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Attentats de Paris : quand l’incompétence des services de renseignement français tue
Par Guillaume Borel
Mondialisation.ca, 20 juillet 2016
Arrêt sur Info
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Plus d’un an après les attentats de janvier 2015 ayant visé le journal satirique Charlie Hebdo et l’hypermarché cacher de la porte de Vincennes, un rapport rédigé par la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier, a été rendu public le mardi 12 juillet. Pour la première fois, et alors que j’avais dénoncé au lendemain des attentats, la responsabilité coupable de l’exécutif français et les failles criantes des services de renseignement, la responsabilité des services de sécurité français est publiquement évoquée. Première conséquence concrète de ce rapport parlementaire, 17 familles de victimes des attentats de novembre ont fait part de leur intention de porter plainte contre l’état français, estimant que les services de sécurité de l’état avaient une part de responsabilité dans le décès de leurs proches.

Le rapport de la commission d’enquête confirme les différents éléments signalés dans un précédent article établissant le lourd passé en lien avec la mouvance djihadiste des auteurs des attentats de janvier 2015, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, contre la narrative mensongère de l’exécutif les présentant comme des « loups solitaires » auto-radicalisés et faisant du réseau Internet un bouc émissaire. Le rapport confirme ainsi que les lois liberticides adoptées dans la foulée des attentats constituaient clairement une opération de contre-feux de la part de l’exécutif destinée à masquer sa responsabilité tout en mettant en place le flicage généralisé de la population française et une restriction sans précédent des libertés publiques.

Bien que très modéré dans ses conclusions, s’en tenant à la nécessité de réorganiser certains services et d’améliorer la coordination de la lutte anti-terroriste au niveau national et européen, notamment par la création d’une « agence nationale de lutte antiterroriste », le rapport est cependant sans appel en ce qui concerne l’action des services de renseignement français. On peut ainsi lire que :

« Tous les Français ayant frappé le territoire national en 2015 étaient connus, à un titre ou un autre, des services judiciaires, pénitentiaires ou de renseignement. Ils avaient tous été fichés, contrôlés, écoutés ou incarcérés, à un moment de leurs parcours de la délinquance à la radicalisation violente. »

Rappelons ici que les frères Kouachi se sont rendus auprès d’Al-Qaïda Yemen en 2011 et auraient reçu sur place une formation au maniement des armes et des explosifs. A l’époque, Chérif Kouachi faisait pourtant l’objet d’une mesure d’interdiction de sortie du territoire français. Ce voyage des frères Kouachi au Yémen avait fait l’objet d’une note des services de renseignement américains, transmise à leurs homologues français.

Chérif Kouachi avait été condamné en 2008 à 3 ans de prisons dont 18 mois avec sursis pour avoir organisé le départ de djihadistes en Irak dans le cadre de la filière dite des « Buttes-Chaumont » à laquelle appartenait également Amedy Coulibaly. Les deux hommes étaient en relation avec le terroriste algérien et membre du GIA Djamel Beghal, rencontré en prison et qui devient leur « gourou ». Ensemble ils formeront le projet de faire évader de prison Ali Belkacem, condamné à perpétuité pour l’attentat du RER C à Paris en 1995. La cellule sera démantelée par le parquet antiterroristeet Beghal condamné à 10 ans de prison. Amedy Coulibaly sera incarcéré en détention provisoire en mai 2010 et condamné à cinq ans de prison dans cette affaire. Il sortira en mars 2014 en bénéficiant d’un aménagement de peine. Chérif Kouachi disposera d’un non-lieu, faute d’éléments de preuves matérielles de son implication

Dans un document du 26 juillet 2013, le parquet de Paris définit Amedy Coulibaly et Chérif Kouachi comme « les « élèves » de Djamel Beghal…

Pourtant, selon Patrick Calvar, le directeur de la DGSI entendu par la commission d’enquête parlementaire, « rien ne laissait soupçonner » qu’Amedy Coulibaly « était impliqué dans des projets d’attentats terroristes. », déclaration qui laisse rêveur au vu de son parcours judiciaire…

Concernant les attaques de novembre 2015, le rapport évoque le cas de deux des terroristes ayant perpétré le massacre du Bataclan, Samy Amimour, et Ismaël Omar Mostefaï.

Le premier « a été auditionné par la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en octobre 2012, dans le cadre d’un projet de départ en Syrie. Cette année-là, il est déféré, mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

Dans le cadre de ce contrôle, il est donc interdit de sortir du territoire et privé de papiers d’identité, mais il parvient néanmoins en septembre 2013, à se rendre en Syrie avec Ismaël Omar Mostefaï. »

Quant à Ismaël Omar Mostefaï, il « faisait l’objet d’une fiche S pour radicalisation islamiste violente lorsqu’il parvient à rejoindre les rangs de Daech ». Le départ des deux hommes avait en outre été signalé à la DGSI par les services de sécurité turcs, cependant, toujours selon le rapport d’enquête parlementaire, Ismaël Omar Mostefaï « n’avait fait l’objet d’aucune surveillance avant le 13 novembre 2015 »… Ce rapport vient donc infirmer les propos du ministre de l’intérieurBernard Cazeneuve au lendemain des attentats affirmant que :

« La seule information dont nous avons disposé concernant le mouvement de ces terroristes nous est parvenue au lendemain des attentats[…] » qui constitue donc un mensonge éhonté.

De plus, selon le journal El Watan et Mondafrique, les services secrets algériens avaient averti dans le courant du mois d’octobre leurs partenaires français de la préparation d’une attaque terroriste dans la région parisienne. Le DRS algérien avait notamment fourni une liste de combattants radicaux français en contact avec Daech.

Dans sa note, le DRS avait signalé les agissements suspects de Omar Ismaël Mostefaï, l’un des auteurs de l’attaque du Bataclan, et avait constaté sa radicalisation lors de ses séjours en Algérie.

Une source du DRS citée par El-Watan affirme qu’Omar Ismaël Mostefaï était identifié comme membre d’une cellule de l’État Islamique chargé du recrutement…

Alors que les médias et la presse subventionnée se sont rangés comme un seul homme derrière l’exécutif français au lendemain des attaques terroristes de janvier 2015, appelant à « traquer ceux qui ne sont pas Charlie » et relayant complaisamment la campagne de l’exécutif ciblant le réseau Internet, érigé en bouc émissaire, le rapport de la commission parlementaire pointe enfin les véritables responsabilités de ces attaques terroristes : l’incompétence crasse des services de sécurité de l’état français. Gageons cependant, qu’en véritables petits soldats de l’exécutif, les médias français s’en tiendront malheureusement aujourd’hui comme hier à leur rôle de véhicule et de porte-paroles du pouvoir politique…

Guillaume Borel

13 juillet 2016

Guillaume Borel, est l’auteur de l’ouvrage Le travail, histoire d’une idéologie. Éditions Utopia, 2015.

 

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