adressé par le Dr. P. Falke au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, page 45634.

26. Mémorandum interne du 1er février 2006 signé F. Gilmour, IT-02-54-T, page 45613.

27. Mémorandum interne du 13 février 2006 signé F. Gilmour, IT-02-54-T, pages 45542-45546.

28. Rapports du Dr. D. Touw datés du 16 et du 20 janvier 2006 et adressés au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, pages 45583-45588.

29. Rapport du Dr. D. Uges daté du 24 janvier 2006 et adressé au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, pages 45623-45627.

30. Résultats des analyses toxicologiques adressés le 20 janvier 2006 au TPIY par le Dr. D. Touw, IT-02-54-T, pages 45558-45566.

31. Lettre du Dr. D. Touw datée du 23 février 2006 et adressée au Dr. P. Falke, IT-02-54-T, page 45506.

32. Lettre du Dr. P. Falke datée du 3 mars 2006 et adressée au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, page 45507.

33. Ordre du 26 janvier 2006, « Submissions following trial chamber’s order du 26 janvier 2006 », IT-02-54-T, page 45619, paragraphe 6.

34. Mémorandum interne du 2 février 2006 signé J. Hocking, IT-02-54-T, page 45611.

35. Rapport médico-légal du Dr. W.A. Zwart Voorspuij daté du 11 mars 2006, IT-02-54-T, page 45470.

36. Fiches de prescriptions médicales faisant apparaître le médicament anti-hypertenseur « Vascase Plus », IT-02-54-T, pages 45522- 45525.

37. Rapport du Dr. P. Falke daté du 11 novembre 2005 et adressé au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, page 45827.

38. Rapport du Dr. P. Falke daté du 21 novembre 2005 et adressé au greffier H. Holthuis, IT-02-54-T, pages 45811.

39. Geoffrey Nice, The Prosecutor v. Slobodan Milosevic, le 6 février 2006, IT-02-54-T, pages 45576-45578.

40. Arguments de Steven Kay et Gillian Higgins pour la défense de Slobodan Milosevic, 20 février 2006, IT-02-54-T, pages 45527-45539.

41. Arguments de Steven Kay et Gillian Higgins pour la défense de Slobodan Milosevic, 6 mars 2006, IT-02-54-T, pages 45509-45512.



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